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Décisions

CA Riom, ch. com., 29 mai 2024, n° 21/02467

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Clerimmo (SAS)

Défendeur :

Résidence (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-vacheron

Conseiller :

Mme Theuil-dif

Avocats :

Me Tournaire, Me Guastella, Me Galand, Me Pitoun

TJ Clermont-Ferrand, du 4 oct. 2021, n° …

4 octobre 2021

Exposé du litige :

Le 7 février 2005, la SAS Clerimmo a fait l'acquisition d'un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 3], construit à usage d'hôtel ; suivant un acte sous seing privé du 25 mai 2005, la SAS Clerimmo a donné ce bien à bail commercial à la SARL Semiramis [Localité 3], la destination contractuelle du bien étant celle d'un établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Le 1er décembre 2014, la SAS Clerimmo a consenti sur le même bien un nouveau bail à la SAS Résidence [4] (nouvelle dénomination de la SARL Semiramis [Localité 3]), à effet du 1er janvier 2015 et avec la même destination contractuelle des lieux.

Le 1er juin 2016, la SAS Résidence [4] a fait signifier à la SA Clerimmo un congé pour le 31 décembre 2017, date de la première période triennale du bail.

La SAS Résidence [4] a cependant continué d'occuper les locaux après cette date, au motif que la construction d'autres locaux, dans lesquels elle devait s'installer, n'était pas encore achevée. La société preneuse a quitté en définitive les lieux loués à la date du 9 avril 2019, les parties ayant procédé ce jour à la restitution des clés par acte extra-judiciaire.

Le 7 mai 2019, la SAS Clerimmo a fait assigner la SAS Résidence [4] devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, pour demander paiement de diverses sommes, notamment 649 082,67 euros de loyers, et 523 631,31 euros pour la remise en état des locaux.

Le tribunal, suivant jugement contradictoire du 4 octobre 2021, a prononcé les dispositions suivantes :

- condamne la SAS Résidence [4] à payer à la SAS Clerimmo une somme de 4 859,75 euros, au titre du prorata de la taxe foncière 2019 ;

- dit que la clause d'indexation prévue à l'article VIII du bail commercial du 1er décembre 2014 est réputée non écrite ;

- condamne en conséquence la SAS Clerimmo à restituer à la SAS Résidence [4] une somme de 22 125,56 euros, au titre de trop versé de loyer entre le 1er janvier 2015 et le 1er février 2019 ;

- rejette le surplus des demandes ;

- condamne la SAS Clerimmo aux dépens, et au paiement à la SAS Résidence [4] d'une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a notamment énoncé, dans les motifs du jugement, que malgré le maintien dans les lieux de la société preneuse après la date pour laquelle elle avait donné congé, le bail ne s'était pas prolongé au-delà de cette date, de sorte que la société bailleresse ne pouvait demander paiement des loyers pour la période postérieure au 31 décembre 2017 ; que la société preneuse avait d'ailleurs continué de verser une contrepartie financière pendant toute la période d'occupation des lieux, de sorte que la société bailleresse n'était pas fondée à demander paiement d'une indemnité d'occupation pour cette période ; qu'elle était en droit, en revanche, d'obtenir paiement de la taxe foncière de l'année 2019, au prorata de son temps d'occupation ; que d'autre part aucune preuve n'était rapportée d'un manquement de la SAS Résidence [4] à son obligation d'entretenir les lieux loués, de sorte que la SAS Clerimmo devait être déboutée de ses demandes d'indemnités formées pour ce motif.

La SA Clerimmo, par une déclaration reçue au greffe de la cour le 23 novembre 2021, a interjeté appel de ce jugement.

La société appelante, qui reprend pour partie les prétentions qu'elle avait présentées en première instance, demande à la cour de condamner la SAS Résidence [4] à lui verser les sommes suivantes : 445 939,13 euros, au titre des loyers et charges échus au 26 mars 2020 ; 40 863 euros pour la taxe foncière des années 2019 et 2020 ; 100 000 euros pour la valeur des meubles meublants et des équipements qui se trouvaient dans les lieux, et qui n'ont pas été restitués ; et 222 030,75 euros pour les frais de reprises de dégâts des eaux. Elle demande en outre que la société intimée soit condamnée sous astreinte à remettre les lieux en état.

