CA Orléans, ch. civ., 28 mai 2024, n° 21/02106
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Body Mouv'37 (SAS)
Défendeur :
Magalhaes (SARL), Project Ingénierie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Conseillers :
M. Sousa, Mme Grua
Avocats :
Me Lerner, Me Laval, Me Bendjador, Me Cornu-Sadania
Exposé du litige
***
FAITS ET PROCEDURE :
La société Body Mouv'37 a procédé à des travaux d'aménagement d'une salle de sport à [Localité 4] (37).
Elle a confié à la société Project ingénierie la maîtrise d'oeuvre du chantier.
Le lot 'revêtement de sols et murs' a été attribué à la société Magalhaes.
La société Body Mouv'37 ayant constaté des désordres affectant le revêtement mural, elle a, par acte d'huissier en date du 11 septembre 2016, sollicité en référé une mesure d'expertise judiciaire.
Par ordonnance en date du 21 février 2017, une expertise judiciaire a été ordonnée et M. [I] a été désigné pour y procéder.
Par actes d'huissier en date des 14 et 16 février 2018, la société Body Mouv'37 a fait assigné la société Magalhaes et la société Project ingénierie à des fins conservatoires en sollicitant notamment un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
L'expert a déposé son rapport le 23 juin 2018.
Par jugement en date du 25 mai 2021, le tribunal judiciaire de Tours a :
- condamné la société Magalhaes à payer à la société Body Mouv'37 en réparation de son préjudice matériel résultant de la pose défectueuse d'un revêtement mural la somme de 1 111 euros Ttc avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- débouté la société Body Mouv'37 de ses demandes en indemnisation d'un préjudice immatériel ;
- débouté la société Body Mouv'37 de ses demandes formées contre la société Project ingénierie ;
- condamné la société Body Mouv'37 à payer à la société Magalhaes la somme de 2 514,30 euros Ttc avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- condamné la société Body Mouv'37 à payer à la société Project ingénierie la somme de 3 540 euros Ttc avec intérêts aux taux légal à compter du 7 novembre 2017 ;
- débouté la société Body Mouv'37 de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive ;
- débouté la société Body Mouv'37 , la société Magalhaes et la société Project ingénierie de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens qui incluent ceux de l'instance de référé et s'étendent aux frais d'expertise ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- rejeté en tant que de besoin toute autre demande plus ample ou contraire à la motivation.
Par déclaration en date du 21 juillet 2021, la société Body Mouv'37 a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.
Les parties ont constitué avocat et ont conclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2024.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er férvier 2024, la société Body Mouv'37 demande à la cour de :
- juger la société Body Mouv'37 recevable et bien fondée en son appel.
- confirmer que la société Magalhaes a engagé sa responsabilité à l'égard de la société Body Mouv'37 sur le fondement de la garantie de parfait achèvement.
Pour le surplus,
- infirmer le jugement rendu le 25 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Tours.
Et statuant à nouveau,
- condamner in solidum la société Magalhaes la société Project ingénierie au paiement d'une somme de 1 111 euros Ttc au titre de la reprise du désordre n°1, avec intérêt à taux légal à compter du dépôt du rapport d'expertise de M. [I], soit le 23 juin 2018.
- condamner in solidum la société Magalhaes et la société Project ingénierie au paiement d'une somme de 4 000 euros à la société Body Mouv'37 en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice esthétique subi.
- condamner in solidum la société Magalhaes et la société Project ingénierie au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de la résistance abusive de ces dernières.
- débouter la société Project ingénierie de sa demande relative au paiement du solde des honoraires non justifiés.
- débouter toutes les parties défenderesses de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
- condamner in solidum les mêmes parties à verser aux requérants la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel, de 1ère instance, de référé, en ce compris les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de
Me Lerner en application de l'Article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 13 février 2024, la société Magalhaes demande à la cour de :
- dire mal fondé l'appel de la société Body Mouv'37 '37 et bien fondé l'appel incident de société Magalhaes.
- juger en tant que de besoin que la société Magalhaes n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Body Mouv'37.
