CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 mai 2024, n° 21/18506
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SPSD (SARL)
Défendeur :
PGS Beynel (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bodard-Hermant
Conseillers :
Mme Depelley, M. Richaud
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Derot, Me Rault
FAITS ET PROCEDURE
Les parties et leurs relations
La SARL SPSD exerce depuis le 8 mars 2002 une activité de fourniture de prestations de montage de caisses-palettes et de caisses en bois.
La SAS PGS Beynel a pour activité principale la fabrication d'emballages en bois destinés à contenir des productions agricoles.
Depuis sa création, la SARL SPSD, dont le gérant, monsieur [E], collaborait avec la SAS PGS Beynel depuis le début des années 1990 en qualité de salarié d'une société tierce puis en son nom propre, réalisait, à la demande de cette dernière, des missions de prestations de montage et de clouage de caisses-palettes (Palox) et de caisses en bois sur son site de production situé sur la commune du Teich (33470) ou directement chez ses clients.
Ces relations commerciales, qui n'étaient encadrées par aucun contrat écrit, se dégradaient courant 2018 à l'occasion de deux chantiers à [Localité 2] et [Localité 3] (Espagne) à raison d'un désaccord sur le prix unitaire de la caisse-palette. La SAS PGS Beynel ayant refusé, par courriel du 12 avril 2018, de régler la somme sollicitée par la SARL SPSD, calculée sur un prix unitaire de 7 euros et non de 6 euros comme son partenaire commercial le souhaitait, cette dernière a notifié par courriel du 17 avril 2018 la cessation de ses opérations sur le chantier espagnol en voie d'achèvement.
Les parties se réunissaient le 17 juillet et les 3 et 28 août 2018 pour définir les conditions de la reprise de leurs relations et la SAS PGS Beynel confiait à la SARL SPSD quatre nouveaux chantiers entre septembre et octobre 2018.
Par courriers des 21 novembre et 14 décembre 2018, la SARL SPSD a dénoncé l'absence de commandes ultérieures en sollicitant l'indemnisation de son manque à gagner puis la reconnaissance du statut de travailleur salarié de son gérant. Enfin, par lettre de son conseil du 1er octobre 2019, elle invitait la SAS PGS Beynel à régler amiablement leur différend sur la rupture des relations commerciales.
C'est dans ces circonstances que la SARL SPSD a, par acte d'huissier signifié le 17 avril 2020, assigné la SAS PGS Beynel devant le tribunal de commerce de Bordeaux en indemnisation des préjudices causés par la rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement du 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a rejeté les demandes des parties et condamné la SARL SPSD à payer à la SAS PGS Beynel la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe le 22 octobre 2021, la SARL SPSD a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique 19 juillet 2022, la SARL SPSD demande à la cour, au visa des articles L 442-6 et D 442-3 anciens du code de commerce :
de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 25 juin 2021 en ce qu'il a jugé que les société SPSD et PGS Beynel entretenaient depuis 24 ans une relation commerciale établie au sens de l'ancien article L 442-6 du code de commerce et en ce qu'il a débouté la SAS PGS Beynel de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 25 juin 2021 en ce qu'il a jugé que la SARL SPSD était à l'origine de la rupture et, en ce qu'il a en conséquence :
débouté la SARL SPSD de l'ensemble de ses demandes ;
condamne la SARL SPSD à payer à la SAS PGS Beynel sas la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamne la SARL SPSD aux dépens ;
statuant à nouveau, de juger que la SAS PGS Beynel a engagé sa responsabilité délictuelle envers la SARL SPSD en rompant brutalement leurs relations commerciales établies ;
de condamner la SAS PGS Beynel à payer à la SARL SPSD la somme de 311 506,14 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de leurs relations commerciales établies ;
de condamner la SAS PGS Beynel à payer à la SARL SPSD la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
de condamner la SAS PGS Beynel aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 février 2024, la SAS PGS Beynel demande à la cour, au visa des articles L 442-6 I 5° ancien du code de commerce et 1104 du code civil :
de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 25 juin 2021 en ce qu'il jugé que la SARL SPSD était à l'origine de la rupture brutale des relations commerciales et a dès lors :
débouté la SARL SPSD de l'ensemble de ses demandes ;
condamné la SARL SPSD à payer à la SAS PGS Beynel la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SARL SPSD aux dépens ;
d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 25 juin 2021 en ce qu'il a débouté la SAS PGS Beynel de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
statuant à nouveau, de condamner la SARL SPSD à payer à la SAS PGS Beynel la somme de 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;
de condamner la SARL SPSD à payer à la SAS PGS Beynel la somme de 20 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
de condamner la SARL SPSD aux entiers dépens.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la SARL SPSD expose que la relation commerciale, dont le caractère établi est constant, a débuté avec monsieur [E] en 1994 et a ainsi duré 24 ans au jour de la rupture, celle-là n'ayant été constituée que pour poursuivre aux mêmes conditions l'activité exercée en son nom propre par celui-ci. Elle explique que la rupture ne réside pas dans l'incident du chantier de [Localité 3], quatre chantiers lui ayant été ultérieurement confiés et exécutés sans heurt, mais dans la cessation de toute commande à compter du mois de novembre 2018 en dépit des assurances données en août 2018 par la SAS PGS Beynel. Elle estime que cette rupture totale et sans préavis imputable à cette dernière est brutale et que le préavis éludé est de 30 mois au regard de la durée de la relation, de son état de dépendance économique et des man'uvres trompeuses déployées par la SAS PGS Beynel. Elle calcule son préjudice sur la base de la marge sur coût variable moyenne dégagée sur les années 2015 à 2017 (10 383,54 euros par mois), l'année 2018 affectée par la rupture n'étant pas représentative. Elle ajoute que sa mise en sommeil temporaire entre 2019 et 2022 est sans incidence sur son indemnisation.