Elle fait valoir que la société preneuse s'est montrée déloyale, en donnant son congé pour le 31 décembre 2017 alors qu'elle savait qu'elle ne pourrait quitter les lieux à cette date ; que cette société, par son comportement depuis le 31 décembre 2017 (maintien dans les lieux et poursuite du paiement du loyer avec les charges et l'indexation, délivrance d'un nouveau congé pour le 31 décembre 2020), a renoncé sans équivoque aux effets de ce congé ; qu'elle est donc tenue de toutes les obligations résultant du bail pendant la seconde période triennale ayant pris fin le 31 décembre 2020, la demande étant limitée cependant au 27 mars 2020, en raison d'une réquisition administrative des locaux ordonnée à cette date, dans le cadre de l'urgence Covid-19; que la SAS Résidence [4] a d'autre part laissé les lieux dans un très mauvais état, comme la société bailleresse l'a fait constater par huissier, le 11 décembre 2019 et le 26 mars 2020 ; et qu'elle a emporté la plus grande partie des biens meubles garnissant les lieux, ainsi que l'a fait constater la SAS Clerimmo.

La SAS Résidence [4] conclut à la confirmation du jugement. Elle conteste la déloyauté que lui reproche la société adverse, et expose que la construction de ses nouveaux locaux devait initialement s'achever au cours de l'année 2017, ce qui l'a conduite a donner son congé pour la fin de cette année, mais que les travaux ont pris du retard, de sorte qu'elle n'a pas pu quitter les lieux à la date prévue ; qu'elle a proposé alors à la SAS Clerimmo la conclusion d'une convention d'occupation précaire, que cette société a acceptée dans son principe, tout en formulant des exigences qui sont apparues excessives à la SAS Résidence [4] ; que par la suite la société propriétaire a totalement changé de position, en prétendant que la société occupante avait renoncé au congé, renonciation que conteste la SAS Résidence [4].

Celle-ci conteste encore les demandes de la société bailleresse au titre de l'état des locaux, et des biens meubles qu'elle aurait emportés : le procès-verbal de constat d'état des lieux de sortie atteste au contraire d'un bon état général des lieux, hormis un dégât des eaux qui ne peut lui être imputé à faute, et les devis présentés par la société propriétaire ne portent que sur la rénovation d'une partie du bâtiment ; d'ailleurs le bail du 1er décembre 2014 ne contient, dans la description des biens donnés à bail, aucune mention de meubles ou d'équipements de cuisine, sinon de meubles meublants dans les chambres, qui s'y trouvaient toujours pour la plupart au moment de son départ des lieux.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2024.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées le 25 et le 27 mars 2024.

Motifs de la décision :

Sur le congé :

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, l'article L. 145-4 du code de commerce autorise le titulaire d'un bail commercial à donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extra-judiciaire.

La SAS Résidence [4] a fait signifier à la SAS Clerimmo le 1er juin 2016, par le ministère de la SCP Nicolai-Prost huissiers associés à [Localité 1], un congé pour le 31 décembre 2017, terme de la première période triennale à compter de la prise d'effet du bail le 1er janvier 2015 (pièce n°11 de la SAS Clerimmo) ; la régularité de ce congé, donné dans les formes de droit plus de six mois avant sa date d'effet, n'est pas contestée et n'apparaît pas contestable.

La SAS Clerimmo soutient que la SAS Résidence [4], en se maintenant dans les lieux après le 31 décembre 2017 et en continuant de lui payer des sommes mensuelles de même montant que le loyer, a renoncé aux effets du congé ; cependant et comme l'a énoncé le tribunal, la renonciation à un droit ne se présume pas, et ne peut résulter que d'actes de son titulaire manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.

Dans le cas particulier la SAS Résidence [4], dans un message du 14 novembre 2017, a fait connaître à la société bailleresse qu'elle rencontrait des difficultés pour l'achèvement des nouveaux locaux dans lesquels elle avait prévu de s'installer, et lui a fait part en conséquence de ses « difficultés à ['] libérer l'immeuble avant début 2019 » ; elle proposait la signature d'une convention d'occupation précaire, d'une durée de quinze mois renouvelable par tacite reconduction, qui devait prendre fin « en tout état de cause [...] dans les trois mois suivant la notification [...] de la réception par » la société locataire du bâtiment dans lequel elle entendait s'installer, [Adresse 6] à [Localité 3] (pièces n°5 et 6 de la société intimée).