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Magalhaes à payer à la société Body Mouv'37 en réparation de son préjudice matériel résultant de la pose défectueuse d'un revêtement mural à la somme de 1 111 euros Ttc avec intérêt au taux légal à compter de la décision.
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Body Mouv'37 de ses demandes en indemnisation d'un préjudice immatériel.
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Body Mouv'37 à payer à la société Magalhaes la somme de 2 514,30 euros Ttc avec intérêt au taux légal à compter de la décision de première instance.
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Body Mouv'37 de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
- confirmer le jugement en qu'il a débouté la société Body Mouv'37 de sa demande formée sur l'article 700 du code de procédure civile.
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens qui incluent ceux d'instance de référé et s'étendent aux frais d'expertise et a débouté la société Magalhaes de sa demande au titre des frais irrépétibles.
- condamner la société Body Mouv'37 aux entiers dépens de référé, de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.
- débouter la société Body Mouv'37 de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- condamner la société Body Mouv'37 à payer à la société Magalhaes la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au titre des demandes de la société Project ingénierie,
- la débouter de toutes ses demandes fins et conclusions.
Subsidiairement,
- la condamner à garantir et relever indemne la société Magalhaes de toutes condamnations
qui seraient éventuellement prononcées à son encontre en ce compris les demandes principales et accessoires, frais irrépétibles et dépens, y compris les frais d'expertise.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er février 2024, la société Project ingénierie demande à la cour de :
À titre principal,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 25 mai 2021.
- débouter la société Body Mouv'37 de ses demandes dirigées contre la société Project ingénierie.
- débouter la société Magalhaes de ses demandes dirigées contre la société Project ingénierie.
- condamner la société Body Mouv'37 au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Cornu-Sadania.
- condamner la société Magalhaes au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Cornu-Sadania.
À titre Subsidiaire,
- débouter la société Body Mouv'37 de sa demande de condamnation « in solidum», de sa demande en indemnisation de préjudices immatériels et de sa demande en indemnisation d'une résistance abusive.
- débouter la société Magalhaes de ses demandes dirigées contre la société Project ingénierie.
- fixer la part responsabilité de la société Project ingénierie à 5% au maximum.
- condamner la société Magalhaes à garantir et relever indemne de toutes condamnations la société Project ingénierie.
- condamner la société Body Mouv'37 au paiement de la somme de 3 540 euros Ttc avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2017.
- condamner la société Body Mouv'37 au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Cornu-Sadania.
- condamner la société Magalhaes au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Cornu-Sadania.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
Motivation
MOTIFS
Sur les responsabilités encourues
Moyens des parties
La société Body Mouv'37 fait valoir que le revêtement mural posé par la société Magalhaes présente des plissements au droit des cuvettes de WC, auxquels cette société a refusé de remédier, que sa responsabilité est engagée dans le cadre de la garantie de parfait achèvement puisque c'est bien son ouvrage, à savoir le revêtement 'Sarlibain' qu'elle a posé, qui se trouve affecté de désordres. Elle est tenue d'une obligation de résultats.
A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'à supposer que la garantie de parfait achèvement ne puisse être mise en oeuvre, sa responsabilité contractuelle serait engagée.
La société Body Mouv'37 sollicite également la condamnation de la société Project Ingenierie, en sa qualité de maître d'oeuvre, à réparer ce dommage. Elle fait valoir que le maître d'oeuvre était chargé d'une mission complète, qu'il avait la possibilité de consulter les normes techniques et les Avis techniques et qu'il appartenait dès lors à la société Project Ingenierie, qui avait en charge la conception du projet, de consulter les documents techniques et d'interroger la société Magalhaes sur la solution appropriée afin d'éviter la survenance des désordres. Elle a donc failli tant à sa mission de conception qu'à son devoir d'information et de conseil. Elle a également manqué à sa mission d'assistance auprès du maître de l'ouvrage pour la levée des réserves, qui étaient de faible importance à réaliser.