En réponse, la SAS PGS Beynel expose que la SARL SPSD, qui a bénéficié durant la relation d'une augmentation significative de ses tarifs, a tenté de mauvaise foi de lui imposer, en cours d'exécution du chantier de [Localité 3], une hausse du prix unitaire de la caisse-palette et a, faute d'obtenir satisfaction, rompu les relations en abandonnant le chantier et en ne se manifestant plus jusqu'au mois de juillet 2018. Elle ajoute que, si des chantiers ont été confiés à la SARL SPSD en septembre et octobre 2018 dans le cadre des discussions menées de bonne foi pour favoriser la reprise des relations malgré la saisonnalité de la production, cette dernière, dont l'activité était entravée par les problèmes de santé de son gérant et par son manque de trésorerie, a de nouveau, d'initiative, mis un terme le 21 novembre 2018 au partenariat sans attendre la communication du prévisionnel annoncé pour la saison prochaine. Elle en déduit que la rupture ne lui est pas imputable.
Subsidiairement, elle précise que l'état de dépendance économique allégué est sans pertinence et n'est pas prouvé, la SARL SPSD, encouragée à diversifier sa clientèle, n'étant soumise à aucune exclusivité et disposant de nombreux clients alternatifs. Elle conteste enfin le principe et la mesure du préjudice allégué calculé, non en considération de la marge sur coûts variables, mais au regard du seul chiffre d'affaires et déterminé en considération d'exercices pour partie non pertinents, l'activité de la SARL SPSD étant de surcroît presque systématiquement déficitaire depuis 2015.
Réponse de la cour
En application de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
Sur les caractéristiques de la relation
Au sens de ce texte, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n'implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n'est soumise à aucun formalisme quoiqu'une convention ou une succession d'accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d'un simple courant d'affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu'elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale »). La poursuite de la relation par une personne distincte de celle qui l'a nouée initialement ne fait pas obstacle à sa stabilité en présence d'une transmission universelle de patrimoine et, à défaut, si des éléments démontrent que la commune intention des parties était de continuer la même relation (en ce sens, Com., 10 février 2021, n° 19-15.369).
Quoiqu'elle ait débuté en 1994 avec monsieur [E] agissant en son nom propre, la SAS PGS Beynel ne conteste ni le caractère établi des relations ni leur ancienneté, de 24 ans au jour de la rupture des relations commerciales courant 2018. Malgré l'absence d'exclusivité imposée en droit à la SARL SPSD, les relations n'ayant jamais été encadrées par un contrat écrit en dépit d'un projet de 2011 (pièce 7 de l'appelante), celle-ci a dédié son activité à la SAS PGS Beynel et a réalisé un chiffre d'affaires annuel moyen avoisinant 159 000 euros sans variation notable entre 2012 et 2017. Il s'établit à 68 188 euros en 2018, 162 547 euros en 2017, 174 323 euros en 2016 et 144 293 euros en 2015 (pièce 6 de l'appelante).
Sur l'imputabilité de la rupture des relations
L'article L 442-6 I 5° du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l'agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Celui-ci, qui s'apprécie au moment de la notification ou de la matérialisation de la rupture, s'entend du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement en bénéficiant, sauf circonstances particulières, d'un maintien des conditions antérieures (en ce sens, Com., 10 février 2015, n° 13-26.414), les éléments postérieurs ne pouvant être pris en compte pour déterminer sa durée (en ce sens, Com, 1er juin 2022, n° 20-18960). Les critères pertinents sont notamment l'ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, l'éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. En revanche, le comportement des partenaires consécutivement à la rupture est sans pertinence pour apprécier la suffisance du préavis accordé. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 et Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966).