La SAS Clerimmo a rejeté cette proposition, en reprochant à la SAS Résidence [4] d'avoir fait preuve de mauvaise foi : « Vous avez pris l'initiative de la résiliation à la fin de la période triennale, tout en sachant pertinemment que vous n'aviez pas l'intention d'en assumer les conséquences », en faisant état du « préjudice important » que lui causait le maintien dans les lieux de la société preneuse, et en exigeant son départ pour le 1er janvier 2018.

Il ne résulte ni de ces messages, ni des échanges qui se sont poursuivis entre les parties après novembre 2017, que la SAS Résidence [4] ait, à un moment quelconque, manifesté l'intention de renoncer aux effets du congé : elle a laissé sans réponse un autre courriel de la société bailleresse ou de son mandataire le 14 décembre 2017, qui l'invitait soit à « annuler » son congé, de sorte que le bail reprendrait effet pour une nouvelle période triennale jusqu'au 31 décembre 2020, ou soit à « proroger » le bail « pour une période de dix-huit mois aux conditions actuelles », outre le versement d'une indemnité égale à « la moitié des loyers économisés jusqu'à l'échéance triennale, soit neuf mois ».

Et dans aucun de ses messages ou lettres postérieurs, la SAS Résidence [4] n'a exprimé son intention de renoncer soit au congé lui-même, soit à son bénéfice ou à ses effets : dans une lettre du 14 mai 2018, elle a fait connaître au contraire à la SAS Clerimmo que son maintien dans les lieux « ne saurait ['] en aucun cas s'analyser en une renonciation au dit congé », et que les versements qu'elle continuait d'opérer, de même montant que le loyer, devaient recevoir la qualification juridique d'indemnités d'occupation, dès lors qu'elle continuait d'occuper les lieux sans aucun titre : pièce n°9 de la SAS Résidence [4]. Cette société n'a jamais démenti sa position, au cours des échanges qui se sont poursuivis entre les parties, jusqu'au départ de la société occupante : ainsi en réponse à une sommation interpellative que la SAS Clerimmo lui a fait délivrer le 26 février 2019, la SAS Résidence [4] lui a fait connaître à nouveau qu'elle considérait que le congé qu'elle avait délivré avait mis un terme définitif au bail, et que son maintien dans les lieux ne saurait en aucun cas s'analyser en une renonciation au congé (pièce n°14 de la société intimée).

Ni le fait que la société occupante ait appliqué d'elle-même l'indexation prévue dans le bail, aux versements qu'elle a poursuivis pendant la période d'occupation, ni le fait qu'elle ait délivré le 15 mai 2019 un nouveau congé à la société propriétaire, ne peuvent être analysés comme des indices d'une renonciation au bénéfice ou aux effets du congé du 1er juin 2016 : la SAS Résidence [4] a expressément précisé, dans le second congé qu'elle a fait délivrer le 15 mai 2019, qu'elle contestait « fermement » la position de la SAS Clerimmo, selon laquelle le bail n'avait pas été résilié par le premier congé, qu'elle estimait au contraire que celui-ci avait mis fin au bail de manière « irrévocable », et qu'elle ne délivrait le second congé que pour préserver ses droits, « sans que cela préjuge de son acquiescement » aux demandes adverses (pièce n°45 de la société appelante). La circonstance, d'autre part, que la société occupante ait appliqué d'elle-même l'indexation sur les sommes qu'elle a payées pendant la période où elle s'est maintenue dans les lieux, ne saurait davantage s'interpréter comme une manifestation de la volonté d'appliquer le bail, et doit s'analyser au contraire comme une intention de se conformer à la pratique habituelle en matière d'indemnités d'occupation, qui consiste à fixer celles-ci au montant exact du loyer, indexation comprise.