La société Magalhaes soutient que ce n'est pas elle qui est tenue à garantie pour les plissements affectant le revêtement mural mais le plombier qui a posé les WC suspendus. Elle explique que la cause des désordres réside dans les mouvements, même infimes, de la cuvette du fait des utilisateurs, et que le remède consiste dans la pose d'une plaque pour fixer la cuvette. Or la solidité de la cuvette et l'absence de dommage consécutif à son utilisation relèvent de la responsabilité de l'entreprise de plomberie chargée de poser la cuvette. C'était à l'entreprise de plomberie, et non à elle-même, de poser cette plaque et d'intervenir sur le support des cuvettes. Elle précise qu'elle a d'ailleurs posé son revêtement avant que les cuvettes soient posées. Elle ajoute que si elle est bien tenue d'une obligation de résultat, elle n'est pas responsable si le résultat n'a pas été obtenu à raison du dommage causé par un autre prestataire.
La société Project Ingenierie soutient que sa responsabilité n'est pas engagée, qu'en effet ainsi que l'expert l'a expliqué, l'insertion d'une plaque intercalaire n'était pas imposée et relève de la conception de détail, et que le défaut d'insertion de cette plaque relève de la direction technique de la société Magalhaes et engage sa seule responsabilité. Il ajoute que s'agissant du défaut d'assistance à la levée des réserves, elle serait en tout état de cause sans lien de causalité avec les préjudices allégués.
Réponse de la cour
1°/ concernant la société Magalhaes
En application de l'article 1792-6, alinéa 2 du code civil :
'La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.'
La garantie de parfait achèvement couvre les désordres apparents lors de la réception et ayant fait l'objet de réserves, ainsi que ceux apparus dans le délai d'un an à compter de celle-ci.
En l'espèce, les désordres sont apparus et ont été signalés dans le délai d'un an prévu par ce texte.
Il est constant que l'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage et qu'il ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en établissant l'existence d'une cause étrangère, sauf à prouver que les désordres ne relèvent pas de sa mission (Cass. Com., 16 février 2010, n° 08-21.662).
En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le revêtement mural souple posé dans trois toilettes présente des plissements au droit des cuvettes de WC.
S'agissant de la cause des désordres, l'expert explique (page 9 de son rapport) :
'Quelle que soit la rigidité (qui ne peut pas être 'infinie' en cas de cloisons en placo) du dispositf de supportage des cuvettes, les plus infimes mouvements verticaux alternés de ces dernières, sous le poids des utilisateurs, se transmettent au revêtement dès lors qu'il existe un contact intime entre celui-ci et la surface d'appui des cuvettes (exigence formulée à l'article 2.317 de l'Avis Technique). Les mouvements s'étendent au film de colle, qui se trouve ainsi sollicité en 'cisaillement' (alors qu'il est conçu pour supporter essentiellement des contraintes de traction perpendiculaires à son plan. Il en résulte une rupture progressive de l'adhérence au support. Privé de son maintien par ledit support, le revêtement, de type acrylique, par nature déformable (phénomène de 'fluage') se boursouffle'.
Il explique que ce risque était clairement identifié à l'époque des travaux, par le biais de la nouvelle version de l'Avis Technique du procédé SARLIBAIN, et donc réputé connu des professionnels concernés.
L'expert explique que le remède, prévu par l'Avis Technique, consiste à utiliser une plaque intercalaire de protection et de répartition de contrainte adaptée (disposée par-dessus le revêtement mural et d'épaisseur minimale 1,5 mm) en résine ou acier inoxydable afin de consolider l'assemblage.
Il estime que la société Magalhaes, réalisatrice des travaux affectés par ces désordres, est, à ce titre, débitrice de cette garantie vis-à-vis du maître de l'ouvrage.
Il estime que la responsabiltié du maître d'oeuvre n'est en revanche pas engagée dans la mesure où l'origine de ce désordres relève de la 'conception de détail' des travaux du lot confié à la société Magalhaes, limitée à une toute petite partie de son marché, et que le petit détail de conception à l'origine de ce désordre ne devrait pas impliquer, même subsidiairement, le maître d'oeuvre.
