ADLC, 21 mai 2024, n° 24-D-06
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits préfabriqués en béton *
L’Autorité de la concurrence (section III),
Vu la lettre du 11 mars 2015 de la brigade interrégionale d’enquêtes concurrence de Lille transmettant à l’Autorité de la concurrence des indices relatifs à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des éléments préfabriqués en béton ;
Vu le rapport adressé le 17 novembre 2016 au procureur de la République de Paris sur le fondement de l’article 40, alinéa 2 du code de procédure pénale ;
Vu la demande de la société KP1, ainsi que de l’ensemble de ses filiales, formulée auprès du rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence le 30 octobre 2018, complétée le 4 avril 2019, enregistrée sous le numéro 18/0161 AC, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu la demande des sociétés Rector Lesage et Lesage Industrie Du Béton, formulée auprès du rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence le 31 octobre 2018, complétée le 20 décembre 2018, enregistrée sous le numéro 18/0166 AC, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu la décision n° 20-SO-02 du 13 mars 2020 enregistrée sous le numéro 20/0056 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office dans le secteur des produits préfabriqués en béton et a demandé la communication de pièces à une juridiction d’instruction ;
Vu les avis conditionnels de clémence n° 20-AC-01 du 18 septembre 2020 et n° 20-AC-03 du 16 décembre 2020 ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment le premier paragraphe de l’article 101 ;
Vu le livre IV du code de commerce, et notamment l’article L. 420-1 ;
Vu l’avis du conseiller auditeur du 19 juin 2023 ;
Vu les observations présentées par les sociétés KP1 SAS, KP1 Bâtiments, KP1 Développement, KP1 R&D, KP1 Armatures, KP1 Services, K-Alpha 1 S.à.r.l., Planchers Durandal SAS, Planchers Fabre SAS, Rector Lesage SAS, Lesage Industrie du Béton SAS, A2C Prefa SAS, A2C Matériaux SAS, Groupe Soprel SAS, Soprel Group Entreprises S.A, Strudal SAS, DAL Industries Sprl, SEAC SAS, SOFIB SA à directoire (s.a.i.), Saint Leonard Matériaux SAS (SLM), Structures Préfabrications Services SARL, Comptoir de la Préfabrication SAS, Groupe Saint Leonard SAS (GSL), S.E.G. SAS, FB Groupe Luxembourg S.A., FB Groupe France SAS, Industry Partner SA, l’Industrielle du béton SAS, Plakabeton N.V., Imprecon N.V., Marlux-Stradus N.V.(dénommée avant l’année 2022 Marlux Klaps NV), CRH France SAS, CRH plc., Willemen Groep NV, Eurobéton France SAS, Jav Investissement SARL, VAMTAJ Sàrl, Société de Préfabrication de Landaul (SPL) SAS, Fidal SELAS, Fidal et Associés SA à directoire (s.a.i.) et la commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le rapporteur général, les représentants des sociétés KP1 SAS, KP1 Bâtiments, KP1 Développement, KP1 R&D, KP1 Armatures et KP1 Services, K-Alpha 1 S.à.r.l., Planchers Durandal, Planchers Fabre, Rector Lesage SAS, Lesage Industrie du Béton SAS, A2C Prefa SAS, A2C Matériaux SAS, Groupe Soprel SAS, Soprel Group Entreprises SA, Strudal SAS, DAL Industries Sprl, SEAC SAS, SOFIB SA à directoire (s.a.i.), Saint Leonard Matériaux SAS (SLM), Structures Préfabrications Services, Comptoir de la Préfabrication SAS, Groupe Saint Leonard SAS (GSL), S.E.G. SAS, FB Groupe Luxembourg S.A., FB Groupe France SAS, Industry Partner SA, Galm Participaties NV, Echo NV, Echobel NV, l’Industrielle du béton SAS, Plakabeton N.V., Imprecon N.V., Marlux-Stradus N.V.(dénommée avant l’année 2022 Marlux Klaps NV), CRH France SAS, CRH plc., Willemen Groep NV, Eurobéton France SAS, Jav Investissement SARL, VAMTAJ Sàrl, Société de Préfabrication de Landaul (SPL) SAS, Fidal SELAS, Fidal et Associés SA à directoire (s.a.i.) et la commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence des 9 et 10 octobre 2023 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») sanctionne à hauteur de 76 645 000 euros, pour avoir mis en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles, plusieurs entreprises actives dans le secteur de la vente d’éléments préfabriqués en béton.
Ces pratiques ont notamment été révélées grâce à une information judiciaire, ouverte par le procureur de la République de Paris à la suite d’un signalement de la rapporteure générale de l’Autorité sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 40 du code de procédure pénale.
L’instruction a permis de réunir un grand nombre de preuves de l’existence d’un cartel concernant la vente d’éléments préfabriqués en béton aux entreprises de construction (notamment des notes manuscrites, des tableaux de répartition de marchés, des grilles de prix minimums, ainsi que des courriels et des captations d’échanges téléphoniques).
Le 25 octobre 2018, des perquisitions simultanées ont eu lieu dans les locaux de plusieurs entreprises et ont conduit à l’interpellation de plusieurs personnes participant à une réunion secrète dans un hôtel de la région parisienne
À la suite de ces perquisitions, les entreprises KP1 et Rector ont présenté des demandes de clémence dans le cadre du programme qui permet aux entreprises ayant participé à une ou plusieurs ententes d’en dévoiler l’existence, d’expliquer leur fonctionnement à l’Autorité et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire. L’Autorité a rendu, le 18 septembre 2020, puis le 16 décembre 2020, des avis accordant respectivement à KP1 et Rector le bénéfice conditionnel de cette procédure.
L’exploitation des pièces issues de l’instruction pénale, ainsi que les déclarations et les pièces versées par les demandeurs de clémence ont permis de sanctionner les quatre ententes décrites ci-dessous.
Il convient de noter deux particularités à l’égard des sanctions. D’une part, l’Autorité a décidé, dans le cadre du processus de détermination de la sanction, et au vu de l’ensemble de l’instruction, d’accorder à l’entreprise KP1 une réduction d’amende au titre de la clémence supérieure à la réduction qu’elle avait retenue à titre indicatif et conditionnel dans l’avis de clémence du 18 septembre 2020. D’autre part, l’Autorité a fait application de la notion de « clémence plus » prévue à l’article R. 646-5-2 du code de commerce, qui permet d’accorder, sous certaines conditions, une exonération supplémentaire à un demandeur de clémence pouvant prétendre à une exonération partielle. Considérant que certains des éléments d’information apportés à l’instruction par KP1, dans le cadre de la clémence, avaient permis d'établir des éléments de fait supplémentaires conduisant à une augmentation des sanctions pécuniaires infligées à d’autres entreprises, l’Autorité a accordé à cette entreprise une exonération totale de sanction pour sa participation à une entente sur les charpentes en béton et à une entente bilatérale sur les prémurs.
Entente sur les éléments préfabriqués en béton vendus aux entreprises de construction
Les groupes A2C, FB, Industrielle du Béton (ci-après « IB »), KP1, Rector, Saint-Léonard Matériaux (ci-après « SLM »), SEAC, Soprel et Strudal ont participé à une entente unique et continue sur le marché des produits préfabriqués en béton en France entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018, en mettant en oeuvre des accords et pratiques concertées visant, d’une part, à fixer en commun les prix de vente des produits préfabriqués en béton et, d’autre part, à se répartir les volumes de chantiers en faussant la concurrence lors des procédures d’appels d’offres lancées par les entreprises de construction.
Cette entente était pilotée, au niveau national, par les dirigeants de trois entreprises (KP1, Rector et SEAC). Ces derniers échangeaient des informations relatives aux volumes de vente réalisés auprès des entreprises de construction au niveau national et régional et fixaient les quotas de vente à respecter par région. L’objectif de cette entente était de partager les chantiers dans chacune de ces régions, de façon à respecter les parts de marché définies et d’essayer de maintenir des prix face à la pression des clients, en définissant des grilles tarifaires par marché régional.
Les parties mises en cause ont participé à des réunions secrètes, organisées dans le cadre de différents groupements créés pour promouvoir les produits préfabriqués en béton commercialisés aux entreprises de construction et détournés par les membres de leur objectif premier. Les discussions entre les concurrents au cours des réunions multilatérales prenaient la forme de tours de table à l’issue desquels des répartitions des chantiers et des grilles de prix étaient définies par les membres de l’entente. Des codes étaient utilisés par les participants pour dissimuler le nom des entreprises et la teneur des discussions anticoncurrentielles au cours de ces réunions.
Au niveau régional, les pratiques ont été mises en oeuvre selon des caractéristiques et des modalités qui ont pu varier selon les régions concernées, qui couvraient la majeure partie du territoire national. En particulier, les réunions organisées au niveau régional pouvaient rassembler d’autres concurrents que ceux participant aux réunions organisées au niveau national. Tel est notamment le cas en Ile-de-France et ses régions limitrophes où les sociétés des groupes A2C, FB, IB, KP1, Rector, SEAC, SLM, Soprel et Strudal, se sont entendues sur les répartitions de chantiers et les prix de prédalles et de dalles alvéolaires.
Entente sur les éléments préfabriqués en béton vendus aux constructeurs de maisons individuelles (ci-après « CMI ») et aux entreprises de négoce (ci-après « négoces »)
KP1 et Rector ont participé à une entente relative aux taux de hausse des tarifs applicables aux négoces et aux CMI entre avril 2011 et le 25 octobre 2018. Ces échanges avaient lieu généralement une fois par an, au moment de l’annonce des hausses annuelles. Ils pouvaient également avoir lieu plusieurs fois par an si, en raison de la hausse du prix des matières premières, des hausses tarifaires étaient passées à plusieurs reprises au cours d’une même année.
KP1 et Rector se sont également entendues sur les prix nets et certaines conditions commerciales accordées aux négoces, sur les volumes des ventes aux négoces, ainsi que sur la répercussion des hausses de tarifs sur les prix pratiqués auprès des CMI.
Ces échanges avaient lieu entre les directions de KP1 et Rector à l’occasion de réunions ou d’échanges téléphoniques. Les produits concernés étaient ceux en béton ainsi que les entrevous et les rupteurs en polystyrène et polypropylène et couvraient tout le territoire national. La mise en oeuvre des décisions prises au niveau national était assurée par les directions régionales.
L’Autorité a considéré que ces deux ententes présentaient, eu égard à leurs objectifs anticoncurrentiels, à leurs méthodes de mise en oeuvre et à la connexité des secteurs ou marchés concernés, des similitudes qui justifiaient de prononcer une sanction unique.
Rappelant que les ententes horizontales entre concurrents sur un même marché sont parmi les pratiques anticoncurrentielles les plus graves, et prenant en considération leurs caractéristiques objectives, telles que leur caractère secret et élaboré, l’Autorité inflige, au titre des deux ententes susmentionnées, des sanctions d’un montant total de 71 950 000 euros, qui se répartissent comme suit :
Entente sur les charpentes en béton
Eurobéton France, KP1 et Strudal ont participé à des échanges d’informations sensibles dans le cadre d’appels d’offres relatifs à des chantiers de charpentes en béton entre le 14 décembre 2011 et le 3 octobre 2018. Ces échanges d’informations sont intervenus avant la date à laquelle le résultat de ces appels d’offres pouvait être connu, portaient sur les prix et sont intervenus dans des circonstances qui ont nécessairement vicié les réponses des mises en cause, en affectant leur autonomie. De tels échanges ont altéré le libre jeu de la concurrence et sont donc prohibés par les articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») et L. 420-1 du code de commerce.
Ces échanges d’informations, dont la mise en oeuvre a connu une période d’interruption entre le 11 octobre 2013 et le 8 janvier 2016, sont constitutifs d’une infraction unique et répétée. Cette notion est applicable lorsque la participation d’une entreprise à l’infraction s’est interrompue, si l’entreprise a participé à l’infraction avant et après cette interruption, et s’il existe un objectif unique poursuivi par elle avant et après l’interruption.
Si les trois entreprises ont participé à l’ensemble de l’infraction, l’interruption de la participation individuelle de Strudal est plus longue que celle retenue pour les deux autres entreprises.
Les sanctions infligées à ce titre, d’un montant total de 3 850 000 euros, se répartissent comme suit :
Entente bilatérale entre KP1 et la Société de Préfabrication de Landaul
Le 15 décembre 2010, KP1 et SPL, cette dernière ayant lancé quelques mois plus tôt une nouvelle unité de fabrication de prémurs dans le Morbihan, ont conclu plusieurs accords comportant, notamment, l’acquisition par KP1 de 10 % du capital de SPL et des contrats de fourniture et d’approvisionnement, de prestation de services techniques, de transport et d’assistance technique. Ces contrats prévoyaient une clause d’exclusivité des produits de SPL au bénéfice de KP1 – interdisant par ailleurs à SPL de vendre les produits non achetés par cette dernière à des concurrents de KP1 – ainsi que des clauses de non-débauchage.
Par ailleurs, KP1 et SPL tenaient des réunions régulières pendant lesquelles elles se répartissaient les clients et fixaient en commun les prix des produits et des prestations ainsi que les conditions de leur commercialisation.
L’Autorité a considéré que les clauses contractuelles et les échanges réguliers mis en place par ces entreprises, leur permettant de décider en commun de tous les aspects de la vie économique de SPL, constituent une violation de l’article L. 420-1 du code de commerce – l’article 101 du TFUE étant inapplicable du fait que les pratiques n’étaient pas susceptibles d’affecter le commerce entre États membres – du 15 octobre 2010 à l’expiration des contrats, le 15 décembre 2017.
L’Autorité a sanctionné cette entente d’une amende de 770 000 euros, supportée seulement par SPL, compte tenu de l’exonération accordée à KP1 :
Sur le rôle joué par le cabinet Fidal dans le cadre du cartel des produits préfabriqués en béton
Les services d’instruction, considérant que la société Fidal avait joué un rôle de facilitateur de l’entente entre fabricants de produits préfabriqués en béton en leur prodiguant des conseils visant à dissimuler ces pratiques dans le cadre de formations organisées au sein de la Fédération de l’Industrie du Béton et de Rector, avaient notifié un grief à ce cabinet d’avocats.
L’Autorité considère que les éléments au dossier, dont certains se rapportent à des faits prescrits, ne permettent pas de démontrer que Fidal avait connaissance de l’entente en cours entre les différents acteurs du secteur et, a fortiori, qu’elle a participé, par son comportement, à la réalisation des objectifs de l’entente. L’Autorité prononce donc un non-lieu pour ce grief.
Obstruction à l’instruction
Une des entreprises, Eurobéton France, a transmis une information erronée en réponse à une demande d’information des services d’instruction et n’a corrigé cette erreur qu’après l’envoi de la notification de griefs, dans le cadre de ses observations en réponse. L’Autorité a considéré qu’en ne corrigeant pas cette erreur aussitôt après l’avoir constatée, l’entreprise a fait obstruction à l’instruction de l’affaire, ce qui constitue une infraction autonome prévue par le paragraphe V de l’article L. 464-2 du code de commerce, caractérisée même en cas de négligence. L’Autorité a par conséquent infligé une sanction distincte de 75 000 euros à Eurobéton France et à ses sociétés mères à ce titre.
En sus des sanctions pécuniaires infligées, l’Autorité enjoint aux entreprises sanctionnées de publier un résumé de la décision dans l’édition papier et dans l’édition en ligne de la revue Le Moniteur.
A. Constatations
A. LA PROCEDURE
1. Le 11 mars 2015, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a reçu des indices relatifs à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des éléments préfabriqués en béton, transférés initialement par la brigade interrégionale d’enquête de concurrence (ci-après « BIEC ») de Lille à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après « DGCCRF ») le 2 février 2015.
2. Le 17 novembre 2016, la rapporteure générale de l’Autorité a adressé, au procureur de la République de Paris, un rapport rédigé sur le fondement de l’article 40, alinéa 2 du code de procédure pénale mettant en cause les sociétés A2C Préfa, KP1, Rector Lesage, Saint Léonard Matériaux et Soprel.
3. Des perquisitions simultanées sur commission rogatoire délivrée le 10 avril 2017 par un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Paris ont été diligentées le 25 octobre 2018 dans les locaux des sociétés A2C Préfa, KP1, Rector Lesage et Soprel, ainsi que dans une salle de réunion de l’hôtel Mercure Paris Roissy Charles de Gaulle (ci-après « l’hôtel Mercure de Roissy ») par des officiers de la police judiciaire de la brigade de répression de la délinquance économique (ci-après « BRDE ») et des rapporteurs de l’Autorité, requis dans les formes légales.
4. Le 30 octobre 2018, le rapporteur général adjoint de l’Autorité a réceptionné une demande de mise en œuvre du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce formulée au nom de la société KP1 et de l’ensemble de ses filiales, enregistrée sous le numéro 18/0161 AC. KP1 a formulé une demande de clémence complémentaire le 4 avril 2019.
5. KP1 a dénoncé cinq pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la vente de produits préfabriqués en béton :
- s’agissant de la première pratique, qui concerne notamment les produits préfabriqués en béton destinés à la clientèle de négoce et de constructeurs de maisons individuelles (ci-après « CMI »), KP1 indique avoir participé avec certains de ses concurrents, dont Rector Lesage et SEAC, à des pratiques d’échanges d’informations sensibles sur les prix et les volumes de vente, ainsi qu’à des pratiques concertées portant sur l’application de hausses tarifaires et de conditions commerciales (remises de fin d’année, budget d’animation commerciale, etc.) ;
- s’agissant de la deuxième pratique, qui concerne la vente des produits préfabriqués en béton aux entreprises de construction, KP1 précise avoir participé avec certains de ses concurrents à des échanges d’informations sensibles sur les prix et les volumes ainsi qu’à des pratiques concertées portant sur l’instauration de quotas de ventes, la répartition de marchés et de clients ainsi que sur la fixation de prix minimums de vente pour les prédalles, les inserts et les dalles alvéolées ;
- s’agissant de la troisième pratique, qui concerne la vente des produits préfabriqués en béton aux maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre et entreprises générales en charge de chantiers, KP1 déclare avoir participé, avec certains de ses concurrents, dont les sociétés Eurobéton France, L’Industrielle du béton et Strudal, à des échanges d’informations sensibles sur les prix et les volumes de vente de charpentes en béton (constituées de poutres, poteaux, pannes et panneaux) ainsi qu’à des pratiques concertées portant sur la répartition de marchés ;
- s’agissant de la quatrième pratique, qui concerne la vente de prédalles thermiques, le demandeur de clémence a dénoncé des « discussions susceptibles de limiter la concurrence entre les solutions techniques proposées par le GIE Thermoprédalle » ;
- s’agissant enfin de la cinquième pratique, principalement relative aux prémurs et prédalles, KP1 fait état, d’une part, d’une répartition des clients et de marchés, d’autre part, d’échanges d’informations relatives aux hausses des prix et aux prix de revente proposés à leurs clients respectifs sur les produits et leurs inserts qui auraient eu lieu à partir de 2011 entre KP1 et la Société de préfabrication de Landaul, dont KP1 détient 10 % du capital depuis le 15 décembre 2010.
6. Le 31 octobre 2018, le rapporteur général adjoint de l’Autorité a réceptionné une seconde demande de mise en œuvre du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce formulée par les sociétés Rector Lesage et Lesage Industrie Du Béton enregistrée sous le numéro 18/0166 AC. Ces sociétés ont dénoncé des pratiques d’entente avec certains de leurs concurrents, dont KP1 et SEAC, dans le secteur des prédalles en béton en vue de se répartir les marchés et maintenir un certain niveau de prix.
7. Par un avis de clémence n° 20-AC-01 du 18 septembre 2020, l’Autorité a accordé à KP1 le bénéfice conditionnel de la clémence avec une exonération partielle des sanctions éventuellement encourues comprise entre 25 % et 40 %2.
8. Par un avis de clémence n° 20-AC-03 du 16 décembre 2020, l’Autorité a accordé à Rector le bénéfice conditionnel de la clémence avec une exonération partielle des sanctions éventuellement encourues comprise entre 15 % et 30 %3.
9. Le 13 mars 2020, l’Autorité s’est saisie d’office des pratiques mises en place dans le secteur des produits préfabriqués en béton, saisine enregistrée sous le numéro 20/0056 F, et a demandé au juge d’instruction près le tribunal judiciaire de Paris, saisi du dossier JIRSOF/17/1, la communication des pièces ayant un lien direct avec les faits mentionnés dans sa saisine.
A. LE SECTEUR CONCERNE
10. Les pratiques constatées dans la présente affaire relèvent du secteur des éléments préfabriqués en béton pour la construction. Les produits en béton sont fabriqués en différentes dimensions et épaisseurs, en béton précontraint ou en béton armé. Le béton précontraint est un matériau de construction composite dans lequel sont introduites, avant sa mise en service, des tensions opposées à celles qu’il devra subir. Quant au béton armé, il s’agit d’un béton dans lequel a été incorporée une armature d’acier4.
11. Les principaux produits préfabriqués en béton sont :
- les prédalles et les thermoprédalles : il s’agit de dalles de faible épaisseur (5 cm minimum) permettant la réalisation de planchers en béton plein pour les premières, et pour les secondes, d’un coffrage intégré pour planchers en béton5 ;
- les dalles alvéolées : il s’agit de dalles permettant la réalisation de planchers de grande portée et de faible encombrement (elles sont posées jointivement et assemblées par un béton de clavetage)6 ;
- les prémurs : il s’agit de murs à coffrage intégré, constitués de deux parois préfabriquées en béton armé, reliées entre elles par des raidisseurs7 ;
- les poutres : il s’agit de poutres béton de plancher destinées à la réalisation d’ossatures d’ouvrages ou de bâtiments à un ou plusieurs niveaux8 ;
- la charpente en béton : préfabriqués en usine avec un outil industriel complet, les composants de charpente (poutres, poteaux, etc.) sont des éléments de structure en béton précontraint ou en béton armé. Ils sont destinés à la réalisation d’ossatures d’ouvrages par assemblage des éléments entre eux, à d’autres éléments préfabriqués horizontaux ou verticaux, ou encore à des parties coulées en place9.
12. Les spécialistes du secteur vendent leurs produits à une clientèle appartenant principalement à la filière du bâtiment, premier débouché des industriels du béton. À ce titre, les produits préfabriqués en béton se destinent directement à la construction de logements et de bâtiments non résidentiels.
13. Les clients des entreprises fabricantes des produits en béton sont les grandes entreprises du bâtiment telles que Bouygues ou Colas, les négociants en matériaux de construction tels que Point P, Chausson Matériaux, Gedimat ou Bigmat, et les CMI tels que Maison France Confort ou Geoxia10.
B. LES ENTREPRISES CONCERNEES
1. KP1
14. KP1 SAS est une société par actions simplifiée (RCS 976 320 309), qui commercialise des produits préfabriqués en béton, tels que les prédalles, prémurs, dalles alvéolées, poutres et poteaux, destinés à la construction de logements collectifs et de bâtiments non résidentiels. Son capital est détenu à 100 % par la société KP1 Services (RCS 493 103 170), elle-même contrôlée depuis 2020 par des filiales de Blackstone Inc.11.
15. KP1 SAS contrôle six filiales, dont quatre ont des activités liées à la commercialisation de produits préfabriqués en béton – les sociétés KP1 Bâtiments (RCS 306 187 535), KP1 Développement (RCS 498 141 084) ; KP1 R&D (RCS 337 661 557) et KP1 Armatures (RCS 976 920 074)12. Les sociétés du groupe KP1 seront désignées, ensemble ou séparément, dans la suite de la décision par l’emploi du terme KP1.
2. RECTOR LESAGE
16. La société Rector Lesage (RCS 307 322 214) appartient au groupe familial Lesage Industrie du Béton (ci-après « LIB », RCS 431 748 961). Elle est active dans le secteur de la fabrication et du commerce de gros de produits béton de construction, tels que les dalles alvéolées, des prédalles, des poutrelles, des blocs de béton, des prémurs, et des poutres13.
17. Rector Lesage contrôle le capital de plusieurs filiales, dont les sociétés Planchers Durandal SAS (RCS 492 115 142) et Planchers Fabre SAS (RCS 509 434 213), toutes deux actives dans le secteur de la fabrication et la commercialisation de produits préfabriqués en béton. En 2016, Rector Lesage a réalisé une opération de fusion-absorption de la société LB7-Ligerienne Béton (RCS 323 253 591, radiée le 20 mai 2016). Les sociétés du groupe LIB seront désignées, ensemble ou séparément, dans la suite de la décision par l’emploi du terme Rector.
3. A2C
18. Le groupe A2C est un groupe familial actif dans le secteur de la construction de bâtiments et des travaux publics. Ce groupe est composé de quatre sociétés qui disposent toutes de la même direction14, dont :
- A2C Matériaux (RCS 346 480 114), qui fournit des services de soutien, de contrôle et d’administration aux autres sociétés du groupe A2C ; et
- A2C Préfa (ci-après « A2C », RCS 775 737 067), anciennement nommée Corbeil Prédal, qui commercialise des prémurs, des prédalles et dalles alvéolées. A2C est détenue respectivement par A2C Matériaux à 45,28 %, A2C Granulat à 13,99 % et par M. X... à 38,08 %15.
4. SOPREL
19. La société par actions simplifiée Groupe Soprel (ci-après « Soprel », RCS 582 090 718), issue de la fusion-absorption de la société Soprelem par la société Soprel, est active dans la production et la commercialisation de produits préfabriqués en béton tels que des dalles alvéolées précontraintes, des prédalles et des éléments de structure linéaire16.
20. Le capital de la société Groupe Soprel est détenu à 100 % par la société luxembourgeoise Soprel Group Entreprises SA (RCS Luxembourg B78795).
5. SEAC
21. La Société d’Etudes et Applications de Composants (ci-après « SEAC », RCS 620 800 581) est spécialisée dans la production d’éléments en béton précontraint, béton pressé et béton armé. La société dispose d’une capacité globale de production de prédalles précontraintes, de poutres industrielles et de dalles alvéolées répartie sur plusieurs sites de production en France. Elle développe une large gamme de produits pour tous types de constructions : maisons individuelles, logements en bandes17, logements collectifs et bâtiments tertiaires.
22. Le capital de la société SEAC est détenu quasi-intégralement par la société SOFIB (RCS 348 298 647), elle-même détenue à 100 % par la famille Guiraud18.
6. SLM
23. La société Groupe Saint Léonard (ci-après « GSL », RCS 528 691 975), est active dans le secteur des produits préfabriqués en béton à travers ses filiales, les sociétés Saint Léonard Matériaux (ci-après « SLM », RCS 345 880 421)19, Structures Préfabrications Services (ci-après « SPS », RCS 344 196 365) et Comptoir de la Préfabrication (ci-après « CDLP », RCS 421 163 841).
24. SLM produit et vend, y compris via SPS, des blocs en béton (parpaing), du béton prêt à l’emploi, des poutrelles en béton armé, des poutres en béton armé, des préfabrications en béton armé, et des prédalles précontraintes20. CDLP vend des poutres en béton armé, des préfabrications architectoniques, des prédalles en béton armé et des prémurs.
7. STRUDAL
25. La société Strudal (RCS 334 454 600) a pour activité la fabrication de produits en béton, tels que des planchers alvéolaires précontraints, des produits de structure précontraints en béton armé (poteaux, poutres, pannes), des panneaux de murs en béton armé et d’éléments en béton architectonique21.
26. La société Strudal est détenue à 31 % par M. Y... et à 68 % par la société belge SPRL Dal Industries (BE 0645 695 049), elle-même détenue à 96 % et gérée par M. Y...22.
8. FB GROUPE FRANCE ET ECHO NV
27. Les sociétés FB Groupe France SAS (RCS 501 161 988) et FB Groupe Luxembourg SA (désignées ensemble ci-après « FB »), anciennement nommées Echo France et Echolux, fabriquent et commercialisent des dalles alvéolées en béton armé et des dalles alvéolées en béton précontraint essentiellement à destination du Nord-Est de la France, à partir d’un site de production situé au Luxembourg23.
28. Les sociétés FB Groupe France SAS et FB Groupe Luxembourg SA étaient détenues par la société Echobel NV, elle-même détenue par la société Galm Participaties NV, avant d’être rachetée en 2013 par la société luxembourgeoise Industry Partners SA (RCS Luxembourg B174 624)24, fondée par deux anciens cadres du groupe Echo.
29. En février 2022, la société Industry Partner a cédé 100 % des parts sociales de FB Groupe France SAS et FB Groupe Luxembourg SA à la société de droit belge Koutermolen NV, filiale du groupe Willy Naessens25.
9. L’INDUSTRIELLE DU BÉTON
30. La société L’Industrielle du Béton (ci-après « IB », RCS 697 380 194) est spécialisée dans la production et le montage de structures en béton. Elle commercialise des dalles alvéolées, prédalles, dalles nervurées, poteaux et poutres en béton26. L’entreprise exerce également une activité de constructeur de bâtiments, spécialisée dans la fabrication de charpentes préfabriquées en béton (ossatures) et leur pose, ainsi qu’une activité de fabrication de planchers préfabriqués en béton et de panneaux de façade27.
31. Depuis fin 2009, le capital d’IB est détenu par la société CRH France SAS (RCS 420 361 081), elle-même intégrée au sein d’une succession de sociétés mères dont la société mère ultime est la société CRH plc, immatriculée en Irlande (n° 12965).
10. EUROBETON
32. La société par actions simplifiée Eurobéton France (RCS 382 679 124) (ci-après « Eurobéton ») est active dans le secteur du bâtiment en béton armé, en béton précontraint et béton architectonique.
33. Eurobéton France appartient à PBM Groupe (RCS 498 107 127), dont les sociétés de tête sont JAV Investissement Sarl (RCS 449 455 369) et VAMTAJ Sarl (RCS Luxembourg B211011).
11. LA SOCIÉTÉ DE PRÉFABRICATION DE LANDAUL
34. La Société de préfabrication de Landaul (ci-après « SPL », RCS 503 464 158) fabrique et commercialise des prémurs et des prédalles en Bretagne, via ses usines situées à Landaul, dans le Morbihan. La société MDSR Participations (RCS 480 260 108) détient la majorité du capital de SPL. Par ailleurs, KP1 détient 10 % du capital social de SPL28.
12. LE CABINET FIDAL
35. Fidal est une société d’exercice libéral par actions simplifiée (RCS 525 031 522) disposant de 90 bureaux d’avocats en France29. Le capital de Fidal est contrôlé par la société Fidal et Associés (RCS 775 726 433)30.
C. LES PRATIQUES CONSTATEES
1. SUR LES PRATIQUES D’ENTENTES LIEES AUX PRODUITS PREFABRIQUES EN BETON VENDUS AUX ENTREPRISES DE CONSTRUCTION
36. Les parties mises en cause ont participé à des réunions multilatérales organisées dans des hôtels, des gares ou des aéroports ainsi qu’à des réunions organisées dans le cadre de différents groupements créés pour promouvoir les produits préfabriqués en béton commercialisés aux entreprises de construction et détournés par leurs membres de leur objectif légal.
37. Les discussions entre les concurrents au cours des réunions multilatérales prenaient la forme de tours de table à l’issue desquels un partage des affaires était établi et des prix étaient discutés s’agissant des produits préfabriqués en béton à destination des entreprises de construction.
38. Ces pratiques, mises en œuvre au niveau régional, étaient pilotées par les dirigeants des entreprises participantes au niveau national.
a) Sur le pilotage national de l’entente
39. Deux anciens salariés de Rector, interrogés les 14 et 21 janvier 2016 dans les locaux de l’Autorité, ont dénoncé l’existence de réunions anticoncurrentielles dans le secteur des éléments préfabriqués en béton, qualifiées de « tables », concernant les régions Ile-de-France, Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Champagne-Ardenne31, tout en précisant que les responsables locaux de Rector participaient aux mêmes types de réunions dans des hôtels dans toute la France (mis à part en Alsace)32. L’un de ces salariés a précisé que « ce cartel était parfaitement connu des dirigeants, qui en sont à l’origine »33, en ajoutant que lorsque les participants aux tables n’arrivaient pas à s’entendre sur une affaire, « le sujet remont[ait] au niveau des PDG et des DG des entreprises concernés qui interv[enaient] pour trouver la solution »34.
40. La dimension nationale de ces pratiques a été confirmée par les déclarations de deux demandeurs de clémence, KP1 et Rector, qui ont identifié les participants à ces pratiques et en ont expliqué le mode de fonctionnement.
41. Trois entreprises ont participé au pilotage de l’entente au niveau national35. Ces entreprises, ainsi que leurs principaux représentants ayant pris part à ces pratiques, sont identifiés dans le tableau suivant :
42. Les deux demandeurs de clémence ont indiqué que KPl, Rector et SEAC se rencontraient à l’origine dans le cadre de réunions ad hoc, puis par la suite en marge des réunions organisées dans le cadre du GIE France Thermoprédalle (ci-après le « GIE ThermoPrédalle »), dont l’objet était en principe de développer les « Thermoprédalles », innovation développée par les parties consistant en une prédalle à pains isolants intégrés36. Dans le cadre de ces réunions, les parties s’échangeaient des informations relatives aux volumes de vente réalisés auprès des entreprises de construction au niveau national et par région, et fixaient les quotas de vente à respecter par région. L’objectif de cette entente était de se partager les chantiers dans chacune de ces régions, de façon à respecter les parts de marché définies et d’essayer de maintenir des prix face à la pression des clients, en définissant des grilles tarifaires par marché régional.
43. Plusieurs salariés de KP1ont confirmé que des discussions intervenaient entre les dirigeants des entreprises KP1, Rector et SEAC s’agissant des répartitions de marchés au niveau national, notamment dans le cadre des réunions du GIE ThermoPrédalle.
44. Le directeur commercial de KP1 chargé de la région Ile-de-France a déclaré, s’agissant du fonctionnement national de l’entente, que :
« L’équilibre entre les concurrents se fait dans la continuité et non pas à chaque réunion. En fin d’année, ce sont les patrons qui mettent le curseur. C’est-à-dire qu’ils discutent des marchés passés et ceux pour l’avenir. Les quotas sont fixés entre les patrons sauf si l’un d’eux est insatisfait. En fait les participants en [sic] réunions se répartissent les affaires en suivant les quotas qui ont été définis par les dirigeants des entreprises entre eux. Mais ce n’est pas à mon niveau que cela se décide (…) je sais que [Rector] et [KP1] se rencontre[nt] régulièrement à la fois dans la cadre de la FIB et à peu près mensuellement dans le cadre d’un GIE en thermo prédalle qui compte aussi SEAC. (…) » 37.
45. Le directeur commercial national de KP1 a, quant à lui, déclaré : « en sa qualité de directeur général, Monsieur A… [KP1] ne pouvait ignorer l’existence des tables. J’en veux pour manifestation qu’il était présent à l’occasion des réunions tenues entre les dirigeants, réunions que j’ai évoquées lors de ma précédente audition, au rang desquelles les réunions GIE thermo-prédalles, au cours desquelles nous discutions, échangions au sujet des ententes » 38.
46. Il a aussi expliqué au sujet du fonctionnement des pratiques et de leur étendue géographique :
« Il s’agissait d’une chaîne : les directeurs généraux & présidents se rencontraient, demandaient ensuite à leurs directeurs commerciaux de se rencontrer et ces derniers demandaient, à leur tour, à leurs directeurs commerciaux régionaux de faire fonctionner l’entente. (…) lorsque j’ai pris à mon compte C2 [ventes des produits préfabriqués en béton aux constructeurs], en 2014, j’ai pu constater que les pratiques étaient déjà établies sur les trois zones précitées : façade Ouest, Midi Pyrénées, PACA & Rhone Alpes, Bourgogne...»39.
47. Les éléments figurant au dossier permettent d’établir que préalablement à la tenue des réunions nationales, les directions commerciales nationales de KP1 et Rector récupéraient les volumes de vente réalisés dans chacune des régions concernées et les consolidaient dans un tableau de synthèse. À la suite des réunions organisées au niveau national, la direction commerciale nationale de KP1 pouvait adresser aux directeurs commerciaux régionaux concernés les volumes réalisés par chaque concurrent, ainsi que les quotas de vente pour toutes les régions concernées. Ces tableaux pouvaient être utilisés par les directeurs commerciaux régionaux à l’occasion de leurs réunions organisées au niveau régional pour se répartir les clients et/ou les chantiers40.
48. KP1 et Rector ont communiqué aux services d’instruction des tableaux Excel utilisés par leur direction nationale pour s’assurer du suivi des volumes de vente attribués aux membres, tableaux couvrant des périodes allant de décembre 201041 à juin 201842 pour KP1 et de 201043 à 201744 pour Rector45. Les deux demandeurs de clémence ont précisé que ces tableaux comportaient des codes, pour dissimuler le nom des entreprises et la teneur des discussions anticoncurrentielles, dont ils ont donné les clés de lecture :
- les tableaux de KP1 comportent les noms de code suivants : (i) « logements » désigne KP1, (ii) « Tertiaire » désigne Rector, (iii) « Autres Lgt » ou « Autres Log » désignent SEAC, (iv) « Liv » et « % Liv » désignent les volumes annoncés par les opérateurs et les parts de marché correspondantes, (v) « % TH » désigne le quota théorique convenu, (vi) « PDC » et « % PDC » désignent les prises de commandes et la part de marché correspondante, (vii) « PDC/TH » désigne la mesure du retard ou de l’avance pris sur les quotas convenus46 ;
- les tableaux communiqués par Rector comportent : (i) des codes couleurs pour désigner les entreprises (bleu pour KP1, rouge pour Rector, et vert pour SEAC), (ii) une première ligne désigne les volumes de prédalles en milliers de m², (iii) le terme « objectif » désigne les parts de marché convenues entre les entreprises, (iv) le terme « réel » désigne les parts de marché en volume de prédalle réalisées par les entreprises, (v) le terme « écart » désigne la différence entre les parts de marché convenues et réalisées47 .
49. Les constatations figurant dans la notification de griefs montrent que les tableaux communiqués par KP1 relatifs à l’année 201048 contiennent les mêmes données que les tableaux communiqués par Rector pour cette même période s’agissant des volumes de ventes réalisés, des quotas convenus et des écarts entre les parts de marchés réalisés et les quotas convenus49. L’Autorité observe que les mêmes similitudes se retrouvent sur les tableaux transmis par KP1 et Rector concernant les autres années50.
50. À titre d’exemple, les données renseignées dans les tableaux communiqués par KP1 correspondant aux données cumulées à la fin de l’année 2016 et à la fin du mois de janvier 201751 concordent exactement avec celles renseignées dans les tableaux communiqués par Rector sur ces mêmes périodes52.
Extraits des tableaux communiqués par KP1 correspondant aux mois de décembre 2016 et janvier 2017.
Extraits des tableaux communiqués par Rector correspondant au mois de décembre 2016 (colonne de gauche) et janvier 2017 (colonne de droite)54
51. Outre les échanges sur les répartitions de marchés, les documents figurant au dossier permettent également d’établir des discussions sur les prix, en particulier un accord sur le prix de la technologie ThermoPrédalle, qui devait être vendue 1 euro (par m2) plus cher que les prédalles classiques.
52. Le directeur général de KP1 a indiqué sur ce point que : « [c]’était vrai nous avions fixé un niveau minimum de prix communs afin de ne pas brader cette technologie. […] On s’est dit qu’une thermo prédalle devait se vendre 1 euro plus cher que la prédalle normale. Il ne s’agit pas d’un prix mini, mais une différenciation. Ce prix minimum de 44€/ ml ne porte que sur les rupteurs qui sont un élément clé de la technologie thermo prédalle. Il y a ensuite un accord sur le principe de vendre la thermo prédalle 1 euro plus cher que la prédalle normale. »55.
53. Un échange interne au sein de KP1 du 20 mai 2015 fait état de discussions sur le prix des ThermoPrédalles au sein du GIE ThermoPrédalle : « [l]e prix officiel de RECTOR est 44 euros/ml et ce qui est inscrit dans leur bas de page. C’est ce que j’ai vu dans les quelques devis que les commerciaux m’ont apporté et ce que j’ai entendu officiellement... Donc à voir en GIE... nous en parlerons vendredi. »56. Entendu au sujet de cet échange, le directeur commercial national de KP1 a confirmé l’existence d’un accord sur le prix de la technologie ThermoPrédalle discuté au sein du GIE57.
54. Un autre échange interne au sein de Rector du 6 octobre 2017, ayant pour objet « soucis THPD accord GIE », indique que KP1 positionne le prix du produit ThermoPrédalle « hors accord ». Dans cet échange, le salarié de Rector précise qu’il doit en conséquence baisser le prix de ce produit, ainsi que ceux des prédalles classiques pour préserver la cohérence de sa politique tarifaire. Il demande que le sujet soit évoqué lors du prochain GIE58.
b) Sur la mise en œuvre de l’entente au niveau régional
55. S’agissant de la mise en œuvre de l’entente au niveau régional, les deux demandeurs de clémence ont précisé que les pratiques ont été mises en œuvre sur la majeure partie du territoire national, selon des caractéristiques et des modalités qui ont pu varier en fonction des régions concernées. En particulier, les réunions organisées au niveau régional pouvaient réunir d’autres concurrents que ceux participant aux réunions organisées au niveau national.
56. Les deux demandeurs de clémence ont indiqué que les réunions de concertation organisées au niveau régional étaient généralement désignées sous le terme « Réunions Qualiprédal », qui correspond officiellement à un service proposé par les fabricants du secteur à leurs clients, sous l’égide de la Fédération de l’Industrie du Béton (ci-après « FIB ») et de la Fédération Française du Bâtiment (ci-après « FFB »)59. Deux salariés de KP1 ont confirmé, que le terme « réunions Qualiprédal » était utilisé comme code, pour désigner les réunions de concertation entre concurrents60.
57. Les réunions Qualiprédal organisées au niveau régional avaient pour objet de se répartir entre concurrents les chantiers à venir afin de respecter les quotas de vente figurant sur les tableaux nationaux et de discuter des prix61, comme en attestent les documents fournis par KP1 au soutien de sa demande de clémence :
- un courriel interne de KP1 du 16 mars 2011 fait état d’une réunion Qualiprédal où les quotas de vente ont été discutés entre les concurrents : « [d]’autre part, je te rappelle que tu m’as demandé de lacher prise un peu par rapport à mes parts de marchés afin de faire remonter les prix. Ce que j’ai fait hier à la réunion Qualiprédalle »62 ;
- un courriel interne de KP1 du 24 octobre 2012 fait état d’un chantier attribué à KP1, qui a été discuté lors d’une réunion Qualiprédal : « [o]n avait ciblé ce chantier qualiprédale : on continue »63 ;
- un courriel interne de KP1 du 3 octobre 2013 indique : « [o]ù est-ce que je peux trouver le fichier contenant la répartition des volumes de Qualiprédal ? Le dernier fichier que tu m’as envoyé, sauf erreur de ma part, ne contenait pas ces répartitions. Nous avons une réunion demain matin, où nous traiterons certainement le sujet »64 ;
- un courriel interne de KP1 du 22 juillet 2014 concernant les résultats insuffisants d’un commercial de KP1 indique au sujet de ce salarié : « il attend trop de nous et de nos réunions Qualiprédalle en pensant que c’est à nous de tout « boucler » en amont : ce n’est pas comme ça que fonctionne le commerce »65 ;
- un courriel interne de KP1 du 11 février 2015 indique : « [é]liminer les tarifs régionaux, dans quelques régions, qui datent depuis des dizaines d’années ne peut pas se faire sans remettre en cause les réunions Qualiprédal »66 ;
- un courriel interne de KP1 du 21 octobre 2016 indique : « comme je te l’avait écrit dans un autre email ils se battent maintenant autour de 18.50 confirmé en Qualipredal. Voir le mail joint. J’ai réunion la semaine prochaine je vais avoir plus d’informations sur les niveaux des prix sur les quelques opérations de logements en cours »67 ;
- un courriel interne de KP1 du 23 octobre 2017 concernant le marché CHU Le Mans perdu par KP1 face à Rector indique : « [j]e te transmets ci-dessous ce @ [courriel] car il est important que tu ais ces informations par rapport à la prochaine réunion QualiPrédalle. (je ne sais pas si elle est Lundi) Nous n’aurons donc plus de reproche à entendre. C’est le “fameux” gros dossier du CHU Le Mans. Donc perdu ! »68.
58. Selon KP1, la mise en œuvre des pratiques pouvait différer selon les régions :
- en Aquitaine, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, elles ont été mises en œuvre, au moins à partir de 2008, par KP1, Rector et SEAC notamment, et concernaient les prédalles notamment ;
- en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, elles ont été mises en œuvre, au moins à partir de 2009 par KP1, Rector et SEAC notamment, et concernaient les prédalles ;
- en Rhône-Alpes, Auvergne et Provence-Alpes-Côte d’Azur, les pratiques ont été mises en œuvre, au moins à partir de 2009 par KP1, Rector et SEAC et concernaient les prédalles ;
- en Ile-de-France, les pratiques concernant les prédalles notamment ont été mises en œuvre, dès 1996 ou 1997 par A2C (directement ou par l’intermédiaire de la société Corbeil Prédal, acquise dans le courant des années 2000), KP1, Rector, SLM et Soprel ; alors que celles concernant les dalles alvéolées ont été mises en œuvre, au moins à partir de 2008, par A2C, FB, IB, KP1, Soprel et Strudal ;
- dans le Nord et en Normandie, elles ont été mises en œuvre, au moins à partir de 2012 par A2C, KP1, Rector et Soprel et concernaient les prédalles69.