La SAS Clerimmo demande d'autre part à la cour « d'analyser la renonciation tacite de la SAS Résidence [4] aux effets de son congé à l'aune de sa mauvaise foi et de sa déloyauté » : elle soutient que cette société savait parfaitement, dès avant la délivrance du congé en cause, qu'elle était dans l'impossibilité tant matérielle que technique de quitter et de libérer les lieux pour la date annoncée, le 31 décembre 2017, et que cette attitude la prive du droit d'invoquer la résiliation unilatérale du bail. Cependant et comme le réplique la société intimée, la mauvaise foi reprochée à la société preneuse ne saurait avoir pour conséquence de la priver de la faculté de donner congé, ou du bénéfice du congé qu'elle a donné ; la SAS Clerimmo a d'ailleurs admis les effets du congé, puisque dans un message du 15 novembre 2017, répondant à celui de la société preneuse qui faisait état de ses difficultés, la SAS Clerimmo lui a notifié qu'elle devrait quitter les lieux pour le 1er janvier 2018, faute de quoi elle s'exposerait à être expulsée, admettant ainsi le caractère irrévocable du congé.

L'usage éventuellement abusif ou dolosif de la faculté légale de mettre un terme au bail en fin de période triennale ne pourrait donner lieu, le cas échéant, qu'à un dédommagement, comme l'expose la SAS Clerimmo elle-même, en affirmant que la SAS Résidence [4] a engagé sa responsabilité délictuelle ou contractuelle en délivrant le congé de mauvaise foi (page 50 de ses conclusion) ; la société appelante ne forme toutefois aucune demande de dommages et intérêts pour ce motif; il est dès lors inutile d'examiner si le congé a été donné dans des circonstances fautives, ainsi qu'elle le prétend.

Sur le grief de s'être contredit au détriment de la partie adverse : la SAS Clerimmo soutient en dernier lieu que la SAS Résidence [4] a enfreint la règle selon laquelle nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, en donnant son congé, puis en adoptant une attitude contraire, par son maintien dans les lieux ; cependant le moyen ainsi avancé n'est que la reprise, sous une autre forme, de celui fondé sur la prétendue renonciation tacite au congé, ou aux effets de celui-ci : or il a déjà dit que la société preneuse n'a jamais, même tacitement, manifesté une telle renonciation, et que son maintien dans les lieux après la date d'effet du congé ne pourrait donner lieu le cas échéant qu'à la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle, alors que la SAS Clerimmo ne présente aucune demande sur ce fondement. Le moyen tiré d'une prétendue contradiction n'est donc pas davantage fondé, et ne saurait écarter les effets du congé.

Le jugement sera confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de cette société en paiement de loyers et des accessoires pour la période postérieure au 31 décembre 2017, date à laquelle le bail a pris fin.

Sur l'état des lieux :

La SAS Clerimmo demande à la fois la condamnation sous astreinte de la SAS Résidence [4] à remettre les lieux en état, conformément aux clauses du bail, et la condamnation de cette même société à lui payer 222 030,75 euros, au titre des travaux de réfection nécessaires à la suite d'un dégât des eaux (page 69 de ses conclusions).

La société appelante produit, au soutien de cette dernière demande, trois devis établis en mars et en avril 2020 par la société Engie Solutions, pour les sommes de 184 061,12, 12 402,02 et 25 567,61 euros, soit un total de 222 030,75 euros, devis qui portent sur des travaux de rénovation du sous-sol des locaux en cause, à la suite d'un événement désigné soit comme une « inondation », ou soit comme une fuite d'eau dans les étages, ou comme des dégâts des eaux (pièces n°48 à 50 de la société appelante).

Les parties produisent encore : - un premier constat d'huissier du 3 mai 2019, qui fait état de constatations opérées à cette date depuis le parc de stationnement extérieur au bâtiment en cause, et à partir duquel l'auteur du constat relève que « le local semble vide », et qu'il y a sur le sol « une importante flaque d'eau » ; - un deuxième constat du 26 juillet 2019, dressé quant à lui après une visite de l'intérieur des locaux, et qui mentionne diverses anomalies, entre autres des taches, des traces ou des détériorations sur le sol dans diverses pièces du rez-de-chaussée, l'effondrement du plafond dans certaines de ces pièces (garage, salle à manger, accueil), et la présence de fissures dans les étages ; - un troisième procès-verbal de constat d'huissier du 26 mars 2020, établi sur la demande de la société Engie, et qui fait état notamment de traces d'inondation dans le sous-sol, et de dégradations au rez-de chaussée et dans les étages, dues en particulier à l'humidité : moisissures, décollements et soulèvements ou effondrements de carrelages ; - un projet de procès-verbal de constatations, non signé et non daté, dressé à la suite de visites des lieux qui auraient été faites les 8 septembre, 6 octobre et 17 novembre 2020, projet de procès-verbal qui mentionne que lors d'une inspection des lieux faite le 12 décembre 2019, le gérant de la SAS Clerimmo a découvert un défaut de fonctionnement des pompes de relevage des eaux pluviales installées dans le sous-sol, et qui évalue le coût de reprise des dégâts à la somme de 65 551,84 euros (pièce n°69 de la société appelante).