La société Magalhaes estime que sa responsabilité ne saurait être engagée car il appartenait à l'entreprise de plomberie de poser cette plaque, qui relève de la prestation du plombier et non pas de celle du poseur de revêtement.
Est versé aux débats l'Avis Technique 12/12-1612*V2 relatif au revêtement mural 'Sarlibain', qui est le revêtement qui a en l'espèce été posé, dans sa version en vigueur à la date des travaux. Ce document consacre deux paragraphes au risque de boursouflure de ce revêtement en cas de pose d'un WC suspendu.
Au paragraphe 2. 317 'Equipements sanitaires suspendus', il est indiqué :
'Dans le cas de la mise en oeuvre d'une cuvette WC suspendue, son installation et son montage final sont à la charge de l'entreprise de plomberie. Il appartient à la maîtrise d'oeuvre de s'assurer de la conformité du bâti-support de cuvette par rapport aux spécifications des fabricants de ces éléments (rigidité, épaisseur et tenue mécanique', afin d'éviter en exploitation tout mouvement de celle-ci induit par les charges d'utilisation de l'appareil, qui pourraient à terme provoquer des désordres au niveau du revêtement mural.
En outre, les dispositions nécessaires devront être prévues le cas échéant pour s'assurer que toute la surface d'appui de la cuvette WC soit en contact avec la paroi verticale revêtue, en tenant compte de la surépaisseur due à la remontée en plinthe'.
Au paragraphe 3.4 'Risque de boursouflures sur le revêtement mural dans le cas de cuvettes WC suspendues', il est indiqué :
'Dans le cas d'un WC suspendu, en l'absence de renfort spécifique, le risque de boursouflure sur le revêtement mural à la jonction du WC avec la plaque de plâtre support du fait du serrage des fixations et du fléchissement répété de celle-ci ne peut pas être exclu ; l'interposition d'une plaque rigide au choix du Maître d'oeuvre est une solution de renforcement de la rigidité de la paroi qui peut permettre de limiter ce risque'.
Le risque de boursouflures du revêtement dans le cas précis de WC suspendus était donc parfaitement connu, et le remède identifié, lorsque la société Magalhes a posé ce revêtement.
Il l'était d'autant plus de la société Magalhaes qu'elle produit un rapport d'expertise du cabinet Cabaret, en date du 15 janvier 2013 donc antérieur aux travaux en cause en l'espèce, dans lequel l'expert indique 'Lors de cette réunion, nous avons appris que le 'mode de pose GEBERIT' prévu n'était pas adapté avec ce type de revêtement mural. Aujourd'hui, le fabricant demande des compléments pour éviter ce type de désordres maintenant connus du fabricant'. Si dans ce cas, la responsabilité du plombier avait été retenue dès lors que l'expert avait constaté un 'jeu non négligeable entre la plaque du bâti et la tige filetée', de sorte que la pose des WC elle-même présentait des désordres, tel n'est pas le cas en l'espèce où l'expert n'a relevé aucun défaut dans la pose des trois WC suspendus concernés par les boursouflures.
C'est bien à celui qui pose le revêtement, et à qui il appartient d'en connaître les spécificités, les contraintes techniques et les risques, de prendre les dipositions nécessaires pour que le revêtement qu'il pose soit compatible avec l'usage qui en est attendu et adapté aux contraintes matérielles du lieu, donc en l'espèce à la pose de WC suspendus.
Or en l'espèce, la société Magalhaes n'a pas pris les mesures préventives préconisées par le fabricant, et ne justifie pas même avoir avisé le maître d'oeuvre du risque existant et de l'existence de mesures préventives visant à éviter le risque de boursouflure en cas de pose de WC suspendus sur ce revêtement.