59. Selon Rector :
- en région « Ile-de-France - Nord », les pratiques ont été mises en œuvre par A2C, KP1, Rector, SLM et Soprel entre 2008 et 2018 ;
- dans le « Sud-Est » (Provence-Alpes-Côte d’Azur – Rhône-Alpes – Auvergne – Bourgogne), elles ont été mises en œuvre par KP1, Rector et SEAC entre 2008 et 2018 ;
- dans les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, elles ont été mises en œuvre par KP1, Rector et SEAC notamment, entre 2008 et 2018 ;
- en Aquitaine, elles ont été mises en œuvre par KP1, Rector et SEAC entre 2008 et 2018 ;
- dans « l’Ouest » (Bretagne, Pays de la Loire, Centre et Poitou-Charentes), elles ont été mises en œuvre par KP1, Rector et SEAC notamment70.
Sur la mise en œuvre de l’entente au niveau de l’Ile-de-France et de certaines régions limitrophes (Normandie, Champagne-Ardenne)
60. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’échanges portant sur des répartitions de chantiers et l’application de prix minimums sur des produits préfabriqués en béton commercialisés aux entreprises de construction en Ile-de-France et de certaines régions limitrophes. Ces échanges entre concurrents ont été organisés dans le cadre de réunions multilatérales, appelées « tables », et ont également donné lieu à de nombreux contacts bilatéraux entre les participants.
61. Les deux demandeurs de clémence ont confirmé que l’entente nationale avait été mise en œuvre au niveau des régions Ile-de-France et Nord, Normandie et Champagne-Ardenne par A2C, KP1, Rector, SLM et Soprel, en vue de se répartir les marchés et s’accorder sur des grilles de prix minimums s’agissant des prédalles. Le premier demandeur de clémence a en outre dénoncé une entente supplémentaire sur les répartitions de marchés et les prix des dalles alvéolées entre A2C, FB, IB, KP1, Soprel et Strudal en Ile-de-France.
62. Plusieurs autres entreprises ont reconnu avoir pris part aux pratiques, tout en tentant de limiter leur responsabilité, la nature des informations échangées au cours des réunions et la durée de leur participation.
63. Dans le cadre de ses écritures en réponse au rapport, SLM a ainsi indiqué qu’elle avait « décidé de cesser de participer aux pratiques en 2003, pour ensuite y retourner, sous la pression de ses concurrents en mai 2008 », en précisant que sa dernière participation à une réunion anticoncurrentielle remontait au 11 février 201671.
64. Interrogé sur l’existence de réunions dans le secteur des prédalles, le directeur opérationnel d’A2C a reconnu avoir participé à deux réunions en juillet et octobre 2018, concernant l’application d’une grille de prix des prédalles dont sa société A2C était l’auteur72. Si A2C a contesté avoir discuté de répartition de marchés lors des réunions de 2018, elle a reconnu que « certaines choses se passaient » jusqu’en 201473.
Sur les échanges d’informations sur les prix et l’application de grilles de prix minimum
65. Les éléments figurant au dossier attestent de l’existence de grilles de prix minimum sur les produits préfabriqués en béton et d’échanges d’informations sur les prix de ces produits entre concurrents.
66. En premier lieu, une grille de prix sur les prédalles a été saisie par les agents de la BRDE dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel74 et du directeur Hauts-de-France/Normandie de KP175 pendant la tenue d’une réunion multilatérale entre A2C, KP1, Rectoret Soprel à l’hôtel Mercure de Roissy le 25 octobre 2018.
67. Cette grille de prix a été préparée par le directeur opérationnel d’A2C le 19 juin 2018 et modifiée le 21 juin 201876. Ce dernier a confirmé lors de son audition qu’il en était l’auteur77.
68. Le directeur commercial d’Ile-de-France de KP1 a confirmé que cette grille avait été établie par A2C qui « a repris une ancienne grille qui a été réactualisée »78 et avait été distribuée à tous les participants, en avril ou juillet 2018, « afin de maintenir des prix minimums sur de la prédalle en dessous duquel on ne doit pas descendre »79.
69. Dans le même sens, le directeur commercial des Hauts-de-France/Normandie de KP1 a confirmé qu’en « remettant ce document, la personne de la société A2C avait sollicité que les sociétés présentes ne descendent pas en dessous d’un prix minimum conseillé »80 et a expliqué, s’agissant du contenu de cette grille, que « pour chaque type de prédalle un prix minimum apparaît »81. Le président de KP1 a quant à lui déclaré : « je savais qu’il y avait des échanges pour fixer une grille de prix en dessous de laquelle les entreprises ne devaient pas vendre leurs produits. »82.
70. Plusieurs versions de tableaux de grille de prix des prédalles ont été saisies chez A2C. Leur analyse permet de constater que cette grille existe au moins depuis 2000. Le fichier « TABPRIX predalles 2017.xls » permet de constater l’évolution à la hausse des prix des prédalles entre 2000 et 201783.
71. Plusieurs éléments du dossier attestent de l’existence d’un accord sur une grille de prix sur les prédalles dans le passé.
72. Une captation d’un échange téléphonique entre A2C et Soprel se rapportant à une réunion multilatérale organisée le 21 juin 2018 à la Gare de Lyon (à Paris) fait état de l’application d’une grille de prix en 200784.
73. Les notes manuscrites du directeur commercial Ile-de-France de KP1 font état d’une réunion de la FIB le 15 mai 2008, avec une mention « mini-traité » suivi d’une grille de prix.
74. Les notes prises par le directeur général d’A2C le 31 janvier 2014 dans son agenda, intitulées « % prédalles », comportent des mentions sur les « niveaux de prix / grille de prix » et font état d’un rendez-vous entre A2C, Rector et SLM le 18 février 201485.
75. Le directeur commercial national de KP1 a également déclaré avoir participé à une réunion entre la fin d’année 2014 et le début de l’année 2015, accompagné du directeur commercial d’Ile-de-France de KP1, au cours de laquelle l’unique sujet évoqué a été « de fixer un niveau de prix, minimum, des prédalles »86. Il a également déclaré : « [c]’est quelque chose de répété de se réunir avec la concurrence pour tenter de maintenir un niveau de prix minimal. C’est ça l’objectif : de faire en sorte que les prix ne descendent pas trop. »87
76. En deuxième lieu, les perquisitions du 25 octobre 2018 ont permis la saisie d’éléments relatifs à l’application d’une grille de prix sur les dalles alvéolées.
77. Plusieurs versions de la grille des prix des dalles alvéolées ont été saisies dans les locaux de Soprel, dont une version du fichier « Grille DAP 2016 11 V2 EXT.xlsx », créée le 22 janvier 2013 et modifiée pour la dernière fois le 28 mars 201888.
78. Concernant les origines de cette grille de prix, le directeur commercial Ile-de-France de KP1 a déclaré : « [i]l s’agit d’une grille de prix sur les marchés des dalles alvéolaires qui datent d’environ 12 ou 13 ans. Cette grille a été établie afin que les prix minimum soit à respecter. ». Il a également précisé que Strudal était à l’origine de cette grille de prix et que celle-ci avait été transmise à A2C, FB, IB, KP1 et Soprel89.
79. Dans un échange de courriels du 5 avril 2018, le directeur commercial Ile-de-France de KP1 a transmis la grille de prix sur les dalles alvéolées au directeur opérationnel d’A2C, qui lui a confirmé son intention de l’appliquer : « [p]as de problème je la digère et je vais la transmettre aux commerciaux la semaine prochaine »90.
Cette grille de prix a été envoyée par le directeur commercial national de KP1 à trois directeurs commerciaux régionaux de KP1 le 6 avril 2018, avec en pièce jointe de ce courriel, la carte géographique où ces tarifs devaient être appliqués. Il s’agit des départements des régions Ile-de-France, Normandie (Basse et Haute), Picardie, Centre, Bourgogne (sauf la Saône-et-Loire) et Champagne-Ardenne (sauf les Ardennes) ainsi que du département de la Sarthe91. Une carte de France identifiant les mêmes départements avec une mention manuscrite « secteur de la table » a été saisie dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel92.
81. Le directeur commercial national de KP1 a déclaré au sujet de ce courriel :
« J’ai vu cette grille, lors de la tenue de la réunion d’entente engagée sur les dalles alvéolées : à cette réunion participaient, outre moi-même et Monsieur J… [le directeur commercial d’Ile-de-France de KP1], peut-être même M. K... [le directeur commercial Nord/Normandie de KP1], les représentants des sociétés A2C (M. L...), SOPREL (M. M...), IB et STRUDAL. Sous toutes réserves, il me semble que cette réunion s’est tenue fin 2017 - début 2018, dans des locaux situés dans la gare de Lyon à Paris. La grille, échangée à cette occasion entre les participants, rapportait des prix minimum de vente par épaisseur de dalles : c’est l’un des participants qui a produit... cette grille doit dater de la fin mars / début avril 2018. Lors de la réunion à laquelle je faisais allusion ci-avant, la grille avait été communiquée, je ne sais plus à l’initiative de qui, sous format numérique. Par le courriel du 6 avril 2018, dont vous venez de me donner lecture, je comprends que j’avais pris soin d’en transmettre le contenu à l’attention des directeurs commerciaux des zones concernées, en l’espèce une partie du Centre, rattaché à la façade Ouest (…), ainsi que le Nord Normandie
- Picardie (…) et l’Ile-de-France (…). »93
82. Lors d’un appel intercepté le 13 juin 2018, le directeur opérationnel de Soprel a informé le directeur général de FB d’un accord anticoncurrentiel sur la grille de prix des dalles alvéolées : « après tous les mouvements multiples et variés chez Strudal on s'est à peu près tous remis d'accord (…) aujourd'hui on est revenus à la grille de départ. Donc on rechiffre... on remet à l'offre la grille qui avait été fixée à l'époque »94.
83. En troisième lieu, les éléments du dossier montrent que d’autres produits liés aux prédalles et aux dalles alvéolées étaient concernés par les échanges sur les prix entre les concurrents. Dans un courriel du 31 juillet 2014, le directeur commercial Ile-de-France de KP1 a indiqué :
« Les prix pratiqués des tubes (sécurités) sont 2,8€ chez strudal et 3 soprel !! Ce dernier temps nous avons décidé au sein de la profession de monter ce prix à 4 € avec comme cible à terme d’atteindre le 5€ !!! Donc conformément aux accords de la profession (à part SEAC et CGM) ce prix doit être à 4 € aujourd’hui »95.
84. En quatrième lieu, les messages SMS et la captation de plusieurs conversations téléphoniques engagées à partir ou à destination des lignes téléphoniques de M. L... (A2C), M. J... (KP1) et M. M... (Soprel) attestent de nombreux échanges, engagés entre les acteurs des réunions de concertation, afférents aux prix proposés par chacun d’eux à l’occasion des consultations lancées par les entreprises de construction et à l’application d’une grille de prix :
- messages de Soprel à A2C du 13 novembre 2017 : « pourquoi tu fais de la 20 à 33 € ?? Eiffage Lognes. Même pour 100.000 m² en 20 je fais 36.5. + manutention... STOP AUX PRIX BAS ». Réponse d’A2C : « Si tu veux que je te fasse la liste des chantiers que j’ai perdu à ces prix là... Où le chantier de TAM bien que tu sois plein tu me fais baisser de 2€ et je ne t’ai fait aucun reproche. Alors STOP aux donneurs de leçons ! »96 ;
- message du 15 février 2018 de Soprel à KP1 : « A2C a 38€ en DAP24 chez 3.. ! Tout va bien il remonte bien ses prix ! »97 ;
- messages du 20 mars 2018 de KP1 à Soprel : « [c]’est toi Safran avec GA »98. Réponse de Soprel : « [o]ui pourquoi ! Les prix ne sont pas à la grille ? »99 ;
- échange entre Soprel et A2C du 19 juin 2018 : « [j]e veux bien faire une nouvelle grille de prix et puis je lui ai dit "par contre c'est à vous, les patrons là (…), de décider que maintenant personne ne descend en dessous de ces prix là »100 ;
- échange du 21 juin 2018 entre A2C et SLM : « Moi [A2C], je vois N... [Président de SLM] demain. (...) Pour lui filer une grille de prix »101 ;
- échange du 24 juillet 2018 entre KP1 et Soprel : « pour les prix, pour les prix, moi, en gros normalement en Normandie, j'attaque heu la 5 au alentour de 21,80 donc c'était assez homogène par rapport à la grille aussi »102 ;
échange du 6 août 2018 entre Soprel et Strudal : « premier prix .. au-dessus de la grille pour que KP1 ait de la place »103 ;
échange du 13 septembre 2018 entre KP1 et Soprel : « O…[M. O… : IB] il m’avait appelé, mais c’était pour autre chose mais je lui ai quand même posé la question ...Donc je lui ai dit tu réponds à GEA, il m’a dit :"je ne peux pas ne pas répondre." Et donc par contre il a bien dit 50 à SINOR. Il me dit qu’en alvéolé, il va répondre à la grille plus le transport »104 ;
échange du 14 septembre 2018 entre Soprel et FB : « après tous les mouvements multiples et variés chez Strudal on s'est à peu près tous remis d'accord pour... sans parler de répartition d'affaire (…) aujourd'hui on est revenus à la grille de départ. Donc on rechiffre... on remet à l'offre la grille qui avait été fixée à l'époque (…) Tout le monde, tout le monde joue plutôt le Jeu. Sauf ... sauf A2C qui... qui a dit, il a dit au départ "non, mais de façon, moi Je veux pas...voilà" et puis après il a dit J'appliquerai la grille s'il y a une grille »105.
Sur les répartitions de marchés
85. Un ancien salarié de Rector a expliqué les modalités de fonctionnement de l’entente sur les répartitions de marchés en Ile-de-France :
« Chacun à son tour, les personnes présentes autour de la table « revendiquent » un chantier. (…) Lors des « tables », chacun apporte ses documents (bons de commande, feuilles de chantier, ordinateurs portables professionnels. Les tableaux excel sont modifiés en fonction du tour de table et des discussions qui ont lieu entre les représentants des entreprises »106.
86. Le directeur commercial d’Ile-de-France de KP1 a confirmé l’existence de répartitions de marchés lors des tours de tables, dont il a décrit les modalités de fonctionnement107. Il a précisé que les parties se répartissaient les chantiers en fonction de quotas, afin de maintenir une certaine équité entre eux108 et a précisé que KP1 avait déjà déposé des offres de couverture, afin de permettre à l’entreprise désignée de remporter le marché qui lui avait été attribué lors du tour de table109.
87. Des tableaux de suivi de répartitions de chantiers de 2006 à 2018, ouverts sur l’ordinateur du directeur opérationnel de Soprel, ont été saisis au cours de la réunion multilatérale du 25 octobre 2018110. Selon le procès-verbal de constatations partielles de la BRDE, l’un de ces fichiers reprend divers villes, marchés et répartitions de ceux-ci entre les concurrents, leur localisation, ainsi que des observations sur les prix pratiqués et les sociétés détentrices des marchés. À titre d’exemple, sur une des lignes de ce tableau se rapportant à un marché sur Rouen, il est inscrit « KP1 pour qu’ils aient qqchose sur ce chantier ! »111. Ces tableaux comprennent des colonnes « affec pre » (pour « affectation prédalle »)112 et « affec dap » (pour « affectation dalle alvéolée »)113 avec les numéros 2, 4 et 6 sur les chantiers attribués entre le 25 novembre 2009 et le 25 juin 2015.
88. L’un des fichiers était ouvert sur l’ordinateur devant le directeur opérationnel de Soprel au moment de la perquisition du 25 octobre 2018, comme l’atteste la cote 2204 :
89. Le directeur opérationnel de Soprel a déclaré qu’il complétait ce tableau sur la base des informations transmises par ses concurrents : « [c]es informations me sont fournies par mes concurrents. Je profite des réunions (…) pour compléter ce tableau personnel, notamment pour savoir qui a gagné certains marchés »114.
90. Les éléments saisis se rapportant aux réunions multilatérales, ainsi que de nombreuses captations d’échanges téléphoniques, dont des exemples non-exhaustifs sont reproduits ci-dessous, font référence à des répartitions de marché :
- message de FB à Soprel le 16 décembre 2016 : « [a]u cas où le chantier Urma te contacte pour un niveau stp ne répond pas Je leur ai mis une plus value Bon week end »115 ;
- messages entre KP1 et Soprel du 13 septembre 2017 :
o message de KP1 : « [f]aut vraiment dire quelle affaire tu as ciblé et on regarde » ;
o réponse de Soprel : « et st germain en laye GAGNERAUD, prends les poutres et laisse moi les dalles ; GCC je cible pas !! Tu peux y aller !!! » ;
- messages entre KP1 et Soprel du 26 septembre 2017 :
o message de KP1 :« charpente (…) Ou ? il y a la pose » ;
o réponse de Soprel : « CROISSY oui avec la pose ! RdV » ;
o réponse de KP1 : « Ah merde s’il y a la pose ! C’est pour 2018 ; Interdit qu’il la prenne en Cde. ; On laissera pour strudal »116 ;
- captation d’un échange téléphonique entre le directeur opérationnel de Soprel et le directeur opérationnel d’A2C du 19 juin 2018 :
« Moi [A2C] je suis chargé de prendre contact avec SLM et toi [Soprel], pour dire on se rencontre jeudi, Gare de Lyon, est-ce que ça t’intéresse de venir? Moi je vais être très franc avec eux, je vais dire voilà, la grille de prix elle est là, c’est soit vous me garantissez que vous jouez le jeu avec cette grille, et auquel cas moi je veux bien qu’on parle des ... des grosses affaires et que ... et puis que vous vous mettiez sur les grosses affaires. Pas de souci là-dessus (…) on parle des gros dossiers et on peut se les partager, mais on annonce les dossiers »117 ;
- captation d’un échange téléphonique du 13 septembre 2018 entre Soprel et FB :
« En fait, ce que je te propose, c’est que moi [Soprel], je vais probablement refaire une réponse conjointe avec KP1, mais l’idée, ce serait de dire, en fait, toi... tu m’avais dit que tu voudrais bien récupérer 20 ou 30.000, l’idée que je te propose c’est qu’on fasse comme ça. C’est à dire que toi aujourd’hui tu ne fasses pas de réponse, mais que nous on s’engage à ce tu en ais entre 20 et 30 000 à faire » 118 ;
- captation d’un échange téléphonique entre Soprel et Strudal du 25 juillet 2018 :
« Moi, je reste toujours sur ce qu’on dit... (…) au départ cette affaire-là elle était à IB. IB vu qu’il a été viré, il a été prendre une autre affaire heu on a rien dit alors moi j’veux bien, mais si on s’appelle entre nous, il y a des affaires, on dit ouais je te le laisse, je te la laisse, mais au bout d’un moment, faut que je prenne une affaire moi aussi »119.
Sur les réunions multilatérales
• Sur les réunions entre A2C, KP1, Rector, SEAC, SLM et Soprel
91. Les éléments du dossier attestent de l’existence de nombreuses réunions multilatérales entre A2C, KP1, Rector, SEAC, SLM et Soprel.
92. En premier lieu, un cahier de notes appartenant au directeur commercial de la région Ile-de-France de KP1 a été saisi dans la salle de réunion à l’hôtel Mercure de Roissy le 25 octobre 2018120. Des références datées figurent sur les pages de ce carnet. La première inscrite correspond au 10 juillet 2003, la dernière au 17 octobre 2018. Ce carnet comprend, notamment, des listes de chantiers assorties de chiffrages auxquelles correspondent des numéros entourés en bout de ligne allant de 1 à 6. Ce système perdure jusqu’à la date du 15 mai 2008121. À cette date, les chiffres sont remplacés par des lettres à savoir K (pour KP1), R (pour Rector), C (pour Corbeil Prédal devenue A2C), ou directement par des mentions des sociétés A2C, SEAC, SLM et Soprel122.
93. Interrogé sur la signification de ces lettres, le directeur commercial Ile-de-France de KP1 a indiqué que ces notes étaient prises pendant les réunions de cartel : « [c]e sont des attributions d’affaires sur des affaires en cours. En tant que salarié de la société KP1 lorsque je demande que l’affaire soit marquée K par exemple, durant la réunion, j’exprime mon souhait de prendre une affaire. À ce genre de réunion on fait un tour de table où on avance ce que l’on veut par rapport à nos préférences. (…) Je savais que ces réunions étaient illégales, mais j’avais l’obligation d’y aller et participer »123.
94. Les notes manuscrites du cahier du directeur commercial Ile-de-France de KP1 mentionnent notamment :
- des réunions des 22 et 25 septembre 2003, 5 et 24 novembre 2003, 6 et 13 janvier 2004, 17 décembre 2004, 20 janvier 2005, 1er mars 2005 et 3 mai 2005 décrites aux paragraphes 261 à 340 de la notification de griefs124 ;
- une réunion de la FIB du 15 mai 2008 entre A2C, KP1, Rector, SEAC, SLM et Soprel avec une mention « mini-traité » suivi d’une grille de prix ;
- une réunion du 27 mai 2008 comprenant une liste de 28 marchés, dont 7 sont attribués à « K », 9 à « R », 7 à « C » (dont 1 conjointement avec « SEAC ») et 1 marché est attribué à « 1 » (« libre » selon KP1125). Face à certains marchés, il est noté « libre » ; face au marché « Hanny Lieusaint 1000m² » attribué à « C » et « SEAC » il est noté « perdu ». Les notes sont prises au crayon et des actualisations sont apportées au stylo rouge pour confirmer la commande d’un marché attribué ou indiquer qu’il a été « perdu ». Face au marché « LMP Quincy sous senard 1500m² (Dubourd) », il est noté « grille (AO) ». KP1 a confirmé que les lettres « K », « R » et « C » correspondent respectivement à KP1, Rector et A2C126 ;
Extrait d’un tableau saisi dans les locaux de Soprel193
- une réunion du 15 septembre 2008 comprenant une liste de 42 marchés127, dont 8 sont attribués à « K », 7 à « R », 4 à « C » et 1 à A2C. KP1 a confirmé que les lettres « K »,
« R » et « C » correspondent respectivement à KP1, Rector et A2C128 ;
- une réunion du 26 novembre 2008 comprenant une liste de 36 marchés129, dont 10 attribués à « K », 8 à « R », 4 à « C » et 1 à « JC ». Les notes comportent également des informations concernant les prix appliqués par les concurrents. Ainsi, il est marqué : « SLM râle -> KP1 à 21,50 » ; « Mini traité à 25€ en 6 / 23,8 en 5 » ; « ep. 6 26 / 24,80 en ep.56m » ; « >500 à 600 27 à 27,50 (01,5) ou >7m ». KP1 a confirmé que les lettres « K », « R » et « C » correspondent respectivement à KP1, Rector et A2C et que les initiales « JC » désignent le directeur d’exploitation de SLM130.
- une réunion non datée, qui s’est tenue entre les réunions du 26 novembre 2008 et du 18 février 2009131, comprenant une liste de 59 marchés avec leurs volumes et le code d’attribution, dont 15 ont été attribués à « K », 17 à « R », 5 à « C », 6 à Soprel et 4 à « JC » (initiales du représentant de SLM132). KP1 a confirmé que les lettres « K », « R » et « C » correspondent respectivement à KP1, Rector et A2Cet que les initiales « JC » désignent le directeur d’exploitation chez SLM 133. Concernant certains marchés, après le code d’attribution, il est noté « perdu » avec le nom de la société qui a obtenu le marché. Face à certains marchés, il est noté « libre » et pour d’autres, après leur attribution, il est marqué un prix. Par exemple, pour le marché « BY prison Peau 15000 inverse 37000m² » il est noté « 26 en 6 plancher » ou encore pour le marché « Petit Komus (…) 22000m² “K” 24.20 en 5 » ou pour le marché « legendre Bx à Montevin 7300 “R” 25,40 en 6 ». KP1 a confirmé que les lettres « K », « R » et « C » correspondent respectivement à KP1, Rector et A2C et que les initiales « JC » désignent le directeur d’exploitation de SLM ;
- une réunion non datée, qui s’est tenue entre les réunions du 18 février 2009 et du 7 avril 2009 comprenant une liste de 36 marchés dont 7 attribués « K », 10 à « R », 5 à « C », 3 à « JC » et 2 à « S »134. KP1 a confirmé que les lettres « K », « R », « C » et « S » correspondent respectivement à KP1, Rector, A2C et Soprel et que les initiales « JC » désignent le directeur d’exploitation chez SLM135 ;
- une réunion non datée, qui s’est tenue entre les réunions du 22 avril 2009 et du 17 juin 2009 comprenant une liste de 37 marchés partagés entre « K » (6 marchés), « R » (7 marchés), « C » (4 marchés), « JC » (7 marchés), et « Soprelem » (1 marché)136. Face à certains marchés, il est indiqué qu’ils sont libres, pour d’autres après la note indiquant leur affectation à une entreprise, il est noté « perdu ». KP1 a confirmé que les lettres « K », « R » et « C » correspondent respectivement à KP1, Rector et A2Cet que les initiales « JC » désignent le directeur d’exploitation chez SLM 137 ;
- une réunion du 25 juin 2009 comprenant une liste de 37 marchés, dont 9 attribués à « K », 7 à « R », 4 à « C » et 5 à « S »138. KP1 a indiqué que les lettres « K », « R » « C » et « S » correspondent à KP1, Rector, A2C et Soprel139 ;
- une réunion non datée, qui s’est tenue entre les réunions du 25 juin 2009 et du 9 novembre 2009, comprenant deux tableaux, faisant apparaître les initiales ou le nom des sociétés A2C, KP1, Rector, SEAC, SLM et Soprel. Selon KP1, le 1er tableau reprend les capacités de production que chaque entreprise mettait en avant en début de réunion et servait à la répartition des marchés par la suite. Le 2ème tableau correspond aux pourcentages de répartition entre les différentes entreprises. Ces chiffres évoluent d’une ligne à l’autre pour une même entreprise car les pourcentages évoluent en fonction de la négociation entre les entreprises durant la réunion. Le pourcentage final attribué correspond à la dernière ligne140. La suite des notes est un tableau avec sept colonnes sur deux pages : une colonne consacrée au marché avec le nom du client et le volume, cinq colonnes dédiées aux entreprises se partageant les marchés (A2C, K, R, SLM, Sop), une étoile est posée face au marché dans la colonne de l’entreprise attributaire, une dernière colonne avec des commentaires. Les volumes de SEAC ont été discutés en début de réunion ;
- une réunion non datée, qui s’est tenue entre les réunions du 14 décembre 2009 et du 3 février 2010, comprenant des informations sur les prix141 et une liste de 89 marchés avec leurs volumes, le nom du client et leur affectation à K (13 marchés), R (17 marchés), A2C (25 marchés), Soprelem (6 marchés), SLM (11 marchés) ou à SEAC (14 marchés). À la fin de ce tableau se trouve un bilan des volumes d’affaires réalisés par les 6 concurrents.
95. En deuxième lieu, les éléments du dossier montrent qu’à partir de 2011, le directeur opérationnel d’A2C assurait les fonctions de secrétaire, en tenant à cet égard un tableau Excel synthétisant les discussions, dont une copie était remise aux participants142.
96. KP1 a produit des tableaux Excel, intitulés « TABLEAU RELANCE AFFAIRES »143, préparés par le directeur opérationnel d’A2C et reprenant la répartition des chantiers et des volumes entre les entreprises participant aux réunions régionales sur les prédalles en Ile-de-France, sur une période allant du 9 février 2011144 au 6 novembre 2014145. Ces tableaux contiennent des colonnes sur l’identité du client, le nom du chantier, le département, le volume global (marqué avec code couleur rouge ou bleu), les volumes en dalles alvéolées et poutres, le prix des prédalles et des colonnes intitulées 1, 2, 3, 4 et 5146. La mention « Rector laisse ce chantier à A2C » figure en face d’une ligne afférente au chantier « LMP » situé à Choisy-Le-Roi147. La mention « prévenir que nous allons la prendre » figure en face d’une ligne afférente au chantier « UNIVERSITE DE CERGY NEUVILLE SUR OISE » sur un feuillet daté du 10 juin 2013148.
97. En fin de chaque tableau figure un suivi des parts de marché des entreprises 1, 2, 3, 4 et 5, avec un calcul du différentiel entre les parts de marchés réalisées et les parts de marchés pour les chantiers « attribués ». Les mentions « attribs kotas » et/ou « cds kota », faisant référence aux parts de marchés convenues entre les parties, figurent expressément sur les feuillets datés du 16 octobre 2013149 au 16 septembre 2014150. KP1 a identifié les entreprises correspondant aux colonnes numérotées : les chiffres 1 à 5 désignent respectivement KP1, Rector, A2C, SLM et Soprel (à partir de juillet 2013).
98. Des tableaux identiques ont été saisis auprès de Soprel et d’A2C :
- un fichier Excel, intitulé « tab affaires 2012.xls »151, composé de 30 onglets a ainsi été saisi dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel. Les onglets portent des dates du 8 février 2011 au 11 juin 2013. L’exploitation des métadonnées de ce fichier Excel atteste que ce fichier a été créé le 10 février 2005 et modifié pour la dernière fois le 19 juillet 2013 par le directeur opérationnel d’A2C152.
- des versions papier de ces mêmes tableaux, comportant des mentions manuscrites, ont été saisies dans le bureau du directeur opérationnel d’A2C avec des dates allant du 16 octobre 2013 au 16 avril 2014153.
99. Les tableaux communiqués par le demandeur de clémence, dont la plupart ont également été saisis parmi les documents provenant de Soprel et d’A2C, attestent de l’existence de 15 réunions entre KP1, Rector, A2C et SLM entre le 9 février 2011 et le 11 juin 2013154 et de 11 réunions entre le 19 juillet 2013 et le 6 novembre 2014 entre KP1, Rector, A2C, SLM et Soprel155.
100. En troisième lieu, plusieurs autres notes manuscrites, courriels et échanges de SMS attestent de la tenue d’autres réunions multilatérales entre le 19 décembre 2013 et le 11 février 2016 :
- un courriel du 29 janvier 2014, adressé par KP1 à des représentants d’A2C, Rector, SLM, Soprel et de la FIB faisant état d’une réunion Qualiprédal tenue le 19 décembre 2013 et planifiant une autre réunion le 4 février 2014 à l’hôtel Novotel dans le 15ème arrondissement de Paris156. Les notes du président d’A2C, prises dans son agenda le 4 février 2014, attestent que l’objet de cette réunion portait notamment sur le « prix des prémurs »157 ;
- les notes prises par le président d’A2C dans son agenda de 2014 font état d’une réunion prévue le 18 février 2014 entre A2C, Rector et SLM sur un « niveau de prix / grille de prix »158 ;
- une page manuscrite à l’entête Hôtels Mercure, faisant état d’une réunion le 11 février 2016 entre A2C, KP1, Rector, SLM et Soprel. Ces notes comprennent des informations sur les parts de marché de ces 5 entreprises et leurs prix de vente moyen159.
101. En quatrième lieu, il ressort des éléments du dossier que 4 réunions anticoncurrentielles se sont tenues entre A2C, KP1, Rector et Soprel au cours de l’année 2018.
102. Le 19 juin 2018, une première réunion s’est tenue entre A2C, KP1 et Rector à l’hôtel Mercure Paris Porte d’Orléans160.
103. S’agissant de l’objet de cette réunion, le directeur général de KP1 a indiqué : « Nous avons discuté de la possibilité de remonter les prix en Ile-de-France. Nous avons évoqué la volonté d’augmenter les prix et d’une manière générale que les opérationnels soient en relation…. Il y avait une réunion à l’hôtel Mercure sur un autre sujet, le comité de pilotage du GIE thermo prédalle. Quelqu’un a dû inviter A2C car ils n’en font pas partie »161.
104. La captation d’un échange téléphonique du 19 juin 2018 entre les directeurs opérationnels d’A2C et de Soprel atteste que les discussions ont également porté sur les répartitions de chantiers : « ils veulent qu’on parle des gros chantiers qu’on s’est distribués ... je lui ai dit ok »162.
105. Le même jour, le directeur opérationnel de Soprel a appelé le directeur commercial Ile-de-France de KP1 et l’a informé du contenu de sa discussion avec le directeur opérationnel d’A2C163.
106. Le 21 juin 2018, une deuxième réunion s’est tenue entre A2C, KP1, Rector et Soprel dans les locaux de la société Multiburo sur le parvis de la gare de Lyon à Paris164. S’agissant des participants, le directeur régional Nord/Normandie de KP1 a indiqué que 6 personnes étaient présentes lors de cette réunion, trois représentants de KP1165, un représentant de Rector, et les directeurs opérationnels d’A2C et de Soprel166.
107. S’agissant de l’objet de cette réunion, les trois représentants de KP1 ayant assisté à cette réunion ont indiqué que les discussions avaient porté sur l’application d’une grille de prix remise par A2C et de répartitions de chantiers :
- le directeur commercial national a ainsi déclaré que l’objet de cette réunion consistait à adopter une méthode pour maintenir un niveau de prix minimal des prédalles, à laquelle pouvait s’adjoindre une répartition de marchés entre concurrents 167 ;
- le directeur commercial Nord/Normandie a déclaré qu’un représentant d’A2C avait remis une grille de prix sur les prédalles pendant cette réunion, en demandant aux entreprises présentes de ne pas pratiquer de tarifs inférieurs à cette grille168. Il a également précisé que Rector avait souhaité discuter d’une répartition des volumes d’affaires en fonction des capacités de production des entreprises participant à cette réunion169 ;
- le directeur commercial Ile-de-France a indiqué que le directeur régional de Rector avait souhaité obtenir des marchés lors de cette réunion. Il a précisé que les représentants de KP1, Soprel et A2C s’étaient opposés à cette idée, en demandant au préalable que Rector s’engage à respecter des prix minimums, avant que des marchés lui soient attribués. Il a également précisé que le directeur régional de Rector avait appelé sa direction et avait, à la suite de cette conversation, accepté le principe de respecter une grille de prix minimums et qu’une nouvelle date de réunion avait été convenue le 17 juillet 2018 entre les participants170.
108. Le 25 juin 2018, le directeur opérationnel de Soprel a appelé le directeur général de Strudal pour l’informer de la réunion du 21 juin 2018, en lui précisant que celle-ci avait concerné principalement le prix des prédalles, mais que la question de la grille de prix des dalles alvéolées avait également été évoquée lors de cette réunion et qu’il proposerait que Strudal les rejoigne à la prochaine réunion171.
109. Le 17 juillet 2018, une troisième réunion s’est tenue, dans les locaux de l’hôtel Mercure de Roissy entre des représentants d’A2C, KP1, Rector et Soprel172.
110. S’agissant de la teneur des échanges, un document saisi dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel comporte une mention « Réunion du 17/07/18 » sous laquelle apparaît une première ligne indiquant « Accord sur la grille ». Ce document liste ensuite 18 chantiers avec leurs volumes, et pour certains d’entre eux le nom des concurrents les ayant obtenus. Devant le chantier « Montrouge Spie », figure la mention « a priori RECTOR a la grille »173.
111. Interrogé sur cette réunion, le directeur commercial Nord/Normandie de KP1 a indiqué que les discussions avaient porté sur des répartitions de chantiers174.
112. Le 25 octobre 2018, une dernière réunion s’est tenue à l’hôtel Mercure de Roissy entre 7 représentants de KP1, Rector, A2C et Soprel175. Cette réunion a été interrompue par les agents de la BRDE, qui ont procédé aux interpellations des participants en vue de leur placement en garde à vue. À cette occasion, les agents de la BRDE ont saisi les smartphones et les ordinateurs portables des intéressés, ainsi que des documents de travail en version papier. Les constatations ont permis de relever, tant sous format papier que sous support électronique, des tableaux divers ayant servi de support aux discussions entre A2C, KP1, Rector et Soprel ainsi que des grilles de prix176.
113. Une captation d’échanges téléphoniques du 18 octobre 2018 entre le directeur opérationnel de Soprel et le directeur commercial Ile-de-France de KP1 atteste que l’objet de la réunion du 25 octobre 2018 portait sur des répartitions de chantiers et des discussions sur les prix177. La captation d’un échange téléphonique du 24 octobre 2018 entre les directeurs opérationnels de Soprel et d’A2C atteste que Soprel souhaitait demander l’obtention de certains chantiers au cours de cette réunion : « Prends toutes tes affaires einh. Tes 450.000 mètres carrés (rires). Mais là cette fois ci, je vais peut être en demander quelques unes quand même »178.
• Sur les réunions entre A2C, KP1, FB, Soprel, IB et Strudal
114. Les éléments du dossier attestent de l’existence de réunions multilatérales entre A2C, KP1, FB, IB, Soprel et Strudal en vue de fixer les prix et de se répartir les marchés des dalles alvéolées. Selon KP1, ces réunions avaient lieu environ toutes les quatre à six semaines jusqu’en juin 2015, indépendamment des réunions qui pouvaient se tenir entre les concurrents concernant les prédalles. Les participants à ces réunions ont mis en place le même système de quotas et de grille de prix minimums que celui employé pour les prédalles en Ile-de-France, avec des tableaux de suivi d’affaires similaires179. Ces réunions se sont ensuite espacées dans le temps, mais ont perduré jusqu’au 30 mai 2018.
115. En premier lieu, six tableaux, qui étaient utilisés par les membres de l’entente pour se répartir les marchés en 2014 et 2015. Ont été saisis en version papier dans les locaux de la société Soprel180. Ces tableaux comportent des codes chiffrés (1 à 6) pour désigner les participants:
- un premier tableau comprend une liste de 74 marchés avec des colonnes numérotées de 1 à 6, sur lesquelles figurent les initiales A, F, I et K en face des colonnes numérotées de 1 à 4181. Le croisement des données de ce tableau avec le fichier Excel « Gestion Des Offres 2018 10 24.Xlsx »182 de Soprel permet de confirmer que les chantiers figurant dans ces deux documents ont été attribués au cours des années 2013, 2014 et 2015183. Ce tableau comporte des corrections et des mentions manuscrites. Certaines attributions de volumes sont corrigées et transférées de la colonne d’une entreprise à un concurrent ;
- un deuxième tableau comprend une liste de marchés avec des colonnes numérotées de 1 à 6 au-dessus desquelles figurent les initiales A2, FB, IB, KP1, SO et ST184 ;
- un troisième tableau comprend une liste de 105 marchés avec des colonnes numérotées de 1 à 6185. Une grande partie des chantiers figurant dans ce tableau sont les mêmes que ceux figurant dans le premier tableau de 74 chantiers. Il comprend une liste de chantiers supplémentaires, comme par exemple, le chantier du nouveau tribunal de grande instance de Paris mentionné à la ligne 78 du tableau ;
- deux versions identiques d’un quatrième tableau comprenant une liste de 117 marchés avec des colonnes numérotées de 1 à 6 au-dessus desquelles figurent les initiales A2, FB, IB, KP1, SO et ST186 ;
- un tableau comprenant une liste de 106 marchés avec des colonnes numérotées de 1 à 6 ;
- un tableau comprenant une liste de 113 marchés avec des colonnes numérotées de 1 à 5. Ce tableau est accompagné d’une page manuscrite, comprenant une liste de marchés numérotés de 114 à 128 avec des colonnes intitulées 1, K, SO et ST et comportant des croix en face de certains chantiers187. Le croisement des données figurant sur les tableaux « attributions » du deuxième scellé des affaires du directeur opérationnel de Soprel avec celles du tableau « Recap Offres 2013 »188 montre que ce tableau concernait des marchés attribués en 2012 et 2013189.
116. Ces tableaux comportent en fin de page un bilan des parts de marché « REEL » et du
« QUOTA » pour chaque entreprise, ainsi qu’une mention « ECART REEL / QUOTA » sous laquelle figure la différence entre les parts de marché effectivement réalisées et les quotas attribués aux entreprises mentionnées sur ces tableaux190.
117. Le demandeur de clémence a fourni deux exemples de tableaux, dont la structure est en tout point similaire à celle des tableaux saisis dans les locaux de Soprel :
- un premier tableau, sur lequel figure une mention manuscrite « 02/2014 » comprenant une liste de 191 chantiers avec des colonnes détaillant le lieu, la désignation, le département, l’entreprise de construction et la surface du chantier. Ce tableau comporte également des colonnes numérotées de 1 à 5 correspondants respectivement aux entreprises A2C, IB, KP1, Soprel et Strudal comme indiqué dans les mentions manuscrites figurant en bas de ce tableau191 ;
- un deuxième tableau comprenant une liste de 106 marchés avec des colonnes numérotées de 1 à 6. Ce tableau est accompagné d’une page manuscrite, comprenant une liste de marchés numérotés de 107 à 117. En haut de cette page manuscrite figure un tableau avec les initiales « A » (pour A2C), « E » (pour FB, anciennement Echolux), « I » (pour IB), « K » (pour KP1), « S » (pour Soprel) et « ST » (pour Strudal) auxquelles sont associés des volumes et des pourcentages192.
Extrait d’un tableau saisi dans les locaux de Soprel193
Extrait d’un tableau fourni par le demandeur de clémence
118. À l’instar des tableaux communiqués par KP1 dans le cadre de sa demande de clémence décrits au paragraphe 115 ci-avant, les tableaux « attributions » saisis dans les locaux de Soprel comportent en fin de page un bilan des parts de marché « REEL » et « QUOTA » pour chaque entreprise, ainsi que la mention « ECART REEL / QUOTA »194.
119. En deuxième lieu, une page manuscrite du directeur opérationnel de Soprel sur laquelle figure en haut de page la mention « Bilan 2013 Tables » et, en milieu de page, la date du
« 12 février 2014 » a été saisie dans les locaux de Soprel. Cette page manuscrite comprend les acronymes A2C, KP, SO, ST, IB, FB avec la mention « personne ne veut faire quelque chose ». Un tableau associant des pourcentages à ces mêmes acronymes figure également sur le document195. Un mail du 9 novembre 2013 adressé par la direction nationale de KP1 au directeur commercial Ile-de-France de KP1 en vue d’une réunion « Qualiprédalle » comprend des pourcentages sensiblement égaux affectés aux entreprises « A », « I », « K », « SO » et « ST »196.
120. En troisième lieu, les notes manuscrites du 25 février 2014 du directeur opérationnel de Soprel indiquent les volumes fabriqués par KP1 (« KP1 (Poincy) a fabriqué en 2013 = 201,000m² »), A2C (« A2C déclare avoir fabriqué en 2013 ~ 80,000m² ») et FB (« FB déclare 50,000m² sur le Nord »). Elles comprennent également des pourcentages affectés aux entreprises « IB », « KP1 », « SO », « ST », « FB » et « A2C »197 .
121. En quatrième lieu, le premier demandeur de clémence a fait état de discussions anticoncurrentielles plus espacées en 2016 et de l’existence de deux réunions les 4 et 25 janvier 2017 entre KP1, IB, Soprel et Strudal, en vue de discuter sur les prix198.
122. Plusieurs éléments du dossier permettent de corroborer l’existence de discussions sur une grille de prix à la fin de l’année 2016 et au début de l’année 2017 :
- des échanges de SMS entre le directeur commercial d’Ile-de-France de KP1 et le directeur opérationnel de Soprel199 font état d’une réunion programmée entre quatre concurrents le 15 novembre 2016 à Orly. Le demandeur de clémence a précisé que les participants étaient KP1, IB, Soprel et Strudal200 ;
- les échanges de SMS du 24 janvier 2017 entre le directeur commercial Ile-de-France de KP1 et le directeur opérationnel de Soprel font état d’une réunion le 25 janvier 2017 entre KP1, Soprel et Strudal201. Le demandeur de clémence a indiqué qu’IB y avait également participé202 ;
- une note manuscrite, faisant référence aux prix de la grille et aux prix pratiqués par Soprel sur deux chantiers situés à « Clichy La Garenne » et à « Lieusaint »203. Les chantiers figurant sur cette note sont renseignés dans le tableau « Gestion des offres 2018 10 12.xlsx » saisi dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel204 et datent du 23 février 2017 (ligne 829 relative à l’affaire Clichy La Garenne - Zac entrée de ville) et du 19 janvier 2017 (ligne 913 relative à l’affaire Lieusaint – pôle médical). Les prix de la grille figurant sur ces notes font référence à la grille de prix des dalles alvéolées saisie chez Soprel205 ;
- un courriel interne du 9 mars 2017206 adressé par la direction commerciale nationale de KP1 à un directeur commercial régional de KP1, auquel est annexée une grille de prix applicable pour la vente de dalles alvéolées. Cette grille de prix a été saisie chez le directeur opérationnel de Soprel.