Ainsi que l'a énoncé le tribunal, ces éléments et en particulier le constat du 26 mars 2020 établissent certes l'existence d'un dégât des eaux dans le bâtiment, mais ne démontrent pas en revanche que ce dégât soit résulté d'une faute de la SAS Résidence [4], ni même qu'il soit survenu pendant la période où celle société a occupé les lieux : l'existence d'une flaque n'a été constatée pour la première fois que le 3 mai 2019, et le gérant de la SAS Clerimmo n'aurait constaté la panne des pompes de relevage qu'en décembre 2019, soit plusieurs mois après que la société occupante ait restitué les clés, le 9 avril 2019 ; l'origine de la flaque d'eau constatée le 3 mai 2019, certes peu après la date de cette restitution des clés, demeure inconnue, et ne peut être rattachée de manière certaine à une négligence ou à défaut d'entretien de la société occupante. De plus, le coût des travaux de reprise énumérés dans les devis de la société Engie Solutions, sur lesquels la SAS Clerimmo fonde ses demandes, dépasse largement celui de 65 551,84 euros, qui ressort d'une autre pièce qu'elle produit elle-même (le projet de procès-verbal de constatations). Ce chef de demande n'apparaît pas fondé.

La SAS Clerimmo demande, outre un dédommagement pour les dégâts des eaux, la condamnation de la SAS Résidence [4] à reprendre l'ensemble des détériorations constatées dans les lieux ; cependant et comme l'a encore rappelé à bon droit le tribunal, un bailleur qui n'a pas fait toute diligence, lors notamment de la conclusion d'un bail commercial, pour la réalisation d'un état des lieux lors de la prise de possession, ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil, selon laquelle le preneur est censé avoir pris les lieux en bon état de réparations locatives (article L. 145-40-1 du code de commerce, dernier alinéa).

Il n'apparaît pas qu'un état des lieux ait été dressé en début du bail conclu entre les parties, le 1er décembre 2014, de sorte que la SAS Clerimmo ne peut prétendre que la SAS Résidence [4] ait reçu les locaux en bon état de réparations locatives, alors que le bail avait été précédé d'un bail antérieur, conclu le 25 mai 2005 entre la SAS Clerimmo et la SARL Sémiramis [Localité 3], et qu'il n'est pas davantage produit d'état des lieux d'entrée ou de sortie, dressé au début ou au terme de ce premier bail. La seule mention, figurant en page 3 de l'acte de bail du 1er décembre 2014, selon laquelle les lieux étaient alors « en bon état », sans autre précision, ne saurait suppléer l'absence d'un document détaillé, établi de l'accord des deux parties lors de la prise des lieux par le preneur, et énumérant l'état exact de chacune des nombreuses pièces des locaux donnés à bail. Il incombe dès lors à la SAS Clerimmo de rapporter la preuve que les détériorations, pour lesquelles elle demande une reprise en nature, sont imputables à des défauts d'entretien, ou à d'autres manquements commis par la SAS Résidence [4] pendant qu'elle occupait les lieux.

Le procès-verbal de constat du 26 juillet 2019, déjà cité, établit certes que des pièces à usage de service (cuisine, salle à manger, vestiaires, buanderie, zone de stockage, sous-sol, garage, etc.), présentent des traces ou des taches, en particulier sur le sol, que le plafond dans certaines de ces pièces est « effondré », que le sol est très détérioré dans la cage d'ascenseur, que des éléments de carrelage sont soulevés ou effondrés ; cependant, les traces ou taches non davantage précisées ne peuvent être qualifiées de détériorations, et peuvent le cas échéant, comme les dégradations du carrelage ou des plafonds, se rattacher au dégât des eaux survenus dans les locaux, dégât qui ne peut être imputé à un manquement certain de la société preneuse ; à supposer même que certaines des anomalies constatées doivent être considérées comme le résultat d'un défaut d'entretien, elles ne peuvent être attribuées de manière certaine à la SAS Résidence [4], faute d'état des lieux établi lors de la prise d'effet du bail. Le jugement sera encore confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la société preneuse à remettre les lieux en état.