Il ne saurait être valablement soutenu que c'est le plombier qui aurait commis une faute en ne posant pas la plaque intercalaire préconisée par l'Avis technique alors que le plombier ne pouvait connaître quant à lui les spécicifités de ce revêtement mural, qui ne relevait pas de son domaine de compétence, pas plus que les précautions particulières à prendre lorsqu'il est posé sur un mur devant supporter un WC suspendus. L'expertise ne met nullement en évidence un quelconque défaut dans la pose des WC par le plombier et dans leur stabilité. Le risque de boursouflures est inhérent au 'serrage des fixations (des WC suspendus) et au fléchissement répété de celle-ci' (selon l'Avis Technnique).
S'agissant des autres rapports d'expertise invoqués par la société Magalhaes, il sera relevé que l'expert, interrogé sur ce point, a répondu précisément dans son rapport en indiquant ( pages 17 et 18) 'Les rapports que vous produisez sont nettement antérieurs aux nouvelles versions des Avis Techniques. Leurs auteurs ne bénéficiaient donc pas des informations disponibles lors des travaux de la présente opération. Mais aussi et surtout, il existait, dans chacun de ces dossiers, une cause étrangère au revêtement (...). En la présente esoèce, rien de cela n'existe '. Il ajoute qu'en l'espèce 'Aucune faute n'a pu être imputée au plombier'.
Force est de constater en effet que l'Avis Technique du système Sarlibain date de mars 2015, de sorte que l'appréciation des responsabilités encourues a pu être différente lorsque la pose du revêtement a été faite avant cette date. Surtout, ainsi que l'a relevé le premier juge, une cause étrangère au revêtement avait été identifiée dans chacun des rapports en cause. En tout état de cause, l'appréciation des responsabilités faites dans d'autres dossiers par d'autres techniciens ne lient pas la présente juridiction qui est libre d'apprécier les responsabilités encourues en considération des éléments de l'espèce.
La société Magalhaes, tenue d'une obligation de résultats, laquelle l'obligeait à poser un revêtement ne présentant pas de défaut esthétique, en ce compris sur des murs destinés à accueillir des WC suspendus, devait, ainsi que l'a exactement retenu le premier juge, prendre les mesures propres à éviter l'apparition de tels défauts en consdiération de cette particularité technique, en posant, ou au moins en conseillant la pose, d'une plaque intercalaire comme préconisé par l'Avis Technique, d'autant que pour y avoir déjà été confrontée, elle n'ignorait pas ce risque.
La société Magalhaes est donc tenue, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement puisque le désordre esthétique qui en est résulté est apparu et a été signalé dans l'année suivant la réception, de réparer ce défaut et les conséquences en résultant.
2°/ concernant la société Project Ingenierie, maître d'oeuvre
S'agissant de la responsabilité du maître d'oeuvre, tenu à l'égard du maître de l'ouvrage sur le fondement de la responsabilité contractuelle, l'expert a retenu que (page 10 et 11) : 'La question qui se posait était de savoir si un autre intervenant (en l'occurence le maître d'oeuvre, non assujetti à la GPA) était susceptible d'être également impliqué. L'origine de ce désordre relève de la 'conception de détail' des travaux du lot confié à l'entrprise Magalhaes, limitée à une toute petite partie de son marché (le revêtement mural au droit des quatre cuvettes de WC)'.
Il conclut : 'En définitive, dans ce contexte, mon avis est que le petit détail de conception à l'origine du désordre n°1 ne devrait pas impliquer, même subsidiairement, le maître d'oeuvre. Il incombait à la société Magalhaes de recueillir l'avis du fabricant du procédé choisi par elle-même sur la nécessité ou non, sur ce chantier, de prévoir des plaques intercalaires. Il reviendra bien évidemment au tribunal de statuer'.
En réponse à un dire, page 18; il précise 'il me semble impossible de l'impliquer dans un tel contexte et pour un problème technique aussi ponctuel à l'échelle de l'opération dont il avait la charge de la conception générale et du suivi de chantier. J'admets que ma position aurait été nécessairement différente s'il s'était agi (comme dans les rapports que vous produisez) d'un sinistre nécessitant des réparations sur plusieurs dizaines de cuvettes'.