123. En cinquième lieu, un tableau intitulé « CAPA DAP.xlsx »207 portant sur les dalles alvéolaires a été saisi dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel. Ce tableau comporte 13 colonnes de A à N. Il reprend pour les 4 entreprises concurrentes IB, KP1, Soprel et Strudal, en sus des capacités journalières et annuelles de chaque entreprise, des colonnes relatives aux parts de marché de chaque concurrent :
- une colonne J intitulée « pdm en capacité » ; une colonne K intitulée « pdm vente base 2016 » ; une colonne M intitulée « PDM retenue 2017 » ; une colonne N intitulée « PDM proposée 2018 » ;
- Un commentaire en bas de tableau indique : « COLONNE J ; c’est la "part de marché” en capacité... pdm = capacité d’un fabricant /capacité totale » ; « COLONNE K ; c’est la “part de marché” sur les ventes de 2016... pdm = ventes déclarées du fabricant/vente totale » ; « COLONNE M ; correspond aux pdm prises en compte en 2017 » et « COLONNE N : correspond aux pdm proposées à débattre »208.
124. En sixième lieu, les éléments du dossier attestent de l’existence de deux réunions les 25 avril 2018209 et 30 mai 2018210 entre KP1, IB, Soprel et Strudal près de la porte d’Orléans.
125. Interrogé sur ces deux réunions, le directeur général de Strudal a précisé en être à l’origine211 et a confirmé y avoir participé avec le directeur commercial d’Ile-de-France de KP1, le directeur général d’IB et le directeur opérationnel de Soprel (qui était uniquement présent lors la deuxième réunion)212. S’agissant de l’objet des discussions, le directeur général de Strudal a indiqué que « peut-être, lors de la réunion de ma présentation, intervenue au printemps 2018, du côté de la porte d’Orléans, j’ai évoqué avec mes concurrents mon intérêt pour le chantier Archipel »213 et « [q]uand ils ont parlé du siège VINCI [chantier Archipel]
- par «ils» j’entends Messieurs J... [KP1], M... [Soprel] et O... [IB] - en ma présence : ils m’ont dit que ce chantier ne les intéressait pas »214.
126. Une captation d’un échange téléphonique le 13 juin 2018 entre le directeur général de Strudal et le directeur opérationnel de Soprel atteste que les discussions au cours de ces réunions ont porté sur des répartitions de chantiers. Au cours de cette conversation, le directeur général de Strudal indique au directeur opérationnel de Soprel vouloir respecter ce qui a été « convenu tous ensemble autour de la table »215 et fait mention de deux appels téléphoniques avec le directeur général d’IB concernant l’attribution du chantier de Vinci : « moi j’ai appelé O… [M. O… : directeur général d’IB] ... et je lui ai dit le siège de Vinci si il t’intéressait (…) je te le laisse d’accord ? (...) par contre il y a un chantier ou deux derrière... qu’il faudra pas que tu m’embêtes (…). Il m’a dit pas de problèmes je regarde ça. il m’appelle hier et il me dit en fait... le siège de Vinci cela ne m’intéresse plus, je voudrais l’autre »216. Le directeur général de Strudal indique alors au directeur opérationnel de Soprel son intention de récupérer le chantier Vinci, qui devait à l’origine être attribué à IB : « moi c'est le siège de Vinci qui m'intéresse, vu sa position je voulais le laisser à O... [directeur général d’IB], donc je le récupère cela te dérange ou pas? »217. Le directeur opérationnel de Soprel lui confirme son accord pour lui laisser ce chantier, à condition d’obtenir le chantier Bouygues218.
127. La captation d’un échange téléphonique du 25 juin 2018 entre le directeur opérationnel de Soprel et le directeur général d’IB fait mention d’une nouvelle réunion prévue le 26 juin 2018, qui a finalement été annulée après que le directeur général d’IB a indiqué qu’il ne pouvait pas y participer. Au cours de cette conversation, le directeur général d’IB a indiqué qu’il souhaitait qu’une nouvelle réunion soit organisée la semaine suivante et s’est assuré que le directeur opérationnel de Soprel fasse « le tour » des autres participants219. Le même jour, le directeur opérationnel de Soprel a contacté le directeur commercial d’Ile-de-France de KP1220 et le directeur général de Strudal221 pour organiser une nouvelle réunion. Le directeur général de Strudal a alors proposé « d’essayer de ramener à P… [FB] à la table »222, le directeur opérationnel de Soprel lui précisant « avoir fait la même chose (…) il y a 5 ans » en évoquant l’existence d’une grille de prix223. Le directeur commercial de KP1 a proposé deux nouvelles dates pour la tenue de cette réunion (3 et 4 juillet 2018)224. Les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que cette réunion a eu lieu.
128. La captation d’un échange téléphonique du 21 septembre 2018 entre le directeur général de Strudal et le directeur opérationnel de Soprel atteste que le chantier Archipel a finalement été obtenu par Soprel. Au cours de cette conversation, le directeur général de Strudal a fait part de son mécontentement en qualifiant les représentants de IB, KP1 et Soprel de « troupes des fourbes »225 et critiquant le non-respect des accords pris pendant la « table » : « s’il faut rencontrer [inaudible] autour d'une table dire : celle-là je la prends, celle-là je te couvre, celle-là machin...(…) votre façon de faire, c'est que tout le monde essaie de niquer tout le monde »226.
129. Le 5 octobre 2018, le directeur général de Strudal a indiqué au directeur opérationnel de Soprel être prêt à participer à une réunion : « [p]as de problème pour moi - tu peux organiser qq chose - dis moi quand tu as des dates »227. Il ressort des écoutes téléphoniques du 5 octobre 2018 que le directeur général de Strudal a souhaité organiser une réunion entre Strudal, FB, KP1 et Soprel. Il a confirmé que le représentant de FB était d’accord pour y participer et avait demandé 20.000 m² de chantiers en région parisienne228.
Sur les échanges bilatéraux
130. Les éléments figurant au dossier permettent d’établir l’existence de nombreux contacts bilatéraux entre les parties comprenant notamment des échanges d’informations sur les prix et les répartitions de marchés.
131. Les éléments du dossier attestent de l’existence de :
- 107 échanges bilatéraux entre Soprel et KP1, entre le 8 juillet 2016 et le
25 octobre 2018, portant sur l’organisation de réunions, les prix pratiqués, les chantiers en cours et leur répartition, et dont le contenu est détaillé aux paragraphes 477 à 600 de la notification de griefs229 ;
- 7 échanges bilatéraux entre Soprel et Rector, entre le 18 janvier 2016 et le 25 octobre 2018, portant sur l’organisation de réunions et les chantiers en cours, et dont le contenu est détaillé aux paragraphes 602 à 607 de la notification de griefs230 ;
- 7 échanges bilatéraux entre Soprel et A2C, entre le 13 novembre 2017 et le 24 octobre 2018, portant sur l’organisation de réunions, les prix pratiqués, les chantiers en cours et leur répartition, et dont le contenu est détaillé aux paragraphes 618 à 628 de la notification de griefs231 ;
- 13 échanges bilatéraux entre Soprel et FB, entre le 16 décembre 2016 et le 14 septembre 2018, portant sur l’organisation de réunions, les prix pratiqués, les chantiers en cours et leur répartition, et dont le contenu est détaillé aux paragraphes 631 à 646 de la notification de griefs232 ;
- 6 échanges bilatéraux entre Soprel et IB entre le 28 mars 2018 et le 13 septembre 2018, portant sur l’organisation de réunions, des prix pratiqués, des chantiers en cours et de leur répartition, et dont le contenu est détaillé aux paragraphes 648 à 653 de la notification de griefs233 ;
- 12 échanges bilatéraux entre Soprel et Strudal entre le 15 mai 2018 et le 5 octobre 2018, portant sur l’organisation de réunions, les prix pratiqués, les chantiers en cours et leur répartition, et dont le contenu est détaillé aux paragraphes 655 à 677 de la notification de griefs234 ;
- 9 échanges bilatéraux entre KP1 et A2C entre le 7 juin 2018 et le 25 octobre 2018, portant sur l’organisation de réunions, les prix pratiqués, les chantiers en cours et leur répartition, et dont le contenu est détaillé aux paragraphes 693 à 703 de la notification de griefs235 ;
- 2 échanges bilatéraux entre A2C et SLM, le 26 février 2018236 et le 21 juin 2018237, portant sur les prix pratiqués, les chantiers en cours et leur répartition, et dont le contenu est détaillé aux paragraphes 732 et 734 de la notification de griefs.
Sur la mise en œuvre de l’entente dans la région Sud-Ouest (Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon).
132. Les deux demandeurs de clémence, ainsi qu’un ancien salarié de Rector238, ont indiqué que les entreprises KP1, Rector et SEAC notamment avaient participé à des réunions de concertation sur la région Sud-Ouest (Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon)239. Ces pratiques ont porté sur la répartition de marchés entre concurrents sur les prédalles et sur des échanges d’informations relatives aux prix des prédalles. S’agissant des informations relatives aux prix, ces échanges permettaient de s’assurer que les autres participants ne proposeraient pas une offre à un prix inférieur à celui auquel le participant s’étant vu attribuer le chantier envisageait de déposer son offre240.
133. Les réunions organisées au niveau régional, qui se tenaient de cinq à sept fois par an, avaient pour objet de se répartir entre concurrents les chantiers à venir afin de respecter les quotas de vente décidés au niveau national. Les réunions régionales étaient distinctes selon que l’objet portait sur la région Midi-Pyrénées ou sur la région Languedoc-Roussillon241.
134. Les éléments produits par les deux demandeurs de clémence au soutien de leurs déclarations sont synthétisés ci-après :
- deux tableaux Excel datés du 10 octobre 2018, intitulés « MP » et « LR », réalisés par le directeur commercial régional de KP1242, afin de préparer et d’effectuer un suivi de la répartition des chantiers convenue dans le cadre des réunions régionales portant sur les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon243. Ils comprennent un code chiffré allant de 11 à 47 : le chiffre de la dizaine correspond au participant auquel le chantier a été attribué par les autres participants, tandis que le chiffre de l’unité désigne la réunion régionale au cours de laquelle le chantier en question a été attribué. Pour le chiffre de la dizaine, les chiffres 1 à 4 désignent respectivement KP1 Rector, SEAC et Polybéton. Pour le chiffre de l’unité, le chiffre « 1 » désigne la première réunion de l’année, le chiffre « 2 » désigne la deuxième réunion de l’année, et ainsi de suite. La colonne intitulée « Mis dans prévisionnel par Nicole » contient le terme « OK » ou les symboles « µ », « µµ » ou « µµµ ». Le symbole « µ » a deux significations : soit que KP1 souhaite que le chantier lui soit attribué par les autres participants aux réunions régionales, soit que KP1 souhaite que le chantier soit attribué à l’un des autres participants. La distinction entre les deux options se fait avec la colonne précédente qui permet de savoir à qui le chantier est attribué (chiffre de 1 à 4). Le symbole « µµ » signifie que KP1 souhaite fortement se voir attribuer ce chantier, tandis que le symbole « µµµ » signifie que KP1 le souhaite encore plus fortement. Les dernières lignes du tableau contiennent le montant cumulé des volumes attribués aux différents participants (la couleur bleue désignant KP1, la couleur rouge Rector et la couleur verte SEAC) afin de pouvoir vérifier la cohérence de ces volumes par rapport aux quotas et volumes discutés dans le cadre des réunions nationales244 ;
- des tableaux tenus et actualisés chaque mois par le directeur de la région Sud-Ouest de Rector, comprenant une liste de chantiers et leurs volumes associés à un code chiffré se rapportant à des concurrents (1 pour KP1, 2 pour Rector, 3 pour SEAC, notamment)245. Ces tableaux n’étaient pas sauvegardés sur le serveur de l’entreprise, mais sur des clés USB et sont relatifs à la période du 1er mars 2016 au 1er septembre 2017246 ;
- les rapports d’analyse des deux téléphones portables du directeur de la région Sud-Ouest de Rector247. Celui-ci communiquait avec ses concurrents via un téléphone jetable. Le concurrent faisait sonner une à deux fois le téléphone professionnel du directeur régional qui comprenait alors que son téléphone jetable devait être allumé afin de pouvoir correspondre avec son concurrent248 ;
- des échanges de courriels internes de KP1 concernant le contenu des réunions régionales :
- courriel du 16 mars 2011 faisant état de la nécessité pour KP1 de céder des volumes à ses concurrents : « [d]’autre part, je te rappelle ce que tu m’as demandé de lâcher prise un peu par rapport à mes parts de marches afin de faire remonter les prix. Ce que j’ai fait hier à la réunion qualipredall »249 ;
- courriel du 21 octobre 2016 faisant état du niveau des prix auxquels sont traités certains chantiers discutés dans le cadre des réunions régionales : « comme je te l’avais écrit dans un autre email ils se battent maintenant autour de 18.50 confirmé en Qualiprédal. Voir courriel joint. J’ai réunion la semaine prochaine je vais avoir plus d’informations sur les niveaux des prix sur les quelques opérations de logements en cours »250 ;
- courriel du 20 mars 2018 faisant état de chantiers attribués à certains des participants aux réunions régionales et des niveaux des prix proposés par ces concurrents : « je vous ai fait une extraction de mon C2TOTAL avec les premiers chantiers traités par Préfabos Pr Polybéton P Seac V ou Rector R. Dans la colonne commentaire j’avais mis pour quelques opérations les prix de prédalles »251.
Sur la mise en œuvre de l’entente au niveau de la région Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire) et de la région Aquitaine
135. Les deux demandeurs de clémence ont indiqué que les entreprises KP1, Rector et SEAC notamment ont participé à des pratiques portant sur des répartitions de marchés et d’échanges d’informations sur les prix sur la région Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Centre, Val de Loire) et en Aquitaine de 2008 à 2018252.
136. Les éléments du dossier attestent de nombreuses réunions multilatérales entre les entreprises KP1, Rector et SEAC en vue de se répartir les marchés entre 2010 et 2018.
137. Le premier demandeur de clémence a produit les notes manuscrites253 prises par le directeur commercial régional de KP1 prises à l’occasion de réunions régionales Qualiprédal s’étant tenues entre les mois de décembre 2010254 et mars 2018255. Ces notes comprennent des tableaux de synthèse dans lesquels figurent des informations relatives aux volumes des ventes des concurrents. Pour désigner les entreprises, le directeur commercial régional de KP1 utilise parfois des initiales (K pour KP1, R pour Rector, S pour SEAC) ou les mêmes noms de code que ceux utilisés dans le tableau de synthèse national, à savoir « logements » pour KP1, « Tertiaire » pour Rector, « Autres lgt » pour SEAC256 (voir paragraphe 48 ci-avant).
138. Les réunions entre KP1, Rector et SEAC identifiées sur la base de ces notes manuscrites sont listées dans le tableau ci-après :
139. Par ailleurs, KP1 a également communiqué des SMS échangés entre avril 2015 à octobre 2018 entre le directeur commercial régional KP1 et ses concurrents, portant sur l’organisation de ces réunions régionales. Certains de ces SMS concernent des échanges d’informations sur les prix257. À titre d’exemple, le 20 avril 2017, le directeur commercial de SEAC a adressé un SMS à KP1 sur le prix d’un chantier nommé « Inspuration » : « [t]u peux me donner tes prix sur inspuration ? Merci »258.
140. KP1 a également communiqué :
- des fichiers Excel intitulés « Suivi C2 » préparés par le directeur commercial régional au cours des années 2012 à 2018 et comprenant la répartition des chantiers entre KP1, Rector et SEAC. Des noms de code sont utilisés dans ces fichiers pour identifier la répartition des affaires. La colonne “Segts” permet de savoir si le chantier a déjà été traité (utilisation du chiffre 1), si le chantier est pour KP1 (utilisation du chiffre 2) ou pour l’un des autres participants (utilisation du chiffre 5). Pour connaître l’identité du participant auquel les parties ont décidé de confier le chantier, il convient de se reporter à la colonne « ABC », B désignant Rector et C désignant SEAC259 ;
- des échanges de courriels internes de décembre 2012 à août 2018 qui font référence à des répartitions de chantiers et des marchés « ciblés » dans le cadre des réunions régionales Qualiprédal260 ;
- des échanges de courriels relatifs à ces tableaux et à l’identification des affaires « ciblées»261.
141. Le premier demandeur de clémence a également communiqué des courriels adressés par les directeurs commerciaux régionaux à la direction commerciale nationale, afin de l’alerter sur les difficultés rencontrées pour remporter certains chantiers et qu’il en soit fait état dans le cadre des réunions organisées au niveau national :
- dans un courriel du 29 juillet 2016, le directeur commercial Bretagne de KP1 demande au directeur commercial national de KP1 de l’aider à « stabiliser » la situation, après avoir perdu un chantier au profit de Rector, en mentionnant des réunions au sein d’un GIE262 ;
- dans un courriel du 1er août 2016, le directeur commercial Bretagne de KP1 demande au directeur commercial national de KP1 d’intervenir, en indiquant que ses concurrents n’ont « aucun respect pour les prix » 263 ;
- dans un courriel du 23 octobre 2017, le directeur commercial Aquitaine de KP1 se plaint auprès du directeur commercial national de KP1 au sujet d’un marché important perdu au profit de Rector et lui demande d’évoquer ce sujet lors de la « prochaine réunion QualiPrédalle »264.
Sur la mise en œuvre de l’entente au niveau des régions Rhône-Alpes, Auvergne, Provence-Alpes-Côte d’Azur
142. Au sein des régions Rhône-Alpes, Auvergne et Provence-Alpes-Côte d’Azur, les pratiques étaient mises en œuvre par KP1, Rector et SEAC265. Comme dans les autres régions, ces pratiques portaient sur la répartition des marchés et les prix pratiqués par les concurrents266.
143. Les principaux éléments attestant de l’existence des pratiques dans les régions Rhône-Alpes, Auvergne, Provence-Alpes-Côte d’Azur sont synthétisés ci-après :
- un courriel du 24 octobre 2012, adressé par l’un des responsables commerciaux régionaux de KP1 au Directeur commercial régional de KP1 et faisant état d’un chantier qui avait été attribué à KP1 : « [o]n avait ciblé ce chantier qualiprédale : on continue »267 ;
- des échanges de courriels relatifs à ces tableaux et à l’identification des affaires « ciblées »268 ;
- des échanges de courriels internes à KP1, faisant référence à des marchés « ciblés », « affectés », « souhaits », « besoin », en date du 12 décembre 2014, du 7 janvier 2015269, du 15 juin 2015270, du 17 juillet 2015271, du 8 septembre 2015272, du 26 octobre 2015273, du 8 décembre 2015274, du 5 février 2016275, du 7 mars 2016 276, du 1er juillet 2016277, du 12 septembre 2016 278, du 15 janvier 2017279 ;
Du 15 février 2017280, du 21 février 2017281, du 19 mai 2017282, du 3 juillet 2017283, du 7 juillet 2017284, du 12 septembre 2017285, du 12 octobre 2017286, du 10 novembre 2017287, du 15 décembre 2017288, du 24 janvier 2018289, du 28 février 2018290, du 26 juin 2018291 :
- 5 février 2016 : « ATTENTION ==> il ne faut pas parler des dossiers CHAMBON (souhait 4) : tu laisses tomber ==> ce sera RECTOR » ; « Dossiers ciblés KP1 :
1 dossier traité KP1 et 1 dossier perdu recto » ; « Autres dossiers à cibler et souhaits »292 ;
- 24 janvier 2018 : « [p]our les chantiers déjà listé : rien de traité de notre côté (mais à conserver) Pour les nouveaux : voir ci-dessous, nos souhaits (sachant qu’il y a 2 Soulier de plus que j’ai quasiment traité ce jour _. Donc si tu n’en entends pas parler !!!) Nota : le 74 logts polygone : ce sont 5600 m2 de prédalles dont 5100 de THP (donc il reste 500 m2 de PR) »293 ;
- un courriel du 9 mars 2017 adressé par la direction commerciale nationale de KP1 au directeur commercial régional de KP1, auquel est annexée une grille de prix applicable pour la vente de dalles alvéolées ; le fichier a été créé par Soprel le 22 janvier 2013294 ;
- un tableau Excel, intitulé « PACA », réalisé par le directeur commercial régional de KP1295, afin de préparer et d’effectuer un suivi de la répartition des chantiers convenue dans le cadre des réunions régionales portant sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le tableau Excel communiqué comprend deux onglets : « 2018 5 » et « 2018 6 », ce qui signifie qu’il s’agit des cinquième et sixième réunions de l’année 2018296 ;
- un tableau Excel, intitulé « RAB » (Rhône-Alpes, Bourgogne), réalisé par le directeur commercial régional de KP1 297, afin de préparer et d’effectuer un suivi de la répartition des chantiers convenue dans le cadre des réunions régionales portant sur les régions Rhône-Alpes et Bourgogne298.
144. Rector a confirmé que des échanges d’informations entre les concurrents ont eu lieu via les réunions Qualiprédal. Comme dans les autres régions, des tableaux étaient élaborés afin de se partager le marché. Par exemple, des tableaux « suivi des affaires » répartissaient le volume de prédalles et donc in fine les parts de marché entre concurrents299. Rector a explicité dans sa déclaration les codes nécessaires pour la bonne lecture et la bonne compréhension de ces tableaux : « 1ère ligne = KP1 ; 2ème ligne =RL [Rector] et 3ème ligne = SEAC »300. En ce qui concerne les contacts entre les concurrents visant à organiser les réunions Qualiprédal, des convocations étaient envoyées via des courriels ou des messages téléphoniques301.
2. SUR LES PRATIQUES RELATIVES A LA VENTE DES PRODUITS PREFABRIQUES EN BETON AUX CMI ET AUX NEGOCES
145. KP1, premier demandeur de clémence, a dénoncé une entente relative aux taux de hausse des tarifs applicables aux négoces, qui a été mise en œuvre dans le cadre de réunions menées au niveau national entre les directions de KP1, Rector et SEAC et au niveau des régions depuis 2000302. Ces échanges avaient lieu une fois par an, au moment de l’annonce des hausses annuelles (entre le mois de septembre et début novembre). Ils pouvaient également avoir lieu plusieurs fois par an si, en raison de la hausse du prix des matières premières, des hausses tarifaires étaient passées à plusieurs reprises au cours d’une même année. Cela a notamment été le cas au cours des années 2011 et 2017303.
146. Ces échanges ont également porté sur les prix nets (i.e., après remises) et certaines conditions commerciales accordés aux négoces, sur les volumes des ventes aux négoces, ainsi que sur la répercussion des hausses de tarifs sur les prix pratiqués auprès des CMI304.
147. Ces échanges ont eu lieu entre les directions de KP1, Rector et SEAC à l’occasion de réunions, parfois en marge des réunions du GIE ThermoPrédalle, ou de discussions téléphoniques305. Les produits concernés étaient ceux en béton ainsi que les entrevous306 et les rupteurs en polystyrène et polypropylène et couvraient tout le territoire national307.
148. La mise en œuvre des décisions prises au niveau national était assurée par les directions régionales.
149. Les principaux éléments attestant de l’existence de réunions multilatérales et de contacts bilatéraux entre KP1, Rector et SEAC sont reproduits ci-dessous :
- les notes de réunion du directeur commercial Sud-Ouest de KP1 du 18 avril 2011308 : ce document présente un tableau reprenant les prix moyens de différents modèles de poutres et produits en polystyrène pratiqués par Rector, pour elle-même et sa filiale Planchers Fabre (devenue « Neo ») désignées par les lettres « R » et « F », par KP1, désignée par la lettre « K », et par SEAC, désignée par la lettre « S »309 ;
- les notes de réunion du directeur commercial Sud-Ouest de KP1 prises lors d’un échange téléphonique du 19 mai 2011 entre KP1 et Rector310, se rapportant aux remises de fin d’année accordées à un négociant 311 ;
- les notes de réunion du 13 juillet 2011 du directeur commercial Sud-Ouest de KP1 avec les représentants de SEAC et Rector sur les chiffres d’affaires réalisés et les prix constructeurs des trois entreprises dans les départements Indre-et-Loire (37), Deux-Sèvres (79) et Vendée (85), ainsi que sur les conditions commerciales 312 ;
- les notes de réunion du 1er septembre 2011 du directeur commercial Sud-Ouest de KP1, comprenant les prix de « R » (Rector) pour différentes catégories de produits pour les clients Socomat et Baffet313 ;
- les notes prises lors d’un échange téléphonique du 9 novembre 2011 entre KP1 et Rector portant sur les tarifs pratiqués auprès de plusieurs enseignes de négoces (Socomat, Copreco, Chausson et Baffet)314 ;
- les notes prises lors d’un échange téléphonique du 14 décembre 2011 entre KP1 et Rector sur la hausse appliquée par Rector au CMI Maison France Confort (désignée par l’acronyme « MFC »), présentée comme une « hausse classique »315 ;
- les notes prises lors des échanges sur les prix de produits en polystyrène (« PSE ») en Charente (région Sud-Ouest), intervenus au cours d’une réunion qui s’est tenue le
2 août 2012 dans une salle de l’aéroport Lyon Saint-Exupéry en présence de représentants de KP1 et Rector. Les prix de KP1 sont mentionnés à la « pièce » tandis que les prix de Rector sont mentionnés par unité. Au cours de cette réunion, KP1 et Rector ont également évoqué les prix de rupteurs pratiqués par Rector (« R ») auprès des CMI (« 9€/m² CMI ») et des négoces (« 7,20€ Négoce »), ainsi que certains tarifs appliqués par Rector (« R ») à l’enseigne de négoce Camozzi316 et au constructeur Villas et Maisons de France (« VMF »)317 ;
- les notes prises lors d’une réunion à Toulouse du 14 novembre 2012 entre KP1 et Rector, qui portent sur des échanges sur les volumes de ventes réalisés par KP1 (« K »), Rector (« R »), sa filiale Planchers Fabre (« F ») sur le département de la Haute-Garonne (31). Pour chacun des participants, les notes mentionnent le pourcentage de hausse ou de baisse réalisé depuis la précédente réunion318 ;
- les tableaux établis par KP1, portant sur la période allant de fin mars 2012 à fin décembre 2012, contenant des données relatives aux volumes de vente, aux prix de vente moyens et aux chiffres d’affaires réalisés par KP1 et Rector pour la commercialisation des poutrelles dans la zone Nord-Normandie319 ;
- les tableaux créés par KP1 portant sur la période de décembre 2012 à mars 2018 contenant des données relatives aux volumes des ventes, aux prix de vente moyens (« PVM »), aux chiffres d’affaires réalisés par KP1 (code couleur bleu) et par Rector (code couleur rouge) et aux parts de marché en volume et en valeur pour la commercialisation de poutrelles dans la zone Nord-Normandie. Les informations figurant dans ces tableaux ont été obtenues par KP1 au cours des réunions avec Rector. Les dates de certaines de ces réunions ont pu être identifiées par KP1 sur la base de l’agenda d’un de ses salariés : il s’agit du 9 avril 2013, du 10 décembre 2014, du 12 mai 2015, du 2 septembre 2015 et du 4 mai 2018320 ;
- les échanges de courriels internes au sein de KP1 entre les 28 février et 4 mars 2013 (région Sud-Ouest) faisant état d’une discussion entre KP1 et Rector. Ces échanges attestent que Rector n’a pas appliqué la hausse annoncée : « en réalité pour 2013 la hausse n’est pas encore appliquée » et font référence à la « transparence » (c’est-à-dire les échanges d’informations) organisée entre les concurrents : « pour l’instant cela fait mal - la transparence ne paye pas »321 ;
- les notes d’un directeur régional de KP1 (région Sud-Ouest) du 5 mars 2013 prises au cours d’une réunion avec Rector et SEAC portant sur des hausses tarifaires322. Un tableau indique les hausses annoncées par Rector, pour elle-même et sa filiale Planchers Fabre désignées par les lettres « R » et « F », par KP1, désignée par la lettre « K », et par SEAC, désignée par la lettre « S »323 ;
- les notes prises lors d’une réunion du 18 novembre 2013 (région Sud-Ouest) entre Rector et KP1. Ces notes portent sur les prix pratiqués pour différents types de produits324 ;
- les notes de réunion du 6 décembre 2013 (région Sud-Ouest) entre KP1 et Rector, qui portent sur les volumes et les prix325 ;
- les notes de 2013 prises lors des conversations téléphoniques intervenues au cours de l’année 2013 entre KP1, Rector et SEAC, attestant d’échanges d’informations sur les prix326 ;
- les notes de réunion du 23 février 2015 d’un directeur régional de KP1 (région Sud-Ouest) avec un représentant de Rector, à l’hôtel Ibis de Saintes, portant sur les prix appliqués par Rector et KP1 par type de produits dans différents départements327 ;
- les notes prises lors d’un échange téléphonique du 11 mars 2015 entre le directeur régional de KP1 (région Sud-Ouest) et un représentant de Rector, portant sur le prix des entrevous328 ;
- les notes prises au cours d’une réunion de juin 2015 entre KP1 et Rector comportant des informations échangées sur les prix pratiqués auprès de négoces implantés dans les départements Charente-Maritime (17), Lot (46), Lot-et-Garonne (47) et Tarn-et-Garonne (82)329 ;
- un courriel du directeur commercial national de KP1 au directeur général de KP1 en date du 13 mars 2017 qui fait état d’une réunion « Hausses » du même jour330 ;
- deux fichiers créés les 25 septembre 2017 et 26 avril 2018 comportant les prix de KP1 et Rector pratiqués auprès de deux CMI, qui ont été constitués à partir d’échanges d’informations entre KP1 et Rector331 ;
- des échanges de courriels entre les 2 et 7 février 2018 (région Sud-Ouest) dans lesquels est évoquée l’absence de concordance entre la hausse tarifaire (de « 3 à 3,5 % ») annoncée par Rector au niveau national pour un client et la hausse effectivement appliquée (« 1,5 % »), telle qu’elle a pu être constatée sur le terrain332 ;
- un fichier Excel réalisé un directeur commercial régional de KP1 (région Ouest). Ce fichier porte sur la période du 1er janvier 2017 à fin mai 2018 et contient des données relatives au suivi des volumes des deux concurrents et des prix de vente moyens pratiqués par Rector fin mai 2018 dans les départements d’Ille-et-Vilaine (35) et de Loire-Atlantique (44)333.
150. Les saisies informatiques réalisées chez KP1 contiennent des échanges de courriels concernant la négociation des relations commerciales entre KP1 et Point P. Un courriel interne de KP1 du 11 décembre 2012 évoque une hausse de prix passée par KP1, qui a été acceptée par Point P334. Dans un échange subséquent, le directeur commercial de KP1 écrit au directeur général de KP1 que les écarts de prix de vente moyen « avec Rector interpellent »335. Enfin, une présentation d’avril 2014 concernant le client Point P, saisie chez Rector, indique : « EST: Ce qui doit être amélioré: Dégradation CA+Marge => forte concurrence entre industriels seul le client final en profite!!! Complicité avec nos équipes; nous perdons PDM ensemble : Rector mieux que ns et ns mieux en plancher qu’avec Rector. Politique moins claire selon la zone. Présence terrain chez le client final et marge trop faible pour le service du négoce. Leader donc difficultés de s’afficher avec nous => pas d’aide au développement »336.
3. SUR LES PRATIQUES LIEES A LA CHARPENTE EN BETON
151. Le premier demandeur de clémence a dénoncé l’existence de pratiques anticoncurrentielles entre Eurobéton, IB, KP1et Strudal prenant la forme d’échanges d’informations sensibles sur les prix et les volumes de vente de charpentes en béton et de pratiques concertées sur la répartition de marchés dans le cadre de réunions organisées au sein de l’association pour le développement de la charpente et de l’ossature béton (ci-après l’« ACOB ») ou dans le cadre d’échanges bilatéraux337. Les éléments du dossier attestent de l’existence de plusieurs réunions dans les locaux de l’ACOB ou à proximité de son siège social (voir paragraphes 121 et 124 ci-avant).
152. Selon KP1, les échanges concernant les répartitions de marchés étaient réalisés par des courriels employant parfois des expressions codées évoquant le traitement des chantiers en sous-traitance ou en cotraitance. Ce procédé serait une couverture permettant à chaque participant de transmettre son offre à ses concurrents sans que cela apparaisse à première vue comme un échange d’informations338.
153. Le demandeur de clémence a produit un fichier Excel recensant 308 chantiers, qui auraient fait l’objet de discussions à l’occasion des réunions ACOB ou dans le cadre d’échanges bilatéraux pour la période de 2011 à 2018. Ce fichier a été préparé par les conseils de KP1 sur la base des déclarations de plusieurs salariés de KP1 ayant participé aux pratiques339.
154. Au soutien de ces déclarations, KP1 a communiqué un échange interne daté du 26 avril 2013, indiquant que KP1 a soumis une offre pour un chantier sans étude technique « afin d’aider nos amis de l’Isère » (Eurobéton France)340.
155. KP1 a également communiqué des échanges des courriels de mai 2013 comprenant en pièces jointes des tableaux relatifs aux chantiers pour la période février 2012 - mai 2013341. Ces fichiers Excel étaient complétés par les chargés d’affaires de KP1, en vue d’identifier les chantiers prioritaires pour KP1342.
156. KP1 a par ailleurs communiqué plusieurs fichiers de suivi des chantiers listant les devis envisagés au cours des réunions internes par KP1 se rapportant à des chantiers charpentes. Ces fichiers indiquent les dates d’envoi des devis, le nom et la ville du chantier, le maître d’ouvrage, ainsi que le tarif proposé par KP1343.
157. KP1 a enfin communiqué des échanges de courriels avec ses concurrents, aux termes desquels ces derniers s’échangeaient leurs offres pour des chantiers de charpentes en béton. Ces échanges, ainsi que les dates d’envois des devis, sont listés -dessous :
- chantier « Ethical café » : KP1 a envoyé son offre à IB par courriel du 30 mars 2011 « pour qu’ils puissent présenter une offre de couverture au maitre d’ouvrage » 344 ;
- chantier « SCI Flowers wood » : KP1 a envoyé son offre à IB par courriel du 9 décembre 2011, « le chantier a été discuté et attribué de la même manière que pour Ethical coffee » 345 ;
- chantier « Garonor N02 » : courriel du 14 décembre 2011 adressé par KP1 à IB et Eurobéton, comprenant l’offre de KP1 du 6 décembre 2011346;
- chantier « Entrepôt Frigorifique » : courriel du 27 février 2012 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant une offre non datée de KP1347 ;
- chantier « SCI Monschal » : courriel du 26 mars 2012 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant l’offre de KP1 du 20 mars 2012348 ;
- chantier « Mercedes Loubet » : courriel de KP1 à Eurobéton adressé le 18 juin 2012, comprenant une offre non datée d’un montant de 410 700 euros et deux mails adressés par Eurobéton à KP1, dont un mail du 20 juillet 2012, comprenant l’offre d’Eurobéton du 19 juillet 2012 d’un montant de 518 272 euros349 ;
- chantier « Garden » : courriel du 24 juillet 2012 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant l’offre d’Eurobéton du 11 juillet 2012350 ;
- chantier « Iko » : courriels des 5 et 6 septembre 2012 adressés respectivement à Strudal et Eurobéton, comprenant l’offre de KP1 du 4 septembre 2012 (montant illisible)351 ;
- chantier « Ikea Bayonne » : courriel du 30 octobre 2012 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant une offre du 30 octobre 2012352 ;
- chantier « Ext. Desamais » : courriel du 8 novembre 2012 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant une offre de KP1 du 7 novembre 2012353 ;
- chantier « A Raymond » : courriel du 6 février 2013 comprenant des éléments de l’offre d’Eurobéton du 31 janvier 2013 et courriel du 20 septembre 2013, comprenant l’offre d’Eurobéton du 4 septembre 2013354 ;
- chantier « Le Catamaran – Lesieur » : courriel du 22 mars 2013 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant l’offre d’Eurobéton du 19 mars 2013 d’un montant de 2 984 158 euros355 ;
- chantiers « SCI Delhan » et « SCI Carvey » : courriel du 25 mars 2013 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant des offres d’Eurobéton du 22 mars 2013 d’un montant de 372 621 euros et du 19 mars 2013 d’un montant de 109 388 euros356 ;
- chantier « FM Logistique »: courriel du 25 mars 2013 adressé par KP1 à IB, Strudal et Eurobéton, comprenant une offre du 21 mars 2013 d’un montant de 488 800 euros357 ;
- chantier « O Marché frais » : courriel du 25 mars 2013, adressé par KP1 à Strudal, comprenant une offre non datée de KP1 de 1 160 000 euros358 ;
- chantier « Onival » : courriel du 28 mars 2013 adressé par KP1 à Strudal et IB, comprenant une offre non datée de KP1 de 619 000 euros 359 ;
- chantier « Carré Costières » : courriel du 30 avril 2013 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant une offre d’Eurobéton du 30 avril 2013360 ;
- chantier « Mustang » : courriel du 2 mai 2013 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant une offre d’Eurobéton du 30 avril 2013361 ;
- chantier « SEDE Environnement » : (i) courriel du 24 septembre 2012 de KP1 à Eurobéton comprenant une offre non datée de KP1 d’un montant de 564 002 euros, (ii) courriel du 21 mai 2013 de KP1 à Eurobéton, comprenant l’offre de KP1 du 21 mai 2013 d’un montant de 678 900 euros, (iii) courriel du 31 mai 2013 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant des devis du 17 octobre 2012 d’un montant de 606 406 euros et du 29 mars 2013 d’un montant de 615 751 euros362 ;
- chantier « SCI Crampon », courriel du 8 juillet 2013 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant l’offre d’Eurobéton du 17 juin 2013363 ;
- chantier « Lavalin » : courriel du 18 juillet 2013 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant l’offre d’Eurobéton du 2 juillet 2013364 ;
- chantiers « Eco Riverparc-Gamblin » et « Eco Riverparc-Dhollandia » : courriels du 13 septembre 2013 adressés par KP1 à IB, Eurobéton, CGM et Strudal, comprenant l’offre de KP1 du 12 septembre 2013365 ;
- chantier « St Symphorien-de-Lay », courriel du 16 septembre 2013 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant l’offre d’Eurobéton du 11 septembre 2013366 ;
- chantier « Centre culturel et sportif », courriel du 11 octobre 2013 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant une offre non datée de KP1367 ;
- chantier « Rocadest », courriel du 8 janvier 2016 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant une offre non datée de KP1 pour un montant de 5 436 000 euros368. Eurobéton a envoyé le 9 février 2016 un devis à KP1 d’un montant de 537 268 euros se rapportant à ce chantier pour la fourniture de panneaux369 ;
- chantier « Sorofi » : courriel du 22 novembre 2016 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant l’offre de KP1 du 22 novembre 2016370 ;
- chantier « Feytiat (Super U) » : courriels des 23 et le 26 janvier 2017 adressés par KP1 à Strudal et à Eurobéton, comprenant « la meilleure offre » de KP1371 ;
- chantier « Socamil », courriel du 27 janvier 2017 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant l’offre de KP1 datée du 24 janvier 2017 pour un montant de 5 millions d’euros372. Eurobéton a envoyé un devis à KP1 le 25 janvier 2017 pour un montant de 1 341 420 euros pour la fourniture de panneaux373 ;
- chantier « ITM », courriel du 5 avril 2017 adressé par KP1 à Eurobéton, comprenant l’offre de KP1 du 3 avril 2017374. Ce chantier a été co-traité par KP1 et Eurobéton, ces deux sociétés ayant signé un contrat d’entreprise avec le maître d’ouvrage le 1er juin 2017 ;
- chantier « Plateforme Logistique Lidl - Cestas », courriel du 20 juin 2017 adressé par Strudal à KP1, comprenant l’offre de Strudal du 20 juin 2017 d’un montant de 6 134 510 euros375 ;
- chantier « Leroy Merlin » : courriel du 8 janvier 2018 adressé par KP1 à Strudal, comprenant une offre non datée de KP1 d’un montant de 6 150 000 euros376 et courriel du 10 janvier 2018 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant l’offre d’Eurobéton du 20 décembre 2017 d’un montant de 5 250 960 euros 377 ;
- chantier « Disney », courriel du 5 mars 2018 adressé par KP1 à Strudal, comprenant une offre non datée de KP1378 ;
- chantier « PRD Corbas », courriel du 3 octobre 2018 adressé par Eurobéton à KP1, comprenant une offre du 26 septembre 2018 d’un montant de 6 555 427 euros379. Des devis ont été adressés par KP1 à Eurobéton se rapportant à ce chantier les 30 avril 2019 et 23 mai 2019.
4. SUR LA PRATIQUE D’ENTENTE BILATERALE
158. Le 4 avril 2019, KP1 a déposé une demande de clémence complémentaire dans laquelle elle a dénoncé une entente avec SPL portant sur les prix, la répartition de clientèle ainsi que sur les débouchés de SPL. La demande de clémence dénonçait également des échanges d’informations commercialement sensibles380.
159. Les pratiques dénoncées portaient essentiellement sur la commercialisation de prémurs sur la période 2010 à 2019. Ces pratiques s’inscrivaient dans un cadre contractuel puisque KP1 détient depuis décembre 2010 (voir ci-après le paragraphe 161) une participation minoritaire de 10 % dans le capital de SPL et ont été corroborées par de nombreux éléments de preuves.
a) Sur la relation contractuelle entre KP1 et SPL
160. En 2010, SPL a lancé une unité de fabrication de prémurs dans le Morbihan. Au moment de ce lancement, SPL ne disposait pas de ressources internes lui permettant de fournir un avis technique sur ses produits. Elle ne disposait pas non plus de bureau d’études ni de service de planification lui permettant de proposer un service complet de conception, fabrication et livraison de prémurs. Ainsi, elle s’est rapprochée de KP1 pour pouvoir s’appuyer sur sa base de clientèle, afin d’élargir les débouchés de son unité de production, et sur son expertise technique. C’est dans ce contexte que KP1 est entrée au capital de SPL381.
161. La relation entre KP1 et SPL repose sur plusieurs contrats signés le 15 décembre 2010 :
- un protocole d’accord prévoyant notamment l’acquisition de 10 % du capital social de SPL par KP1382. Cette participation ne confère pas de droit de veto à KP1383 ;
- un contrat de fourniture et d'approvisionnement au vu duquel SPL doit réserver 50 % de sa production de prémurs à KPl et s’interdit de vendre « directement ou indirectement la production non achetée par KPl à un revendeur de prémurs concurrent de KPl »384 ;
- un contrat de prestation de services techniques par lequel KP1 s’engage à mettre à la disposition de SPL son service d’études de prix (pour les chiffrages et valorisations en amont de l’envoi de bons de commande), son bureau d’études (pour la réalisation des études d’exécution post commande) et son service d’ordonnancement (maîtrise de charge de l’usine, définition du planning prévisionnel de livraison )385 ;
- un contrat de prestation de transport en vertu duquel la société SPL assure la gestion des transports de prémurs à destination des clients de KP1386 ;
- un contrat d’assistance technique et de promesse de licence d’avis technique par lequel KP1 autorise SPL à utiliser son avis technique « Premurs KP1 »387.
Ces contrats comportent un certain nombre de clauses qui restreignent la liberté commerciale des parties, recensées dans le tableau ci-après :
163. Dans sa déclaration de clémence, KP1 a indiqué que, à la suite des négociations intervenues en 2016 et 2017, les parties se sont accordées sur une nouvelle base contractuelle lors d’une réunion du 26 janvier 2017 à Donges. Il ressort du compte rendu de cette réunion que les négociations ont essentiellement porté sur le niveau de prix et les quantités des produits achetés par KP1 à SPL394.
164. Il est constant que le cadre contractuel entre KP1 et SPL est resté en vigueur jusqu’au 15 décembre 2017.
b) Sur les autres éléments de preuve
165. Le demandeur de clémence a présenté plusieurs documents, contemporains aux pratiques, attestant de l’existence d’une entente entre KP1 et SPL sur les prix, la répartition de clientèle, les débouchés de la production de SPL ainsi que de l’existence d’échanges d’informations sensibles.
166. S’agissant de la répartition de clientèle, il ressort des éléments versés que cette entente avait débuté quelques mois avant la conclusion du partenariat commercial entre les deux sociétés.
167. Ainsi dans une note de septembre 2010, intitulée « Partenariat SPL-KP1 »395, les intéressées avaient décidé, pour éviter des « tensions inutiles », notamment :
« la répartition des volumes produits par l’usine entre les deux réseaux commerciaux de SPL et KP1 ;
[…]
la répartition des actions commerciales entre SPL et KP1 via un fichier partagé des prospects mis à jour 2 fois par an, sur la Bretagne et Pays de Loire:
entreprises petites et moyennes en direct ou éventuellement via la distribution pour SPL, entreprises moyennes et majors en direct pour KP1,
SPL ou KP1 se réservant la possibilité de vendre au-delà auprès de leurs clientèles ou relations particulières »396.
168. Certains échanges attestent que cette répartition était effective en 2011397. À partir de 2012, KP1 et SPL ont élaboré un tableau de répartition de clients, qui était régulièrement mis à jour à l’occasion de réunions ou d’échanges téléphoniques398. Selon les déclarations de KPI, au sein de ce tableau, « les clients peuvent être (i) soit affectés à SPL (ligne en jaune), (ii) soit affectés à KPl (ligne en bleu) (iii) soit libres de toute affectation et objet d'une ‘‘densification’’ possible (ligne en blanc) »399.
169. Les éléments figurant dans le tableau ci-après au paragraphe 174 illustrent le suivi régulier des répartitions de marché.
170. S’agissant de l’entente sur les prix, le demandeur de clémence a indiqué que les « pratiques concertées visant à s’échanger des informations relatives aux hausses de prix et aux prix de revente proposés à leurs clients respectifs sur les produits et leurs inserts (‘bas de page’) »400.