Il ressort de la correspondance électronique des 12 et 15 avril 2018 (pièces 13 et 15 de l'appelante) que la SARL SPSD a sollicité, en cours d'exécution d'un chantier à [Localité 3] en Espagne, un prix de 7 euros par caisse et que, face au refus de la SAS PGS Beynel qui souhaitait un prix unitaire de 6 euros, son gérant écrivait :
Si [Y] dit « niet », je lui réponds « ça suffit de me prendre pour un con ». Il faut que [Y] comprenne que je ne [peux] plus supporter ces conditions tarifaires.
7 euros la caisse, trop chère (sic) ' Le chantier me revient à 1 400 euros et nous sommes 3 à bosser. Quid des charges ' Et je ne parle même pas de la pénibilité du travail. Je ne vais quand même pas travailler à perte pour que [Y] soit satisfait.
[Y] applique les conditions tarifaires de 2008, or en 10 ans, tout a augmenté (gazole, hôtels, restauration) sauf le prix des caisses.
Qui peut accepter aucune augmentation en 10 ans ' Pour ma part, ce n'est plus possible.
A défaut d'acceptation de la facture adressée, qui par ailleurs, est justifiée par rapport aux charges et au travail fourni, je mettrai fin à notre collaboration car je n'en peux plus. Qui plus est, le travail en réparation c'est pas ce qui manque'
Aussi, merci de me transmettre dès demain le prix de la caisse que je monte actuellement (client Bonduelle) en Espagne car si le prix ne convient pas, je mets fin au chantier dès demain.
Je n'ai jamais voulu en arriver là, mais [Y] doit prendre conscience de la réalité de la dureté de mon travail tant au niveau physique que financier. Le refus d'augmentation du montage des caisses, qui est pourtant plus que justifiée, est un manque de reconnaissance à mon égard après 26 ans de loyaux services. Et là, j'arrive à bout.
Je te remercie ['] de transmettre le présent mail à [Y] et aussi de me communiquer le prix de la caisse que je réalise actuellement en Espagne, pour savoir si je continue le chantier ou si j'y mets fin demain ['].
Ce courriel révèle de manière univoque que :
la SARL SPSD a, sous la menace d'un abandon de chantier et d'une rupture totale des relations commerciales, tenté d'imposer une augmentation du prix unitaire de la caisse sans avoir émis la moindre réserve à ce titre lors de l'acceptation de la commande malgré la localisation connue du chantier en Espagne ;
la réclamation portait sur une majoration d'un euro par rapport aux tarifs « négociés en 2008 » et pratiqués depuis par les parties, sauf variation ponctuelle ou impliquée par la taille des caisses montées (pièce 14 de l'appelante).
Après une relance le 16 avril 2018 (sa pièce 15), la SARL SPSD indiquait à la SAS PGS Beynel le lendemain qu'elle mettait fin au chantier « en raison d'un désaccord sur le prix de la caisse facturée » et qu'elle se tenait à sa disposition dès qu'elle serait prête « à échanger de manière constructive » (sa pièce 16). Le 17 mai 2018, soulignant l'absence de réponse de la SAS PGS Beynel, elle lui adressait une facture mentionnant un prix unitaire de 8 euros (ses pièces 11, 17 et 18). Ce n'est que le 17 juillet 2018 que monsieur [E] prenait l'initiative de se rapprocher de la SAS PGS Beynel (pièce 20 de l'appelante).
Contrairement à ce que soutient la SARL SPSD, dont le bienfondé éventuel des prétentions tarifaires est sans pertinence à raison de l'irrégularité formelle manifeste de leur imposition, cette séquence ne se résume pas à un mouvement d'humeur de son gérant constituant un évènement isolé sans portée juridique. La menace clairement formulée d'abandonner le chantier mais également de rompre les relations a été effectivement mise à exécution, sa concrétisation étant prolongée et confirmée par :
l'envoi d'une facture ne tenant aucun compte du refus de son interlocuteur, que légitimait pourtant la pratique antérieure ancienne des parties reconnue par monsieur [E] lui-même, et qui comportait au contraire une majoration de l'augmentation exigée. Cette attitude exprime un refus net de négocier, fort éloigné de la démarche « constructive » annoncée dans le courriel du 16 avril 2018 et indispensable à un recommencement ou une reprise de la relation ;
la cessation de toute collaboration pendant trois mois, durant une période de forte activité habituelle.