Toutefois, il résulte de l'Avis Technique que le maître d'oeuvre doit 's'assurer de la conformité du bâti-support de cuvette par rapport aux spécifications des fabricants de ces éléments (rigidité, épaisseur et tenue mécanique), afin d'éviter en exploitation tout mouvement de celle-ci induit par les charges d'utilisation de l'appareil, qui pouraient à terme provoquer des désordres au niveau du revêtement mural'.
La société Magalhaes s'est vue confier le lot n°4, qui prévoyait notamment s'agissant des revêtements sols et murs des pièces humides, l'utilisation d'un système 'Taradouche de chez GERFLOR ou techniquement équivalent', avec mise en oeuvre à réaliser conformément aux prescriptions de la norme NF P (..). et suivant mode de pose du fabricant. Il était prévu : 'NOTA IMPORTANT : Le présent lot devra fournir l'avis technique du concept utilié afin que celui-ci soit compatible avec les matériaux utilisés pour les cloisons' (page 4 du CCTP).
Le maître d'oeuvre, qui avait sollicité la communication de l'Avis Technique, avait donc également connaissance du risque de boursouflures en cas de pose du revêtement sur un mur devant accueillir des WC suspendus, et les préconisations tenant à la pose d'une plaque intercalaire pour éviter ce risque.
Dans la mesure où il était chargé de la conception du projet, il lui appartenait de s'assurer que les précautions nécessaires étaient prises pour éviter le risque de boursouflures clairement identifié dans l'Avis Techique qu'il s'était fait communiquer.
Le fait que le problème ne concerne que trois toilettes, et soit donc résiduel à l'échelle du chantier, ne saurait exonérer le maître d'oeuvre de sa responsabilité à ce titre.
Il a donc commis une faute contractuelle en ne s'assurant pas que le revêtement était adapté à la pose de WC suspendus et que les préconisations du fabricant avaient été suivies pour éviter le risque, clairement mis en évidence dans l'Avis Technique, de boursouflures au droit des cuvettes de WC suspendues.
En conséquence, la société Magalhaes et la société Projet Ingenierie seront condamnées in solidum à indemniser la société Body Mouv'37 à ce titre.
La société Body Mouv'37 demande à voir courir les intérêts sur cette somme à compter de la date de dépôt du rapport d'expertise, le 23 juin 2018.
En application de l'article 1231-7 du code civil :
Il n'est pas justifié de circonstances particulières justifiant de déroger au principe posé par cet article de sorte que la demande de la société Body Mouv'37 sera rejetée.
Sur l'indemnisation des préjudices
Moyens des parties
La société Body Mouv'37 sollicite une somme de 1111 euros TTC au titre des travaux de reprise tels qu'évalués par l'expert. Elle sollicite en outre l'allocation d'une somme de 4000 euros au titre de son préjudice de jouissance et de son préjudice esthétique. Elle fait valoir en effet que les désordres sont esthétiques mais ont nui à son image de marque puisqu'elle venait d'ouvrir sa première salle de sport à [Localité 4], que le préjudice esthétique est permanent puisque pour le résoudre il faut apposer une plaque qui ne figurait pas dans le projet initial. Enfin, elle subira un préjudice de jouissance pendant la réalisation des travaux de reprise puisqu'il conviendra de fermer un toilette sur les 4 que comporte la salle de sport, ce qui occasionnera une gêne, notamment s'agissant des toilettes handicapés puisqu'il n'y en a qu'un pour chaque sexe.
Réponse de la cour
* sur le préjudice matériel
L'expert préconise la pose d'une plaque intercalaire dans les quatre toilettes équipés de cuvettes suspendus, y compris celui exempt de désordres pour prévenir leur éventuelle survenance. Il chiffre les travaux de reprise à la somme globale de 1010 euros HT soit 1111 euros TTC.
Ces travaux réparatoires apparaissent justifiés et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli cette demande.