171. La mise en œuvre de cette entente est illustrée par les échanges mentionnés dans le tableau ci-après au paragraphe 174
172. S’agissant de la limitation des débouchés de SPL, cette pratique résulte de la clause d’exclusivité prévue à l’article 7 du contrat de fourniture cité dans le tableau ci-avant mais aussi de certains échanges fournis par KP1 illustrant que cette dernière demandait à SPL de ne pas vendre sa production via les enseignes de négoce (Point P, Gedimat), mais directement aux constructeurs comme le faisait habituellement KP1, alignant ainsi la politique commerciale des deux sociétés.
173. Enfin, s’agissant des échanges d’informations sensibles, ceux-ci ressortent également des échanges mentionnés dans le tableau ci-après.
174. Ainsi, sans être exhaustif, le tableau suivant reprend des exemples d’échanges et accords entre SPL et KP1 de 2010 à 2018 :
175. Enfin, il convient de noter qu’un certain nombre de pièces révèlent que lorsqu’elle a commencé à développer son activité, SPL a cherché, dans certains cas, à se détacher de l’entente et à adopter un comportement concurrentiel.
176. Ainsi, dans un courriel interne à KP1 du 30 mai 2013, un salarié indiquait : « Je suis de plus en plus inquiet vis à vis de SPL car :
-Beaucoup trop de vente de gros chantiers par le Négoce (Point P essentiellement) en Prémurs ==> ceci "pollue" notre stratégie commerciale vis à vis de la vente de ce produit par le Négoce et Point P n’arrête pas "de nous harceler" sur ce sujet.
Pour info : semaine dernière je me suis mis d’accord avec JY Tranvaux sur le fait que tous les chantiers > à 200 m² en Prémur doivent impérativement passer en direct. Il l’a accepté, ce qui est un 1er pas, mais j’attends de voir
- Ils font de la prédalle sur les tables : leurs objectifs seraient de 40 000 m² sur 1 an ==> ici aussi, j’ai essayé de leur faire appliquer nos conditions tarifaires car les 1ers chantiers étaient traités aux alentours de 20 €/m² voir moins (à confirmer). Pour l’instant, nos grilles tarifaires ont l’air d’être respecté.
- Il ont embauché un projeteur Etude de Prix / dessin Prédalles : dont acte. Nous pensions "qu’il ne s’en sortirai pas", mais à priori tout fonctionne très bien.
- Maintenant, S Renaudin me parle d’embaucher un projeteur Prémur pour nous aider dans le futur sur Rennes, mais aussi pour avoir à disposition une personne dessinant des projets SPL==> là, je me pose vraiment des questions car à ce rythme là, il vont commencer à monter chez SPL un vrai BE ==> je crois sincèrement que c’est leur objectif.
- A force de parler de nos fichiers clients, toutes les entreprises sont actuellement vues par SPL ==> leur réseau commercial commence sérieusement à s’étoffer
Je me devais de vous alerter sur tous ces sujets, même si les points 1 et 2 ont l’air de fonctionner correctement actuellement.
Je ne sais pas ce que nous avons dans nos contrats, mais je suis quasi certain que SPL veut prendre son autonomie de + en +.
Ne devons-nous pas craindre que SPL nous laisse tomber dans les années à venir ? »408.
177. De la même manière, dans un courriel interne à KP1 du 19 juin 2013, le salarié de KP1 indiquait : « [d]e couleur mauve, SPL à noté que le groupe ANGEVIN serait le bienvenu (il a vu la vierge !!), si nous pouvions leur laisser (DONADA ,ANGEVIN , PERSONNIC) , ce qui pour moi reste inconcevable car nous avons (les 3 CAE) d’excellent contacts avec cette société ,et même si RECTOR applique des tarifs anormaux nous conservons la préférence. [sic] »409.
178. Il ressort de ces éléments que KP1 et SPL ont mis en place, à partir de 2010, dans le cadre d’une relation contractuelle marquée par la détention d’une participation minoritaire de KP1 sur SPL et d’une coopération commerciale, une entente couvrant l’ensemble des aspects de la politique commerciale de SPL.
5. SUR LES PRATIQUES REPROCHEES AU CABINET FIDAL
a) Sur les éléments saisis à l’occasion des perquisitions
179. Le 25 octobre 2018, a été saisi dans les locaux de Rector un support préparé par le cabinet Fidal pour une formation dispensée à la FIB le 22 novembre 2007.
180. Un certain nombre de transparents visaient à prévenir la détection de pratiques anticoncurrentielles par les autorités de concurrence :
« [Transparent 12] : La constitution des pratiques :
Réunions formelles et informelles
- Vigilance particulière :
- Aux comptes rendus ou ordre du jour de réunions dont l’objet serait :
o Des échanges d’informations sur les prix, la discussion de prix minimum…,
o La mise en place de stratégies communes,
o Une limitation des sources d’approvisionnement, (…)
- A la mise en œuvre des décisions prises
- Aux conversations téléphoniques et mémos s’y rapportant ;
- Aux documents pouvant être saisis tels que cahiers, agendas, comptes rendus, notes, messages informatiques… ».
« [Transparent 42] : Mesures de bonne gestion Principes
- Pour le passé
- Apurement de la situation en interne que ce soit dans vos bureaux ou à votre domicile ; à cette fin il convient, avec votre secrétariat, de :
o Revoir chaque dossier
o Revoir tout document informatisé : e-courriels, disques durs, disquettes, CD- Rom, (…)
o Revoir tout document, carnet et cahiers, agendas, prise de note, post-it »
« [Transparent 44]: Mesures de bonne gestion Conseils pratiques
- Utiliser des classeurs plutôt que des cahiers car les autorités de concurrence peuvent saisir uniquement les feuilles en rapport avec l’objet de l’enquête, tandis qu’elle saisira un cahier dans son entier
- Faire attention aux noms que l’on donne aux fichiers sur son PC et aux noms des classeurs (par exemple nom de concurrents/ dossier baptisé « Entente »)
- Les autorités de concurrence procèdent à leurs recherches informatiques par mots- clefs : éviter tout nom suspect
- Vérifier les documents qu’il convient de conserver ceux qui sont inutiles (brouillons)
Archiver régulièrement l’ensemble des documents à l’extérieur des PC (une fois par an, en vidant complétement la mémoire du PC)
Placer les archives à l’extérieur des locaux de la société »
« [Transparent 45] : Mesures de bonne gestion
Gardez toujours à l’esprit
- Qu’il faut prendre garde :
- Au contenu des notes que vous rédigez : mieux vaut ne rien écrire / écrire sur des feuilles (éviter les cahiers)
- Aux mémo que vous adressez (compte-rendu de réunion, …)
- Au contenu des courriels que vous adressez à vos concurrents et aux autres membres de la société
- Au contenu de vos agendas / palms / messageries
- Au contenu des courriels qui vous sont adressés par votre secrétaire pour vous rappeler un rendez-vous
- Que tous les documents électroniques laissent des traces durables sur le disque dur, même lorsqu’ils ont été effacés.
- Que, malgré ces précautions, on ne sait jamais ce que l’on peut trouver chez les autres participants aux réunions.
L’ignorance du caractère illicite d’un comportement n’est pas un argument de défense recevable »410
181. Les perquisitions ont permis d’établir que le cabinet Fidal a également dispensé des formations aux équipes de Rector le 28 juin 2012411, le 19 juin 2013412, le 4 mars 2014413, le 24 juin 2014414, le 8 avril 2015415 sur des sujets de droit de la concurrence et de préparation aux perquisitions et à la garde à vue. Plusieurs courriels électroniques font également état de l’organisation de formations au sein des équipes régionales de Rector en 2012416 et 2014417.
b) Sur les déclarations des anciens salariés de Rector
182. À l’occasion de son audition par les services d’instruction le 21 janvier 2016, M. Q..., ancien salarié de Rector, a indiqué : « En 2014, un cabinet d’avocat est venu faire une formation de sensibilisation aux pratiques anticoncurrentielles à Compiègne (usine et bureaux de la région L2P) à la demande de M. R.... L’ensemble des commerçants, M. R... et le chef des ventes ont participé à cette formation. L’avocate nous a donné des consignes pour gérer les documents qui étaient susceptibles de constituer des preuves d’entente. Elle avait été informée manifestement avant la réunion de l’existence des « tables » et des documents afférents. Concrètement, elle nous, a demandé de mettre en place un code de discussion entre nous. Par exemple, si nous devions évoquer les « tables » ou les « tableaux », il fallait trouver d’autres termes. Pour les documents physiques, elle nous a demandé de les détruire après chaque « table ». Elle nous a également demandé de déchirer les pages de nos cahiers de notes au fur et à mesure pour ne pas laisser d’historique. De la même manière elle nous a invités à effacer toutes traces dans les messageries et autres fichiers informatiques.
L’avocate nous a par ailleurs donné la marche à suivre en cas d’intervention de l’administration ou de perquisition. Nous devions immédiatement appelé [sic] M. R..., notre directeur de région. Nous n’avons pas eu de support écrit pour la formation.
Après cette formation, M. R... nous a demandé de mettre en œuvre ces recommandations. A ma connaissance les commerciaux ne se sont pas exécutés. En fait, si nous détruisions nos documents de travail, nous n’avions plus accès à nos historiques de rendez-vous de chantiers. » 418 (soulignements ajoutés).
183. M. Q... a confirmé ces déclarations à l’occasion d’une audition menée par les services d’instruction le 14 mars 2019, en indiquant :
« Question : Vous aviez fait référence à une formation sur le droit de la concurrence réalisée par une avocate, vous souvenez vous s’il s’agissait d’une formation RECTOR Lesage ou FIB ?
Réponse: Ce n’était pas la FIB, cette formation s’est déroulée dans les locaux de RECTOR à Compiègne, par ailleurs je ne me souviens pas du nom du cabinet d’avocats, je me souviens juste qu’il s’agissait d’une femme qui était seule. C’est tout le service commercial qui assistait à cette formation, tous les chargés d’affaires et leur chef, en l’occurrence Monsieur R..., durant cette formation on nous expliquait les documents qu’on pouvait garder et ceux qu’on devait détruire. Pour nous ce n’était pas opérationnel et impossible à mettre en œuvre, en effet nous avions besoin de l’historique client.
Question : Vous a t’on [sic] dit durant cette formation que ce que vous faisiez était illégal et qu’il fallait cesser ?
Réponse: Non en fait personne n’évoquait devant nous ces tables, et je peux dire qu’en tant que commercial nous en subissions les conséquences et nous étions effectivement amenés à appliquer les décisions prises lors de ces arrangements. Cette situation allait à l’encontre de mes convictions dans le domaine commercial, c’est pourquoi j’ai démissionné en 2014. Je précise qu’un de mes collègues, S..., a démissionné en même temps que moi et pour les mêmes raisons. J’ajoute que la situation a dégénéré après le départ d’T... qui, quelque part, nous préservait. ».419(soulignements ajoutés)
184. À l’occasion de son audition par les services d’instruction le 14 mars 2019,
M. T..., ancien chef des ventes de Rector, a déclaré :
« Une ou deux années avant la survenance de mon licenciement je m’étais ouvert à, feu, mon père, ancien commissaire de police, que je pratiquais des « tours de tables », illégales… j’ai rapporté à Messieurs U…, F… et E..., réunis sur le site de LONGUEIL SAINTE MARIE, la conversation que j’avais tenue avec mon père. En réponse, ils m’ont dit qu’on continuait car cela se passait bien.
Trois ou quatre mois plus tard, une avocate relevant d’un cabinet parisien, est venue nous rencontrer, sur le site de LONGUEIL SAINTE MARIE : devant tous les chefs des ventes, les directeurs régionaux & les commerciaux, cette avocate nous a donné les consignes au cas où nous nous ferions attraper par la police judiciaire, à savoir les suivantes :
- se taire,
- prévenir le siège, immédiatement,
- interdire l’accès aux bureaux,
- détruire tous les éléments en notre possession : par « éléments » cette avocate faisait clairement référence aux tableaux utilisés pour les tables, mais également à tous les supports informatiques (clés USB, etc ) de nature à renfermer des données de nature à nous incriminer, pour ma part je n’ai pas détruit les éléments de preuve que je possédais, en l’espèce il s’agit de tableaux Excel. Je m’engage à vous les transmettre dans les meilleurs délais
- adopter des codes pour échanger avec nos concurrents, et surtout éviter d’échanger, ostensiblement, par téléphone, avec les concurrents, sur ces pratiques.
Question : A l’occasion de cette formation, cette avocate vous-a-t-elle incité à mettre un terme à ces pratiques d’entente illicites ?
Réponse : Bien que cette avocate semblait savoir que nous pratiquions ces tables, en aucune façon, tout comme nos dirigeants, elle a pu nous demander de mettre un terme à ces ententes illicites. ».420(soulignements rajoutés)
185. Il ressort de ces éléments que le cabinet Fidal a dispensé une formation à la FIB en 2007 proposant une méthode de dissimulation de pratiques d’entente anticoncurrentielle. Le cabinet Fidal a ensuite dispensé plusieurs formations sur des sujets concernant le droit de la concurrence chez Rector entre 2012 et 2015. Il ressort des déclarations concordantes de deux anciens salariés de Rector qu’au cours d’une formation dispensée en 2014, une avocate du cabinet Fidal, qui, selon eux, semblait être au courant de l’entente visée par le grief 1, leur aurait donné des conseils pour dissimuler cette pratique anticoncurrentielle.
E. LES GRIEFS NOTIFIES
186. Le 23 mars 2022, les services d’instruction ont notifié les griefs suivants :
GRIEF 1
« Il est fait grief aux sociétés KP1, Rector, A2C, Soprel, Strudal, SEAC, SLM, FB et IB d’avoir participé à une entente unique et continue sur le marché des produits préfabriqués en béton en France, en mettant en œuvre des accords et pratiques concertées visant, d’une part, à fixer en commun les prix de vente des produits préfabriqués en béton et, d’autre part, à se répartir les clients et les volumes de clients, des entreprises de construction, via l’attribution des appels d’offres, l’instauration de quotas de volumes et l’utilisation d’offres de couverture.
Cette entente a porté atteinte à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence et a fait obstacle au libre choix des clients quant à leur fournisseur en produits préfabriqués en béton. Ces accords horizontaux sur les prix des produits préfabriqués en béton et sur la répartition des appels d’offres des entreprises de construction ont faussé deux des paramètres essentiels pour le fonctionnement concurrentiel du marché des produits préfabriqués en béton et constituent des infractions par objet au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
L’entente a été mise en œuvre, à tout le moins, entre le 22 septembre 2003 et le 25 octobre 2018. Le grief est notifié selon les périodes ci-après :
1. Au sein du groupe KP1 à :
- KP1 SAS (RCS 976 320 309) ;
- KP1 Bâtiments (RCS 306 187 535) ;
- KP1 Développement (RCS 498 141 084) ;
- KP1 R&D (RCS 337 661 557) ;
- KP1 Armatures (RCS 976 920 074) ;
pour leur participation directe aux pratiques entre 2003 et le 25 octobre 2018 et aux sociétés :
- KP1 SAS (RCS 976 320 309) ;
- KP1 Services SAS (RCS 493 103 170) pour l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit du début de l’année 2003 au 25 octobre 2018 ;
- K Alpha (RCS Luxembourg B 121 968) pour la période allant du 26 janvier 2007 au mois de septembre 2018 ;
- K Alpha 1 SARL (RCS Luxembourg B 217 898) pour la période allant de septembre à octobre 2018 ;
en leur qualité de sociétés mères ;
2. Au sein du groupe Rector à :
- Planchers Durandal (RCS 492 115 142), pour la période allant du 12 octobre 2006 au 25 octobre 2018 ;
- Planchers Fabre (RCS 509 434 213), pour la période allant du 6 juillet 2009 au 25 octobre 2018 ;
- pour leur participation directe pendant les périodes indiquées et à :
- Rector Lesage SAS (RCS 307 322 214), pour sa participation directe pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit de 2003 jusqu’au 25 octobre 2018 et en sa qualité de société mère de Planchers Durandal et Planchers Fabre pendant les périodes indiquées de leur participation aux pratiques ;
- la société Lesage Industrielle du Béton SAS [sic] (ci-après « LIB », RCS 431 748 961), en sa qualité de société mère de Rector Lesage SAS pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit de 2003 jusqu’au 25 octobre 2018, et de Planchers Durandal et Planchers Fabre pendant les périodes indiquées de leur participation aux pratiques ;
3. A2C Prefa (RCS 775 737 067), pour sa participation directe pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit du début de l’année 2003 au 25 octobre 2018 et à la société A2C Matériaux pour la période allant de 2003 au 25 octobre 2018 (RCS 346 480 114), en sa qualité de société mère d’A2C Prefa ;
4. Groupe Soprel (RCS 582 090 718), pour sa participation directe aux pratiques du début de l’année 2003 au 25 octobre 2018, et à la société Soprel Group Entreprises SA (RCS Luxembourg B78795), en tant que société mère de Groupe Soprel pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit du début de l’année 2003 au 25 octobre 2018 ;
5. SAS Strudal (RCS 334 454 600), pour sa participation directe aux pratiques entre le 22 septembre 2003 et le 5 octobre 2018, et à la société SPRL DAL Industries (BCE n° 0645695049), en tant que société-mère exerçant une influence déterminante sur sa filiale SAS Strudal pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit du 22 septembre 2003 au 5 octobre 2018 ;
6. SA SEAC Guiraud Frères (RCS 620 800 581), pour sa participation directe aux pratiques de 2003 au 25 octobre 2018, et à la société SOFIB (RCS 348 298 647), en tant que société mère de SEAC Services et SEAC Guiraud Frères, pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit de 2003 au 25 octobre 2018 ;
7. Au sein du groupe GSL à :
- SLM (Siren 345 880 421), pour sa participation directe pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit du début de l’année 2003 jusqu’au 25 octobre 2018 ;
- Structures Préfabrications Services (RCS 344 196 365), pour sa participation directe de 2004 jusqu’au 25 octobre 2018 ;
- Comptoir de la Préfabrication (RCS 421 163 841), pour sa participation directe de de décembre 2016 jusqu’au 25 octobre 2018 ;
- S.E.G. (Siren 332 455 195) de 2003 à 2011 et à GSL (Siren 528 691 975) pour la période de 2012 à 2018, en leur qualité de sociétés mères des filiales SLM, Structures Préfabrication Services et Comptoir de la Préfabrication au cours des périodes déterminées ;
8. FB Groupe France SAS et les sociétés du groupe Echo :
- la société Echolux SA et la société Echo NV, pour leur participation directe aux pratiques du 24 novembre 2003 à la fin de l’année 2007 ;
- la société FB Groupe France SAS (RCS 501 161 988), pour sa participation directe aux pratiques, du début de l’année 2008 au 25 octobre 2018 ;
- la société Echobel NV (n° 0401 294 443) et la société Galm Participaties NV (n° 0463 583 586), en leur qualité de sociétés mères d’Echolux SA, Echo NV et FB Groupe France (anciennement Echo France) de 2003 à janvier 2013 ;
- la société Industry Partner SA (RCS B174 624), en sa qualité de société mère de FB Groupe France de janvier 2013 au 25 octobre 2018.
9. Industrielle de béton (RCS 697 380 194) pour sa participation directe aux pratiques entre le 25 septembre 2003 et le 25 octobre 2018 et en leur qualité de sociétés mères à :
- Willemen Groep NV pour la période allant de 2003 à juin 2004 ;
- Plakabeton N.V. et Imprecon N.V. pour la période allant de juin 2004 à 2009 ;
- Marlux Klaps NV pour la période allant de 2005 à 2009 ;
- CRH France SAS et CRH plc, pour la période allant du 10 décembre 2009 au 25 octobre 2018.
GRIEF 2
Il est fait grief aux sociétés KP1, Rector et SEAC d’avoir mis en œuvre des accords et des pratiques concertées relatifs aux prix des produits vendus aux CMI et aux négoces, ayant pour objectif de supprimer l’incertitude inhérente à toute négociation commerciale avec les clients et qui sont constitutives d’infractions par objet interdites par l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
Ces pratiques ont été mises en œuvre, à tout le moins, entre avril 2011 et le 25 octobre 2018. Le grief est notifié aux sociétés suivantes selon les périodes ci-après :
1. KP1 SAS (RCS 976 320 309), KP1 Bâtiments (RCS 306 187 535), KP1 Développement (RCS 498 141 084), KP1 R&D (RCS 337 661 557) et KP1 Armatures (RCS 976 920 074) pour leur participation directe aux pratiques entre avril 2011 et le 25 octobre 2018 et aux sociétés :
- KP1 SAS (RCS 976 320 309) ;
- KP1 Services SAS (RCS 493 103 170), pour l’intégralité de la durée retenue des pratiques ;
- K Alpha (RCS Luxembourg B 121 968), pour la période entre avril 2011 et le 25 octobre 2018 ;
- K Alpha 1 SARL (RCS Luxembourg B 217 898), pour la période de septembre et octobre 2018 ;
en leur qualité de sociétés mères ;
2. Au sein du groupe Rector à :
- Planchers Durandal (RCS 492 115 142) ;
- Planchers Fabre (RCS 509 434 213) ;
- pour leur participation directe entre avril 2011 et le 25 octobre 2018 et à :
- Rector Lesage SAS (RCS 307 322 214), pour sa participation directe pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit entre avril 2011 et le 25 octobre 2018 et en sa qualité de société mère de Planchers Durandal et Planchers Fabre, pendant les périodes indiquées de leur participation aux pratiques et à :
- la société Lesage Industrielle du Béton SAS [sic] (ci-après « LIB », RCS 431 748 961), en sa qualité de société mère de Rector Lesage SAS pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit entre avril 2011 et le 25 octobre 2018, et de Planchers Durandal et Planchers Fabre pendant les périodes indiquées de leur participation aux pratiques ;
3. SA SEAC Guiraud Frères (RCS 620 800 581), pour sa participation directe aux pratiques entre avril 2011 et le 25 octobre 2018, et à la société SOFIB (SIREN 348 298 647), en tant que société mère de SEAC Services et SEAC Guiraud Frères pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit entre avril 2011 et le 25 octobre 2018.
GRIEF 3
Il est fait grief aux sociétés KP1, Eurobéton, Strudal, Soprel et IB d’avoir mis en œuvre des accords et des pratiques concertées ayant pour objectif de coordonner leur politique tarifaire et de se répartir les appels d’offres relatifs à la charpente en béton. Ces pratiques constituent des infractions par objet interdites par l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
Ces pratiques ont été mises en œuvre, à tout le moins, entre mars 2011 et le 25 octobre 2018. Le grief est notifié aux sociétés suivantes selon les périodes ci-après :
1. KP1 SAS (RCS 976 320 309), KP1 Bâtiments (RCS 306 187 535), KP1 Développement (RCS 498 141 084), KP1 R&D (RCS 337 661 557) et KP1 Armatures (RCS 976 920 074) pour leur participation directe aux pratiques entre mars 2011 et le 25 octobre 2018 et aux sociétés :
- KP1 SAS (RCS 976 320 309) ;
- KP1 Services SAS (RCS 493 103 170), pour l’intégralité de la durée retenue des pratiques ;
- K Alpha (RCS Luxembourg B 121 968) ;
- K Alpha 1 SARL (RCS Luxembourg B 217 898) en leur qualité de sociétés mères ;
2. Eurobéton France (RCS 382 679 124), pour sa participation directe pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit du 14 décembre 2011 au 25 octobre 2018 et à :
- JAV Investissement Sarl (RCS 449 455 369), pour la période allant du 25 novembre 2013 au 25 octobre 2018 et
- VAMTAJ Sarl. (n° B211011), pour la période allant de septembre à octobre 2018 ; en leur qualité de sociétés mères de Eurobéton ;
3. Groupe Soprel (RCS 582 090 718), pour sa participation directe aux pratiques, de novembre 2016 au 25 octobre 2018, et à la société Soprel Group Entreprises SA (RCS Luxembourg B78795), en tant que société mère de Groupe Soprel pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques ;
4. SAS Strudal (RCS 334 454 600), pour sa participation directe aux pratiques de septembre 2012 au 25 octobre 2018 et à la société SPRL DAL Industries (n° 0645695049), en tant que société-mère exerçant une influence déterminante sur sa filiale SAS Strudal pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques ;
5. Industrielle de béton (RCS 697 380 194), pour sa participation directe aux pratiques de mars 2011 au 25 octobre 2018 et en leur qualité de sociétés mères à CRH France SAS et CRH plc, pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques.
GRIEF 4
Il est fait grief aux sociétés KP1 et SPL d’avoir mis en œuvre des pratiques d’entente relatives à la tarification, à la fixation des prix des produits préfabriqués en béton, au partage des clients et au non débauchage réciproque des salariés. Ces pratiques ont perduré, à tout le moins, entre septembre 2010 et le 4 avril 2019. Ce grief est notifié à :
1. KP1 SAS (RCS 976 320 309), pour sa participation directe aux pratiques et aux sociétés :
- KP1 Services SAS (RCS 493 103 170), pour l’intégralité de la durée retenue des pratiques ;
- K Alpha (RCS Luxembourg B 121 968), pour l’intégralité de la durée retenue des pratiques ;
- K Alpha 1 SARL (RCS Luxembourg B 217 898), pour la période allant de septembre et octobre 2018,
en leur qualité de sociétés mères de KP1 ;
2. SPL (RCS n° 503 464 158), pour sa participation directe aux pratiques, de septembre 2010 au 4 avril 2019 ;
Ces comportements ont un objet anticoncurrentiel et sont prohibés par les articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
GRIEF 5
Il est fait grief au cabinet Fidal SELAS (RCS 525 031 522) d’avoir participé à l’entente unique et continue sur le marché des produits préfabriqués en béton en France, en facilitant la mise en œuvre des accords et pratiques concertées par les fabricant des produits préfabriqués en béton (visant, d’une part, à fixer des prix de vente des produits et, d’autre part, à se répartir les clients et les volumes des entreprises de construction), en leur prodiguant des conseils visant à dissimuler ces pratiques, notamment via l’utilisation de codes et la destruction de documents, afin de les rendre indétectables par les autorités de concurrence.
Ce grief est notifié à :
- Fidal SELAS (RCS 525 031 522), pour sa participation directe pendant l’intégralité de la durée retenue des pratiques, soit de 2007 à mars 2014 ;
- Fidal et Associés SPFPL (RCS 755 726 433), en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur Fidal SELAS entre le 31 mars 2011 et le mois de mars 2014.
Ces pratiques constituent des infractions par objet au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 101, paragraphe 1, TFUE. »
II. Discussion
A. SUR LA PROCEDURE
1. SUR LE SIGNALEMENT AU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
187. A2C, Eurobéton, IB, SEAC, Soprel, Strudal et Fidal considèrent qu’en procédant à un signalement auprès du procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, l’Autorité a détourné la procédure prévue à cet article dans le seul but de bénéficier des pouvoirs d’enquête et d’instruction du juge pénal (b) et violé leur droit à un recours juridictionnel effectif (c).
188. Avant de répondre aux moyens des mises en cause, il convient de rappeler les principales étapes de la procédure pénale ayant précédé la saisine de l’Autorité (a).
a) Rappel des principales étapes de la procédure pénale
189. À la suite du signalement de la BIEC de Lille et de la DGCCRF rappelé aux paragraphes 1 et 2 ci-avant, l’Autorité a recueilli, en janvier 2016, les témoignages anonymes de deux anciens salariés de Rector.
190. Compte tenu des éléments dont elle disposait, la rapporteure générale de l’Autorité a adressé au procureur de la République, le 17 novembre 2016, un rapport rédigé sur le fondement du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale (ci-après le « Signalement ). Ce rapport visait des agissements mis en œuvre par A2C, KP1, Rector, SLM et Soprel421.
191. Le 22 mars 2017, le procureur de la République a requis, au visa de ce Signalement, l’ouverture d’une information contre X des faits prévus et réprimés par les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-6 du code de commerce422.
192. Le 10 avril 2017, le magistrat instructeur a délivré une commission rogatoire à la BRDE en co-saisine avec des rapporteurs de l’Autorité423. Plusieurs actes d’enquête ont été réalisés, dont notamment l’interception de conversations téléphoniques échangées sur des lignes de salariés de sociétés mises en cause et des perquisitions simultanées menées le 25 octobre 2018, par des officiers de police judiciaire et des agents de l’Autorité, dans les locaux des sociétés A2C, KP1, Rector, et Soprel ainsi qu’à l’Hôtel Mercure de Roissy où devait se tenir une réunion entre des représentants de plusieurs sociétés impliquées dans les pratiques poursuivies. À l’issue de ces perquisitions, plusieurs salariés ont été interpellés et placés en garde à vue.
193. Le 1er juillet 2021, la deuxième chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, statuant sur des requêtes en annulation formées par certains mis en examen, a rendu deux arrêts par lesquels elle a, notamment, confirmé la régularité du réquisitoire introductif fondé sur le Signalement424.
194. Le 3 juin 2020425 ainsi que les 1er426 et 8 octobre 2021427, les vice-présidents du tribunal judiciaire de Paris chargés de l’instruction ont transmis à l’Autorité, à sa demande, le dossier pénal des différents salariés mis en cause.
195. Le 4 mai 2023, le conseiller auditeur de l’Autorité a rendu, sur demande de Soprel, un avis considérant que la juridiction compétente s’était déjà prononcée et avait confirmé la régularité du signalement.
b) Sur le détournement de procédure
196. A2C, Eurobéton, IB, SEAC, Soprel, Strudal et Fidal considèrent qu’en procédant au Signalement, l’Autorité a détourné la procédure pénale, dans le seul but de bénéficier des pouvoirs d’enquête et d’instruction étendus prévus par le code de procédure pénale, pour instruire une violation de l’article L. 420-1 du code de commerce.
Rappel des principes
197. Aux termes du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale, « [t]oute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d’un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
198. Le second alinéa de l’article L. 462-6 du code de commerce prévoit que « Lorsque les faits lui paraissent de nature à justifier l'application de l'article L. 420-6, elle adresse le dossier au procureur de la République. Cette transmission interrompt la prescription de l'action publique ».
199. Le premier alinéa de l’article L. 420-6 du code de commerce vise le délit consistant « pour toute personne physique de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre de pratiques visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-2-2 ».
200. Dans un arrêt du 4 mai 2016, le Conseil d’État a décliné sa compétence pour connaître d’un avis transmis au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale en considérant que ce dernier était indissociable de la procédure pénale ultérieure428. Il est en résulte que le collège de l’Autorité n’a pas qualité pour se prononcer sur la régularité d’un signalement effectué par l’un de ses agents au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.
201. Dans ses conclusions rendues à l’occasion de la demande de transmission par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après « QPC ») portant sur l’article L. 420-6 du code de commerce, l’avocat général avait indiqué que la procédure contentieuse de l’Autorité et la procédure pénale mettant en œuvre l’article L. 420-6 du code de commerce sont « deux procédures indépendantes : celle qui se déroule devant l'Autorité de la concurrence vise des entreprises, au travers des personnes morales correspondantes, et, à son terme, seules peuvent être infligées à ces entreprises des sanctions pécuniaires et des injonctions; celle qui se déroule devant le tribunal correctionnel ne vise que des personnes physiques et, à son terme, la sanction encourue est le prononcé d'une peine d'emprisonnement et d'une amende ainsi que des peines accessoires. Par conséquent, la procédure suivie devant le juge judiciaire n'est nullement exclusive de celle engagée devant l'Autorité, de sorte que la règle ne bis in idem ne semble pas avoir lieu de s'appliquer » (soulignements ajoutés)429.
202. Dans ses arrêts du 19 décembre 2018 rendus dans cette affaire, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu à transmettre la QPC et précisé que « ces textes [les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-6 du code de commerce] sont rédigés en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure tout risque d’arbitraire et laissent au juge, auquel la loi permet de consulter l’autorité de la concurrence, le soin, conformément à son office, de qualifier des comportements que le législateur, de par leur complexité et leur variété, ne peut énumérer de façon exhaustive » (soulignements ajoutés)430.
203. Il en résulte que la procédure contentieuse de l’Autorité, visant à sanctionner les manquements visés aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-2-2, et la procédure pénale visant à sanctionner le délit prévu à l’article L. 420-6 du code de commerce sont deux procédures parallèles et indépendantes qui peuvent donner lieu à une coopération entre l’autorité administrative et le juge pénal, sans pour autant que le législateur ait prévu une quelconque temporalité dans leur mise en œuvre respective.
Application en l’espèce
Arguments des parties
204. En premier lieu, les parties estiment que l’Autorité a procédé au Signalement dans l’unique but de bénéficier des pouvoirs d’enquête étendus du juge pénal pour caractériser l’existence d’une infraction à l’article L. 420-1 du code de commerce, pour laquelle elle est seule compétente. Les parties s’appuient, notamment, sur un arrêt de la Cour de cassation du 2 juin 1984 qui avait qualifié de détournement de procédure flagrant le fait de procéder à une perquisition sur le fondement des dispositions du code des douanes en vue de la détection d’une fraude fiscale.
205. En l’espèce, les parties considèrent que le détournement de procédure est démontré par :
- le libellé même du Signalement, qui indiquerait l’impossibilité pour l’Autorité de recueillir les éléments nécessaires à la détection de pratiques contraires à l’article L. 420-1 du code de commerce ;
- l’absence de demande, par l’Autorité, d’une autorisation du juge des libertés et de la détention (ci-après le « JLD ») de procéder à des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce. À cet égard, Strudal considère que l’Autorité disposait de tous les éléments nécessaires pour obtenir une telle autorisation ;
- l’implication des rapporteurs dans les actes d’enquête effectués sous l’égide du juge d’instruction ; et par
- les prises de parole publique du rapporteur général de l’Autorité, qui aurait exprimé l’intention des services d’instruction de l’Autorité de recourir aux outils de la procédure pénale pour renforcer l’efficacité de leur action431.
206. En deuxième lieu, plusieurs parties considèrent que l’Autorité ne pouvait pas procéder à un signalement sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale en raison de l’existence d’une règle spéciale, l’article L. 462-6 du code de commerce, qui prévoit, à son second alinéa que « [l]orsque les faits lui paraissent de nature à justifier l’application de l'article L. 420-6, elle adresse le dossier au procureur de la République. Cette transmission interrompt la prescription de l'action publique ». Selon elles, le signalement, par l’Autorité, d’une possible infraction à l’article L. 420-6 du code de commerce ne peut s’effectuer que sur le fondement de ce dernier article.
207. À cet égard, les parties considèrent que le signalement d’un possible délit mentionné à l’article L. 420-6 du code de commerce implique un constat préalable d’infraction aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-2-2 du code de commerce, pour lequel seule l’Autorité est compétente. Ainsi, l’enquête ou l’instruction du délit visé à l’article L. 420-6 du code de commerce ne devrait débuter qu’à l’issue de la décision de l’Autorité constatant l’existence d’une pratique anticoncurrentielle. Selon Soprel, le fait que le troisième alinéa de l’article L. 420-6 du code de commerce prévoit la suspension de la prescription de l’action publique en cas de transmission d’un dossier par l’Autorité au procureur de la République, confirmerait la nécessité d’un constat préalable d’infraction par l’Autorité pour procéder à la qualification pénale.
208. En troisième lieu, et en tout état de cause, les parties estiment que les conditions prévues à l’article 40 du code de procédure pénale pour procéder à un signalement au procureur de la République n’étaient pas remplies en l’espèce. En effet, le Signalement n’indiquerait nullement les raisons pour lesquelles l’Autorité suspectait une infraction à l’article L. 420-6 du code de commerce qui, comme elles l’indiquent par ailleurs, ne pourrait être caractérisée qu’à la suite du constat par l’Autorité d’une pratique anticoncurrentielle.
209. En quatrième lieu, les parties estiment qu’en omettant de communiquer au procureur de la République le rapport de la BIEC de Lille du 11 mars 2015, par lequel les déclarations anonymes des anciens salariés de Rector, auxquelles le Signalement fait référence, lui ont été communiquées, l’Autorité a violé l’article 40 du code de procédure pénale.
210. En cinquième et dernier lieu, IB et Soprel rappellent que les entreprises doivent pouvoir contester la manière dont les éléments qui leur sont opposés ont été obtenus par l’Autorité, qui est tenue de veiller au respect de la loyauté de la procédure. Ainsi, le collège de l’Autorité devrait se prononcer sur la régularité de l’ensemble de la procédure ayant permis aux services d’instruction de se procurer les pièces sur lesquelles ils ont fondé la notification de griefs. Soprel critique par ailleurs le fait que le juge pénal ait communiqué l’entier dossier pénal à l’Autorité, en violation de l’article L. 463-5 du code de commerce qui lui permet de communiquer les seuls éléments en lien direct avec les infractions visées dans la demande de l’Autorité.
Réponse de l’Autorité
211. Tout d’abord, il résulte de la jurisprudence du Conseil d’État rappelée au paragraphe 200 ci-avant, que l’avis donné par une autorité administrative au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale est indissociable de l’appréciation que portera l’autorité judiciaire sur les actes de poursuites ultérieurs. Ainsi, le juge pénal est seul compétent pour juger de la régularité de la saisine du procureur de la République et des actes de procédure subséquents. Par conséquent, le collège de l’Autorité n’a pas la qualité pour se prononcer sur la régularité du Signalement.
212. Aussi, il convient d’écarter l’ensemble des moyens des mises en cause contestant la régularité de ce dernier – du fait qu’il procéderait d’un détournement de procédure de la Rapporteure Générale – et des actes d’instruction effectués par les agents de l’Autorité dans le cadre de la procédure pénale.
213. Au demeurant, l’Autorité constate que, en l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 193 ci-avant, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, saisie de requêtes en annulation présentées par différents mis en examen, s’est déjà prononcée sur la régularité du Signalement. Elle a d’ailleurs répondu explicitement au moyen tiré du détournement de procédure en indiquant « que constatant l’impossibilité pour ses rapporteurs d’exploiter les informations recueillies sous le couvert de l’anonymat, l’Autorité les a transmises au procureur de la République. Il n’en résulte aucun détournement de procédure, l’Autorité n’ayant fait usage que des dispositions de l’article 40 qui lui imposent, lorsqu’elle acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. En l’espèce, les déclarations anonymes, si elles ne pouvaient être exploitées par les rapporteurs de l’Autorité, contenaient des éléments suffisamment précis et circonstanciées permettant de considérer qu’un délit d’entente illicite prévu par l’article L 420-6 du code de commercer avait été commis. Il n’a donc été porté aucune atteinte au droit à la présomption d’innocence consacré par l’article 6§2 de la Convention européenne des droits de l’homme pas plus qu’au principe d’accessibilité et de prévisibilité de la loi pénale consacré par l’article 7 de la Convention » (soulignements ajoutés)432.
214. Ainsi, les moyens des mises en cause sur ce point reviennent à remettre en cause des décisions de justice qui, n’ayant pas fait l’objet de pourvoi, revêtent la force de la chose jugée.
215. Si, comme l’indiquent les parties, le collège doit pouvoir se prononcer sur la régularité de l’obtention des pièces sur lesquelles reposent les griefs qui sont opposés aux mises en cause, il convient de noter que, en l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au paragraphe 194 ci-avant, les pièces du dossier pénal ont été régulièrement communiquées aux services d’instruction, le 3 juin 2010 ainsi que les 1er et 8 octobre 2021, par les vice-présidents en charge de l’instruction du tribunal judiciaire de Paris conformément à l’article L. 463-5 du code de commerce. Quant au caractère exhaustif de cette communication, critiqué par Soprel, l’Autorité ne saurait revenir sur la décision souveraine du juge pénal, seul compétent pour décider de l’étendue et du calendrier d’une telle transmission. Au demeurant, Strudal n’invoque pas un quelconque grief du fait de l’exhaustivité de l’envoi.
216. À titre surabondant, l’Autorité note, en premier lieu, que la Cour de cassation a reconnu l’existence d’un détournement de procédure dans des cas très spécifiques où une procédure avait été mobilisée dans le seul but de constater des infractions étrangères à son champ d’application433.
217. Or, en l’espèce, le Signalement a donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire, à l’encontre de personnes physiques, du chef de participation illicite à une entente, dont le périmètre a d’ailleurs été étendu à des faits susceptibles de caractériser le délit de corruption privée434. Aussi, si le Signalement et les actes d’instruction menés conjointement avec les agents de l’Autorité ont permis à cette dernière de se voir communiquer des pièces utilisées dans le cadre de la présente procédure administrative, ils ont eu pour vocation première de permettre l’ouverture et la mise en œuvre d’une information judiciaire à l’encontre de personnes physiques qui était toujours en cours à la date d’adoption de la présente décision.
218. À cet égard, il ne saurait être reproché aux services d’instruction d’avoir visé, dans le Signalement, la possible qualification d’entente anticoncurrentielle au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce, dans la mesure où, comme l’indiquent les mises en cause, cette dernière est un préalable nécessaire à la qualification pénale de participation frauduleuse à une entente illicite. Au demeurant, le Signalement vise nommément plusieurs personnes physiques et détaille le rôle joué par ces dernières dans la pratique soupçonnée, présentant ainsi des raisons concrètes de suspicion de violation de l’article L. 420-6 du code de commerce435.
219. En deuxième lieu, s’agissant de l’articulation entre la procédure administrative et la procédure pénale, l’Autorité note que les arguments des mises en cause reposent sur un postulat erroné, qui conduit à ajouter une condition à la loi. En effet, les parties considèrent que, dans la mesure où la qualification d’une infraction aux articles L. 420-1, L. 420-2 ou L. 420-2-2 du code de commerce est une condition préalable à la qualification du délit visé à l’article L. 420-6 du même code, la procédure pénale ne pourrait intervenir qu’à l’issue de la procédure administrative devant l’Autorité qui aurait conduit à une telle qualification.
220. Mais, outre que le législateur n’a nullement prévu une telle articulation, premièrement, s’il est constant que seule l’Autorité est compétente pour prononcer les sanctions prévues à l’article L. 464-2 du code de commerce en cas de violation des articles L. 420-1, L. 420-2 ou L. 420-2-2 du code de commerce, le juge pénal est pleinement compétent pour apprécier les éléments constitutifs du délit de l’article L. 420-6 du code de commerce, y compris pour qualifier une violation de ces articles ou des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») qui sont des dispositions d’effet direct436.
221. Deuxièmement, en contradiction avec l’indépendance des procédures pénale et administrative reconnue par la jurisprudence de la Cour de cassation rappelée aux paragraphes 201 et 202, l’approche proposée par les mises en cause conduirait à faire dépendre la compétence que le juge pénal tire de l’article L. 420-6 du code de commerce d’une décision préalable de l’Autorité sur le fond et à donner à cette dernière l’initiative de la poursuite du délit visé à cet article puisque, à défaut de décision constatant une pratique anticoncurrentielle, le juge pénal ne pourrait pas connaître du délit susmentionné.
222. En troisième et dernier lieu, le signalement prévu par l’article L. 462-6 du code de commerce ne saurait constituer une lex specialis par rapport à l’article 40 du code de procédure pénale.
223. Il convient, en effet, de noter que l’article L. 462-6 du code de commerce ne concerne que l’Autorité, alors que l’article 40 du code de procédure pénale s’adresse à « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire ». Aussi, le fait que le législateur ait prévu une procédure spécifique permettant la saisine du juge pénal par l’Autorité à l’issue ne saurait avoir une incidence sur les obligations s’imposant à chacun de ses agents sur le fondement de l’article 40.
224. La Cour de cassation l’a d’ailleurs confirmé dans un arrêt du 17 juin 2009 que le juge pénal demeurait saisi, sur le fondement des articles 40 et 41 du code de procédure pénale, du délit visé à l’article L. 420-6 du code de commerce à la suite de l’annulation du signalement prévu à l’article L. 462-6 du code de commerce437.
225. Les moyens tirés d’un détournement de procédure seront écartés.
c) Sur la violation du droit à un recours effectif
Rappel des principes
226. L’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après la « CESDH ») relatif au procès équitable est applicable aux procédures devant l’Autorité438. Il dispose que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
227. Le droit au procès équitable se traduit en particulier par l’exigence du droit à un recours juridictionnel effectif.
228. S’agissant des procédures menées par les autorités de concurrence pouvant aboutir à une sanction, la Cour européenne des Droits de l’Homme (ci-après la « CEDH ») a considéré que « le respect de l’article 6 de la Convention n’exclut donc pas que dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative. Il suppose cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle- même les conditions de l’article 6 § 1 subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction » et précisé que « [p]armi les caractéristiques d’un organe judiciaire de pleine juridiction figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l’organe inférieur. Il doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi » (soulignement ajouté)439.
229. En droit interne, la cour d’appel de Paris a rappelé que « [l]e recours juridictionnel effectif, garanti par l’article 6 de la Convention EDH ainsi que par l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, exige la mise en œuvre d’un contrôle juridictionnel effectif des décisions par lesquelles l’Autorité inflige des sanctions en cas d’infractions aux règles de concurrence. Ce contrôle juridictionnel est mis en œuvre en droit interne par l'ouverture au profit des entreprises sanctionnées d'un recours devant la présente cour d'appel, laquelle exerce un contrôle de légalité de la décision adoptée par l'Autorité et a également, en cas d'annulation de celle-ci, l'obligation de statuer tant en droit qu'en fait sur les pratiques reprochées et sur leur sanction. » 440.