Sur les meubles meublants :

La SAS Clerimmo demande condamnation de la société adverse à lui payer 100 000 euros de dommages et intérêts, pour des meubles meublants et d'autres équipements qui n'ont pas été restitués ; elle expose que les lieux ont été loués meublés, qu'un inventaire a été dressé, et que la SAS Résidence [4] a lors de son départ emporté l'ensemble des éléments d'équipement qui garnissaient l'immeuble.

Cependant et comme l'a encore énoncé à bon droit le tribunal, par des motifs que la cour adopte expressément, la SAS Clerimmo ne rapporte pas la preuve de son préjudice, et de l'enlèvement de meubles ou d'autres équipements par la société intimée : elle fonde sa demande sur un inventaire (pièce n°4) qui était celui annexé au bail du 25 mai 2005, auquel s'est substitué le second bail du 1er décembre 2014, seul applicable à la cause ; l'acte de ce second bail précisait que les lieux étaient remis « équipés et meublés », et que le preneur devrait restituer « les biens et équipements » lors de son départ, mais la liste des meubles et équipements meublants, annexée à ce second bail, se limitait à ceux contenus dans les chambres : « - les lits et structures de lits (tête et pieds de lits), sauf lits médicalisés / - les chevets / - les chaises ou bridges / - les fauteuils / - les bureaux ou commodes ». Or le procès-verbal de constat du 26 juillet 2019 mentionne dans la plupart des chambres la présence sinon de chaises, de fauteuils ou de chevets (aucun n'est recensé), mais en revanche de têtes de lit, de bureaux et même d'armoires, lesquelles ne figuraient sur la liste annexée au bail ; la SAS Clerimmo, qui demandait pour le même préjudice une somme de 523 631,31 euros, réduit devant la cour sa demande à la somme de 100 000 euros, sans s'expliquer sur le mode de calcul de cette somme.

Faute de justificatifs précis sur le nombre et la valeur de chacun des éléments d'équipements remis au preneur en début de bail, alors que le constat que la SAS Clerimmo a fait elle-même établir révèle qu'en fin de bail, de nombreux meubles ont été laissés sur place, la société appelante ne permet pas à la juridiction de vérifier l'ampleur, et même la réalité de son préjudice allégué, d'autant que certains meubles trouvés en fin de bail ne figuraient pas dans la liste annexée à l'acte de bail du 1er décembre 2014. Ce chef de demande sera lui aussi rejeté.

Sur les autres chefs de litige :

Le jugement sera encore confirmé, en ce qu'il a condamné la SAS Résidence [4] à payer la somme de 4 859,75 euros au titre de la quote-part de l'impôt foncier 2019, afférente à la période de cette année pendant laquelle cette société s'est maintenue dans les lieux, et en ce qu'il a réputé non écrite la clause d'indexation figurant au bail, et condamné la SAS Clerimmo à restituer à la SAS Résidence [4] la somme qu'elle a perçue en application de cette même clause : ces dernières dispositions du jugement ne font l'objet d'aucune critique argumentée de la société appelante, et apparaissent bien fondées en droit et en fait, la clause écartée par le tribunal n'étant pas licite, dès lors qu'elle ne prévoit de révision du loyer que dans le sens de l'augmentation.

Il y a lieu, d'autre part, de faire droit à la demande de la SAS Résidence [4] en restitution du solde du dépôt de garantie, cette demande n'étant pas non plus contestée précisément par la société appelante.

PAR CES MOTIFS, et par ceux non contraires du tribunal :

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe de la cour ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Clerimmo à payer à la SAS Résidence [4] une somme de 46 066,24 euros en restitution du solde du dépôt de garantie ;

Condamne la SAS Clerimmo aux dépens de l'appel, et à payer à la SAS Résidence [4] une somme de de 2 000 euros, au titre des frais d'instance irrépétibles exposés en cause d'appel ; accorde à la SARL Truno & Associés, avocats, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Ordonne la compensation entre les condamnations réciproques des parties ;

Rejette le surplus des demandes.