* sur les préjudices esthétique et de jouissance
S'agissant en premier lieu de préjudice esthétique, il convient de relever que si celui-ci n'est pas inexistant puisqu'en effet le revêtement de trois des toilettes est affecté de boursouflures au droit de la cuvette, un tel préjudice, qui n'affecte pas le lieu le plus en vue de l'établissement, quand bien même leur fréquentation est importante, et qui de surcroît est très localisé, peut être qualifié de faible.
S'agissant du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux, il convient de relever que les troubles générés par les travaux de reprise, qui monopoliseront un par un chaque toilette pour une durée brève alors que l'établissement en compte quatre, ne généreront pas de préjudice de jouissance significatif, quand bien même il obligerait pour une durée brève l'utilisation ponctuelle par un client handicapé du toilette affecté à l'autre sexe.
En conséquence, le préjudice esthétique, qui dure depuis novembre 2015, sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros.
Sur la contribution à la dette
Moyens des parties
La société Project Ingenierie fait valoir que si sa responsabilité devait être retenue, alors, compte tenu de la faute de la société Magalhaes qui est selon l'expert la seule à l'origine des désordres, il conviendrait de retejer toute condamnation in solidum et de limiter sa responsabiltié à 5% maximum, et de condamner la société Magalhaes à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle.
Réponse de la cour
Le juge, saisi d'un recours exercé par une partie condamnée in solidum, à l'encontre de l'un de ses coobligés, est tenu de statuer sur la contribution de chacun d'eux à la condamnation (3ème Civ., 22 juin 1994 n°92-20.158 ; 1ère Civ., 29 novembre 2005, n°02-13.550 ; 3ème Civ., 28 mai 2008, n°06-20.403).
Dans les relations entre co-débiteurs tenus in solidum, les responsables ne peuvent exercer de recours qu'à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil et 1231-1 nouveau du code civil s'ils sont contractuellement liés.
Un codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut donc, comme le codébiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les parts et portions de chacun d'eux.
Il convient donc de caractériser, dans les rapports entre coobligés, la faute de chacun en lien causal avec les désordres de construction qu'ils sont tenus de garantir (3ème Civ., 11 mai 2022, n°19-10.226).
Le préjudice subi par la société Body Mouv'37 étant la conséquence des fautes commises par la société Magalhaes et par la société Project Ingenierie, elles seront condamnées in solidum à le réparer à l'égard de la société Body Mouv'37 .
S'agissant de leur part de responsabilité respective, les fautes commises par la société Magalhaes et par la société Project Ingenierie, qui pour l'une n'a pas suivi les recommandations de l'Avis technique du produit qu'elle posait, et pour l'autre ne s'est pas assurée de la mise en oeuvre des préconisations visant à éviter le risque de boursouflures expressément mentionné dans l'Avis technique qu'il s'était fait communiquer, ont contribué pour moitié à la survenance du désordre.
Par conséquent, il convient de dire que dans leur recours entre elles, les co-obligés seront garanties des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé. La charge finale des condamnations de ce chef sera donc répartie entre les parties au prorata des responsabilités ci-dessus retenues.
Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive
Moyens des parties
La société Body Mouv'37 estime que la résistance abusive des sociétés Magalhaes et Project Ingenierie lui a causé un préjudice justifiant leur condamnation en paiement d'une somme de 5000 euros. Elle souligne que le montant de la réparation est dérisoire au regard du coût engendré par une telle procédure, qu'elle a signalé cette malfaçon le 27 novembre 2015 et qu'elle a attendu le dernier jour de la garantie de parfait achèvement pour agir, pensant que la société Magalhaes procéderait à la reprise de ce désordre.
Réponse de la cour
Le refus de la société Project Ingenierie et de la société Magalhaes de réparer les désordres constatés, bien que mal fondé, ne saurait pour autant caractériser un abus dans leur droit de faire déterminer les responsabilités encourues en justice compte tenu de leur désaccord avec l'analyse de la société Body Mouv'37 et avec les conclusions de l'expert s'agissant de la société Magalhaes.
La demande de dommages et intêrêts de la société Body Mouv'37 sera rejetée.