230. L’article 13 de la CESDH dispose que « [t]oute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».
231. La CEDH a précisé que « l’article 13 n’a pas d’existence indépendante ; il ne fait que compléter les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles […]. Il ne peut être appliqué que combiné avec ou au regard d’un ou plusieurs articles de la Convention ou de ses Protocoles dont la violation a été invoquée. Pour avoir recours à l’article 13, le requérant doit aussi avoir un grief défendable tiré d’une autre disposition de la Convention »441.
Application en l’espèce
Arguments des parties
232. Les parties estiment qu’en procédant au Signalement et en versant au dossier de l’Autorité des pièces issues de la procédure pénale qui s’en est suivie, l’Autorité a violé leur droit à un recours effectif.
233. D’une part, elles allèguent que la procédure pénale n’offre pas de garanties équivalentes à celles existant dans le cadre de la procédure administrative (présence d’un conseil pendant les perquisitions, établissement d’un procès-verbal listant les pièces saisies, accès au dossier avant la mise en examen).
234. D’autre part, elles considèrent que le défaut de recours, pour les personnes morales mises en cause dans la présente espèce, contre le Signalement et contre la transmission du dossier pénal sur le fondement de l’article L. 463-5 du code de commerce, constitue une violation des articles 6 et 13 CESDH. Elles font référence à cet égard à l’affaire Janssen de Jong c/ Pays-Bas442, pendante au jour de l’adoption de la présente décision devant la Grande Chambre de la CEDH , dans le cadre de laquelle la CEDH est saisie de la compatibilité avec les articles 8 et 13 de la CESDH de l’absence de recours contre la transmission, par un juge pénal néerlandais à l’autorité néerlandaise de concurrence, de pièces saisies dans le cadre de la procédure pénale443.
235. Elles considèrent que cette atteinte est d’autant plus grave que, en leur qualité de personnes morales étrangères à la procédure pénale, elles ne peuvent contester la validité de la saisie de pièces ni accéder au dossier en vue d’identifier d’éventuels éléments à décharge.
Réponse de l’Autorité
236. S’agissant du droit à un recours effectif, il convient de distinguer le recours contre la saisie de pièces de celui contre l’utilisation de ces pièces dans le cadre de la qualification d’une infraction et d’une éventuelle sanction. En effet, si le législateur, dans certains cas, comme c’est le cas des perquisitions pénales ou de l’article L. 450-4 du code de commerce, a prévu un contrôle juridictionnel autonome sur l’obtention de pièces par les autorités de poursuite, ce recours n’appartient qu’à l’individu ou à la personne morale qui a fait l’objet de ces mesures d’enquête. Par ailleurs, ce recours ne porte que sur la régularité et le déroulement d’une telle saisie et ne se confond pas avec celui qui peut être formé contre l’utilisation éventuellement faite, ultérieurement, des pièces saisies.
237. À cet égard, il est utile de rappeler que les services d’instruction peuvent, au soutien d’une notification de griefs, mobiliser des moyens de preuve obtenus par différents mécanismes qui n’ouvrent pas droit à un recours sur le principe même de leur obtention. Ces moyens de preuve peuvent résulter, notamment, d’une communication de la DGCCRF, de plaintes d’entreprises, de pièces présentées spontanément par des parties à la procédure, de réponses à des demandes d’informations fondées sur l’article L. 450-3 ou d’auditions. Seules les opérations de visite et de saisie menées sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce ouvrent droit, pour les seules entreprises visitées, à un recours, fondé sur le même article, qui porte uniquement sur l’autorisation des opérations par le JLD et sur leur déroulement.
238. L’absence de recours autonome contre l’obtention d’une pièce par l’Autorité ne prive pas pour autant les entreprises mises en cause de leur droit à un recours effectif. En effet, il ressort de la jurisprudence européenne et nationale rappelée aux paragraphes 228 et 229 ci-avant que ce droit est garanti par l’accès à un contrôle juridictionnel sur la légalité de la décision. Dans le cadre de ce recours, les parties, qui ont accès aux pièces qui leur sont opposées pour fonder une éventuelle sanction, peuvent contester la régularité de l’obtention d’une pièce et sa force probatoire.
239. En l’espèce, les pièces litigieuses, à savoir les pièces issues de la procédure pénale diligentée à l’encontre de certains salariés des entreprises A2C, KP1, Rector et Soprel, sont régulièrement parvenues aux services d’instruction, par la transmission, à leur demande, le 3 juin 2020 ainsi que les 1er et 8 octobre 2021, du dossier pénal.
240. Ainsi, d’une part, l’Autorité ne saurait être saisie de critiques sur la procédure pénale ayant précédé cette transmission, qui a été menée de manière totalement indépendante par le juge pénal et qui, au surplus, ne concernait personnellement aucune des mises en cause dans le cadre de la procédure devant l’Autorité. Ce n’est, en effet, qu’à compter de la réception des pièces issues du dossier pénal que l’Autorité pourra exercer son contrôle de la régularité de leur exploitation par les services d’instruction. Ainsi, les arguments des mises en cause sur l’insuffisance des garanties offertes par la procédure pénale sont inopérants.
241. D’autre part, s’agissant de l’absence de recours autonome contre la transmission des pièces du dossier pénal par les juges d’instruction, qui en tout état de cause ne pourrait être exercé que devant le juge de contrôle de son auteur, à savoir, la juridiction pénale, il convient de noter que le parallèle avec l’affaire Janssen de Jong, précitée, est sans pertinence dans le cadre de la présente espèce. En effet, la CEDH n’est pas saisie d’une violation des droits de la défense garantis à l’article 6 de la CESDH que les mises en cause invoquent devant l’Autorité, mais d’une violation de l’article 8 relatif à la protection de la vie privée. À toutes fins utiles, l’Autorité note que, sur la question de l’article 13 de la CESDH, qui est invoqué en combinaison avec l’article 8, l’arrêt du 16 mai 2023 écarte toute violation, en constatant qu’« il existe un contrôle juridictionnel étendu ex-post disponible. Dans les procédures administratives concernant la décision de la NMA [Autorité néerlendaise de concurrence] de prononcer une amende, les entreprises requérantes pouvaient, ce qu’elles ont fait, contester la légalité et la conventionnalité de la transmission de données. S’agissant des données transmises utilisées dans la décision de la NMA, les contestations des entreprises requérantes ont donc pu être prises en compte »444.
242. En tout état de cause, les mises en cause ont pu accéder aux pièces sur lesquelles sont fondés les griefs qui leur ont été notifiés et présenter des observations sur la manière dont ces pièces ont été obtenues par l’Autorité ainsi que sur leur force probante. Elles pourront par ailleurs exercer un recours contre la décision du collège de l’Autorité devant la cour d’appel de Paris sur le fondement de l’article L. 464-8 du code de commerce. Dès lors, la présente procédure est conforme aux exigences dégagées par la jurisprudence européenne et nationale sur le fondement de l’article 6 de la CESDH.
243. Les moyens relatifs à la violation d’un droit à un recours juridictionnel effectif seront écartés.
2. SUR L’ACCES AUX PIECES ISSUES DE LA PROCEDURE PENALE
a) Rappel des principes
244. Le droit au procès équitable garanti par l’article 6, paragraphe 1 de la CESDH, précité, se traduit également par l’exigence de respect des droits de la défense et, notamment, du principe du contradictoire.
245. Aux termes de l’alinéa 1 de l’article L. 463-1 du code de commerce, « [l]'instruction et la procédure devant l'Autorité de la concurrence sont contradictoires (…) sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 463-4 et L. 464-10 », ces deux derniers articles concernant le secret des affaires et la procédure de clémence.
246. L’ouverture du contradictoire n’a toutefois lieu qu’à compter de la notification de griefs445. En amont de cette notification, c’est le principe de loyauté qui garantit aux parties le droit à un procès équitable446.
247. L’article L. 463-5 du code de commerce permet aux juridictions d’instruction et de jugement de « communiquer à l’Autorité de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux rapports d’enquête ou autres pièces de l'instruction pénale ayant un lien direct avec des faits dont l’Autorité est saisie ».
248. Dans un arrêt du 13 octobre 2009, la Cour de cassation a jugé conforme au principe d’égalité des armes la transmission, sur le fondement de l’article L. 463-5 du code de commerce, de pièces issues d’une procédure pénale à l’Autorité dès lors « [qu’]il est constant que les pièces sur lesquelles [le rapporteur] a fondé les griefs ont fait l’objet d’un inventaire, qu'elles ont été cotées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des parties poursuivies et que ces dernières ont, après la notification des griefs, disposé de la faculté de présenter des moyens et de produire les documents qu'elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts » (soulignements ajoutés).
249. Dans ce même arrêt, la Cour de cassation a considéré que « qu’aucune irrégularité ne saurait résulter de ce que, à la suite de la demande du Conseil [de la concurrence], le juge d’instruction a informé le rapporteur qu’il pouvait prendre connaissance du dossier puis lui a transmis les pièces demandées après s'être assuré de leur relation directe avec les faits dont le Conseil était saisi » (soulignement ajouté)447.
b) Application en l’espèce
Arguments des parties
250. En premier lieu, les parties considèrent que constitue une violation de l’article 6 de la CESDH le fait de leur opposer des pièces dont elles ne peuvent contester la saisie et qui sont issues d’un dossier pénal auquel elles n’ont jamais eu accès.
251. À cet égard, Strudal allègue ne pas avoir eu accès à l’ensemble du dossier transmis par le juge pénal dans la mesure où les services d’instruction ont rendu inaccessibles certaines pièces, en n’en versant qu’une version intégralement occultée. En procédant ainsi, les mises en cause auraient été dans l’impossibilité de vérifier si ces pièces contenaient des éléments pouvant leur être favorables.
252. Fidal et SEAC soulignent que le contentieux de l’annulation des saisies pénales était encore ouvert au moment de la transmission du dossier par le juge pénal à l’Autorité, permettant à cette dernière d’opposer aux mises en cause des pièces qui auraient pu faire ultérieurement l’objet d’une annulation. Il appartenait donc, selon elles, à l’Autorité d’attendre la fin de l’information judiciaire pour envoyer la notification de griefs.
253. En second lieu, les parties considèrent qu’il existe une rupture d’égalité entre les différentes mises en cause puisque celles dont les salariés étaient concernés par la procédure pénale ont eu connaissance dès 2017 de l’enquête diligentée à leur encontre, ont pu accéder au dossier pénal et préparer leur défense alors que les autres mises en cause n’ont été informées de l’existence de la présente procédure que peu de temps avant l’envoi de la notification de griefs en mars 2022 et n’auraient donc pas disposé du temps nécessaire à préparer efficacement leur défense.
Réponse de l’Autorité
254. En premier lieu, s’agissant de la transmission du dossier pénal par le juge pénal, qui est explicitement prévue à l’article L. 463-5 du code de commerce, l’Autorité note, premièrement, qu’aucune partie ne conteste sa régularité. Strudal conteste en revanche ses modalités et, en particulier, le fait que le juge pénal ait transmis l’entier dossier. Néanmoins, l’Autorité ne saurait revenir sur la décision souveraine du juge pénal qui est seul compétent pour décider de l’étendue et du calendrier d’une telle transmission. À toutes fins utiles, il convient de noter que la Cour de cassation a considéré régulière la consultation de l’entier dossier pénal par le rapporteur du Conseil de la concurrence en amont de la transmission du dossier pénal par le juge448 (voir, ci-avant, le paragraphe 249).
255. Deuxièmement, s’agissant de l’exploitation du dossier transmis par les services d’instruction avant la fin de l’instruction pénale, il convient de souligner que l’article L. 463-5 du code de commerce ne prescrit pas à ces derniers d’attendre la clôture de l’instruction pénale pour en prendre connaissance et exploiter les pièces dans le cadre de leur instruction. Au contraire, ainsi qu’il a été rappelé ci-avant aux paragraphes 201 et 202, la procédure pénale et la procédure administrative sont indépendantes.
256. Par ailleurs, conformément au courrier de transmission du dossier pénal449, il ressort du point 115 du Rapport, non contesté par les mises en cause, que les services d’instruction ont pris en compte les annulations de pièces prononcées par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris en les retirant du dossier d’instruction. Ainsi, dès lors qu’aucune pièce ayant été écartée par le juge pénal n’a été utilisée au soutien des griefs notifiés, le fait que les services d’instruction aient exploité le dossier pénal sans attendre la clôture de l’instruction n’a eu aucune incidence sur la situation des mises en cause et a permis, au contraire, d’écourter le délai d’instruction du dossier dont la longueur est dénoncée par ces mêmes entreprises.
257. Troisièmement, s’agissant de l’accès aux pièces du dossier pénal, il convient, tout d’abord, d’écarter l’argument des parties tiré du fait qu’elles n’auraient pas pu vérifier si, dans ce dernier, il existait des éléments à décharge. D’une part, il ressort du courrier de transmission du dossier du 8 octobre 2021 que celui-ci comporte « l’intégralité de cette procédure »450. D’autre part, et en tout état de cause, conformément à la jurisprudence rappelée ci-avant au paragraphe 248, les griefs notifiés reposent sur les seuls éléments versés au dossier d’instruction auquel les parties ont pu avoir accès dans les conditions prévues à l’article L. 463-4 du code de commerce. Aussi, si le dossier pénal comportait d’autres éléments que ceux figurant au dossier d’instruction, ceux-ci n’auraient, en tout état de cause, pas pu être pris en compte par les services d’instruction.
258. Ensuite, s’agissant de l’argument de Strudal tiré de l’occultation de certaines pièces issues du dossier pénal par les services d’instruction, ces derniers ont expliqué, aux paragraphes 138 à 140 du rapport que si l’ensemble de la procédure pénale communiquée par le juge pénal a été versée au dossier de l’Autorité, certaines pièces ont été rendues inaccessibles en raison de l’absence de lien de ces pièces avec les pratiques instruites et de la présence d’informations potentiellement sensibles d’entreprises tierces à la procédure (comme par exemple, les réponses à des appels d’offres d’entreprises étrangères à la procédure) ou d’informations qui ont uniquement trait aux personnes physiques mises en cause dans la procédure pénale et contenant des données relevant de leur vie privée (examens médicaux, procès-verbaux de garde à vue, inventaire de dépôt, etc.).
259. À cet égard, outre que l’initiative prise par les services d’instruction apparaît nécessaire à la préservation d’informations potentiellement sensibles, il convient de relever que, dans la mesure où l’ensemble de ces pièces ont été versées au dossier, les entreprises mises en cause disposaient d’un sommaire complet des pièces, leur permettant d’identifier la nature des pièces qui leur avaient été communiquées en version confidentielle. Ainsi, les parties auraient pu, sur le fondement de l’article L. 463-4 du code de commerce, demander l’accès à ces éléments au rapporteur général de l’Autorité qui aurait pu, soit décider de les rendre accessibles à l’ensemble des parties, soit autoriser les conseils de l’auteur de la demande à venir consulter le dossier physique dans les locaux de l’Autorité, selon les modalités prévues à l’article 26 de son règlement intérieur.
260. En tout état de cause, l’Autorité relève que les mises en cause ne démontrent pas en quoi le défaut d’accès aux pièces issues de la procédure pénale qui n’ont été versées au dossier qu’en version confidentielle et dont elles n’ont pas demandé la consultation les aurait empêchées d’exercer pleinement leurs droits de la défense.
261. En second lieu, s’agissant de la rupture d’égalité entre les entreprises concernées par la procédure pénale et les autres mises en cause, il convient de relever que la situation de ces deux groupes de mises en cause n’est nullement comparable. En effet, certaines ont pu éventuellement avoir connaissance de l’existence d’une procédure pénale diligentée à l’encontre de leurs salariées, mais elles n’ont en tout état de cause pas eu accès au dossier pénal avant son versement au dossier de l’Autorité, n’étant ni mises en examen ni témoins assistés.
262. Par ailleurs, l’éventuelle connaissance de l’existence d’une procédure pénale diligentée à l’encontre de leurs salariés n’était en rien susceptible de permettre à ces entreprises d’anticiper l’étendue et la nature des griefs qui seraient, le cas échéant, retenus contre elles par les services d’instruction de l’Autorité.
263. En tout état de cause, il est constant que, conformément à la jurisprudence rappelée ci-avant au paragraphe 248, l’ensemble des mises en cause ont été à même d’exercer leurs droits de la défense à compter de la notification de griefs, en ce qu’elles ont eu accès à l’entier dossier de la procédure, ont été mises en mesure de développer contradictoirement leurs observations et de faire valoir leurs éléments de défense lors de la séance devant le collège de l’Autorité.
264. À la lumière de l’ensemble de ces éléments, les moyens des mises en cause relatifs à la violation des droits de la défense en lien avec le défaut d’accès à la procédure pénale seront écartés.
3. SUR L’IMPARTIALITE DE L’INSTRUCTION
a) Rappel des principes
265. Aux termes de l’article R. 463-11 du code de commerce, « le rapport soumet à la décision de l’Autorité de la concurrence une analyse des faits et de l’ensemble des griefs notifiés ».
266. Il ressort d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes que les rapporteurs peuvent, sans manquer à leur devoir d’impartialité, d’une part, retenir au soutien de leur analyse les éléments du dossier qui leur paraissent les plus pertinents, sans être tenus d’exposer les motifs pour lesquels ils ne se sont pas appuyés sur d’autres éléments et, d’autre part, soumettre au débat contradictoire leur propre interprétation des éléments du dossier451.
267. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la cour d’appel de Paris que « le fait que les dirigeants d’une entreprise n’aient pas été entendus au cours de l’enquête et de l’instruction est, en l’absence d’obligation légale en la matière, sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu’à compter de la notification des griefs et lors des différentes phases de la procédure, elle a été mise en mesure de faire valoir ses observations en temps utile » (soulignement ajouté)452.
268. La Cour de cassation a, de son côté, confirmé que le rapporteur « n’est pas tenu de procéder à des auditions s'il s'estime suffisamment informé pour déterminer les griefs susceptibles d'être notifiés » et que « l’absence d'audition des dirigeants de certaines entreprises, au stade de l’enquête et de l’instruction, est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'à compter de la notification des griefs et lors des différentes phases de la procédure, lesdites entreprises ont été mises en mesure de faire valoir leurs droits »453.
269. Dans une décision du 14 octobre 2015, le Conseil constitutionnel, saisi de la conformité de la procédure contentieuse du Conseil de la concurrence avec les principes d’indépendance et d’impartialité, a considéré que la faculté du Conseil de la concurrence de s’autosaisir n’était pas contraire à ces principes dans la mesure où une telle décision n’a « ni pour objet ni pour effet d’imputer une pratique à une entreprise déterminée » et, partant, « ne conduit pas à préjuger la réalité des pratiques susceptibles de donner lieu au prononcé de sanctions ». Il a par ailleurs considéré que les articles L. 463-1 et L. 463-2 du code de commerce garantissent une séparation des fonctions de poursuite et d’instruction, d’une part, et de sanction, d’autre part454.
270. Par un arrêt du 23 novembre 2016, la Cour de cassation, interrogée sur la possibilité pour le rapporteur général de l’Autorité de solliciter une autorisation auprès du JLD en vue de mener des opérations de visite et de saisie et d’instruire, par la suite, ces mêmes faits, a considéré que l’article 6, paragraphe 1 de la CESDH n’exige pas « que les fonctions d'instruction et de poursuite soient confiées à deux entités distinctes »455.
271. La jurisprudence et la pratique décisionnelle de l’Autorité ont pu écarter tout risque de préjugement du fait du cumul de fonctions par des rapporteurs au stade de l’enquête et de l’instruction des mêmes faits, tels que la conduite de l’instruction de mesures conservatoires et de l’instruction au fond456 ou encore, de l’enquête menée au sein de la DGCCRF en amont de l’instruction au sein de l’Autorité457.
b) Application en l’espèce
Arguments des parties
272. Eurobéton et IB considèrent qu’en n’auditionnant pas les entreprises mises en cause avant l’envoi de la notification de griefs, les rapporteurs n’auraient pas respecté leur obligation d’instruire à charge et à décharge. IB reproche également aux services d’instruction de ne pas avoir vérifié, de manière objective, les éléments versés par les demandeurs de clémence et, en particulier, les déclarations apportées par KP1. Enfin, IB considère que les services d’instruction ont omis de prendre en compte certains éléments à décharge tels que le fait qu’elle n’ait pas été concernée par la procédure pénale et que le second demandeur à la clémence ne l’ait pas impliquée dans les pratiques qu’il a dénoncées.
273. Soprel considère qu’il existerait en l’espèce un risque de préjugement des pratiques poursuivies du fait de l’implication de deux rapporteurs chargés de l’instruction du dossier dans les actes d’instruction pénale. En particulier, ces rapporteurs auraient préqualifié les pratiques poursuivies dans le cadre des rapports d’information du 22 mars 2019458 et du 18 avril 2019459 communiqués au juge d’instruction avant l’envoi de la notification de griefs.
Réponse de l’Autorité
274. Premièrement, sur l’absence d’audition des mises en cause en amont de la notification de griefs, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, citée ci-avant au paragraphe 268, que le rapporteur n’est nullement tenu de procéder à des auditions s’il s’estime suffisamment informé par les éléments en sa possession et que l’absence d’audition des dirigeants d’entreprises mises en cause est sans incidence sur la régularité de la procédure.
275. Deuxièmement, l’argument d’IB sur les modalités de recueil des déclarations versées au soutien de la demande de clémence de KP1 revient à contester la crédibilité de ces moyens de preuve et ne pourra être analysé, le cas échéant, que dans le cadre de leur appréciation au fond. Par ailleurs, contrairement à ce qu’elle indique, il ressort clairement des constatations opérées par la notification de griefs qu’IB n’a pas été concernée par la procédure pénale et qu’elle n’a pas été mentionnée par le second demandeur à la clémence460. Le fait que les services d’instruction n’aient pas considéré que ces deux éléments suffisaient à écarter sa participation aux pratiques litigieuses revient également à contester l’appréciation au fond des griefs notifiés.
276. Troisièmement, s’agissant du risque de préjugement du fait de la participation de certains rapporteurs à l’enquête pénale, il convient de souligner, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation mentionnée ci-avant au paragraphe 270, que l’article 6 de la CESDH n’impose pas que les fonctions de poursuite et d’instruction soient confiées à des entités différentes. Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du critère dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 14 octobre 2015 mentionnée au paragraphe 269 ci-avant, aucun risque de préjugement sur la réalité des pratiques susceptibles de donner lieu au prononcé de sanctions ne saurait exister en l’absence d’une décision imputant de telles pratiques à une entreprise déterminée. Aussi, la participation de rapporteurs à des actes d’instruction préalables à la saisine de l’Autorité ne saurait présenter un quelconque risque de préjugement des pratiques susceptibles d’être sanctionnées.
277. À cet égard, ainsi qu’il a été relevé au paragraphe 249 ci-avant, la Cour de cassation a considéré qu’aucune irrégularité ne pouvait résulter de la proposition par le juge d’instruction au rapporteur de l’Autorité de consulter l’entier dossier pénal avant sa transmission à l’Autorité. Aussi, le fait que les rapporteurs aient pu avoir une connaissance exhaustive de la procédure pénale concernant des salariés de certaines mises en cause est sans incidence sur la régularité de la procédure.
278. Les moyens relatifs à l’impartialité de l’instruction seront écartés.
4. SUR LE DELAI EXCESSIF DE PROCEDURE
a) Rappel des principes
279. L’article 6, paragraphe 1, de la CESDH dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ».
280. Selon une jurisprudence européenne461 et nationale462 constante, le caractère raisonnable de la durée de la procédure s’apprécie in concreto, notamment au regard de l’ampleur et de la complexité de l’affaire, de son contexte et du comportement des parties au cours de la procédure ainsi qu’en fonction du comportement des autorités compétentes.
281. Par ailleurs, la sanction qui s’attache à la violation par l’Autorité de l’obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n’est pas l’annulation de la procédure, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement de la durée de la procédure, sous réserve, toutefois, que le délai écoulé durant la phase d’instruction, en ce compris la phase non contradictoire, devant l’Autorité, n’ait pas causé à chacune des entreprises, formulant un grief à cet égard, une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre463.
282. Enfin, le délai d’instruction est calculé en prenant en compte la durée, d’une part, de la phase non contradictoire de cette dernière, qui débute à compter de la saisine de l’Autorité et, d’autre part, de la phase contradictoire, ouverte par la notification de griefs464.
b) Application en l’espèce
Arguments des parties
283. Eurobéton considère que le délai d’instruction serait excessif. Elle allègue que les services d’instruction ont été totalement passifs entre 2015 et 2022, période pendant laquelle aucun acte d’instruction n’aurait été effectué. Eurobéton et IB avancent que ce délai les aurait empêchées de préparer utilement leur défense compte tenu de la déperdition des preuves liées à leurs rachats et au départ de salariés ayant pris part aux comportements qui leur sont reprochés.
284. Eurobéton considère que les services d’instruction n’ont pas justifié in concreto ce délai au regard de la nature des pratiques et des actes d’instruction effectués, s’agissant de griefs qui reposeraient sur des dénonciations, des perquisitions pénales et des demandes de clémence.
Réponse de l’Autorité
285. En l’espèce, l’Autorité s’est saisie d’office des pratiques reprochées dans le cadre de la présente procédure par une décision du 13 mars 2020465 et les griefs ont été notifiés aux entreprises mises en cause le 16 mars 2022. Ainsi, la phase non contradictoire de l’instruction aura duré deux ans, ce qui ne saurait être considéré comme excessif au regard de l’ampleur des pratiques constatées et du nombre d’entreprises mises en cause.
286. En tout état de cause, s’agissant de la phase préalable à l’auto-saisine de l’Autorité, si l’Autorité a commencé à s’intéresser à d’éventuelles pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits préfabriqués en béton dès 2015, lors de la réception des témoignages recueillis par la BIEC de Lille, l’enquête qui s’en est suivie a été marquée par différentes étapes de nature à justifier le délai qui s’est écoulé, à savoir : la saisine du juge pénal en novembre 2016, la réception des demandes de clémence en octobre 2018, ainsi qu’en avril 2019 et la réception du dossier pénal en juin 2020 et en octobre 2021.
287. Par ailleurs, contrairement à ce qu’indique Eurobéton, les pratiques présentent une particulière complexité du point de vue factuel et au regard du nombre d’entreprises mises en cause. En effet, cinq griefs ont été notifiés à douze entreprises différentes (sans compter les différentes entités composant ces entreprises). Par ailleurs, les griefs sont de nature très différente, concernent divers marchés tant de produits que géographiques et portent sur des périodes temporelles particulièrement longues.
288. En tout état de cause, comme le relève le rapport au paragraphe 127, il incombe aux parties mises en cause d’établir la preuve des circonstances ayant fait obstacle « concrètement et effectivement à l’exercice normal de ses droits de la défense »466. Or la cession d’une entreprise ou le fait que certains employés auraient quitté l’entreprise allégués par les entreprises mises en cause ne caractérisent pas en soi de tels obstacles.
289. Il résulte en effet de la jurisprudence de la cour d’appel de Paris467, qu’il appartient aux entreprises poursuivies, au titre de l’obligation de prudence et de vigilance qui s’impose à elles, de veiller à conserver toute preuve de nature à établir la licéité de leurs pratiques jusqu’à la fin de la prescription fixée à l’article L. 462-7 du code de commerce. S’agissant spécifiquement de la conservation des preuves, la Cour de cassation a rappelé que les entreprises poursuivies par l’Autorité sont « responsables de la déperdition éventuelle des preuves qu’elles entendaient faire valoir tant que la prescription (…) n’était pas acquise »468. Dans un arrêt du 28 janvier 2003, elle a également considéré qu’aucun préjudice du fait de la durée n’est démontré lorsque « les difficultés alléguées [relatives à la conservation des preuves] dues à des causes internes aux deux sociétés tenant aux changements intervenus dans leurs directions respectives par suite de leur fusion, sont sans lien avec le déroulement de l’instruction et de la procédure suivie devant [l’Autorité] »469.
290. Les moyens tirés du délai excessif de la procédure seront écartés.
5. SUR LA PRESCRIPTION
a) Rappel des principes
291. Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce, introduit par l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, « la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu’un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s’est écoulé sans que l’Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci ».
292. Il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité que la prescription décennale ne commence à courir qu’à compter de la cessation des pratiques470 ou bien, le cas échéant, de la fin de la participation de chaque société mise en cause à l’infraction471. L’Autorité a eu l’occasion d’appliquer ce principe dans l’affaire dite du Bisphénol A, en mettant hors de cause les entreprises dont les preuves de participation aux pratiques remontaient plus de dix ans après l’adoption de la décision472.
293. Selon une jurisprudence constante, en droit national de la concurrence, la détermination du point de départ du délai de prescription dépend de la manière dont les faits se sont déroulés dans le temps. Si, pour les pratiques à caractère instantané, le point de départ du délai de prescription est le lendemain de l’acte constitutif de l’infraction, pour les pratiques à caractère continu ou répété, le point de départ de ce délai est le lendemain du jour où le comportement infractionnel a cessé473.
b) Application au cas d’espèce
294. La prescription décennale est acquise pour les entreprises dont la participation aux pratiques ne peut être démontrée au-delà du 21 mai 2014.
295. S’agissant du premier grief, la société S.E.G. a été mise en cause en sa qualité de société mère de SLM jusqu’en 2012474, tandis que les sociétés Echobel NV et Galm Participaties NV ont été mises en cause en leur qualité de sociétés mères d’Echolux SA et Echo France Groupe (devenue FB Groupe France SA) jusqu’à janvier 2013.
296. Les pratiques qui sont reprochées à S.E.G., Echobel NV et Galm Participaties NV au titre du premier grief sont donc prescrites. Il convient, par conséquent, de les mettre hors de cause, sans qu’il soit besoin d’analyser les éléments susceptibles de fonder leur éventuelle culpabilité.
297. S’agissant du deuxième grief, il n’existe aucun élément matériel extérieur aux déclarations de KP1, demandeur de clémence, permettant d’établir la participation de SEAC au deuxième grief au-delà du 5 mars 2013.
298. Les pratiques qui sont reprochées à SEAC au titre du deuxième grief sont donc prescrites. Il convient, par conséquent, de la mettre hors de cause, sans qu’il soit besoin d’analyser les éléments susceptibles de fonder son éventuelle culpabilité.
299. S’agissant du troisième grief, il n’existe aucun élément matériel extérieur aux déclarations de KP1, demandeur de clémence, permettant d’établir la participation d’IB au troisième grief au-delà du 13 septembre 2013.
300. Les pratiques qui sont reprochées à IB au titre du troisième grief sont donc prescrites. Il convient, par conséquent, de la mettre hors de cause, sans qu’il soit besoin d’analyser les éléments susceptibles de fonder son éventuelle culpabilité.
B. SUR L’APPLICATION DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE
301. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « Cour de justice » ou « CJUE ») et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE, trois éléments doivent être établis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres de l’Union : l’existence d’un courant d’échanges entre les États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.
302. La circonstance que des ententes ou abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. À cet égard, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire »475.
303. S’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé, dans ce même arrêt que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »476.
304. Le paragraphe 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, du point de vue de la Commission, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :
- la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l’accord n’excède pas 5 % ;
- dans le cas d’accords horizontaux, le chiffre d’affaires annuel moyen réalisé dans l’Union par les entreprises en cause avec les produits concernés par l’accord n’excède pas 40 millions d’euros.
305. En l’espèce, les pratiques concernées par les trois premiers griefs ainsi que par le cinquième grief sont des ententes horizontales entre concurrents relatives à la vente de produits préfabriqués en béton et de charpentes aux entreprises de construction, aux négoces et aux CMI. Plusieurs des entreprises concernées sont des groupes de dimension internationale disposant d’unités de production et de filiales implantées dans différents États membres de l’Union.
306. En outre, les pratiques sont intervenues dans un secteur qui dépasse le seul cadre du marché national, en raison notamment de l’existence avérée d’un courant d’échanges intra- communautaires.
307. Du reste, les pratiques se rattachant aux trois premiers griefs ont été mises en œuvre par des entreprises dont le chiffre d’affaires réalisé avec les produits concernés par les pratiques dépasse largement le seuil de 40 millions d’euros.
308. Il en résulte que les pratiques visées par les griefs 1, 2, 3 et 5 sont susceptibles d’avoir affecté sensiblement le commerce entre les États membres. Elles doivent, en conséquence, être examinées tant au regard des règles de concurrence de l’Union que des règles internes, ce point n’étant pas contesté par les mises en cause.
309. Les pratiques visées par le quatrième grief concernent une entente bilatérale entre KP1 et SPL portant sur les prix, la répartition de clientèle ainsi que sur les débouchés de SPL, mise en œuvre dans le secteur de la commercialisation de prémurs en béton, destinés à une clientèle d’entreprises de construction et aux négoces dans la région Ouest de la France, seule région d’implantation de SPL. En effet, les pratiques visées portaient sur l’activité de SPL concernant son unité de production située dans le Morbihan, en vue de répondre à une clientèle située principalement à proximité, KP1 disposant d’unités de production en prémurs dans d’autres zones géographiques du territoire national.
310. Il en résulte que la pratique visée par le quatrième grief n’est pas susceptible d’avoir affecté sensiblement le commerce entre États membres. Elle ne sera examinée qu’au regard de l’article L. 420-1 du code de commerce.
C. SUR LES MARCHES PERTINENTS
1. RAPPEL DES PRINCIPES
311. Afin de définir le marché de produits ou de services, il convient de rechercher si les produits ou les services en cause sont considérés par les acheteurs « comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de leur usage »477.
312. Dans le même sens, la Commission a rappelé, dans sa communication n° C/2024/1645/ du 22 février 2024 sur la définition du marché en cause, que le marché de produits « comprend tous les produits que les clients considèrent comme interchangeables ou substituables à celui ou ceux de la ou des entreprises concernées, en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés, compte tenu des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l’offre sur le marché »478.
313. Le marché géographique, quant à lui, comprend « le territoire sur lequel les entreprises concernées offrent ou demandent des produits en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour que les effets du comportement ou de la concentration faisant l’objet de l’enquête puissent être appréciés et qui peut être distingué des autres territoires en particulier en raison des conditions de concurrence sensiblement différentes de celles prévalant sur ces territoires »479.
314. Il ressort de la jurisprudence que l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101 du TFUE s’impose uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre les États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun480.
315. De même en droit interne, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes horizontales, comme c’est le cas en l’espèce, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre481.
2. APPLICATION DES PRINCIPES
316. En l’espèce, le secteur concerné par les pratiques est celui des éléments préfabriqués en béton pour la construction.
317. Dans ce secteur, la Commission a considéré que le marché des produits préfabriqués en béton pouvait constituer un marché de produits distinct des autres matériaux de construction tels que le béton prêt à l’emploi, les granulats ou le ciment482. La Commission a envisagé une distinction du marché de produits en fonction du canal de distribution (fourniture à des distributeurs, à des clients professionnels et à des clients non professionnels)483. Enfin, dans une décision du 20 juillet 2020 concernant KP1, la Commission a reconnu que le marché de la poutrelle était particulier, tout en laissant la question de la définition du marché des produits préfabriqués en béton ouverte484.
318. La Commission a considéré, s’agissant du marché géographique, que celui-ci était de dimension nationale, mais qu’il pourrait également être appréhendé d’un point de vue régional, tout en laissant la question ouverte485.
319. Contrairement aux arguments soulevés par SPL, une définition précise du marché de produits et de sa dimension géographique n’est pas nécessaire, en l’occurrence, pour la qualification juridique des pratiques et leur imputation aux entités qui les ont mises en œuvre.
320. En effet, les pratiques constatées concernent des entreprises présentes, pour l’essentiel, sur plusieurs segments du secteur des produits préfabriqués en béton et actives sur différentes parties du marché national.
321. S’agissant des griefs 1, 2, 3 et 5, elles portent sur l’établissement et l’application en commun, par les fabricants de produits préfabriqués en béton mis en cause, de grilles de prix minimum et sur la répartition des appels d’offres entre eux, via des échanges bilatéraux et l’organisation de tours de tables lors de réunions multilatérales. Ces pratiques étaient décidées, pilotées et surveillées au niveau national par les dirigeants des entreprises mises en cause.
322. S’agissant du grief 4 adressé à SPL, l’Autorité note que, contrairement à ce que soutient cette dernière, les pratiques qui lui sont reprochées ne portent pas uniquement sur la fabrication de prémurs, mais sur l’ensemble de l’activité de SPL pendant la période infractionnelle qui s’étendait, notamment, aux prédalles, aux études de produits et à la commercialisation de prémurs et de prédalles486. Par ailleurs, les pratiques poursuivies impliquent également KP1 qui est présente sur l’ensemble du territoire national et qui a piloté ces pratiques au niveau national.
323. Il résulte de ces éléments et de la jurisprudence rappelée au paragraphe 314 ci-avant qu’au cas d’espèce les pratiques doivent être analysées en référence : (i) à un marché français de la vente d’éléments préfabriqués en béton à destination des entreprises de construction, (ii) à un marché français de la vente d’éléments préfabriqués en béton à destination des constructeurs de maisons individuelles et des négoces, (iii) à un marché français de ventes et de poses de charpentes en béton et (iv) à un marché français des prémurs.
D. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES
1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
324. Le premier paragraphe de l’article 101 du TFUE et l’article L. 420-1 du code de commerce prohibent notamment les accords et les pratiques concertées entre entreprises qui ont pour objet ou effet de restreindre la concurrence. L’Autorité peut sanctionner ces pratiques individuellement ou globalement, dans le cadre d’une infraction unique et continue.
a) Accords et pratiques concertées
325. L’existence d’un accord est établie dès lors que les entreprises ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée487.
326. À titre liminaire, il convient de relever que les notions d’« accord », de « décisions d’associations d’entreprises » et de « pratique concertée » appréhendent, du point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent.
327. S’agissant de la définition d’une pratique concertée, la Cour a jugé qu’une telle pratique vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence488.
328. La Cour de justice a jugé que la notion de pratique concertée implique, outre une concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments489. Elle a néanmoins tempéré cette exigence en indiquant qu’il y a lieu de présumer, sous réserve de preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur le marché et qu’il en va d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période490.
329. L’existence d’une pratique concertée peut être démontrée par des éléments convergents prouvant que des contacts ont eu lieu entre un certain nombre d’entreprises et qu’elles poursuivaient le but commun d’éliminer ou de réduire l’incertitude relative à leur comportement futur sur le marché491.
b) Sur la preuve
330. En droit, s’agissant du standard de preuve général applicable en matière d’ententes horizontales, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que « [l]’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence »492.
331. Par ailleurs, si les autorités de concurrence doivent faire état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence d’une infraction, chacune des preuves ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. En effet, les indices ne doivent pas être appréciés isolément, mais dans leur ensemble493.
332. Il convient également de relever que rien n’interdit aux autorités de concurrence de se fonder sur une seule pièce et non sur un faisceau d’indices dès lors que la valeur probante de cette pièce n’est pas douteuse, et que cette dernière atteste de manière certaine de l’existence de l’infraction494.
333. La preuve des accords et pratiques concertées peut donc résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant495. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants496.
334. S’agissant du standard de preuve applicable aux éléments documentaires, la cour d’appel de Paris a, à plusieurs reprises, et notamment dans son arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, indiqué : « quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité ; que selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et partant la valeur probante d’un document dépend de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu ». À cet égard, une grande importance doit être apportée à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits ou par un témoin direct de ces faits497. Il en est de même pour les documents qui ont été établis sans qu’il puisse être pensé qu’ils seraient ultérieurement portés à la connaissance de tiers498.
335. S’agissant ensuite du standard de preuve applicable aux déclarations, il ressort de la jurisprudence européenne qu’aucune « disposition ni aucun principe général du droit communautaire n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 49 supra, point 192) »499.
336. Dans un arrêt du 12 juillet 2011, le Tribunal de l’Union européenne (ci-après le « Tribunal ») a relevé qu’une « valeur probante particulièrement élevée peut par ailleurs être reconnue [aux déclarations] qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue de l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210) »500.
337. Quant au statut des déclarations du demandeur de clémence, le même arrêt du Tribunal a confirmé leur valeur probante particulière : « bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné la possibilité, invoquée par les requérantes, que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et de maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de l’application de la communication sur la coopération en vue d’obtenir une immunité ou une réduction de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120/04, Rec. p. II-4441, point 70). »501.
338. La cour d’appel de Paris a déjà eu l’occasion d’admettre que les déclarations d’un demandeur de clémence sont des moyens de preuve pertinents, pouvant être pris en compte au titre du faisceau d’indices précis, graves et concordants fondant un constat d’infraction502.
339. Enfin, s’agissant des déclarations d’employés auditionnés soit sous le régime de la garde à vue, soit en qualité de témoins assistés, le Tribunal a considéré que « la circonstance selon laquelle ces dépositions ont été faites devant le procureur […] dans le cadre d’une enquête judiciaire renforce, plutôt qu’elle ne réduit, leur valeur probante […]. En effet, si une déposition faite devant un procureur n’a certes pas la même valeur qu’un témoignage fait sous serment devant une juridiction, il convient de considérer que la contrainte, résultant des pouvoirs d’enquête dont dispose un procureur, et les conséquences négatives pouvant découler sur le plan pénal pour un déposant qui aurait menti dans le cadre d’une enquête sont des circonstances qui rendent une telle déposition plus fiable qu’une simple déclaration »503.
340. Enfin, il convient de rappeler, en ce qui concerne le standard de preuve de la participation d’une entreprise à une entente horizontale, qu’une entreprise doit s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur leurs politiques commerciales et notamment sur le prix des biens ou des services qu’elles offrent sur le marché.
c) Sur la notion de restriction par objet
341. L’article 101, paragraphe 1 du TFUE prohibe les accords et pratiques concertées entre les entreprises lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu’elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse.
342. Il résulte de cette disposition que l’objet et l’effet anticoncurrentiels d’une pratique sont des conditions alternatives pour la mise en œuvre de l’interdiction prévue par celle-ci.
343. Dans ce cadre, la Cour de justice a précisé qu’il convenait d’examiner, en premier lieu, l’objet même de l’accord, et qu’il n’y avait lieu, dans un second temps, d’en examiner les effets que si l’analyse de l’objet de l’accord ne révélait pas un degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence pour caractériser une entente prohibée504.
344. De manière générale, l’appréciation de l’existence d’un degré suffisant de nocivité nécessite d’examiner concrètement et cumulativement la teneur et les objectifs de la disposition restrictive de concurrence, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère505.
345. À cet égard, la Cour de justice a souligné que « certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité́ à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré́ que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire »506. Il en va notamment ainsi des comportements qui conduisent à une fixation horizontale de prix507. La jurisprudence nationale va dans le même sens508.
346. Dans le même sens, la Cour de justice considère également que « les accords qui visent la répartition des marchés ont un objet restrictif de la concurrence en eux-mêmes et relèvent d’une catégorie d’accords expressément interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un tel objet ne pouvant être justifié au moyen d’une analyse du contexte économique dans lequel le comportement anticoncurrentiel en cause s’inscrit (arrêt Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, EU:C:2013:866, point 218) »509.
2. SUR LA NOTION D’ENTENTE UNIQUE ET CONTINUE
a) Sur le caractère unique de l’infraction
347. Aux termes de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle, tant internes que de l’Union, un comportement qui se manifeste par plusieurs agissements poursuivant un objectif économique unique peut être qualifié d’infraction unique, complexe et continue pour la période pendant laquelle il est mis en œuvre510.
348. Une infraction unique peut être composée de pratiques susceptibles d’être qualifiées d’accords, de pratiques concertées et de décisions d’association d’entreprises, dès lors que ces pratiques partagent le même objet ou les mêmes effets anticoncurrentiels et s’inscrivent ainsi dans un plan d’ensemble511. L’Autorité est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble512. Il est à cet égard indifférent qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation des règles de concurrence513.
349. La qualification d’un plan d’ensemble dépend uniquement de facteurs objectifs.
350. Ces facteurs comprennent notamment l’objectif commun des pratiques, lequel est un indice qui doit être apprécié au regard du seul contenu des pratiques et qui ne doit pas être confondu avec l’intention subjective des différentes entreprises de participer à une entente unique et continue. Cette intention subjective ne peut être prise en compte que dans le cadre de l’appréciation de la participation individuelle d’une entreprise à une telle infraction unique et continue514. Par ailleurs, pour caractériser l'existence d'un plan d'ensemble, il ne suffit pas de faire une référence générale à l’existence d’une distorsion de concurrence, puisque « cela aurait pour conséquence que des comportements disparates concernant un même secteur économique, interdits par l'article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d'infraction unique »515.
351. L’Autorité peut également prendre en compte l’existence d’un lien de complémentarité entre les pratiques, même si elle n’y est pas tenue516. Tel est le cas lorsque « l’ensemble [des] pratiques contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objet identique »517.