Aussi, la SARL SPSD a rompu d'initiative les relations commerciales le 16 avril 2018 et les réunions organisées les 17 juillet et 3 août 2018 n'étaient destinées qu'à déterminer les conditions de « reprise des relations commerciales » postérieurement à cette rupture consommée, qualifiée de « coup d'arrêt » par les parties (pièces 20 à 22 de l'appelante). En cette occasion, la direction de la SAS PGS Beynel, qui s'engageait à donner les coordonnées de monsieur [E] à ses clients paysans désireux de bénéficier de son système breveté de réparation de Palox, validait le principe d'une reprise du partenariat, confiait à la SARL SPSD un chantier sur site à Teich, retardé à raison des problèmes de santé de monsieur [E], et lui proposait de lui adresser un prévisionnel en septembre pour négocier ses tarifs, à charge pour ce dernier de communiquer une étude de prix. Après relance du 22 août 2018 de monsieur [E] qui n'avait pas transmis cette dernière (pièce 4 de la SAS PGS Beynel), ces orientations étaient confirmées lors d'un ultime rendez-vous du 28 août 2018 à l'occasion duquel la SARL SPSD, qui se voyait par ailleurs proposer la signature d'un contrat de sous-traitance, déplorait un manque de trésorerie de 100 000 euros que le carnet de commandes de la SAS PGS Beynel, peu rempli en fin de saison, ne pouvait toutefois permettre de combler (ses pièces 23 à 25). Entre le 3 septembre et le 10 octobre 2018, la SARL SPSD effectuait quatre chantiers (ses pièces 26 à 30).
Par courrier du 21 novembre 2018, la SARL SPSD expliquait n'avoir exécuté qu'un chantier depuis le mois de mai 2018 et mettait en demeure la SAS PGS Beynel de lui régler 30 % de la somme de 80 161 euros correspondant à son « manque à gagner par rapport à l'année 2017 » directement lié « au blocus réalisé injustement par [son ancien interlocuteur au sein de la SAS PGS Beynel] » (sa pièce 31). Par lettre de son conseil du 14 décembre 2018, monsieur [E] sollicitait, sous la menace d'une action judiciaire, la reconnaissance de son statut de travailleur salarié que la SAS PGS Beynel lui refusait immédiatement (pièces 9 et 10 de l'intimée). Enfin, par courrier de son conseil du 1er octobre 2019, la SARL SPSD adoptait une nouvelle position, désormais également abandonnée, en dénonçant l'imposition de tarifs abusivement bas lors des chantiers de mars et avril 2018 et la rupture brutale des relations commerciales établies par la SAS PGS Beynel matérialisée par l'absence de réponse à son courrier du 21 novembre 2018 (pièce 32 de l'appelante).
Même en adoptant la lecture des évènements de la SARL SPSD et en analysant les chantiers de septembre et octobre 2018 comme la reprise d'une relation simplement interrompue durant trois mois, son comportement suffit à lui rendre imputable la cessation de toute collaboration à compter du mois de novembre 2018. En effet, alors qu'elle ne conteste pas que la saisonnalité, soulignée lors de la réunion du 28 août 2018, de l'activité de la SAS PGS Beynel, directement dépendante de la production agricole, impliquait celle du montage de caisses, inéluctablement très réduite en période hivernale, la SARL SPSD a, sans attendre la communication du prévisionnel annoncé pour la saison suivante qui était encore lointaine, sollicité le comblement partiel d'un manque de trésorerie dont elle était pourtant exclusivement responsable avant de faire volte-face en réclamant la reconnaissance d'un statut qu'elle ne revendique désormais plus. En adoptant de manière très prématurée ce positionnement flottant mais résolument contentieux qui était exclusif de la poursuite du dialogue récemment rétabli et faisait obstacle à la continuation des relations que la SAS PGS Beynel avait de bonne foi tenté de préserver malgré la faute de la SARL SPSD lors du chantier de [Localité 3], cette dernière a, d'initiative et sans pouvoir justifier d'un manquement quelconque de son partenaire à ses obligations, rompu définitivement les relations commerciales.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SARL SPSD au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.
2°) Sur la procédure abusive
En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Au sens de ces textes, l'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.
Il est exact que la SARL SPSD, qui ne pouvait se méprendre sur les conséquences de son comportement malgré la tentative de reprise des relations commerciales menée de bonne foi par la SAS PGS Beynel, a agi avec une légèreté certaine. Cependant, cette dernière ne démontre pas le principe et la mesure du préjudice qu'elle allègue ni qu'il soit distinct de celui né de la nécessité de se défendre en justice qui est exclusivement réparé par l'allocation d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire à ce titre.
3°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Succombant, la SARL SPSD, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS PGS Beynel la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de la SARL SPSD au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SARL SPSD à payer à la SAS PGS Beynel la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL SPSD à supporter les entiers dépens d'appel.