Sur la demande en paiement du solde des travaux par la société Magalhaes
Moyens des parties
La société Magalhaes sollicite le paiement du solde de son marché, soit
2 514,30 euros TTC.
La société Body Mouv'37 demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné à payer à la société Magalhaes le solde de sa facture.
Réponse de la cour
La société Body Mouv'37, qui ne fait valoir aucun moyen justifiant le défaut de paiement d'une facture correspondant à des prestations qui ont été exécutées par la société Magalhaes, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de cette somme.
Sur la demande en paiement formée par la société Project Ingenierie
Moyens des parties
La société Project Ingenierie sollicite le paiement d'une facture d'un montant de 3 540 euros TTC (2950 euros HT).
La société Body Mouv'37 fait valoir que la facture dont la société Project Ingenierie demande le paiement ne lui a d'une part jamais été adressée, et ne correspond à aucune prestation réellement exécutée. Elle ajoute que la situation n°05 du 30 novembre 2015, intitulée 'situation n°5 FINALE' était la dernière à régler.
Réponse de la cour
La société Project Ingenierie demande le paiement d'une facture d'un montant HT de 2950 euros, au titre de la 'mission architecte'.
Contrairement à ce que soutient la société Body Mouv'37, elle a accepté la proposition d'honoraires datée du 13 mai 2015 de la société Project Ingenierie, prévoyant :
- montant d'honoraires Offre de base : 11 900 euros HT ;
- plus-value pour mission d'architecte (propositions d'aménagement, choix des couleurs) : 2 950 euros HT ;
Il en résulte qu'elle a bien confié à la société Project Ingenierie la réalisation d'une mission 'architecte', pour un montant de 2950 euros HT.
Quant à l'exécution des prestations comprises dans cette mission, portant sur des propositions d'aménagement ou encore le choix des couleurs, la société Body Mouv'37 , qui ne justifie pas s'être jamais plaint du défaut d'exécution de cette prestation, prétend vainement que cette prestation n'aurait pas été exécutée s'agissant des propositions d'aménagement, et alors, s'agissant du choix des couleurs, qu'ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, le paragraphe 4.2.2.3 du lot n°4 prévoit 'les coloris seront effectués suivant choix arrêtés par le Maître de l'Ouvrage et le Maître d'Oeuvre sur la palette complète du fabricant'.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Project Ingenierie au paiement de cette somme.
Sur les demandes accessoires
La société Magalhaes et la société Project Ingenierie seront tenues in solidum des dépens, en ce compris ceux de l'expertise judiciaire.
Les circonstances de la cause justifient de les condamner à payer in solidum à la société Body Mouv'37 une somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en ce qu'il :
- condamne la société Body Mouv'37 à payer à la société Magalhaes une somme de 2514,30 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision;
- condamne la société Body Mouv'37 à payer à la société Project Ingenierie la somme de 3540 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2017 ;
- déboute la société Magalhaes de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE in solidum la société Magalhaes et la société Project Ingenierie à payer à la société Body Mouv'37 une somme de 1111 euros TTC ;
REJETTE la demande de la société Body Mouv'37 tendant à voir courir les intérêts sur cette somme à compter du dépôt du rapport d'expertise ;
CONDAMNE in solidum la société Project Ingenierie et la société Magalhaes à payer à la société Body Mouv'37 une somme de 500 euros en réparation du préjudice esthétique ;
DIT que dans les rapports entre co-obligés in solidum, les co-obligés contribueront à ces condamnations dans les proportions suivantes :
- la société Magalhaes : 50% ;
- la société Project Ingenierie : 50% ;
CONDAMNE la société Magalhaes à garantir la société Project Ingenierie à hauteur de 50% des condamnations prononcées à son enconte ;
CONDAMNE la société Project Ingenierie à garantir la société Magalhaes à hauteur de 50% des condamnations prononcées à son encontre ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Magalhaes et Project Ingenierie à payer à la société Body Mouv'37 une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Magalhaes et Project Ingenierie aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Anne-Sophie Lerner en application de l'article 699 du code de procédure civile.