352. D’autres facteurs susceptibles d’être pris en compte se rattachent, notamment, à l’identité des produits et des services concernés, aux modalités de leur mise en œuvre ou aux personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises518. Le « fait qu’un noyau dur constitué des mêmes entreprises, [soit] impliqué dans les accords anticoncurrentiels »519 peut également constituer un facteur pertinent, étant toutefois précisé que « l’homogénéité des entreprises concernées ne constitue nullement une condition nécessaire pour la caractérisation d’une infraction unique, complexe et continue, dès lors que les comportements relevés présentent de fortes similarités et concourent à l’objet commun »520. De même, l’absence de relation de concurrence directe entre les participants est sans pertinence pour la qualification d’infraction complexe, dès lors que les comportements adoptés poursuivaient un même objectif521. L’Autorité a même pu considérer comme suffisant, dans l’affaire des commodités chimiques, le « fait qu’une seule des entreprises concernées ait participé à l’ensemble des pratiques constitutives de l’IUCC »522.
353. En tout état de cause, ces différents éléments doivent être appréhendés dans le contexte global des circonstances de l’espèce, et non de manière isolée523.
354. De même, l’Autorité a sanctionné des infractions uniques composées de pratiques concernant des produits distincts en considérant qu’il existait des liens de connexité entre les divers produits en cause. L’Autorité a relevé dans l’affaire du cartel de l’acier, précité, que « les pratiques s’appliquent indifféremment à l’ensemble des produits sidérurgiques distribués par le négoce et impliquent des acteurs représentant une partie prépondérante du marché quel que soit le produit concerné. Le fonctionnement même de la concertation englobe la totalité de ces produits et l’analyse concurrentielle est identique quel que soit le marché pertinent défini ». La pratique a été qualifiée d’infraction unique commune à tous ces produits524.
b) Sur le caractère continu ou répété de l’infraction
355. Lorsqu’il est possible de qualifier plusieurs pratiques d’infraction unique, l’Autorité n’est pas tenue de prendre en compte la durée différente des pratiques constatées. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’infractions distinctes, l’Autorité détermine la durée de l’infraction prise dans son ensemble. Cette continuité peut être établie notamment par l’existence d’actions manifestant le maintien ou la répétition de l’objectif unique ou compte tenu du fait qu’il est resté en vigueur et a conservé, de façon continue, son objet et ses effets réels et/ou potentiels.
356. Les juridictions européennes exigent « [qu’]en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises »525.
357. Dans le cadre d’un accord global s’étendant sur plusieurs années, un décalage de quelques mois entre les manifestations de l’entente importe peu. Le fait que les différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble en raison de leur objet identique est en revanche déterminant526.
358. La suspension d’une pratique anticoncurrentielle pendant une période déterminée n’empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d’infraction unique dès lors qu’après son interruption, elle a été reprise selon les mêmes modalités527. Dans ce cas, l’infraction est qualifiée d’unique et répétée. Pour cela, il doit alors exister « un objectif unique poursuivi par elle avant et après l’interruption, ce qui peut être déduit de l’identité des objectifs des pratiques en cause, des produits concernés, des entreprises qui ont pris part à la collusion, des modalités principales de sa mise en œuvre, des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et, enfin, du champ d’application géographique desdites pratiques »528.
c) Sur la responsabilité des entreprises participant à une infraction unique et continue
359. Il ressort de la jurisprudence européenne « [qu’]une entreprise ayant participé à une […] infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque »529.
360. Lorsqu’une entreprise a directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, elle doit être considérée comme auteure de tous les éléments constitutifs de l’infraction. Son adhésion au plan d’ensemble anticoncurrentiel est nécessairement acquise. L’Autorité est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble.
361. S’agissant des entreprises ayant participé à une partie des éléments constitutifs de l’infraction unique, la Cour de justice a distingué deux situations.
362. Premièrement, une entreprise peut n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, l’Autorité est en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble530.
363. Deuxièmement, si une entreprise a directement pris part à un ou plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir, l’Autorité n’est en droit de ne lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque531.
364. Cela ne saurait néanmoins conduire à exonérer cette entreprise de sa responsabilité pour les comportements dont il est constant qu’elle y a pris part ou dont elle peut effectivement être tenue pour responsable. En effet, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction dans son chef, étant donné qu’il n’y a lieu de prendre en considération ces éléments que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination de l’amende.
365. S’agissant de la durée de la participation d’une entreprise à une entente unique et continue, il ressort de la jurisprudence que « la notion de plan d’ensemble permet à [l’autorité de concurrence] de présumer que la commission d’une infraction n’a pas été interrompue même si, pour une certaine période, elle ne dispose pas de preuve de la participation de l’entreprise concernée à cette infraction, pour autant que celle-ci a participé à l’infraction avant et après cette période et pour autant qu’il n’existe pas de preuves ou d’indices pouvant laisser penser que l’infraction s’était interrompue en ce qui la concerne. En ce cas, elle pourra infliger une amende pour toute la période infractionnelle, y compris la période pour laquelle elle ne dispose pas de preuve de la participation de l’entreprise concernée »532.
d) Sur le rôle de facilitateur d’entente
366. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qu’une entreprise peut être tenue responsable d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, du TFUE lorsque celle-ci contribue activement et en toute connaissance de cause à la mise en œuvre ou au suivi d’une entente entre producteurs actifs sur un marché distinct de celui sur lequel ladite entreprise opère533.
367. Pour retenir une telle infraction, la Cour de justice a considéré qu’il convenait de démontrer que « l’entreprise concernée a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque »534.
368. Une telle qualification peut être retenue y compris lorsque l’entreprise a participé à la pratique par des contrats de prestation de service distincts des accords anticoncurrentiels liant les membres de l’entente et malgré le fait qu’il s’agisse d’une entreprise de conseil535.
369. En effet, comme l’a relevé le Tribunal dans son arrêt Icap du 10 novembre 2017, « il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que l’article 101, paragraphe 1, TFUE concerne uniquement soit les entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de la concurrence, ou encore sur des marchés situés en amont, en aval ou voisins dudit marché, soit les entreprises qui limitent leur autonomie de comportement sur un marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique concertée »536.
370. Dans cet arrêt, le Tribunal a donc rappelé qu’aux fins de vérifier si une entreprise a joué un rôle de facilitateur dans le cadre d’une entente, il convenait de vérifier, conformément au critère dégagé par la jurisprudence rappelée au point 367 ci-avant (i) la connaissance, par l’entreprise, de l’existence de l’entente qu’elle aurait facilitée ; (ii) la volonté de cette dernière de contribuer à l’objectif commun de l’entente et (iii) sa contribution aux objectifs communs des participants à l’entente537.
371. Dans sa décision n° 19-D-12 relative à des pratiques mises en œuvre par des notaires dans le secteur de la négociation immobilière, l’Autorité a considéré que « les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, comme celles de l’article 101 TFUE précisées par la jurisprudence précitée, impliquent que peuvent être considérées comme ayant participé à une entente, les entreprises qui contribuent à une restriction de concurrence sur un marché sur lequel elles ne sont pas actives, dès lors qu’elles contribuent à la mise en œuvre de l’entente, même de façon subordonnée, accessoire ou passive, par exemple par une approbation tacite ou par une absence de dénonciation de cette entente aux autorités. L’importance éventuellement limitée de cette contribution peut être prise en compte dans le cadre de la détermination du niveau de la sanction »538.
3. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF 1
a) Sur la matérialité des pratiques
Sur la preuve de l’entente pilotée au niveau national par KP1, Rector et SEAC et de sa mise en œuvre dans plusieurs régions françaises
372. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’une entente sur les prédalles pilotée au niveau national par KP1, Rector et SEAC au sein du GIE ThermoPrédalle en vue de définir des quotas de parts de marché et des prix à respecter dans plusieurs régions de France entre, à tout le moins, le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
373. SEAC soutient que les éléments de preuve seraient insuffisants pour établir sa participation à ces ententes nationale et régionales. Elle prétend que les éléments de preuve la concernant reposent uniquement sur des déclarations de deux demandeurs de clémence, qui présentent des incohérences entre elles, et des tableaux communiqués par ces mêmes demandeurs de clémence ne la citant pas nommément. Selon SEAC, il n’existe aucun élément permettant de montrer que ces tableaux lui ont été communiqués, ni qu’elle en ait eu connaissance. Par ailleurs, SEAC soutient que le GIE ThermoPrédalle et le groupement Qualiprédal ont un objet licite et que rien ne permet de montrer qu’elle aurait participé à des discussions anticoncurrentielles en leur sein.
374. La jurisprudence européenne rappelle, au sujet des déclarations de clémence, que « le concept de corroboration signifie qu’un élément de preuve peut être renforcé par un autre élément. Or, il n’existe pas de règle dans l’ordre juridique de l’Union empêchant que l’élément de preuve corroboratif soit de même nature que l’élément corroboré, à savoir qu’une déclaration au titre d’une demande de clémence en corrobore une autre »539.
375. Au cas d’espèce, la participation de SEAC à plusieurs réunions de cartels est attestée par le cahier manuscrit du directeur commercial Ile-de-France de KP1 (voir paragraphes 92 et suivants ci-avant) et les déclarations d’un ancien salarié de Rector dans le cadre de l’instruction pénale540. Les deux demandeurs de clémence ont en outre indiqué que SEAC avait participé à l’entente pilotée au niveau national entre 2008 et 2018, d’abord dans le cadre de réunions ad hoc, puis en marge des réunions du GIE ThermoPrédalle. Les deux demandeurs de clémence ont également déclaré que SEAC avait participé à la mise en œuvre de cette entente nationale dans le cadre des réunions Qualiprédal dans la plupart des régions de France (Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes). Ils ont en outre identifié les personnes physiques impliquées dans la mise en œuvre de ces ententes, tant au niveau national que régional. Les déclarations de KP1 et Rector n’apparaissent donc pas incohérentes entre elles comme le soutient vainement SEAC. Elles se recoupent au contraire sur de très nombreux points, de sorte que les unes viennent corroborer les autres.
376. Les déclarations concordantes de KP1 et Rector sont en outre étayées par de nombreux éléments documentaires contemporains des faits litigieux. À cet égard, l’Autorité observe que les quotas de parts de marchés alloués à SEAC aux termes de l’entente figurant dans les tableaux remis par KP1 se retrouvent à l’identique dans les tableaux remis par Rector (voir paragraphes 48 à 50 ci-avant). Ces documents, provenant de deux entreprises distinctes, se recoupent parfaitement et permettent d’établir la participation de SEAC au pilotage de l’entente au niveau national.
377. La circonstance que SEAC ne soit pas citée nommément dans ces tableaux s’explique par la volonté des parties de dissimuler leurs pratiques, les deux demandeurs de clémence ayant tous deux déclaré qu’ils utilisaient des noms de code dans ces documents pour désigner les parties. Pour autant, les deux demandeurs de clémence ont fourni les clés de lecture permettant d’identifier clairement SEAC sur ces tableaux, de sorte qu’il est vain pour SEAC de contester sa participation aux pratiques reprochées.
378. Par ailleurs, outre les tableaux utilisés au niveau des directions nationales de KP1 et de Rector pour piloter l’entente, les deux demandeurs de clémence ont remis de nombreux éléments documentaires, détaillés aux paragraphes 94, 134, 136 à 141 et 143 ci-avant, permettant d’établir la participation de SEAC à la mise en œuvre de l’entente dans plusieurs régions françaises.
379. SEAC conteste la crédibilité de ces éléments de preuve, en faisant valoir qu’ils se rattachent au groupement Qualiprédal qui a un objet licite. Elle soutient que les documents fournis par les deux demandeurs de clémence ne la désignent pas nommément et ne sont pas probants pour établir sa participation aux pratiques dans les régions Aquitaine, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
380. À cet égard, il convient de rappeler que les documents contestés par SEAC ne doivent pas s’apprécier isolément, mais au regard des déclarations concordantes des deux demandeurs de clémence, qui ont indiqué que les membres de l’entente utilisaient le terme « Qualiprédal » pour désigner les réunions de cartel et des noms de code pour identifier les entreprises qui y participaient. Il est à cet égard indifférent que le groupement « Qualiprédal » ait un objet licite, dans la mesure où celui-ci a été détourné de son objectif légal pour donner lieu à des pratiques collusives entre les membres de l’entente en vue de se répartir les chantiers, comme en attestent les nombreuses preuves documentaires figurant au dossier (voir paragraphe 57 ci-avant).
381. Par ailleurs, les tableaux communiqués par les deux demandeurs de clémence montrent que les noms de codes utilisés par KP1 et Rector étaient similaires à ceux utilisés par ces deux entreprises pour le pilotage national de l’entente, ce qui atteste de la participation de SEAC aux pratiques régionales. Au surplus, contrairement à ce que soutient SEAC, certains documents la désignent nommément ou sous forme d’initiales, ce qui permet de corroborer avec certitude sa participation aux pratiques.
382. Au regard de ce qui précède, il est établi que KP1, Rector et SEAC ont participé à une entente sur les prédalles pilotée au niveau national, qui a été mise en œuvre dans les régions Midi- Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
383. La question de la preuve de l’entente en Ile-de-France et dans la zone Nord/Normandie est détaillée ci-après.
Sur la preuve des ententes sur la région Ile-de-France et ses régions limitrophes
Sur la preuve de l’entente sur les prédalles
384. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’une entente sur les prix et les répartitions de marché des prédalles entre A2C, KP1, Rector, SEAC, SLM et Soprel, à tout le moins entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
385. La preuve de cette entente repose sur les déclarations concordantes de deux anciens salariés de Rector, qui en ont révélé l’existence, et celles des deux demandeurs de clémence, qui en ont décrit les modalités de fonctionnement. Ces déclarations sont corroborées par de nombreux éléments documentaires, ainsi que des captations d’échanges téléphoniques, réalisées dans le cadre d’une instruction pénale. Cette enquête a conduit à l’interpellation en flagrance de sept personnes physiques participant à une réunion de cartel le 25 octobre 2018.
• Concernant les réunions mentionnées dans le carnet du directeur commercial d’Ile-de-France de KP1 (période du 15 mai 2008 au 14 décembre 2009)
386. Plusieurs parties contestent le caractère probant des notes manuscrites du carnet du directeur commercial Ile-de-France de KP1, au motif que leur contenu serait ambigu et ne permettrait pas d’identifier les participants aux réunions qui ont eu lieu entre les années 2003 et 2005.
387. Interrogé sur ce carnet, le directeur commercial Ile-de-France de KP1 a confirmé qu’il utilisait ce carnet en vue de se répartir les marchés avec ses concurrents : « [c]e sont des
attributions d’affaires sur des affaires en cours. En tant que salarié de la société KP1 lorsque je demande que l’affaire soit marquée K par exemple, durant la réunion, j’exprime mon souhait de prendre une affaire. A ce genre de réunion on fait un tour de table où on avance ce que l’on veut par rapport à nos préférences »541.
388. Selon ces déclarations, il apparaît que le contenu du carnet, qui a été saisi de manière inopinée le 25 octobre 2018, est effectivement relatif à des pratiques anticoncurrentielles, qu’il leur est contemporain et qu’il a été rédigé par un des participants à l’entente, autant d’éléments qui satisfont les critères fixés par la jurisprudence précitée au paragraphe 334 et permet de conférer à ce document un statut probatoire élevé.
389. Les déclarations du directeur commercial Ile-de-France de KP1 sont en outre corroborées par celles de deux anciens salariés de Rector et du deuxième demandeur de clémence, qui ont dénoncé l’existence de réunions anticoncurrentielles entre A2C, KP1, Rector SLM et Soprel entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018 portant sur des tours de table en vue de se répartir les marchés. Par ailleurs, SLM a reconnu le caractère anticoncurrentiel des réunions mentionnées dans le carnet du directeur commercial de KP1 dans le cadre de ses observations en réponse à la notification de griefs.
390. Les notes de ce carnet font état de réunions multilatérales avant le 15 mai 2008. Toutefois, KP1 n’a pas été en mesure d’identifier de manière certaine les participants à ces réunions, qui étaient désignés à l’époque sous forme de codes chiffrés. Dans ces conditions, l’Autorité considère que ce carnet ne permet pas de prouver la participation des mises en cause aux pratiques avant le 15 mai 2008.
391. En revanche, ce carnet est pleinement opposable aux parties à compter du 15 mai 2008, date à laquelle le directeur commercial Ile-de-France de KP1 a désigné les entreprises participant aux réunions anticoncurrentielles par leurs noms ou leurs initiales, et a été en mesure de les identifier avec certitude.
392. Ce carnet atteste de l’existence de réunions multilatérales entre A2C, KP1, Rector, SEAC, SLM et Soprel entre le 15 mai 2008 et le 14 décembre 2009.
393. S’agissant des notes afférentes à la réunion du 15 mai 2008, Soprel et SEAC soutiennent qu’elles se rapportent à des discussions du groupement Qualiprédal qui poursuivait au niveau national des objectifs légitimes de promotion de la filière prédalles. Toutefois, ces notes contiennent également un tableau comportant une grille de prix précédé de la mention « mini traité ». Ce tableau atteste de l’existence d’un accord sur une grille de prix entre les participants à cette réunion, qui sont nommément identifiés (A2C, KP1, Rector, SEAC, SLM et Soprel).
394. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence d’A2C, KP1, Rector, SEAC, SLM et Soprel sont donc établis.
395. Les notes afférentes à la réunion du 27 mai 2008 concernent des discussions entre KP1 (désigné par la lettre « K »), Rector (désignée par la lettre « R ») et A2C (désignée par la lettre « C ») portant sur l’attribution de 28 marchés. Il ressort de ces notes qu’un des marchés attribués à A2C a été perdu au profit de SEAC. Cette dernière fait valoir que la seule mention de son nom en face de ce marché ne permet pas d’établir sa participation à cette réunion.
396. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, qui ressort aussi bien du contenu des notes du carnet que des déclarations de son auteur, ainsi que la présence de Rector, A2C et KP1 sont donc établis.
397. La présence de SEAC n’est en revanche pas démontrée.
398. Les notes afférentes à la réunion du 15 septembre 2008 concernent des discussions entre KP1 (désigné par la lettre « K »), Rector (désignée par la lettre « R ») et A2C (désignée par A2C ou la lettre « C ») portant sur l’attribution de 42 marchés. A2C conteste sa participation à cette réunion, en soutenant que ces notes ne permettraient pas de l’identifier. Cette allégation est manifestement erronée, la lettre « C » apparaissant devant 5 chantiers542. SEAC soutient que sa participation à cette réunion lui été imputée par erreur, dans la mesure où son nom n’apparaît pas sur la cote se rapportant à cette réunion.
399. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector et A2C sont donc établis. La présence de SEAC n’est en revanche pas démontrée.
400. Les notes afférentes à la réunion du 26 novembre 2008 concernent des discussions entre KP1 (désigné par la lettre « K »), Rector (désignée par la lettre « R »), A2C (désignée par la lettre « C ») et SLM (désignée par les initiales de son représentant) portant sur l’attribution de 36 marchés. A2C conteste sa participation à cette réunion, en soutenant que ces notes ne permettraient pas de l’identifier. Cette allégation est manifestement erronée, la lettre « C » apparaissant devant 6 chantiers.
401. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector, A2C et SLM sont donc établis.
402. Les notes afférentes à la réunion, qui s’est tenue entre le 26 novembre 2008 et le 18 février 2009, concernent des discussions entre KP1 (désigné par la lettre « K »), Rector (désignée par la lettre « R »), A2C (désignée par la lettre « C » ou « A2C »), Soprel (désignée par le nom Soprelem) et SLM (désignée par les initiales de son représentant) portant sur l’attribution de 59 marchés. A2C et Soprel contestent leur participation à cette réunion, en soutenant que ces notes ne permettraient pas de les identifier. Cette allégation est manifestement erronée, la lettre « C » correspondant à A2C apparaissant devant 8 chantiers543, tandis que le nom Soprelem apparaît devant 6 chantiers.
403. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector, A2C, Soprel et SLM sont donc établis.
404. Les notes afférentes à la réunion qui s’est tenue entre le 18 février 2009 et le 7 avril 2009, concernent des discussions entre KP1 (désigné par la lettre « K »), Rector (désignée par la lettre « R »), A2C (désignée par la lettre « C »), Soprel désignée par la lettre « S » et SLM (désignée par les initiales de son représentant) portant sur l’attribution de 36 marchés. A2C et Soprel contestent leur participation à cette réunion, en soutenant que ces notes ne permettraient pas de les identifier. Ces allégations sont manifestement erronées, la lettre « C » apparaissant devant 6 chantiers544. Quant à Soprel, qui conteste sa présence à cette réunion, dans la mesure où l’initiale « S » pourrait correspondre à plusieurs autres parties à l’entente (SEAC, Strudal), KP1 a précisé que la lettre « S » correspondait à l’entreprise Soprel, ce qui permet d’identifier avec certitude cette entité comme l’un des participants à cette réunion. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector, A2C, SLM et Soprel sont donc établis.
405. Les notes afférentes à la réunion, qui s’est tenue entre le 22 avril 2009 et le 17 juin 2009, concernent des discussions entre KP1 (désigné par la lettre « K »), Rector (désignée par la lettre « R »), A2C (désignée par la lettre « C »), Soprel (désignée par le nom Soprelem) et SLM (désignée par les initiales de son représentant) portant sur l’attribution de 37 marchés. Soprel conteste sa participation à cette réunion, en soutenant que ces notes ne permettraient pas de l’identifier. Cette allégation est manifestement erronée, le nom de Soprelem apparaissant devant un chantier. A2C conteste quant à elle sa participation à cette réunion, au motif qu’elle n’est pas datée précisément. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur l’existence de cette réunion et la participation des entreprises mentionnées dans les notes s’y rapportant, dans la mesure où il est possible d’identifier précisément le laps de temps où cette réunion s’est tenue545. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector, A2C, SLM et Soprel sont donc établis.
406. Les notes afférentes à la réunion du 25 juin 2009 concernent des discussions entre KP1 (désigné par la lettre « K »), Rector (désignée par la lettre « R »), A2C (désignée par la lettre « C ») et une entreprise désignée par la lettre « S » portant sur l’attribution de 37 marchés. Soprel conteste sa présence à cette réunion, dans la mesure où l’initiale « S » pourrait correspondre à plusieurs autres parties à l’entente (SEAC, Strudal, SLM). Cependant, interrogé par les services d’instruction, KP1 a précisé que la lettre « S » correspondait à l’entreprise Soprel, ce qui permet d’identifier avec certitude cette entité comme l’un des participants à cette réunion. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector et A2C, Soprel sont donc établis.
407. Les notes afférentes à la réunion, qui s’est tenue entre le 25 juin 2009 et le 9 novembre 2009, concernent des discussions se rapportant aux capacités de production de KP1, A2C, Rector, SLM et Soprel, ainsi qu’aux répartitions de chantiers entre les différentes entreprises.
408. Soprel conteste sa participation à cette réunion en faisant valoir des incohérences s’agissant des informations sur ses parts de marché. Toutefois, Soprel n’apporte aucun élément permettant de penser que ces informations soient erronées. Au demeurant, conformément à une jurisprudence constante, le fait que certains participants à l’entente tendent à tromper d’autres participants en communiquant de fausses informations ne change rien à l’existence même d’une réunion d’entente, ni à la responsabilité des entreprises qui y participent546.
409. A2C conteste également sa participation à cette réunion, au motif qu’elle n’est pas datée précisément. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur l’existence de cette réunion, dans la mesure où il est possible d’identifier précisément la période de temps pendant laquelle elle a pu se tenir ainsi que les entreprises qui y ont participé547.
410. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector, A2C, SLM et Soprel sont donc établis.
411. Les notes afférentes à la réunion, qui s’est tenue entre le 14 décembre 2009 et le 3 février 2010, concernent des discussions entre KP1, A2C, Rector, SLM, Soprel et SEAC portant sur les prix, l’attribution de 89 marchés, ainsi qu’un bilan des volumes d’affaires.
412. A2C conteste sa participation à cette réunion, au motif qu’elle n’est pas datée précisément. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur l’existence de cette réunion, dans la mesure où il est possible d’identifier précisément le laps de temps où celle-ci s’est tenue et les entreprises qui y ont participé.
413. SEAC et Soprel contestent également leur participation à cette réunion en faisant valoir qu’elles seraient mentionnées par leur nom, alors que les autres participants seraient désignés par des noms de code. Outre son caractère inopérant, cette affirmation est manifestement erronée, le document citant nommément les entreprises SLM et A2C. Si SEAC relève que son nom n’apparaît que devant 4 chantiers (et non 14 comme indiqué dans la notification de griefs), cette erreur matérielle n’est cependant pas de nature à remettre en cause sa participation à cette réunion.
414. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector, SEAC, A2C, SLM et Soprel sont donc établis.
• Concernant les réunions multilatérales mentionnées dans les tableaux intitulés « tab affaires » (période du 8 février 2011 au 6 novembre 2014)
415. Des tableaux reprenant la répartition des chantiers et des volumes discutés entre KP1, Rector, A2C, SLM et Soprel ont été saisis dans les locaux d’A2C et les affaires du directeur opérationnel de Soprel, qui était présent à la réunion organisée à l’hôtel Mercure le 25 octobre 2018. Des tableaux similaires ont été fournis par KP1 dans le cadre de sa demande de clémence.
416. Ces tableaux étaient préparés et diffusés par l’un des membres de l’entente, en l’occurrence A2C, à l’occasion de réunions anticoncurrentielles sur les répartitions de marchés de prédalles. La teneur des informations consignées dans ces tableaux, qui pour certains font directement référence aux quotas de parts de marchés convenus entre les parties sous le vocable « kota », ne laisse aucun doute sur le caractère anticoncurrentiel des réunions qui ont donné lieu à leur élaboration.
417. Ces tableaux, qui proviennent de sources différentes et se recoupent entre eux, attestent de l’existence de 26 réunions multilatérales sur la période comprise entre le 8 février 2011 et le 6 novembre 2014 entre KP1, Rector, A2C, SLM et Soprel (à partir du 11 juin 2013548), en vue notamment de se répartir des chantiers de prédalles.
418. L’objet anticoncurrentiel de ces réunions, ainsi que la présence de KP1, Rector et A2C, SLM et Soprel (à compter de juin 2013) sont donc établis.
• Concernant les éléments permettant d’établir une poursuite de l’entente sur l’année 2015
419. Le fichier intitulé « Gestion des offres 2018 10 24 » saisi dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel comporte une liste de chantiers attribués sur la période comprise entre les années 2006 et 2018. Ce fichier comporte une colonne « O » intitulée « affec pred » comportant notamment les numéros 2 et 4 et 6 sur 41 chantiers attribués entre le 12 janvier 2015 et le 26 juin 2015.
420. Plusieurs parties soutiennent que ce tableau est un outil de suivi de marchés déjà attribués purement interne à Soprel et ne permet pas d’établir leur participation à des pratiques de répartition de marchés futurs.
421. Toutefois, il convient de rappeler que ce fichier était ouvert sur l’ordinateur du directeur opérationnel de Soprel au moment de la perquisition du 25 octobre 2018 et que ce dernier a reconnu, lors de son audition, qu’il le complétait sur la base des informations transmises par ses concurrents. Or, il est établi que l’objet de la réunion du 25 octobre 2018 portait sur des répartitions de marchés futurs. Les captations d’échanges téléphoniques entre les représentants d’A2C et Soprel attestent de manière particulièrement explicite que Soprel souhaitait obtenir des chantiers lors de cette réunion. L’analyse du fichier « Gestion des offres 2018 10 24 »549 montre par ailleurs que la date de réponse à l’un des chantiers renseignés sur ce fichier était postérieure à la réunion du 25 octobre 2018550, attestant que ce fichier était utilisé par le directeur opérationnel de Soprel pour des répartitions de marchés futurs.
422. Ce fichier permet par conséquent d’établir une continuité des pratiques d’entente pendant l’année 2015.
• Concernant les éléments permettant d’établir une poursuite de l’entente durant la période 2016 à 2018
Sur les réunions multilatérales de 2016 et 2018
423. Les documents saisis chez Soprel attestent de l’existence d’une réunion anticoncurrentielle le 11 février 2016 entre KP1, Rector, A2C, SLM et Soprel (voir paragraphe 100 ci-avant), dont le caractère anticoncurrentiel n’est contesté par aucun des participants. L’objet anticoncurrentiel de cette réunion, ainsi que la présence de KP1, Rector et A2C, SLM et Soprel sont donc établis.
424. Les éléments du dossier permettent également d’établir l’existence de quatre réunions anticoncurrentielles supplémentaires en 2018, la première entre KP1, Rector, A2C le 19 juin 2018, les trois dernières les 21 juin, 17 juillet et 25 octobre 2018 entre KP1, Rector, A2C et Soprel. La teneur anticoncurrentielle de ces réunions, qui n’est contestée par aucune des entreprises y ayant participé, est établie par des éléments de preuve documentaires et des captations d’échanges téléphoniques.
Sur les échanges bilatéraux de 2016 à 2018
425. Les éléments du dossier attestent de l’existence de fréquents échanges téléphoniques bilatéraux portant sur des échanges d’informations sensibles entre les représentants des entreprises Soprel, Rector, KP1, A2C et SLM entre 2016 et 2018. Ces échanges, qui sont synthétisés dans le tableau ci-après, permettent d’établir une continuité des pratiques entre le 8 janvier 2016 et le 25 octobre 2018.
Sur la preuve de l’entente sur les dalles alvéolées
426. Les éléments provenant de l’enquête pénale, ainsi que ceux communiqués par le demandeur de clémence, attestent de l’existence de cette entente.
• Sur les déclarations de KP1
427. IB conteste la crédibilité des déclarations de KP1, en faisant valoir qu’elles seraient contradictoires avec les conclusions de l’enquête pénale et les déclarations de Rector, qui ne l’a pas identifiée comme l’un des membres de l’entente dans sa demande de clémence. IB reproche aux services d’instruction de ne pas avoir tenu compte des limites propres à la situation de KP1, qui aurait un intérêt à la dénoncer pour obtenir un taux de réfaction d’amende le plus important possible.
428. À titre liminaire, il convient de rappeler que KP1 a dénoncé une entente sur les dalles alvéolées à laquelle A2C, FB, IB, KP1, Soprel, et Strudal ont participé en Ile-de-France. KP1 n’a pas cité Rector comme l’un des participants à cette entente.
429. La circonstance que Rector n’ait pas incriminé IB dans sa demande de clémence s’explique donc par le fait que Rector n’a pas participé à l’entente sur les dalles alvéolées en Ile-de-France, ce qui est cohérent avec les déclarations du premier demandeur de clémence.
430. Par ailleurs, le représentant de Strudal a confirmé l’existence de réunions entre IB, KP1, Soprel et Strudal au cours desquelles les discussions auraient porté sur des répartitions de chantiers portant sur des dalles alvéolées (voir paragraphe 125 ci-avant). Ces déclarations, qui ont été recueillies au cours d’une instruction pénale, bénéficient d’un degré probatoire élevé, conformément à la jurisprudence précitée (voir paragraphe 339 ci-avant). Elles corroborent les déclarations de KP1 s’agissant de la participation d’IB à l’entente sur les dalles alvéolées.
• Concernant les éléments de preuve documentaires permettant d’établir l’existence d’une concertation
431. FB, IB et Strudal soutiennent que les notes manuscrites datées des 12 et 25 février 2014 saisies dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel ne permettent pas d’établir leur participation à des pratiques de répartition de marchés. Elles font valoir qu’il s’agit de documents unilatéraux, dont le contenu serait ambigu et qui porteraient sur des marchés déjà attribués.
432. A2C, FB IB et Strudal contestent également la valeur probante des tableaux « attributions » saisis chez Soprel, en soutenant que ces tableaux ne sont pas datés et qu’ils ne permettent pas d’établir la provenance des informations qui y sont retranscrites. Elles soutiennent qu’il s’agit de tableaux récapitulatifs de suivi de marchés faisant apparaître des marchés déjà attribués, et qu’ils ne démontrent pas l’existence d’une concertation entre les entreprises concernées sur des répartitions de marchés.
433. IB et Strudal font également valoir que le tableau intitulé « CAPA DAP » n’est pas daté et que son contenu ne permet pas d’établir leur participation à des pratiques de répartition de marchés.
434. Strudal conteste avoir participé à des réunions anticoncurrentielles les 15 novembre 2016 et 25 janvier 2017, soutenant que la simple mention « AB » et « V...» dans les échanges SMS se rapportant à ces réunions ne permet pas d’établir la présence de son représentant, et l’objet anticoncurrentiel desdites réunions.
435. IB, Soprel et Strudal font également valoir que les réunions des 25 avril et 30 mai 2018, qui sont visées par la notification de griefs pour fonder les griefs 1 et 3, concernent uniquement le premier grief. Strudal soutient que la réunion du 25 avril 2018 n’a pas eu lieu et qu’il n’existe aucun élément permettant de montrer que celle du 30 mai 2018 aurait porté sur des répartitions de marchés.
436. Conformément aux principes énoncés ci-avant, la preuve d’une entente anticoncurrentielle peut résulter d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement d’un ou plusieurs documents ou déclarations, qui ne doivent pas être appréciés isolément, mais dans leur ensemble551.
437. À cet égard, il convient de relever que le premier demandeur de clémence a fait état de réunions anticoncurrentielles entre A2C, FB, IB, Soprel et Strudal en vue de se répartir des marchés. Plusieurs éléments documentaires permettent d’étayer cette déclaration.
438. En premier lieu, KP1 a fourni des tableaux intitulés « attributions », dont l’un est daté de février 2014. En bas de ces tableaux figurent un bilan des parts de marché « REEL » et
« QUOTA » pour chaque entreprise, ainsi que la mention « ECART REEL / QUOTA », qui correspond au différentiel entre les parts de marchés effectivement réalisées et les quotas de parts de marchés convenus entre les membres de l’entente552. Le fait que des tableaux similaires aient été saisis dans les locaux de Soprel permet de corroborer les déclarations du demandeur de clémence sur l’existence de pratiques de répartition de marchés entre les entreprises qui y sont mentionnées.
439. Comme indiqué ci-avant les tableaux communiqués par le demandeur de clémence, ainsi que ceux saisis dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel, portent sur des marchés attribués entre le 27 février 2012 et le 4 février 2015.
440. Les documents manuscrits datés des 12 et 25 février 2014 saisis dans les locaux de Soprel, qui font état de l’existence de « tables » en 2013, attestent que les pratiques de répartition de marchés avaient lieu avant l’année 2014. Les tableaux « gestion des offres » saisis dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel, qui contiennent une colonne « affec dap » (pour « affectation dalle alvéolée ») avec les chiffres 2, 3 et 6, et couvrent la période compris entre le 22 juillet 2011 et le 8 octobre 2014, sont également de nature à corroborer l’existence de pratiques de répartition de marchés antérieures à l’année 2014.
441. L’Autorité observe néanmoins que la première réunion se rapportant aux pratiques de répartition de marchés sur les dalles alvéolées pouvant être datée de manière certaine correspond à des notes manuscrites du 12 février 2014. Cette date sera par conséquent retenue comme point de départ de cette entente.
442. En deuxième lieu, le demandeur de clémence a fait état de réunions plus sporadiques après juin 2015, en vue de relancer le fonctionnement de l’entente sur les dalles alvéolées. Ces déclarations sont corroborées par des échanges SMS qui font état de deux réunions multilatérales les 15 novembre 2016 et 25 janvier 2017 entre IB, KP1, Soprel et Strudal. Contrairement à ce que soutient Strudal dans ses écritures, la mention des initiales « AB » et « V...» dans les échanges SMS se rapportant à ces deux réunions ne laisse pas de doute sur la participation de son représentant (V...) à ces réunions. Outre le représentant de Strudal, l’échange de SMS entre KP1 et Soprel se rapportant à la réunion du 15 novembre 2016 mentionne la présence d’un quatrième participant, ce qui corrobore la déclaration de KP1 sur la présence d’IB à ces réunions.
443. Le tableau contesté par IB et Strudal (« Capa DAP.xlsx »), saisi dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel, contient des informations concernant IB, KP1, Soprel et Strudal, portant sur leurs volumes de vente de dalles alvéolées réalisés en 2016, sur la part de marché retenue pour ces quatre entreprises en 2017 et fixe des objectifs en termes de parts de marché pour 2018. Le contenu de ce tableau, qui fait état de projections sur des quotas de parts de marché en 2018, se rapporte directement aux pratiques dénoncées par KP1. Par ailleurs, la teneur anticoncurrentielle de ce tableau n’a pas été contestée par Soprel, qui en est l’auteur. Ce tableau peut donc être valablement retenu pour établir une continuité des pratiques pour les quatre entreprises qui y sont mentionnées sur la période allant de 2016 à 2018.
444. En troisième lieu, les éléments du dossier permettent d’établir l’existence de deux réunions les 25 avril et 30 mai 2018 concernant des pratiques de répartition de chantiers se rapportant à des dalles alvéolées.
445. Strudal est particulièrement mal fondée à contester l’existence de ces deux réunions et leur teneur anticoncurrentielle, dans la mesure où son représentant a reconnu les avoir organisées et y avoir discuté de la répartition d’un chantier dénommé « Archipel » en présence de KP1, IB et Soprel (voir paragraphe 125). Les captations d’échanges téléphoniques intervenues après ces deux réunions attestent de la teneur anticoncurrentielle de ces deux réunions (voir paragraphes 126 et 128 ci-avant).
446. En quatrième lieu, les éléments du dossier attestent de l’existence de pratiques portant sur la fixation de grilles de prix minimum pour les dalles alvéolées. Les éléments du dossier montrent qu’une grille de prix établie par Soprel a fait l’objet d’échanges au sein de KP1 en mars 2017.
447. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’échanges sur une grille de prix des dalles alvéolées avant le 5 avril 2018 entre A2C, IB, KP1, Soprel et Strudal (voir paragraphes 79 et 80 ci-avant).
448. Un courriel du 5 avril 2018 adressé par KP1 à A2C comportant une grille de prix de dalles alvéolées établie par Soprel atteste de l’existence d’une collusion entre ces deux sociétés. Un deuxième courriel du 6 avril 2018 adressé par le directeur commercial de KP1 à plusieurs directeurs régionaux comporte cette même grille de prix avec une carte géographique de la France, sur laquelle plusieurs départements sont coloriés en orange. Une carte similaire sur laquelle les mêmes départements étaient entourés avec la mention « secteur de la table » a également été saisie dans les locaux de Soprel, ce qui permet de confirmer la participation de Soprel à une concertation sur la définition d’une grille de prix des dalles alvéolées.
449. Par ailleurs, plusieurs captations d’échanges téléphoniques permettent d’établir que Strudal, IB et FB avaient connaissance de cette grille de prix et de leur participation aux pratiques :
- captation d’un échange téléphonique du 26 juillet 2018 entre Strudal et Soprel :
o Strudal : « : Ecoute bien, j’ai une offre de I.B. aussi, euh il est en dessous de la grille. »
o Réponse de Soprel : « Plus qu’en dessous de la grille, moi ça 3 fois que je le chope à 3-4 euros en dessous de la grille. »
o Retour de Strudal : « Exactement, ben j’ai une offre, là moi quand je suis à, exemple, je sais pas moi, à 49, à 49 ou même 50, lui il est à 44, eh ! »
o Plus loin dans la discussion, Soprel : « Non, non, mais c’est toujours ça. Tu te souviens aussi la dernière fois, il avait dit, il a pas la bonne grille, tu te souviens ? »553
- captation d’un échange téléphonique entre KP1 et Soprel le 13 septembre 2018 : « Il [IB]
me dit qu’en alvéolé, il va répondre à la grille plus le transport »554 .
- captation d’un échange téléphonique entre Soprel et FB du 14 septembre 2018 : « après tous les mouvements multiples et variés chez Strudal on s’est à peu près tous remis d’accord pour (...) sans parler de répartition d’affaires (…) aujourd’hui on est revenus à la grille de départ. Donc on rechiffre (…) on remet à l’offre la grille qui avait été fixée à l’époque »555.
b) Sur la qualification juridique des pratiques
Sur l’objet anticoncurrentiel des pratiques
450. Les pratiques constatées ont consisté en des fixations de grilles de prix minimum et des échanges d’informations sur les prix et à la définition d’une stratégie commune de répartition de marchés entre les membres de l’entente dans le cadre des appels d’offres lancés par les entreprises de construction, en fonction d’objectifs annuels prédéfinis de parts de marché.
451. Ces pratiques, qui visaient, d’une part, à désigner à l’avance les entreprises qui remporteraient les appels d’offres et, d’autre part, à définir le niveau minimum des prix à proposer aux clients, ont conduit à réduire la part d’incertitude inhérente à toute procédure d’appels d’offres, afin d’améliorer la position des fabricants de produits de préfabriqués en béton vis-à-vis des entreprises de construction. Les entreprises concernées par ces pratiques ont ainsi adopté, sur le marché de la fabrication des éléments préfabriqués en béton, et plus particulièrement pour ce qui concerne les prédalles et les dalles alvéolées, un mode d’organisation substituant une collusion au libre jeu de la concurrence, fondé sur l’autonomie des opérateurs et l’incertitude sur les positions de leurs concurrents.
452. Ce mode de fonctionnement anticoncurrentiel, profondément ancré dans le secteur, a été confirmé par les participants aux pratiques, qui expliquent avoir « perdu de vue » le caractère illégal de leurs agissements556, les dirigeants de KP1 étant dans l’impossibilité de déterminer de manière précise le début des pratiques, qui selon eux pourrait remonter aux années 1980557.
453. Un tel comportement contrevient au principe d’autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu’elles sont en concurrence sur un marché. Chaque entreprise doit en effet s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et, notamment, sur les prix qu’ils ont l’intention de proposer sur le marché, ou encore sur les stratégies qu’ils envisagent de mener, notamment à l’égard de leurs clients.
454. Il en résulte que, à travers leurs échanges, A2C, FB, IB, KP1, Rector, SEAC, SLM, Soprel et Strudal ont exprimé la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, en participant de façon répétée à des réunions et échanges visant à élaborer et mettre en œuvre un plan de répartition des volumes et des clients et à s’accorder de façon générale, sur le niveau des prix minimum à proposer à ces clients. Une telle pratique est constitutive d’un accord au sens des dispositions et principes mentionnés ci-dessus.
455. En outre, il résulte tant de l’article 101 du TFUE que de l’article L. 420-1 du code de commerce que les accords visant à fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente et à se répartir des marchés ont en eux-mêmes un objet restrictif de concurrence.
456. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à leur nature et à leur finalité, les pratiques en litige, qui comportent un degré de nocivité réel pour la concurrence, présentent le caractère d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel.
457. Plusieurs mises en cause contestent en tout ou partie leur participation aux pratiques en s’appuyant sur certains échanges les concernant, attestant qu’elles auraient pratiqué des tarifs inférieurs à leurs concurrents et adopté des comportements commerciaux agressifs en vue d’obtenir certains chantiers.
458. Toutefois, il suffit, sur ce point, de rappeler la jurisprudence de l’Union selon laquelle ni le non-respect de l’entente par ses participants, ni le fait que certains participants tendent à utiliser l’entente à leur profit558, ne remettent en cause l’existence de l’infraction559.
459. Ainsi, à supposer que l’existence des comportements pro-concurrentiels allégués par les requérantes soit avérée, elle ne serait pas de nature à remettre en cause leur participation à des échanges anticoncurrentiels, ni le fait que ces échanges leur ont permis d’adapter leurs stratégies respectives à celle annoncée par leurs concurrents et ainsi de fausser le libre jeu de la concurrence.
Sur l’existence d’une infraction unique et continue
460. Les entreprises A2C, FB, IB, SLM et Strudal contestent avoir pris part à une entente unique et continue.
461. Elles soutiennent que le caractère unique de l’infraction n’est pas démontré, dans la mesure où les pratiques en cause ne présentent pas une identité d’objet et de sujet. Elles font valoir que les pratiques qui leur sont reprochées recouvrent des pratiques distinctes concernant des produits différents, en l’occurrence les prédalles et les dalles alvéolées. Elles ajoutent que les pratiques n’ont pas concerné les mêmes zones géographiques, l’entente sur les prédalles ayant été mise en œuvre à un échelon national, tandis que l’entente sur les dalles alvéolées a été mise en œuvre uniquement en Ile-de-France. Elles relèvent également que les ententes sur les prédalles et les dalles alvéolées n’ont pas impliqué les mêmes entreprises. Elles soutiennent par ailleurs qu’elles n’avaient pas connaissance du plan d’ensemble dans lequel s’inséraient les pratiques qui leur sont reprochées, dans la mesure où elles n’ont pas participé à l’entente nationale organisée en marge des réunions du GIE ThermoPrédalle. Elles contestent enfin le caractère continu de l’entente, faisant valoir des périodes d’interruption de leur participation aux pratiques de plusieurs mois ou plusieurs années.
462. Conformément aux principes énoncés aux paragraphes 363 et 364 ci-avant, la circonstance que certaines entreprises n’ont participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue ne peut être prise en compte que pour apprécier l’étendue de leur participation individuelle à cette infraction. Elle ne saurait en revanche être de nature à remettre en cause la qualification juridique de cette infraction. Par conséquent, le fait que les entreprises A2C, FB, IB, SLM, Soprel et Strudal n’aient pas participé au pilotage national de l’entente ou que certaines des entreprises aient suspendu leur participation à l’entente pendant une certaine période est sans incidence sur la qualification des pratiques en cause. En effet, l’existence d’un plan d’ensemble caractérisant l’existence d’une infraction unique doit être appréciée au regard du seul contenu des accords ou des pratiques la composant et ne doit pas être confondue avec les comportements individuels des différentes entreprises qui y ont participé.
463. S’agissant du caractère unique de l’infraction, les éléments du dossier attestent de l’existence d’une entente pilotée au niveau national entre KP1, Rector et SEAC portant sur les prix et des répartitions de marchés concernant les catégories de produits prédalles, qui incluent également la technologie ThermoPrédalle.
464. Dans le cadre des réunions organisées au niveau national, KP1, Rector et SEAC s’échangeaient des informations relatives aux volumes de vente réalisés auprès des entreprises de construction au niveau national et par région, et fixaient les quotas de vente à respecter par région.
465. Préalablement à la tenue de ces réunions nationales, les directions commerciales de KPl et de Rector récupéraient les volumes de vente de prédalles réalisés dans chacune des régions concernées et les consolidaient dans un tableau de synthèse. À la suite des réunions nationales, les directions commerciales nationales de KP1 et Rector adressaient aux directeurs commerciaux régionaux concernés les volumes de prédalles réalisés par chaque concurrent, ainsi que les quotas de vente à respecter pour toutes les régions concernées. Ces tableaux étaient utilisés par les directeurs commerciaux régionaux à l’occasion de leurs réunions organisées au niveau régional pour se répartir les chantiers.
466. Les modalités de mise en œuvre des pratiques régionales dépendaient donc directement des décisions prises au niveau des directions nationales de KP1, Rector et SEAC. À cet égard, le directeur commercial d’Ile-de-France de KP1 a déclaré que les répartitions des marchés entre les entreprises au niveau de sa région se faisaient en fonction de « quotas qui ont été définis par les dirigeants des entreprises entre eux » 560 dans le cadre du GIE ThermoPrédalle qui réunissait KP1, Rector et SEAC. Il a également précisé que la tenue des réunions régionales était décidée par sa direction nationale, qui lui donnait instruction d’y participer561. Un salarié de Rector a également précisé que lorsque les participants aux tables n’arrivaient pas à s’entendre sur une affaire, « le sujet remonte au niveau des PDG et des DG des entreprises concernés qui interviennent pour trouver la solution »562.
467. Si les pratiques collusives constatées en Ile-de-France ont impliqué d’autres entreprises que celles participant à l’entente nationale et ont porté sur d’autres produits que les seules prédalles, qui constituent le centre de gravité de l’entente pilotée au niveau national, il n’en demeure pas moins qu’elles s’y rattachent directement.
468. Les éléments du dossier montrent que KP1, Rector et SEAC (jusqu’en décembre 2010) ont participé à une entente sur les prédalles en Ile-de-France en vue de se répartir des marchés et fixer des grilles de prix minimum avec trois autres entreprises (A2C, SLM et Soprel). La mise en œuvre de l’entente sur les prédalles en Ile-de-France présente donc une identité d’objet et le même cœur d’entreprises que l’entente pilotée au niveau national.
469. Les membres de la direction nationale de KP1 et de Rector ont par ailleurs participé directement à une réunion relative à l’entente sur les prédalles en Ile-de-France le 19 juin 2018, attestant du lien entre les pratiques mises en œuvre au niveau national et celles mises en œuvre en Ile-de-France. Dans le même sens, un mail interne de KP1 du 9 novembre 2013 atteste que le directeur commercial Ile-de-France recevait de sa direction nationale les estimations de parts de marché des entreprises actives en Ile-de-France pour préparer les réunions régionales Qualiprédal le concernant563.
470. Outre leur participation à l’entente sur les prédalles, A2C, KP1, et Soprel ont également participé à l’entente régionale sur les dalles alvéolées en Ile-de-France. L’entente sur les dalles alvéolées a été organisée selon les mêmes modalités que l’entente sur les prédalles, les discussions portant sur l’élaboration et l’application de grilles de prix minimum et de listes de chantiers à se répartir entre les membres de l’entente. L’entente sur les dalles alvéolées en Ile-de-France présente donc une identité d’objet et le même cœur d’entreprises que l’entente sur les prédalles sur cette même région.
471. Les prédalles et les dalles alvéolées présentent en outre des liens de connexité évidents. À cet égard, la majorité des tableaux intitulés « tab affaires »564, utilisés par les participants de l’entente sur les prédalles comportent une colonne dédiée aux volumes de dalles alvéolées565, tandis que les tableaux « attributions » utilisés par les membres de l’entente sur les dalles alvéolées comportent une colonne dédiée aux volumes de prédalles. Les captations d’échanges téléphoniques montrent par ailleurs que les membres de l’entente sur les dalles alvéolées intégraient également les volumes de prédalles dans leur discussion sur les répartitions de chantiers. Ainsi, dans un échange du 13 juin 2008 se rapportant au chantier Vinci, le directeur opérationnel de Soprel a indiqué que KP1 serait intéressée à ce que Strudal prenne les volumes de dalles alvéolées, afin de pouvoir récupérer les volumes de prédalles :
« [KP1] serait beaucoup plus content que ce soit vous qui preniez les dalles alvéolaires comme çà il serait sur de faire les prédalles »566. Les captations d’échanges téléphoniques entre Strudal et Soprel montrent également que les discussions sur le prix des dalles alvéolées ont été évoquées lors de la réunion de cartel du 21 juin 2018 dédiée aux prédalles.
472. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques constatées en Ile-de-France s’inscrivent dans un plan d’ensemble élaboré au niveau national par KP1, Rector et SEAC, qui a également été mis en œuvre dans plusieurs autres régions de France. L’ensemble de ces pratiques régionales et nationales forment ensemble une infraction unique, poursuivant un même objectif anticoncurrentiel, celui de fausser la concurrence sur le marché des produits préfabriqués en béton vendus aux entreprises de construction, grâce à la mise en place de grilles de prix minimums, à l’établissement de quotas de volumes par entreprise et à des répartitions de chantiers.
473. S’agissant du caractère continu de l’infraction, lorsqu’il est possible de qualifier plusieurs pratiques d’infraction unique, comme cela est le cas en l’espèce, l’Autorité n’est pas tenue de prendre en compte la durée différente de chacune des pratiques constatées. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’infractions distinctes, l’Autorité détermine la durée de l’infraction prise dans son ensemble.
474. En l’espèce, l’entente pilotée au niveau national entre KP1, Rector et SEAC, à laquelle se rattachent les pratiques régionales mises en œuvre en Ile-de-France notamment, a perduré de manière ininterrompue, à tout le moins, entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
475. L’existence d’une infraction unique et continue entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018 est donc établie.
476. Conformément aux principes énoncés ci-avant, l’étendue de la responsabilité d’une entreprise qui n’a pas participé à toutes les composantes d’une infraction unique et continue varie selon que cette entreprise avait ou non connaissance du plan d’ensemble dans lequel s’inscrivaient les pratiques auxquelles elle a pris part.
477. Au cas d’espèce, l’Autorité ne dispose pas d’éléments suffisamment probants permettant d’établir qu’A2C, FB, IB, SLM, Soprel, et Strudal avaient connaissance de l’existence d’une entente pilotée au niveau national entre KP1, Rector et SEAC pendant toute la durée des pratiques. Elle relève néanmoins que ces six entreprises ont participé à la mise en œuvre de l’entente au niveau de la région Ile-de-France et de ses régions limitrophes. Conformément aux principes rappelés aux paragraphes 363 et 364, l’Autorité est fondée à leur imputer uniquement la responsabilité que des comportements auxquels elles ont directement participé en Ile-de-France et dans les régions limitrophes. L'Autorité a pris en considération le fait que ces six entreprises n'étaient pas responsables de toutes les pratiques liées à l'entente unique et continue lors de l'évaluation de la durée de leur participation aux pratiques. L’Autorité a également ajusté à la baisse les sanctions qui étaient infligées à ces six entreprises, du fait de leur participation moins intense aux pratiques.
c) Sur la participation individuelle des entreprises à l’infraction unique et continue
Sur la participation de KP1
478. La participation de KP1, premier demandeur de clémence, qui ne conteste pas le grief, est établie pour l’ensemble des réunions et échanges constatés entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
Sur la participation de Rector
479. La participation de Rector, deuxième demandeur de clémence, qui ne conteste pas le grief, est établie pour l’ensemble des réunions et échanges constatés entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
Sur la participation de SEAC
480. La participation de SEAC est établie pour l’ensemble des pratiques se rapportant à l’entente pilotée au niveau national, ainsi que pour les pratiques mises en œuvre dans les régions Midi- Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ces pratiques se sont déroulées de manière ininterrompue entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018. Par ailleurs, il est établi que SEAC a participé à l’entente sur les prédalles dans la région Ile-de-France entre le 15 mai 2008 et le 14 décembre 2009.
481. La participation de SEAC à l’entente unique et continue est donc établie entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
Sur la participation de Soprel
482. Soprel soutient que la preuve de sa participation aux pratiques ne serait pas démontrée avant juin 2014. Elle conteste la valeur probante du cahier manuscrit du directeur commercial d’Ile-de-France de KP1 pour établir sa participation aux pratiques, ainsi que celle des fichiers « tab affaires » saisis dans ses locaux. S’agissant des fichiers, Soprel relève que la colonne 5, que KP1 attribue à Soprel, n’apparaît que sur l’onglet daté du 18 juillet 2013, ce qui prouverait son absence de participation auxdites réunions avant cette date.
483. Il est établi que Soprel a participé aux pratiques en Ile-de-France et ses régions limitrophes, en participant à des réunions portant sur les prédalles entre le15 mai 2008 et le 25 octobre 2018 (voir paragraphes 94 à 112 ci-avant) et à des réunions portant sur les dalles alvéolées entre le 12 février 2014 et le 30 mai 2018.
484. Si les fichiers « tab affaires » ne permettent pas d’établir la participation de Soprel aux réunions d’ententes sur les prédalles entre le 8 février 2011 et le 11 juin 2013, plusieurs éléments du dossier attestent de l’adhésion de Soprel à ces pratiques sur la période couvrant les années 2011 à 2013. Le tableau intitulé « Gestion des offres 2018 10 24 », ouvert sur l’ordinateur du directeur opérationnel de Soprel567 fait apparaître 92 chantiers comportant des colonnes « affec pre » (pour « affectation prédalle »)568 avec les numéros 2, 4 et 6 sur les années 2011 à 2013. Par ailleurs, un mail du 9 novembre 2013 adressé par la direction nationale de KP1 au directeur commercial Ile-de-France de KP1 en vue d’une réunion « Qualiprédal » comprend des pourcentages de parts de marché des membres de l’entente sur les prédalles relatifs aux années 2011 et 2012, à savoir A2C, KP1, Rector, SLM et Soprel569.
485. Par ailleurs, il est constant que Soprel a participé à un nombre particulièrement important (152) d’échanges bilatéraux avec FB, IB, KP1, Rector et Strudal dont la teneur anticoncurrentielle est manifeste.
486. La participation de Soprel aux pratiques visées par le premier grief s’agissant des ententes sur les prédalles et les dalles alvéolées en Ile-de-France et ses régions limitrophes est donc établie entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
Sur la participation d’A2C
487. A2C soutient que sa participation aux pratiques était extrêmement limitée sur le plan matériel, géographique et temporel.
488. Sur le champ matériel, A2C reconnait avoir participé à une entente sur les prédalles en Ile-de-France et ses régions limitrophes, mais soutient n’avoir jamais participé à une entente sur les autres catégories d’éléments préfabriqués en béton (dalles alvéolées, prémurs, poutrelles, poutres, charpentes). Elle conteste sa participation à plusieurs réunions multilatérales ou bilatérales qui lui ont été opposées dans la notification de griefs, au motif que sa présence ou que le caractère anticoncurrentiel de ces réunions ne seraient pas prouvés. Sur le champ géographique de l’entente, A2C fait valoir sa dimension purement régionale, qui l’empêcherait de prendre part à des pratiques nationales. Sur le champ temporel, A2C prétend avoir tenté de sortir de l’entente dès 2013, avoir définitivement décidé d’arrêter sa participation fin 2014, et avoir réussi à effectivement en sortir en mars 2015 pour reprendre sa participation en 2018.
489. Sur le champ matériel des pratiques, il est établi qu’A2C a participé à plusieurs dizaines de réunions portant sur les prédalles entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018 (voir paragraphes 94 à 112 ci-avant). A2C a joué un rôle particulièrement actif dans l’organisation de ces réunions, son représentant assurant un rôle de « secrétaire » lors des réunions de cartels comprises entre le 8 février 2011 et le 6 novembre 2014 (voir paragraphe 95 ci-avant). A2C a également préparé et diffusé une grille de prix minimums relative aux prédalles à KP1, Rector et Soprel. Cette grille devait fixer les prix minimums en dessous desquels ses concurrents ne devaient pas descendre (voir paragraphe 67 ci-avant).
490. Il est également établi qu’A2C a participé à l’entente sur les dalles alvéolées, le nom d’A2C figurant dans les notes afférentes aux réunions des 12 et 25 février 2014, ainsi que dans les tableaux « attributions » se rapportant aux pratiques de répartition de marchés des dalles alvéolées (voir paragraphes 114 à 120 ci-avant). Il est outre constant qu’A2C a reçu une grille de prix des dalles alvéolées transmise par KP1 et lui a indiqué sa volonté de l’appliquer (voir paragraphe 79 ci-avant).
491. Sur le champ géographique des pratiques, l’absence de dimension nationale d’A2C ne l’exonère pas de sa responsabilité pour les pratiques régionales auxquelles elle a pris part en Ile-de-France et dans ses régions limitrophes.
492. Sur le champ temporel des pratiques, plusieurs éléments permettent d’établir la continuité de la participation d’A2C aux pratiques postérieurement à mars 2015.
493. D’abord, il est établi qu’A2C a participé le 11 février 2016, avec KP1, Rector, SLM et Soprel, à une réunion portant sur les prédalles, dont la teneur anticoncurrentielle n’est contestée par aucun participant.
494. Ensuite, les éléments du dossier attestent d’un échange bilatéral sur les prix entre Soprel et A2C le 13 novembre 2017, aux termes duquel A2C reproche à Soprel de pratiquer des prix trop bas, l’obligeant à baisser ses tarifs sur un chantier (message d’A2C à Soprel : « [s]i tu veux que je te fasse la liste des chantiers que j’ai perdu à ces prix là... Où le chantier de TAM bien que tu sois plein tu me fais baisser de 2€ et je ne t’ai fait aucun reproche. Alors STOP aux donneurs de leçons ! »)570.
495. Enfin, il est constant qu’A2C a repris une participation particulièrement active aux pratiques entre le 5 avril 2018 et le 25 octobre 2018 :
- les échanges entre KP1 et A2C du 5 avril 2018 attestent de l’intention d’A2C d’appliquer une grille de prix de dalles alvéolées transmise par KP1 ;
- les échanges entre KP1 et A2C du 7 juin 2018 attestent d’un échange anticoncurrentiel aux termes duquel A2C indique à KP1 faire la « guerre pour remonter les prix » ;
- il est constant qu’A2C a participé aux réunions de cartel des 19 et 21 juin 2018, 17 juillet 2018 et 25 octobre 2018.
496. La participation d’A2C aux pratiques visées par le premier grief s’agissant des ententes sur les prédalles et les dalles alvéolées en Ile-de-France et ses régions limitrophes est donc établie entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018. L’Autorité relève toutefois qu’elle ne dispose pas d’éléments de preuves suffisants pour établir la continuité de la participation d’A2C aux pratiques entre la réunion qui s’est tenue le 11 février 2016 et l’échange bilatéral avec Soprel du 13 novembre 2017. Sa participation aux pratiques visées par le grief ne sera donc pas retenue pour la période du 12 février 2016 au 12 novembre 2017.
Sur la participation de SLM
497. Dans ses observations écrites, SLM reconnaît avoir participé à l’entente sur les prédalles dans la région Ile-de-France entre le 15 mai 2008 et le 29 juillet 2014. Elle soutient qu’elle n’a participé à aucune réunion entre le 29 juillet 2014 et le 11 février 2016, ni après le 11 février 2016 et qu’elle n’a pas été destinataire de la grille de prix préparée par A2C, comme l’a indiqué le premier demandeur de clémence. SLM fait également valoir que les échanges bilatéraux avec A2C mentionnés dans la notification de griefs n’avaient pas un caractère anticoncurrentiel, mais s’expliquent par des relations commerciales de client à fournisseur. SLM indique par ailleurs que sa filiale SPS n’est pas impliquée dans les pratiques, dans la mesure où elle ne fabrique pas de prédalles. Dans le même sens, SLM conteste la participation de sa filiale CDLP, dans la mesure où cette société est active uniquement dans la région Rhône-Alpes et qu’il n’existe aucun élément permettant d’établir sa participation aux pratiques dans cette région qui n’ont concerné que KP1, Rector et SEAC.
498. S’agissant de la participation de SLM, il est constant que cette société a participé à des réunions multilatérales sur l’entente sur les prédalles dans la région Ile-de-France et ses régions limitrophes entre le 15 mai 2008 et le 11 février 2016. Par ailleurs, les éléments du dossier attestent de l’existence d’un échange bilatéral entre SLM et A2C le 21 juin 2018, aux termes duquel A2C indique qu’elle remettra une grille de prix au président de SLM le lendemain. Dans cet échange, A2C et SLM font également état de discussions sur les prix des chantiers en cours, montrant la volonté de SLM de reprendre part aux pratiques anticoncurrentielles571.
499. En revanche, il ressort des éléments du dossier qu’à l’époque des faits, les représentants légaux de SLM exerçaient des fonctions de direction au sein des sociétés CDLP et SPS. Les éléments du dossier permettent toutefois de considérer que seule la société SLM était représentée dans les réunions multilatérales sur les prédalles en Ile-de-France et ses régions limitrophes, dans la mesure où SPS ne commercialise pas cette catégorie de produits et que CDLP n’est pas active sur ces régions. Les sociétés CDLP et SPS doivent dès lors être mises hors de cause.
500. La participation de SLM aux pratiques visées par le premier grief s’agissant de l’entente sur les prédalles en Ile-de-France et ses régions limitrophes est établie entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018. L’Autorité relève toutefois qu’elle ne dispose pas d’éléments de preuves suffisants pour établir la continuité de la participation de SLM aux pratiques entre le 11 février 2016 et le 21 juin 2018.
Sur la participation d’IB et Strudal
501. Les éléments du dossier attestent de la participation d’IB et Strudal aux réunions des 12 et 25 février 2014, qui se rapportent aux pratiques de répartitions de marchés sur les dalles alvéolées en Ile-de-France et ses régions limitrophes. Par ailleurs, les éléments du dossier attestent de l’existence de réunions les 8 novembre 2016 et 25 janvier 2017 entre IB, KP1, Soprel et Strudal. Enfin, les éléments du dossier permettent d’établir la participation d’IB et de Strudal à deux réunions anticoncurrentielles supplémentaires portant sur des répartitions de chantiers : la première s’étant tenue le 25 avril 2018 en présence de KP1, la seconde le 30 mai 2018 en présence de KP1 et Soprel.
502. IB et Strudal sont par ailleurs mentionnées dans les tableaux « attributions » utilisés par les membres de l’entente sur les dalles alvéolées, concernant des répartitions de marchés attribués en 2014 et en 2015. Les mentions figurant en bas de ces tableaux, qui font directement référence aux « quotas » de parts de marchés convenus entre les membres de l’entente, ne laissent aucun doute sur le caractère anticoncurrentiel des réunions ayant donné lieu à l’élaboration de ces tableaux et la participation aux pratiques des entreprises qui y sont mentionnées.
503. De même, IB et Strudal sont citées dans le tableau intitulé « Capacités Dalles alvéolaires » saisi dans les affaires du directeur opérationnel de Soprel, qui évoque les parts de marchés retenues pour l’année 2017, ainsi que celles proposées pour l’année 2018. Ce tableau, qui s’inscrit dans le cadre des pratiques de répartition de marché dénoncées par KP1, atteste de la participation d’IB et Strudal aux pratiques de répartition de marché pour les années 2017 et 2018.
504. Par ailleurs, plusieurs captations d’échanges téléphoniques attestent qu’IB et Strudal avaient connaissance de la grille de prix échangée entre les concurrents. Dans un échange du 26 juillet 2018, le directeur opérationnel de Soprel contacte le directeur général d’IB, en lui indiquant avoir reçu un appel du client qui l’a informé qu’IB a fait une offre de prix beaucoup plus basse que celle de Soprel. Le directeur général d’IB lui répond que la personne en charge de cette affaire était absente, mais que « normalement elle a des consignes »572. Dans un échange du même jour, le directeur opérationnel de Soprel et le directeur général de Strudal se plaignent du fait qu’IB ne respecte pas les prix de la « grille » et ironisent sur les justifications apportées par le directeur général d’IB selon lesquelles celui-ci n’aurait pas la « bonne grille »573. Dans un échange du 13 septembre 2018, le directeur général de Strudal indique au directeur opérationnel de Soprel avoir eu une conversation avec le directeur général d’IB, aux termes de laquelle celui-ci lui aurait confirmé sa volonté d’appliquer les tarifs de la « grille »574.
505. La participation d’IB et de Strudal aux pratiques visées par le premier grief s’agissant de l’entente sur les dalles alvéolées en Ile-de-France et ses régions limitrophes est établie entre le 12 février 2014 et le 25 octobre 2018.
Sur la participation de FB
506. Les éléments du dossier attestent de la participation de FB aux réunions des 12 et 25 février 2014, qui se rapportent aux pratiques de répartition de marchés sur les dalles alvéolées en Ile-de-France et ses régions limitrophes. S’agissant des notes afférentes à la réunion du 25 février 2014, la mention manuscrite « FB déclare » atteste de la participation active de FB à cette réunion.
507. FB est par ailleurs mentionnée dans les tableaux « attributions » utilisés par les membres de l’entente sur les dalles alvéolées, concernant des répartitions de marchés attribués en 2014 et en 2015. Contrairement à ce que soutient FB, ces tableaux ne constituent pas des documents de suivi de marchés utilisés à des fins internes par Soprel, dans la mesure où des tableaux identiques ont été communiqués par KP1, afin d’établir l’existence de pratiques de répartition de marchés sur les dalles alvéolées. Les mentions figurant en bas de ces tableaux, qui font directement référence aux « quotas » de parts de marché convenus entre les membres de l’entente ne laissent aucun doute sur le caractère anticoncurrentiel de ces tableaux et la participation aux pratiques des entreprises qui y sont mentionnées.
508. Par ailleurs, les éléments du dossier montrent que FB a participé à des échanges anticoncurrentiels bilatéraux avec A2C, Soprel et Strudal entre le 16 décembre 2016 et le 4 octobre 2018.
509. Le 16 décembre 2016, le directeur général de FB a demandé au directeur opérationnel de Soprel de ne pas répondre à un appel d’offres, en indiquant qu’il avait appliqué une plus- value sur ce chantier : « [a]u cas où le chantier urma te contacte pour un niveau stp ne répond pas Je leur ai mis une plus value »575.
510. Le 24 janvier 2017, le directeur opérationnel de Soprel demande au directeur général de FB de lui communiquer ses tarifs, afin de pouvoir déposer une offre de couverture sur le chantier Urma576. Le directeur général de FB lui communique alors ses tarifs, en lui demandant de faire des prix 5 euros au-dessus des siens : « Tarif fournitures Dalles Alvéolées Chantier : Centre de formation Urma à Bruay sur Escaut » « Est ce lisible pour toi ? (…) A ajouter 2,80 de boucles de levage aux prix de 36,30 et 40,90... Et avec ça nous sommes des voleurs.
(...) Essaie de mettre 5 euros au dessus »577.
511. Pour tenter de justifier ces échanges, FB fait valoir qu’elle était déjà titulaire d’un contrat signé le 20 juin 2016 avec le maître d’œuvre du chantier Urma et que celui-ci l’avait mise en demeure de livrer des dalles alvéolées à la suite de retards de livraison. FB soutient qu’elle aurait, dans ce contexte, sollicité Soprel pour fournir au maître d’œuvre les quantités de dalles alvéolées, qu’elle n’était pas en mesure de livrer dans les délais.
512. Cette explication n’est pas crédible, dans la mesure où FB a d’abord demandé à Soprel de s’abstenir de répondre au maître d’œuvre (message du 16 décembre 2016), puis lui a demandé de répondre en appliquant des tarifs supérieurs au sien (message du 24 janvier 2017). Contrairement aux dénégations de FB, ces messages se rapportent bien à l’existence d’une offre de couverture émise par Soprel à son profit, afin d’éviter que le maître d’œuvre du chantier Urma fasse appel, en cours d’exécution du chantier, à un autre fournisseur que FB pour pallier ses difficultés de livraisons.
513. Le 30 août 2017, le directeur opérationnel de Soprel et le directeur général de FB ont échangé, afin de convenir d’un déjeuner qui s’est tenu le 13 septembre 2017 au Palais des congrès. Les échanges SMS se rapportant à cette réunion attestent de discussions portant sur une offre de couverture émise par Soprel au profit de FB sur un chantier situé à Romainville, en contrepartie d’une offre de couverture qui devait être émise par FB au profit de Soprel sur un chantier situé à Saint-Amand. Dans ce message, le directeur opérationnel de Soprel compare ses prix à ceux de FB sur le chantier de Romainville, en indiquant au directeur général de FB : « Je n’ai rien changé... tu es donc bien en dessous de moi »578. Le 15 septembre 2017, Soprel et FB ont échangé sur les prix pratiqués sur le chantier de Saint- Amand, Soprel indiquant avoir dû baisser ses tarifs579. Dans un échange du même jour avec KP1, Soprel évoque l’offre de couverture émise par FB à son profit en ces termes :
« st Amand il y a FB qui fait de gros effort !!! »580.
514. FB tente de justifier ces échanges, en faisant valoir qu’ils se rapportent à des produits qu’elle ne fabrique pas, en l’occurrence des rampes. Ces justifications ne sont pas crédibles. En effet, les échanges des 13 et 15 septembre 2017 se rapportent directement aux prix des dalles alvéolées, comme l’attestent les mentions « DAP » dans le message du 13 septembre 2017. La teneur anticoncurrentielle de ces échanges est donc établie.
515. Les échanges du 26 octobre 2017 entre Soprel et FB montrent que FB a utilisé l’offre de Soprel pour répondre à un appel d’offres. Dans le cadre de ces échanges, le directeur opérationnel de Soprel reproche au directeur général de FB de ne pas avoir fait « un effort de personnalisation » pour établir ses offres et ironise en évoquant la possibilité de lui demander « des droits d’auteur »581. FB n’a pas contesté la teneur anticoncurrentielle de ces messages, qui est donc établie.
516. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’échanges entre Soprel et FB les 19, 20 et 22 octobre 2017 concernant un marché « Lillenium » pour lequel FB demande à Soprel de lui indiquer ses prix582. Les 8 et 9 novembre 2017, Soprel et FB ont de nouveau échangé sur le marché « Lillenium », Soprel indiquant avoir fait une remise sur ses prix583. FB allègue que ces échanges se rapportent à un marché qu’elle n’était pas en mesure de traiter seule et pour lequel elle souhaitait s’associer avec Soprel. Force est de constater que FB ne produit aucun document au soutien de ces allégations et que ses échanges avec Soprel ne font à aucun moment référence à un projet de cotraitance ou de groupement. La teneur anticoncurrentielle de ces échanges sur les prix est donc établie.
517. Des échanges du 27 février 2018 entre Soprel et KP1 font également mention de l’existence d’une offre de couverture émise par FB au profit de KP1 : « il n’y a pas de problème 44 en extensible à lille c’est dans le marché, il [directeur commercial de KP1] m’a dit qu’il était couvert par FB sur cette affaire ! C’est sûr avec au moins 15€ de transport ça fait la 32 à moins de 30€ départ !!! Il doit être beau le coeff »584(soulignement ajouté).
518. La captation d’un échange du 13 juin 2018 atteste de l’existence d’une discussion sur les prix entre Soprel et FB585. Dans le cadre de cet échange, FB demande à Soprel les prix qu’elle doit appliquer sur la région Ile-de-France. Soprel lui indique que la grille de prix « de départ (…), qui avait été fixée à l’époque » est de nouveau applicable. Cet échange atteste de l’existence d’une grille de prix sur les dalles alvéolées appliquées dans le passé, dont FB et Soprel avaient toutes deux connaissances.
519. La captation d’un échange téléphonique du 13 septembre 2018 entre Soprel et FB se rapporte à une proposition de partage de marchés impliquant les sociétés KP1, Soprel et FB. Aux termes de cet échange, Soprel indique qu’elle souhaite faire une réponse conjointe avec KP1 sur un chantier et demande à FB de s’abstenir de répondre à cet appel d’offres. En contrepartie, Soprel indique qu’elle rétrocèdera une partie des volumes obtenus (20.000 m² ou 30.000m²) à FB : « je vais probablement refaire une réponse conjointe avec KP1, mais l’idée, ce serait de dire, en fait, toi... tu m’avais dit que tu voudrais bien récupérer, l’idée que je te propose c’est qu’on fasse comme ça. C’est à dire que toi aujourd’hui tu ne fasses pas de réponse, mais que nous on s’engage à ce tu en ais entre 20 et 30 000 à faire »586. Le même jour, Soprel a informé KP1 de ses discussions avec FB, en lui indiquant que FB s’abstiendrait de répondre à cet appel d’offres avec une entreprise concurrente, en obtenant une compensation en volume de 20 000 à 25 000 m² : « j’ai eu [FB], donc il est d’accord, donc il ne répond pas... Il répond avec personne (…) »587
520. Contrairement à ce que soutient FB dans ses écritures, cet échange ne se rapporte pas à une mise en commun de moyens entre FB et Soprel pour répondre à un appel d’offres, mais à un partage illicite de marché entre trois entreprises, KP1, FB et Soprel, aux termes duquel une société s’abstient de déposer une offre en obtenant une compensation en volume des deux entreprises attributaires de ce marché.
521. Il ressort des écoutes téléphoniques du 5 octobre 2018 que le représentant de Strudal a souhaité organiser une réunion entre FB, KP1, Soprel et Strudal portant sur des répartitions de volume de chantiers. Il a confirmé que le représentant de FB était d’accord pour participer à cette réunion, et qu’il souhaitait revendiquer un volume de 20 000 m² sur la région Ile-de-France.
522. La participation de FB aux pratiques visées par le premier grief s’agissant de l’entente sur les dalles alvéolées en Ile-de-France et ses régions limitrophes est donc établie entre le 12 février 2014 et le 25 octobre 2018.
4. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF 2
a) Sur la matérialité des pratiques
523. Il est établi que KP1, Rector et SEAC ont participé à des réunions et à des conversations téléphoniques concernant les prix appliqués aux négoces et aux CMI. Ces échanges ont porté sur les hausses de prix, les prix nets et certaines conditions commerciales accordées aux négoces.
524. L’objet des pratiques est établi en l’espèce par les déclarations de KP1, qui a dénoncé l’existence de cette entente dans le cadre de sa demande de clémence. Dans ses observations au rapport, Rector a reconnu avoir participé à cette entente entre avril 2011 et le 25 octobre 2018. Ces déclarations sont corroborées par divers éléments matériels, tels que des échanges internes au sein de KP1, des comptes rendus de réunions ou des notes manuscrites révélant l’existence et la teneur des échanges entre les mises en cause.
525. Ces divers éléments, qui présentent une forte valeur probante, permettent de démontrer l’existence d’échanges réguliers entre KP1 et Rector s’inscrivant dans l’objectif de neutraliser la concurrence par les prix.
526. SEAC, dont la participation aux pratiques n’est pas établie après l’année 2013588, est mise hors de cause au titre de la prescription décennale.
b) Sur l’objet anticoncurrentiel
527. Les pratiques constatées ont consisté en des échanges d’informations sur les prix proposés aux négoces et aux CMI, en vue de coordonner leurs négociations tarifaires bilatérales avec leurs clients, dans le but de faire obstacle aux stratégies de négociation de ces clients et d’obtenir des hausses de prix.
528. Un tel comportement contrevient au principe d’autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu’elles sont en concurrence sur un marché. Chaque entreprise doit en effet s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et, notamment, sur les prix qu’ils ont l’intention de proposer sur le marché, ou encore sur les stratégies qu’ils envisagent de mener, notamment à l’égard de leurs clients.
529. Il en résulte que, à travers leurs échanges, KP1 et Rector ont exprimé la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, en participant de façon répétée à des échanges visant à se coordonner sur le niveau des prix à proposer à ces clients. Une telle pratique est constitutive d’un accord au sens des dispositions et principes mentionnés ci-dessus.
530. En outre, il résulte tant de l’article 101 du TFUE que de l’article L. 420-1 du code de commerce que les accords visant à fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente ont en eux-mêmes un objet restrictif de concurrence.
531. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à leur nature et à leur finalité, les pratiques en litige, qui comportent un degré de nocivité réel pour la concurrence, présentent le caractère d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel.
c) Sur la participation individuelle des entreprises
532. La participation de KP1 et de Rector, demandeurs de clémence et qui ne contestent pas ce grief, est établie pour l’ensemble des réunions et échanges constatés entre avril 2011 et le 25 octobre 2018.
5. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF 3
a) Rappel des principes
533. En matière de marchés publics ou privés sur appels d’offres, une concertation illicite entre entreprises concurrentes est établie dès lors que la preuve est rapportée, soit qu’elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu’elles ont échangé des informations commercialement sensibles avant la date à laquelle le résultat de l’appel d’offres est connu ou peut l’être, et ce afin d’échapper au principe de l’indépendance des offres, condition normale du jeu de la concurrence589.
534. La preuve de l’antériorité de la concertation par rapport à la date à laquelle le résultat de l’appel d’offres est connu ou peut l’être, peut être déduite, à défaut d’une date certaine apposée sur un document, de l’analyse de son contenu et du rapprochement de celui-ci avec des éléments extrinsèques et notamment avec le résultat des appels d’offres590. Elle peut, plus généralement, résulter d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments, même si chacun d’eux n’a pas, pris isolément, un caractère suffisamment probant591.
535. Dès lors qu’il existe un faisceau d’indices graves, précis et concordants attestant de l’existence d’un échange d’informations antérieur à l’issue de l’appel d’offres ayant conduit à une coordination, celui-ci revêt un objet anticoncurrentiel, peu important que l’échange d’informations en question n’ait pas été réciproque592.
b) Sur l’absence de preuves de réunions multilatérales et la mise hors de cause de Soprel et IB
536. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’échanges se rapportant à trois réunions le 8 novembre 2016 et les 25 avril et 30 mai 2018, qui se sont tenues au sein ou à proximité des locaux de l’ACOB entre IB, KP1, Soprel et Strudal (voir paragraphes 121, 124 et 125 ci-avant).
537. Eurobéton, IB, Soprel et Strudal soutiennent que ces réunions ne concernent pas le troisième grief. Elles relèvent que ces réunions sont déjà mentionnées par la notification de griefs comme se rapportant au premier grief. Elles font également valoir que ces réunions impliquent la société Soprel, qui ne fabrique pas de charpentes en béton, ce qui prouverait l’absence de lien entre ces réunions et le troisième grief.
538. KP1 a contesté ce point, en précisant dans son mémoire en réponse au rapport qu’il existe une « porosité importante entre les activités de production de prédalles, dalles et inserts, d’une part, et celles de charpentes en béton, d’autre part. En effet, les interactions entre les équipes d’une entreprise chargée de gérer les activités de production et de vente de charpentes en béton et celles responsables des activités concernant les prédalles, dalles et inserts, sont fréquentes : par exemple, pour préparer une réponse à un appel d’offres d’un potentiel client couvrant tout ou partie de ces produits puis, le cas échéant, pour l’exécuter, ou pour confier en sous-traitance à une équipe un lot d’un appel d’offres (par ex. celui portant sur les seules charpentes en béton), ou bien encore, plus simplement, pour répondre aux besoins ponctuels d’un client en lui fournissant un ensemble de produits comprenant à la fois des prédalles, dalles, inserts et charpentes en béton. Il est donc totalement faux de soutenir que les échanges intervenus entre (…) (Soprel) et (…) (KP1) ne seraient pas susceptibles de démontrer l’existence d’une entente sur les prix des charpentes en béton entre ces derniers (…). Soprel, IB et Strudal, qui produisent pourtant aussi bien des éléments fabriqués en béton destinés aux entreprises de construction (prédalles, etc.) que des charpentes en béton, font preuve à cet égard d’une mauvaise foi patente. »593.
539. Toutefois, si les réunions mentionnées au paragraphe 536 permettent de fonder le premier grief, l’Autorité constate qu’il n’existe pas suffisamment d’éléments au dossier permettant d’établir un lien entre ces réunions et le troisième grief594. La circonstance que ces réunions soient organisées dans les locaux de l’ACOB n’est pas suffisante pour considérer qu’elles se rattachent à des discussions sur la charpente en béton, KP1 ayant d’ailleurs indiqué dans sa demande de clémence que des réunions organisées dans les locaux de l’ACOB avaient donné lieu à des discussions anticoncurrentielles sur les dalles alvéolées (premier grief) , ce qui est corroboré par de nombreux éléments au dossier s’agissant des réunions des 25 avril et 30 mai 2018 (voir paragraphes 124 et suivants). Ces réunions impliquent par ailleurs la société Soprel, qui n’est pas visée par la demande de clémence de KP1 au titre du troisième grief. Si Soprel fournit des éléments rentrant dans la composition de charpentes en béton (poutres, poteaux, etc.), aucun élément du dossier ne permet de considérer qu’elle ait répondu à des appels d’offres de charpentes en béton.
540. Dans ces conditions, il convient d’écarter les réunions mentionnées au paragraphe 536 ci-avant du faisceau d’indices permettant de fonder le troisième grief et de mettre hors de cause Soprel pour les pratiques visées par le troisième grief, étant rappelé qu’IB a été mise hors de cause au titre de la prescription décennale.
c) Sur le caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations
541. L’Autorité considère que le tableau établi par KP1 dans le cadre de sa demande de clémence ne peut suffire à lui seul pour établir la participation des entreprises aux pratiques dénoncées. Ce tableau ne constitue pas un élément matériel contemporain des faits, mais a été élaboré spécifiquement par KP1 en vue de préparer sa demande de clémence. Par conséquent, il doit être considéré comme faisant partie de la déclaration de KP1 et non comme un élément indépendant de nature à renforcer sa valeur probante.
542. Toutefois, KP1 a produit des courriels contemporains des pratiques attestant d’échanges de devis entre les entreprises mises en cause, qui permettent de corroborer les déclarations du demandeur de clémence sur l’existence d’échanges d’informations sensibles listés dans le tableau préparé par KP1.
543. En premier lieu, les éléments du dossier attestent que KP1 et Strudal ont échangé des devis concernant des chantiers de charpentes en béton à neuf reprises.
544. Strudal considère que ces neuf courriels sont insuffisants pour établir sa participation à des pratiques collusives. Elle relève qu’un seul de ces courriels a été envoyé par Strudal à KP1 concernant un chantier qui a in fine été remporté par KP1. Selon Strudal, cette circonstance rendrait irréaliste la thèse selon laquelle elle aurait envoyé son devis à KP1, afin de bénéficier d’une offre de couverture de cette dernière. S’agissant des huit autres courriels, Strudal soutient qu’il s’agit d’envois unilatéraux de devis de la part de KP1 que Strudal n’a pas sollicités et dont il n’est pas démontré qu’elle aurait tiré parti pour modifier son comportement. Strudal ajoute qu’elle n’a pas déposé d’offres sur deux des chantiers ayant fait l’objet de devis envoyés par KP1 (chantiers « Feytat Super U » et « Iko ») ou qu’elle n’aurait pas été en mesure de déposer des offres compétitives sur des chantiers éloignés de son site de production (chantiers « Leroy Merlin » à Venissieux, « Super U » à Feytiat, « FM Logistic » à Laudun) Strudal indique également que trois autres chantiers n’ont pas été réalisés ou n’ont pas été remportés par KP1 (chantiers « Dhollandia », « Onival » et « Disney »).
545. Strudal ne conteste pas avoir été destinataire des offres de KP1 concernant les marchés « Iko » (septembre 2012), « Eco Riverparc-Gamblin » et « Eco Riverparc-Dhollandia » (septembre 2013), « Onival » (mars 2013), « FM Logistique » (mars 2013), « O Marché frais » (mars 2013), « Feytat (Super U) » (janvier 2017), « Disney » (mars 2018) et « Leroy Merlin » (janvier 2018), soit neuf marchés entre septembre 2012 et mars 2018.
546. La circonstance qu’il s’agisse de transmissions unilatérales d’informations de KP1 à Strudal n’est pas de nature à exclure leur caractère anticoncurrentiel. À cet égard, il convient de rappeler que les échanges d’informations entre sociétés soumissionnaires, avant le résultat de l’appel d’offres, perturbent nécessairement le jeu de la concurrence. Lors d’un appel d’offres fondé notamment sur le critère du moins-disant, chaque soumissionnaire subit deux incitations opposées : offrir un prix élevé pour maximiser son profit, proposer un prix faible pour maximiser ses chances de remporter le marché. L’intégrité concurrentielle du marché suppose que chacun choisisse son niveau de risque (et donc son prix) et effectue son choix en toute indépendance, sans disposer d’aucune information privilégiée concernant un ou plusieurs concurrents. En effet, toute information privilégiée éclairant les choix opérés (ou susceptibles d’être opérés) par les autres concurrents diminue artificiellement le risque pris par celui qui bénéficie de cette information au moment d’établir son offre, en réduisant ou supprimant l’incertitude dans laquelle il doit rester au regard du comportement des autres concurrents. Il importe peu à cet égard que l’échange d’informations auquel a procédé une entreprise n’ait pas été réciproque, c’est-à-dire que celle qui a été destinataire des informations soit restée taisante et n’ait pas eu un comportement positif démontrant son adhésion à l’entente.
547. Strudal tente de mobiliser la jurisprudence de la cour d’appel de Paris rendue dans l’affaire de la messagerie express, selon laquelle une entreprise qui n’a participé à aucune réunion collusoire ne saurait voir sa responsabilité établie pour avoir reçu des informations qu’elle n’a ni sollicitées, ni acceptées et dont il n’est pas démontré qu’elle aurait tiré parti595.
548. Or, s’agissant des transmissions unilatérales de messages dont le contenu est anticoncurrentiel, la Cour de justice a jugé que les opérateurs destinataires de ces messages peuvent, à partir du moment où ils avaient connaissance de leur contenu, être présumés avoir participé à une pratique concertée, s’ils se sont abstenus de se distancier publiquement de cette pratique, ne l’ont pas dénoncée aux entités administratives ou n’ont pas apporté d’autres preuves pour réfuter cette présomption596. Les nouvelles lignes directrices de la Commission européenne relatives aux accords de coopération horizontale indiquent que « si une entreprise envoie un courrier électronique aux adresses électroniques personnelles de salariés d’autres entreprises, cela ne veut pas dire en soi que les destinataires devaient avoir nécessairement connaissance de son contenu. Cela peut, au regard d’autres indices objectifs et concordants, fonder la présomption que les destinataires avaient connaissance du contenu et qu’ils ont pris les informations en considération, pourvu que ces destinataires gardent la possibilité de réfuter cette présomption »597.
549. Au cas d’espèce, les éléments du dossier permettent d’établir que Strudal avait connaissance du contenu des offres transmises par KP1 et ne s’est pas distanciée de cette pratique d’échange d’informations.
550. La circonstance que KP1 adresse de manière répétée à Strudal ses offres sur plusieurs appels d’offres de charpentes en béton rend peu crédible l’hypothèse selon laquelle Strudal n’aurait pas pris connaissance de leur contenu pour déterminer son comportement sur le marché.
551. Cette hypothèse est d’autant moins plausible que Strudal a eu un rôle actif à plusieurs reprises dans le cadre des échanges avec KP1, soit en envoyant elle-même son offre à KP1, soit en répondant à un de ses messages.
552. Ainsi, le 20 juin 2017, Strudal a envoyé à KP1 l’offre qu’elle avait adressée le même jour à Eiffage Construction Nord Aquitaine concernant un chantier situé à Cestas. Strudal n’apporte aucun élément permettant de justifier l’envoi de l’intégralité de son offre à un concurrent direct. Contrairement à ce que soutient Strudal, la circonstance que KP1 ait finalement remporté ce chantier n’enlève rien au caractère anticoncurrentiel de cet échange.
553. Le 26 janvier 2017, KP1 a envoyé par courriels séparés à Strudal et Eurobéton son offre pour le marché « Super U Feytiat » avec le même message « modification sur protection lourde ». Strudal a répondu à ce message en indiquant qu’elle n’avait pas déposé d’offre sur la protection lourde598. Contrairement à ce que prétend Strudal, le contenu de ce message semble indiquer que Strudal a candidaté sur ce chantier. En tout état de cause, le fait pour un concurrent de communiquer son absence d’intérêt sur un marché à un autre concurrent dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres suffit à établir le caractère anticoncurrentiel de l’échange.
554. Par ailleurs, Strudal ne conteste pas avoir répondu aux consultations des chantiers pour lesquels KP1 lui avait communiqué son offre, à l’exception des chantiers « Iko » et « Super U Feytiat »599.
555. La circonstance invoquée par Strudal selon laquelle elle n’aurait pas été en mesure de déposer une offre compétitive sur les chantiers « Leroy Merlin », « Super U » et « Laudun » compte tenu de l’éloignement de ces chantiers avec son site de production situé à Château- Gontier ne saurait justifier l’existence d’échanges anticoncurrentiels avec KP1. Au demeurant, cette allégation n’est nullement démontrée.
556. De même, le fait que Strudal se soit abstenue de déposer des offres sur les chantiers ou « Iko » et « Super U Feytiat » ou que trois chantiers n’ont pas été réalisés par KP1 (chantiers « Dhollandia », « Onival » et « Disney ») est sans incidence sur la qualification des pratiques. Il est en effet constant que l’échange d’informations entre entreprises, préalable au résultat de l’appel d’offres, peut faire l’objet d’une sanction, même si une des entreprises n’a pas présenté d’offre ou si une autre entreprise, extérieure à l'entente, a été retenue600.
557. En second lieu, les éléments du dossier attestent que KP1 et Eurobéton ont échangé leurs offres à 27 reprises sur des chantiers de charpentes en béton. KP1 a adressé son offre de manière unilatérale à Eurobéton dans le cas de 14 chantiers601, tandis qu’Eurobéton a adressé son offre de manière unilatérale à KP1 dans 11 cas602. Enfin, sur deux chantiers, KP1 et Eurobéton ont échangé leurs offres respectives603.
558. Eurobéton ne conteste pas l’existence d’échanges de devis avec KP1, mais conteste leur caractère anticoncurrentiel, en faisant valoir que ces échanges sont courants dans le secteur et s’inscrivent dans des relations de cotraitance ou de sous-traitance. Selon Eurobéton, lorsque KP1 souhaitait obtenir un devis d’un fournisseur, elle adressait son projet d’offre à Eurobéton, qui lui proposait de lui fournir les matériaux requis au prix de vente proposé par KP1 au client, minoré de 15 %. Eurobéton a fourni des éléments documentaires permettant d’étayer l’existence de relations de sous-traitance ou de cotraitance concernant 4 chantiers (« Rocadest », « Socamil », « ITM », « Corbas Hermes »).
559. Toutefois, la tentative de justification d’Eurobéton n’emporte pas la conviction.
560. Premièrement, Eurobéton n’a pas été en mesure de justifier l’existence de relations de sous- traitance ou cotraitance sur la très grande majorité des chantiers qui ont donné lieu à des échanges de devis avec KP1.
561. Sur un certain nombre de chantiers, l’hypothèse d’une potentielle collaboration entre KP1 et Eurobéton n’apparaît pas plausible pour justifier ces échanges de devis.
562. Par exemple, KP1 a envoyé ses offres relatives aux marchés « ECO RIVERPARC- GAMBLIN » et « ECO RIVERPARC-DHOLLANDIA » à IB, Eurobéton, CGM et Strudal, le 13 septembre 2013604 avec le même message : « bonjour, comme convenu veuillez trouver ci-joint notre meilleure offre dans le cadre de notre collaboration éventuelle sur ces affaires ». La circonstance que KP1 adresse une même offre de collaboration à quatre concurrents différents sur deux marchés de petite taille (d’environ 2 800 m² chacun) ne peut pas être justifiée par une collaboration entre ces cinq entreprises pour réaliser ces marchés.
563. Un autre exemple concerne l’affaire « SEDE Environnement ». Eurobéton et KP1 ont échangé leurs offres respectives entre le 21 et le 31 mai 2013605. Ces offres ont été envoyées par KP1 et Eurobéton au client SEDE Environnement séparément. Si, comme l’indiquent les courriels de couverture échangés entre KP1 et Eurobéton, comportant en pièces jointes leurs offres, il s’agissait d’une « éventuelle collaboration sur cette affaire »606 ou « à réaliser conjointement »607, l’offre aurait dû être envoyée au client par les deux concurrents en groupement. Le même constat s’applique pour l’affaire « Mercedes Loubet », qui a donné lieu à des échanges réciproques par lesquels Eurobéton et KP1 se sont communiqué leurs offres respectives.
564. De même, KP1 a envoyé son offre relative au marché « Feytiat (Super U) » à Strudal et à Eurobéton, le 23 janvier 2017608 par des courriels séparés, respectivement à 14h21 et à 14h24609. Puis, le 26 janvier 2017, KP1 a envoyé par courriels séparés à Strudal et Eurobéton (respectivement à 9h38 et 9h39) son offre pour le marché « Super U feytiat » avec le message « modification sur protection lourde ». Strudal lui a répondu à 9h59 : « Je n’ai pas répondu à la protection lourde ». Il ressort de ces échanges que chacun des concurrents a reçu l’offre de KP1 et, à tout le moins, Strudal a aussi envoyé de son côté une proposition au client (sans détails sur la « protection lourde ») et ce, en dehors de toute collaboration avec KP1 sur ce chantier. Une éventuelle collaboration entre les trois concurrents aurait dû se traduire par l’envoi d’une offre commune en groupement au client.
565. S’agissant du chantier « Leroy Merlin », Eurobéton soutient qu’elle n’aurait pas envisagé de candidater à ce chantier et aurait adressé un devis à KP1 d’un montant de 5 295 960 euros pour l’approvisionner en poteaux et en planchers, afin de lui permettre de candidater à ce chantier. Cette justification n’est pas crédible. D’une part, KP1 a envoyé son offre le 8 janvier 2018 à Strudal (et non à Eurobéton), de sorte que la transmission de l’offre d’Eurobéton à KP1 ne saurait s’interpréter comme une réponse à une proposition de collaboration de KP1. D’autre part, l’offre d’Eurobéton, qui a été transmise à KP1 le 10 janvier 2018, est libellée au nom du maître d’ouvrage (Groupe Nox), ce qui contredit la thèse d’Eurobéton selon laquelle cet échange se rapporterait à une relation d’approvisionnement entre KP1 et Eurobéton.
566. Deuxièmement, s’agissant des échanges de devis qu’Eurobéton a justifiés par des relations de cotraitance ou sous-traitance, il convient de rappeler que si la coopération d’entreprises indépendantes et concurrentes en vue de répondre à un appel d’offres n’est pas anticoncurrentielle en soi, cette coopération ne doit pas donner lieu à des échanges d’informations de nature à fausser la concurrence. Dans un arrêt du 13 janvier 1998, la cour d’appel de Paris a ainsi rappelé que « [s’]il est loisible à une société qui n’est pas en mesure d’assurer seule l’ensemble des travaux concernés par un appel d’offres, d’échanger des informations avec un éventuel sous-traitant, il demeure qu'elle doit le faire en respectant les règles de la concurrence »610.
567. Or, les échanges d’offres intervenus entre KP1 et Eurobéton sur ces chantiers excèdent ce qui est admissible au regard du droit de la concurrence. En effet, ces échanges ne portent pas sur les sous-ensembles des prestations que chaque entreprise aurait pu désirer sous-traiter à l'autre, mais sur la totalité de leurs prestations, y compris celles non concernées par d'éventuelles sous-traitances.
568. S’agissant du chantier « PRD Corbas », Eurobéton a ainsi envoyé à KP1 l’intégralité de son offre, alors même que KP1 n’a réalisé en sous-traitance qu’une faible partie du marché en question. Rien ne justifie l’envoi par Eurobéton de l’intégralité de son offre destinée au client à un stade très précoce du marché à l’un de ses concurrents directs, quand bien même ce dernier a, par la suite, été son fournisseur.
569. De même, s’agissant du marché « Rocadest », KP1 a envoyé à Eurobéton l’intégralité de son offre financière le 8 janvier 2016611, alors que la partie devant être sous-traitée à Eurobéton ne concernait que la fourniture de panneaux612, soit moins de 10 % de la valeur du marché. La circonstance qu’Eurobéton ait adressé des devis à deux sociétés concurrentes se rapportant à ce chantier après le 8 janvier 2016613 atteste que le chantier Rocadest n’avait pas encore été attribué lorsque KP1 a adressé son offre à Eurobéton. L’échange d’informations entre KP1 et Eurobéton est donc intervenu préalablement à la date d’attribution de ce chantier, ce qui caractérise l’existence d’un échange d’informations futures entre ces deux entreprises sur ce chantier.
570. S’agissant du chantier « Socamil », KP1 a également envoyé l’intégralité de son offre financière à Eurobéton, alors que la partie concernée par la sous-traitance concernait uniquement la fourniture de panneaux représentant moins de 30 % de la valeur de l’offre de KP1. Contrairement à ce que soutient Eurobéton dans ses écritures, rien ne prouve que ce chantier a fait l’objet d’un contrat d’entreprise avec KP1. Le contrat transmis par Eurobéton au soutien de cette allégation se rapporte en effet à un autre chantier614.
571. S’agissant du chantier « ITM » situé à Saint-Quentin Fallavier, KP1 a envoyé cinq devis différents portant sur l’intégralité de ce chantier, qui était divisé en plusieurs cellules615. Si les éléments transmis par Eurobéton attestent que ce chantier a finalement été réalisé en cotraitance par Eurobéton et KP1, il apparaît que la partie cotraitée par KP1 représentait moins de 25 % de la valeur de ce chantier, de sorte qu’Eurobéton ne saurait se prévaloir de cette relation de cotraitance pour justifier la réception de l’offre de KP1 qui porte sur l’intégralité de la valeur de ce chantier et non sur la seule partie cotraitée.
572. Enfin, Eurobéton soutient qu’aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que les échanges de devis ont eu lieu en amont des prix proposés aux clients, ni que les parties se sont influencées quant à leurs prix et leurs offres, de sorte qu’il n’est pas possible de conclure que les échanges en question auraient été de nature à réduire l’autonomie commerciale de KP1 et Eurobéton. Selon Eurobéton, aucun élément n’atteste de la soumission individuelle par chacune des parties aux différents appels d’offres ayant fait l’objet d’échanges de devis entre Eurobéton et KP1.
573. Or, contrairement à ce qu’affirme Eurobéton, KP1 a communiqué des tableaux retraçant les dates d’envois de ces devis au client, ce qui permet de montrer, d’une part, que KP1 a bien soumissionné à la majorité des appels d’offres ayant fait l’objet d’échanges d’informations avec Eurobéton, et, d’autre part, que pour certains de ces chantiers, les échanges sont intervenus en amont616 ou de manière concomitante617 à la soumission des offres de KP1 ou à l’attribution des marchés.
574. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques mises en œuvre par les sociétés KP1, Eurobéton et Strudal méconnaissent, par leur objet anticoncurrentiel, le premier paragraphe de l’article 101 du TFUE et l’article L. 420-1 du code de commerce.
575. L’Autorité constate qu’il n’existe pas de preuve suffisante dans le dossier permettant d’établir la continuité des pratiques entre le 11 octobre 2013 et le 8 janvier 2016. Pour autant, comme exposé au paragraphe 358, la suspension d’une pratique anticoncurrentielle pendant une période déterminée n’empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d’infraction unique dès lors qu’après son interruption, elle a été reprise selon les mêmes modalités.
576. Au cas d’espèce, la qualification des faits commande de ne pas séparer les pratiques mises en œuvre par les entreprises Eurobéton, KP1et Strudal dans le cadre de chacun des appels d’offres particuliers en les traitant comme autant d’infractions séparées, alors que ceux-ci ne constituent que les manifestations successives d’une conduite identique poursuivant le même objectif.
577. Le caractère unique de l’infraction sur l’ensemble de la période, avant et après la suspension des pratiques, se déduit de l’identité à la fois des modalités de mise en œuvre (échanges de devis justifiés par une potentielle collaboration), des participants (Eurobéton, KP1 et Strudal), des personnes physiques participant aux échanges, des objectifs des pratiques (accroissement artificiel de la transparence sur les marchés de charpentes en béton), des produits concernés (les chantiers de charpentes en béton) et du champ géographique concerné (le territoire français).
578. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Eurobéton et KP1 ont participé à une infraction unique et répétée du 14 décembre 2011 au 11 octobre 2013 et du 8 janvier 2016 au 3 octobre 2018. La société Strudal a, quant à elle, pris part aux pratiques durant les périodes allant du 5 septembre 2012 au 13 septembre 2013 et du 26 janvier 2017 au 5 mars 2018.
6. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF 4
a) Sur la matérialité des pratiques
579. Il ressort des constatations opérées aux points 158 à 178 ci-avant que, dans le cadre d’une relation contractuelle marquée par la détention d’une participation minoritaire de 10 % par KPI du capital de SPL, KP1 et SPL se sont accordées sur l’ensemble des aspects de la politique commerciale de SPL.
580. Cet accord résulte, d’une part, de certaines clauses contractuelles inclues dans les conventions liant les deux parties, en particulier :
- l’article 7 du contrat de fourniture et d’approvisionnement prévoyant que SPL ne pouvait pas vendre la production non achetée par KP1 à l’un de ses concurrents618 ; et
- l’article 7 du contrat de prestations de services techniques relatif au non-débauchage des salariés respectifs de chaque entreprise 619.
581. D’autre part, différentes pièces et échanges démontrent la tenue de réunions et échanges d’informations sensibles réguliers entre KP1 et SPL relatifs notamment à la fixation en commun des prix et à la répartition de clientèle entre ces entreprises.
b) Sur la qualification des pratiques
582. En premier lieu, SPL allègue que, au moment de la conclusion du cadre contractuel du 15 décembre 2010, elle était dépendante de KP1 sur le plan financier et technique de sorte que KP1 avait un contrôle de fait sur elle. Ce contrôle résulterait du fait que KP1 est entrée au capital de SPL à un moment où cette dernière faisait face à des difficultés et n’avait pas encore développé une expertise technique propre (bureau d’études, ordonnancement, avis techniques) lui permettant de proposer une offre complète de conception, de fabrication et de livraison de prémurs.
583. Néanmoins, une telle dépendance, à la supposer avérée, ne saurait permettre de considérer que KP1, qui ne disposait que d’une part de 10 % dans le capital de SPL sans droit de veto, et SPL constituaient une seule et même entreprise au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce.
584. Par ailleurs, dans ses observations au rapport, SPL elle-même revendique à plusieurs reprises son indépendance vis-à-vis de KP1. Ainsi, elle indique avoir « expressément montré à KP1 dès le début de leur relation qu’elle entendait demeurer libre dans sa politique commerciale » et « conservé son autonomie dans la détermination de sa politique sur le marché »620 et qu’elle a passé outre à l’opposition de KP1 pour lancer la fabrication de prédalles621 et continuer à commercialiser ses produits auprès des opérateurs du négoce622.
585. En deuxième lieu, SPL considère que, dans le cadre de la pratique litigieuse, la relation entre les mises en cause était purement verticale, SPL n’étant que le fournisseur en prémurs de KP1. Or, il est constant, d’une part, que, pendant toute la durée des pratiques (mais aussi avant et après) KP1 produisait et commercialisait des prémurs en France. D’autre part, si, au moment du lancement de son unité de production, SPL n’était active que sur la fabrication de prémurs, il ressort tant des observations de SPL que des pièces au dossier que cette dernière a étendu ses activités grâce au développement de son expertise technique propre (création d’un bureau d’étude, notamment). SPL a également diversifié ses activités par le lancement de la fabrication de prédalles, produit sur le marché duquel KP1 est également active. Ainsi qu’il ressort du courriel interne de KP1 du 30 mai 2013 mentionné au paragraphe 175 ci-avant, KP1 a exprimé sa préoccupation face à la concurrence exercée par SPL. Ainsi, SPL et KP1 étaient, depuis les prémices de leurs relations, concurrents – au moins potentiels, mais le plus souvent réels - sur le segment de la fabrication et de la commercialisation de prémurs.
586. Or, il ressort de l’article 2, paragraphe 4 du règlement (UE) 2022/720 du 10 mai 2022 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées que l’exemption prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement ne s’applique pas aux accords verticaux entre entreprises concurrentes.
587. Les pratiques litigieuses doivent donc être analysées au regard de l’interdiction des ententes entre concurrents.
588. En troisième lieu, SPL conteste la qualification des pratiques et considère que, en tout état de cause, ces pratiques étaient nécessaires et justifiées en vue de permettre l’entrée d’un nouvel acteur sur le marché de la fabrication de prémurs.
589. Or, il est établi que KP1 et SPL ont mis en œuvre des pratiques portant sur tous les aspects de la vie économique de SPL relatives, notamment, à une politique commune en matière commerciale vis-à-vis des clients, à la tarification des produits préfabriqués en béton, aux études des produits, à leur commercialisation, au partage des clients et au non-débauchage de leurs salariés respectifs.
590. Il ressort du contrat de fourniture et d’approvisionnement signé par les mises en cause et communiqué par KP1 que SPL s’est engagée à ne pas vendre la production non achetée par KP1 à l’un de ses concurrents. Contrairement à ce qu’indique SPL, le fait que cette clause ne porte que sur 50 % de sa production est indifférent puisque l’autre moitié de la production de KP1 était, en vertu de ce même contrat, réservée à KP1.
591. En ce qui concerne les prix pratiqués par les deux concurrents, il ressort des éléments du dossier que KP1 et SPL ont échangé des informations relatives aux hausses futures des prix et aux prix de revente appliqués à leurs clients respectifs.
592. En ce qui concerne le partage des clients, les deux concurrents sont convenus que les clients de plus petite taille étaient réservés à SPL et les plus importants à KP1623. Il est également établi que les deux concurrents ont constitué un fichier de clients commun permettant de suivre la répartition des volumes.
593. En ce qui concerne le non-débauchage, les deux concurrents sont convenus de ne pas recruter des salariés ou mandataires sociaux de l’autre partie et ce pendant toute la durée du contrat et pendant deux ans suivant sa cessation.
594. Enfin, il ressort de comptes rendus de réunions entre les deux concurrents que ces derniers ont discuté de manière récurrente de la répartition des clients et de l’équilibrage des volumes d’affaires, ainsi que des objectifs de hausse tarifaire et des prix minimums par produit.
595. Ainsi, les comportements relevés constituent une pratique anticoncurrentielle par objet au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce.
596. Dans la mesure où SPL n’apporte pas d’éléments permettant de considérer que cette pratique pourrait être exemptée sur le fondement du I de l’article L. 420-4 du code de commerce, il convient de considérer que, par la conclusion des contrats du 15 décembre 2010 et des échanges réguliers qui s’en sont suivis dans ce cadre, KP1 et SPL ont enfreint l’article L. 420-1 du code de commerce.
597. Cette infraction est constatée de la date de conclusion des contrats, le 15 décembre 2010, à l’expiration de ces derniers, le 15 décembre 2017.
7. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF 5
598. Il ressort des constatations opérées aux paragraphes 179 à 185 que le grief notifié à Fidal repose sur trois séries d’éléments :
- un support de formation effectuée le 22 novembre 2007 par Fidal à la FIB ;
- plusieurs éléments révélant l’organisation de différentes formations par ce cabinet d’avocats à des salariés de Rector entre 2012 et 2014 ;
- des déclarations du 21 janvier 2016 et du 14 mars 2019 de deux anciens salariés de Rector évoquant la tenue de formations à des salariés de Rector en 2014 par une avocate du cabinet.
599. Fidal considère que les services d’instruction n’ont pas démontré qu’elle avait connaissance de l’existence d’une entente entre ses clients et d’autres opérateurs du secteur des produits préfabriqués en béton ni, a fortiori, la volonté d’y participer. Fidal souligne à cet effet que :
- s’agissant de la présentation de 2007, contrairement à ce qu’indiquent les services d’instruction, aucun élément de ce support ne permet de considérer que Fidal ait incité la FIB ou ses adhérents à détruire des éléments de preuve ;
- s’agissant des formations ayant eu lieu entre 2012 et 2014, les services d’instruction n’ont pas critiqué leur contenu, qui relève de l’exercice normal de l’activité d’un cabinet d’avocats ;
- s’agissant des déclarations des anciens salariés de Rector, elles ne se corroborent pas, elles sont imprécises et elles ne sont confirmées par aucun élément au dossier.
600. À titre liminaire, l’Autorité relève que, entre le support de formation de 2007 préparé pour la FIB et les deux déclarations de 2016 évoquant la tenue de formations au sein de Rector en 2014, ne figurent au dossier que des éléments révélant la tenue de formations dont le contenu n’est pas critiqué par les services d’instruction et qui, partant, ne sauraient révéler l’adhésion à une pratique continue de facilitation d’entente qui aurait débuté en 2007 et se serait poursuivie jusqu’en 2014, au sens de la jurisprudence mentionnée aux paragraphes 355 à 358.
601. Ainsi, l’Autorité ne pourra vérifier la compatibilité avec les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce du support de formation de 2007, d’une part, et des déclarations évoquant la tenue de formations en 2014, d’autre part.
602. En premier lieu, compte tenu de la prescription décennale prévue à l’article L. 462-7 du code de commerce, rappelé supra au paragraphe 291, l’Autorité ne peut pas sanctionner une éventuelle pratique anticoncurrentielle démontrée par le support de formation du 22 novembre 2007. Au surplus, l’Autorité note que bien que cette présentation fournisse des conseils précis à une entreprise en vue de la dissimulation de moyens de preuve de comportements potentiellement anticoncurrentiels qui pourraient relever de la qualification de facilitation d’entente ou d’obstruction à la détection de pratiques anticoncurrentielles, il convient de relever qu’elle ne permet pas, à elle seule, de démontrer que Fidal avait effectivement connaissance de l’existence d’une entente entre des entreprises membres de la FIB, au sens de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 366 à 371 ci-avant.
603. En second lieu, s’agissant des déclarations des anciens salariés de Rector, l’Autorité considère qu’elles sont imprécises quant au lieu, à l’identité du formateur et à la date de la tenue des formations alléguées et, qu’en tout état de cause, elles ne permettent pas de démontrer que Fidal avait connaissance de l’entente en cours entre différents acteurs du secteur et qu’elle aurait participé, par son comportement, à la réalisation des objectifs de l’entente.
604. À la lumière de ces éléments, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments de Fidal, il convient de ne pas poursuivre les pratiques visées par le grief 5.
8. SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCEDURE D’OBSTRUCTION
a) Rappel des principes
605. Conformément à l’alinéa 2 du V de l’article L. 464-2 du code de commerce, « lorsqu’une entreprise ou une association d’entreprises a fait obstruction à l’investigation ou à l’instruction, notamment en fournissant des renseignements incomplets ou inexacts, ou en communiquant des pièces incomplètes ou dénaturées, l’Autorité peut, à la demande du rapporteur général, et après avoir entendu l’entreprise en cause et le commissaire du Gouvernement, décider de lui infliger une sanction pécuniaire. Le montant maximum de cette dernière ne peut excéder 1 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. »
606. Conformément à l’alinéa premier du paragraphe I de l’article L. 450-1 du code de commerce « [l]es agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence habilités à cet effet par le rapporteur général peuvent procéder à toute enquête nécessaire à l’application des dispositions des titres II et III du présent livre ».
607. Parmi les mesures d’instruction en cause figurent celles mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 450-3 du code de commerce, qui dispose que « les agents [des services d’instruction de l’Autorité] peuvent exiger la communication des livres, factures et autres documents professionnels et obtenir ou prendre copie de ces documents par tout moyen et sur tout support. Ils peuvent également recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaire au contrôle. »
608. Ainsi que l’Autorité l’a souligné dans sa décision n° 21-D-28624, confirmée par la cour d’appel de Paris625, c’est au regard de l’obligation de répondre activement, diligemment et de bonne foi aux demandes de renseignements qui pèse sur toute entreprise faisant l’objet d’une instruction menée par l’Autorité qu’il convient d’apprécier les manquements constitutifs d’une obstruction.
609. Le deuxième alinéa du V de l’article L. 464-2 précité dispose que l’obstruction peut notamment résulter de la fourniture par l’entreprise de renseignements incomplets ou inexacts, ou de la communication de pièces incomplètes ou dénaturées. La pratique décisionnelle de l’Autorité a relevé que l’énumération des formes d’obstruction dans les dispositions légales n’est pas limitative, mais que l’obstruction au sens de ces dispositions recouvre plus largement tout comportement de l’entreprise tendant, de propos délibéré ou par négligence, à faire obstacle, par quelque moyen que ce soit, au déroulement de l’enquête ou de l’instruction, ou à le retarder626.
610. Ainsi, le refus de communiquer les renseignements ou les documents demandés dans le délai prescrit, de même que l’omission de rectifier une réponse incorrecte ou incomplète, peuvent constituer une obstruction, dès lors que ce refus ou cette omission fait obstacle aux pouvoirs d’enquête dévolus aux agents de l’Autorité.
611. Le Conseil constitutionnel a confirmé cette interprétation de la notion d’obstruction, considérant que « l'obstruction aux mesures d'investigation ou d'instruction s'entend de toute entrave au déroulement de ces mesures, imputable à l'entreprise, qu'elle soit intentionnelle ou résulte d'une négligence »627.
612. Il en est de même en droit de l’Union qui, conformément au I de l’article 23 du règlement n° 1/2003628, sanctionne les infractions d’obstruction commises délibérément ou par négligence. L’analyse de la jurisprudence européenne permet de conclure que ce n’est pas seulement « la volonté d’induire en erreur les enquêteurs » qui est sanctionnée au titre de l’obstruction dans les espèces citées. La négligence de l’entreprise, ou sa passivité, qui est de nature à compromettre l’efficacité de l’action des enquêteurs, peut à elle seule constituer une infraction. Ainsi, le Tribunal de l’Union a jugé, dès 1994, « [qu’e]n raison de l’obligation de collaboration active imposée aux particuliers concernés au cours de la procédure d’enquête préalable, une réaction passive peut justifier, à elle seule, l’adoption d’une décision formelle au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17 [abrogé par le règlement n° 1/2003] »629.
b) Application au cas d’espèce
613. Dans ses observations en réponse à la notification de griefs, Eurobéton indique qu’elle a communiqué une information erronée aux services d’instruction quant à la date à laquelle VAMTAJ a pris le contrôle de la société Eurobéton. La société VAMTAJ a en réalité été créée en décembre 2016 et non pas en septembre 2018 comme indiqué par Eurobéton dans sa réponse au questionnaire du 21 juillet 2021 sur l’imputabilité630.
614. De ce fait, la responsabilité de VAMTAJ en sa qualité de société mère d’Eurobéton aurait dû être retenue pour la période allant du 14 décembre 2016 au 25 octobre 2018 et non pas uniquement pour la période allant de septembre à octobre 2018 comme évoqué dans la notification de griefs. Ainsi, cette information erronée a eu pour conséquence directe la notification du grief à VAMTAJ pour une durée beaucoup plus courte que la durée qui la concernait réellement.
615. Eurobéton n’a corrigé les informations communiquées aux services d’instruction quant à la date de création de la société VAMTAJ que dans ses observations à la notification de griefs et non pas immédiatement après avoir constaté cette erreur.
616. Dans ses observations en réponse au rapport, Eurobéton prétend que cette erreur matérielle a été involontaire et affirme qu’elle l’a corrigée immédiatement, « dès qu’elle s’en est rendu compte » dans le cadre de ses observations en réponse à la notification de griefs. Selon Eurobéton, cette erreur n’aurait pu avoir en pratique aucune conséquence sur l’instruction menée ni sur le montant d’une éventuelle sanction et ainsi, quand bien même la correction aurait été apportée plus tôt, cela n’aurait pas justifié une notification de griefs complémentaire 631.
617. Toutefois, Eurobéton aurait dû immédiatement informer les services d’instruction de l’erreur constatée et, en tout état de cause, avant le dépôt de ses observations en réponse à la notification de griefs. Les services d’instruction n’ont découvert cette rectification qu’à la lecture des observations d’Eurobéton. Toute notification de griefs complémentaire à ce stade avancé de la procédure aurait entrainé un retard important pour l’ensemble des parties du dossier. Eurobéton a ainsi entravé l’efficacité de l’action des services d’instruction et par conséquent de l’Autorité. Dès lors, en communiquant aux services d’instruction une information erronée et en s’abstenant de la corriger en temps utile, Eurobéton a fait obstruction à l’instruction de l’affaire en cours au sens du V de l’article L. 464-2 du code de commerce.
E. SUR L’IMPUTABILITE
1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
a) Sur l’imputabilité d’une pratique à une unité économique
618. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles 101 et 102 du TFUE, ainsi que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, se rapportent aux infractions commises par des entreprises. La notion d’entreprise et les règles qui découlent de cette notion en vertu desquelles le comportement d’une société peut être imputé à une autre société, notamment à sa société mère, relèvent des règles matérielles du droit de la concurrence de l'Union. L’interprétation qu'en donnent les juridictions de l'Union s'impose donc à l'autorité nationale de concurrence et aux juridictions nationales lorsqu'elles appliquent les articles 101 et 102 du TFUE parallèlement aux règles de concurrence internes du code de commerce632.
619. La notion d’entreprise au sens de la jurisprudence de l’Union désigne toute entité qui exerce une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement633. Elle doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales634. C’est cette entité économique qui doit, lorsqu’elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction conformément au principe de responsabilité personnelle635.
b) Sur l’imputabilité en cas de transformation des entreprises
620. Il ressort d’une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit être tenue pour responsable de ces pratiques.
Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n’en continue pas moins de répondre de l’infraction commise.
621. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a commis les pratiques a cessé d’exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l’entreprise a juridiquement été transmise, c’est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l’infraction et, à défaut d’une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle636.
622. De même, en droit de l’Union, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que « lorsque l’entreprise en cause cesse d’exister du fait qu’elle a été absorbée par un acquéreur, ce dernier reprend ses actifs et passifs, y compris ses responsabilités pour cause d’infraction au droit communautaire (…). Dans cette hypothèse, la responsabilité pour l’infraction commise par l’entreprise absorbée peut être imputée à l’acquéreur »637.
c) Sur l’imputabilité au sein d’un groupe de sociétés
623. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités638.
624. Lorsqu’une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve qui démontrent que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère solidairement responsable du paiement de la sanction infligée à sa filiale639.
625. En outre, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 18 octobre 2017, le fait qu'une entreprise soit une holding non opérationnelle assurant une direction financière, en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe, ne suffit pas à exclure l'exercice d'une influence déterminante sur ses filiales et la non-immixtion de la holding dans les activités de la filiale ne suffit pas à renverser cette présomption640.
626. Si en revanche une société mère ne détient pas, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il est nécessaire de vérifier que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et, en particulier, un pouvoir de direction sur celle-ci641. Dans un tel cas, il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents propres aux circonstances de l’espèce, relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère, afin d’établir si une filiale détermine de façon autonome ou non son comportement sur le marché, tels que les liens capitalistiques, l’identité des dirigeants, l’existence d’un pouvoir de décision de la société mère sur sa filiale, les instructions, directives ou sujétions imposées à la filiale, ou encore la définition de la stratégie commerciale par la société mère642.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
a) Imputabilité des pratiques à KP1
627. Il y a lieu de retenir, en tant qu’auteure des pratiques, la responsabilité de KP1 SAS au titre des griefs 1, 2 et 4, et celle de KP1 Bâtiments au titre du grief 3643.
628. En outre, la responsabilité de la société KP1 SAS, doit être retenue au titre du grief 3, en sa qualité de société mère détenant la totalité du capital de KP1 Bâtiments et présumée, dès lors, avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et des filiales de cette dernière pendant la période de commission des pratiques644.
629. De même, la responsabilité de la société KP1 Services doit être retenue au titre de ces quatre griefs en tant que société mère de KP1 SAS et KP1 Bâtiments et présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de celles-ci pendant la période de commission des pratiques645.
630. Enfin, la responsabilité de la société K Alpha SA, société de droit luxembourgeois, doit également être retenue au titre des quatre griefs en sa qualité de société mère faîtière détenant indirectement la totalité du capital de la société KP1 Services et présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales pendant la période de commission des pratiques646. Pour ces mêmes raisons, la responsabilité de la société K Alpha 1 SARL, société créée à la suite d’une restructuration le 5 septembre 2018 et contrôlant à compter de cette date la société K Alpha SA par la détention de la totalité ou quasi-totalité du capital de cette dernière, sera retenue en tant que société mère faîtière du 5 septembre 2018 jusqu’à la fin de la période de commission des pratiques au titre des griefs 1, 2 et 3647.
631. KP1 ne formule pas de contestation à ce sujet.
b) Imputabilité des pratiques à Rector
632. Il y a lieu de retenir, en tant qu’auteures des pratiques, la responsabilité de Rector Lesage au titre du grief 1 et celle de Rector Lesage et Planchers Fabre au titre du grief 2648.
633. En outre, la responsabilité de la société Rector Lesage doit être retenue au titre du grief 2 en tant que société mère de Planchers Fabre et présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de celle-ci pendant la période de commission des pratiques.
634. Entre 2008 et 2013, le capital de la société Rector Lesage était détenu à 99,97 % par la société Lesage Industrie du Béton. De 2013 à 2018, cette participation était ramenée à 88,18 % du capital, la part restante étant détenue par la société Basaltes SA, sans que cette participation confère à cette dernière de droits lui permettant d’exercer une influence déterminante sur Rector Lesage649.
635. Par conséquent, la responsabilité de la société Lesage Industrie du Béton doit également être retenue au titre des griefs 1 et 2, en sa qualité de société mère faîtière présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales pendant la période de commission des pratiques.
636. Le groupe Rector ne formule aucune contestation à ce sujet.
c) Imputabilité des pratiques à A2C
637. Il y a lieu de retenir, au titre du grief 1, la responsabilité de la société A2C Préfa en tant qu’auteure des pratiques.
638. Il ressort des éléments communiqués par l’entreprise que depuis 2008, le capital de la société A2C Préfa est principalement détenu par Monsieur X..., avec une participation fluctuant entre 35 % et 38,083 %, et par la société A2C Matériaux avec une participation variant de 34,7 à 47,9 %, société elle-même contrôlée par les membres de la famille X…, dont Monsieur X..., qui détient une participation fluctuant entre 48,9 % et 49,5 %650.
639. En outre, quant à la société A2C Matériaux, si celle-ci ne détient pas la totalité ni même la majorité du capital d’A2C Préfa, ces deux sociétés sont toutefois dirigées par la même personne, Monsieur X..., directeur général de A2C Préfa et président du directoire de A2C Matériaux SA puis, à partir de 2012, directeur général de A2C Matériaux SAS. Monsieur X... détient lui-même une importante participation, de l’ordre de 49 %, dans le capital social d’A2C Matériaux. Eu égard aux principes rappelés au paragraphe 626 ci-avant, il y a lieu de considérer que la société A2C Matériaux a exercé une influence déterminante sur A2C Préfa et de retenir, par conséquent, sa responsabilité au titre du grief 1 pendant la période de commission des pratiques.
640. Les sociétés du groupe A2C ne contestent pas ce point.
d) Imputabilité des pratiques à Soprel
641. Il y a lieu de retenir, au titre du grief 1, la responsabilité de la société Groupe Soprel en tant qu’auteure des pratiques.
642. En outre, la responsabilité de la société Soprel Group Entreprises, société holding détenant la totalité du capital de sa filiale, doit être retenue en tant que société mère présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de celle-ci pendant la période de commission des pratiques.
643. Les sociétés du groupe Soprel ne contestent pas ce point.
e) Imputabilité des pratiques à SEAC
644. Il y a lieu de retenir, au titre du grief 1, la responsabilité de la société SEAC, en tant qu’auteure des pratiques pour toute la période de commission de celles-ci.
645. En outre, la responsabilité de la société SOFIB, qui détient la quasi-totalité du capital de SEAC, sera retenue en tant que société mère présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de celle-ci pendant la période de commission des pratiques.
646. Les sociétés du groupe SEAC ne contestent pas ce point.
f) Imputabilité des pratiques à SLM
647. Il y a lieu de retenir, au titre du grief 1, la responsabilité de la société Saint-Léonard Matériaux, en tant qu’auteure, pour sa participation à la commission des pratiques.
648. En outre, la responsabilité de la société Groupe Saint-Léonard, qui détenait directement la totalité du capital social de la société Saint-Léonard Matériaux sera retenue en tant que société mère présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de celle-ci à partir de 2012.
649. Les sociétés Groupe Saint-Léonard et Saint-Léonard Matériaux ne contestent pas ce point.
g) Imputabilité des pratiques à Strudal
650. Il y a lieu de retenir, au titre des griefs 1 et 3, la responsabilité de la société Strudal en tant qu’auteure.
651. En outre, il est constant que pendant la durée des pratiques, le capital social de Strudal était détenu à hauteur de 68 % par la société DAL Industries SAS, devenue à partir de 2016 DAL Industries Sprl, société de droit belge, et à hauteur de 31 % par Y..., gérant de DAL Industries Sprl et propriétaire de 96 % des parts sociales de cette dernière651. Eu égard à la détention majoritaire du capital de Strudal par la société DAL Industries Sprl et à la détention, indirecte, de la quasi-totalité de ce capital par une même personne physique, elle-même gérante de cette société mère, il est permis de considérer que la société DAL Industries Sprl a exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques. La responsabilité de cette société sera par conséquent retenue au titre des griefs 1 et 3.
652. Ce point n’est pas contesté par Strudal.
h) Imputabilité des pratiques à FB
653. Il y a lieu de retenir, au titre du grief 1, la responsabilité de la société FB Groupe France (anciennement Echo France, jusqu’en mai 2018) en tant qu’auteure.
654. En outre, la société Industry Partner, société de droit luxembourgeois, a acquis la totalité du capital d’Echo France en 2013. Elle est donc présumée avoir exercé une influence déterminante sur Echo France, renommée FB Groupe France, pendant la période de commission des pratiques. Sa responsabilité sera par conséquent retenue en qualité de société mère652.
655. Les sociétés du groupe FB émettent, dans leurs observations à la notification de griefs, des objections quant au choix des services d’instruction d’imputer les pratiques à certaines sociétés du groupe. Ces objections se rapportent toutefois à des circonstances antérieures au début des pratiques retenues dans la présente décision à l’encontre de FB et n’ont dès lors pas à être examinées653.
i) Imputabilité des pratiques à IB
656. Il y a lieu de retenir, au titre du grief 1, la responsabilité de la société L’Industrielle du Béton SAS en tant qu’auteure des pratiques.
657. En outre, la responsabilité de la société CRH France, qui détenait au cours de la période de commission des pratiques la totalité du capital social de la société L’Industrielle du Béton, doit être retenue en tant que société mère présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de cette dernière.
658. Pour ces mêmes raisons, la responsabilité de la société CRH plc., société de droit irlandais, qui détenait pendant la période de commission de pratiques la totalité ou quasi-totalité du capital de CRH France par le biais de plusieurs sociétés interposées, sera retenue en qualité de société mère faîtière présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, L’Industrielle du Béton654.
659. Ce point n’est pas contesté.
j) Imputabilité des pratiques à Eurobéton
660. Il y a lieu de retenir, au titre du grief 3, la responsabilité de la société Eurobéton, en tant qu’auteure des pratiques.
661. La société Eurobéton a été acquise en novembre 2013 par la société PBM Groupe, dont le capital était entièrement détenu par la société JAV Investissement. Entre 2013 et 2018, la part de PBM Groupe dans le capital social d’Eurobéton a fluctué entre [90 - 100% ]
662. Depuis le 6 décembre 2016, le capital de la société JAV Investissement est détenu en totalité par la société VAMTAJ, société de droit luxembourgeois.
663. Les parties entendent renverser la présomption d’influence déterminante, afin de contester l’imputabilité des pratiques à JAV Investissement et à VAMTAJ. Elles soutiennent ainsi qu’Eurobéton est dirigée en réalité par la société TNA Conseil, en particulier par son gérant, Monsieur W..., en vertu d’une « convention de direction et de management » signée entre TNA Conseil et la société PBM Groupe. Aux termes de cette convention, [confidentiel]
664. Les parties font valoir par ailleurs qu’Eurobéton n’a aucun dirigeant commun avec JAV Investissement et ne serait incluse dans le périmètre de consolidation de VAMTAJ que depuis le 30 septembre 2018655. Elles avancent aussi que VAMTAJ est une société holding financière dont la finalité se limite à la gestion patrimoniale au profit de son actionnaire656.
665. Ces arguments seront écartés.
666. En premier lieu, il ressort d’une jurisprudence constante, rappelée au paragraphe 625 ci- avant, que le fait qu’une entreprise soit une holding non opérationnelle qui assure une direction financière en coordonnant, notamment, les investissements financiers au sein du groupe, ne suffit pas à exclure l’exercice d’une influence déterminante sur ses filiales. De même, la non-immixtion de cette holding dans les activités de la filiale ne suffit pas à renverser cette présomption. La diversité des activités, la configuration du groupe et l’éloignement géographique de la société mère sont, quant à elles, sans pertinence à la lumière de cette jurisprudence657.
667. En second lieu, les termes exacts de la « convention de direction et de management » contredisent les arguments des parties. Il ressort en effet de cette convention que [confidentiel]658.
668. Les parties font valoir qu’en l’espèce, [confidentiel]
669. Au contraire, il se déduit des termes de la convention que la société TNA Conseil, [confidentiel] L’argument des parties sur ce point revient à affirmer en effet que TNA Conseil devrait respecter une politique qu’elle fixe elle-même.
670. Au demeurant, la « convention de direction et de management » produite aux débats date du [confidentiel] et n’est donc pas pertinente pour apprécier l’influence déterminante au sein du groupe pour toute la période antérieure.
671. Par conséquent, les arguments avancés par les parties ne suffisent pas à renverser la présomption selon laquelle les sociétés JAV Investissement et VAMTAJ ont exercé pendant la période de commission des pratiques une influence déterminante sur le comportement de la société Eurobéton, dont elles détenaient indirectement la totalité du capital.
672. La responsabilité de JAV Investissement sera donc retenue pour toute la période de commission des pratiques, et celle de VAMTAJ pour la période qui s’étend du 6 décembre 2016 au 5 octobre 2018.
k) Imputabilité des pratiques à SPL
673. Il y a lieu de retenir, au titre du grief 4, la responsabilité de la Société de Préfabrication de Landaul, en tant qu’auteure des pratiques. La société ne conteste pas cette conclusion.
F. SUR LES SANCTIONS PECUNIAIRES
674. Seront successivement abordés les principes relatifs à la détermination des sanctions (1), la détermination du montant de base de la sanction (2), les éléments d’individualisation de la sanction (3) et les ajustements finaux (4).
1. LES PRINCIPES RELATIFS A LA DETERMINATION DES SANCTIONS
a) Le droit applicable
675. Les dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce et de l’article 5 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002659 habilitent l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE.
676. Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit que « [l]es sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. »
677. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante. »
b) Sur l’application du communiqué sanctions du 30 juillet 2021
678. L’Autorité apprécie les critères légaux de calcul des sanctions selon les modalités décrites dans son communiqué du 30 juillet 2021 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après « le communiqué sanctions »), à moins « [qu’]après une analyse globale des circonstances particulières de l’espèce, notamment au regard des caractéristiques des pratiques en cause, de l’activité des parties concernées et du contexte économique et juridique de l’affaire, ou pour des raisons d’intérêt général, [elle ne décide] de s’en écarter, en motivant ce choix »660.
679. KP1, Rector, Soprel et Strudal soutiennent que le communiqué sanctions ne doit pas s'appliquer, eu égard au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
680. En particulier, Rector, s’appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015661, soutient que le communiqué sanctions ne peut être appliqué que s’il s’inscrit dans le cadre légal existant, s’il ne modifie pas et se borne à expliciter à droit constant la méthode suivie par l’Autorité pour mettre en œuvre les critères fixés par l’article L. 464-2 du code de commerce et s’il ne permet pas de supposer qu’une aggravation des sanctions découlera automatiquement de sa mise en œuvre. Or pour Rector, ces trois conditions ne sont pas remplies.
681. Premièrement, Rector fait valoir que le communiqué sanctions ne s’inscrit pas dans le cadre légal existant, parce qu’il résulte de dispositions législatives662 adoptées postérieurement à la commission des pratiques constatées et qualifiées dans la notification de griefs. Rector considère que ce cadre légal comporte, à travers les modifications apportées à l’article L. 464-2 du code de commerce, des modifications substantielles quant aux critères de détermination du montant des sanctions pécuniaires, en particulier l’introduction de la durée de l’infraction comme critère à part entière de cette détermination, la suppression de la notion de dommage causé à l’économie, et l’instauration d’un nouveau plafond légal de sanction pour les associations d’entreprises.
682. Deuxièmement, le communiqué sanctions prévoirait, pour le calcul des sanctions, des changements de méthode susceptibles d’affecter substantiellement à la hausse le montant des sanctions encourues, notamment un « droit d’entrée » ou « ticket d’entrée » additionnel de 15 % à 25 % de la valeur des ventes.
683. Troisièmement, au regard d’une simulation comparative des amendes encourues en application du communiqué sanctions ou de la version précédente dudit communiqué, Rector conclut que le montant de base de la sanction serait doublé dans le premier cas.
684. Les autres entreprises qui contestent l’application du communiqué sanctions avancent des arguments analogues. KP1, pour sa part, souligne que l’introduction du « ticket d’entrée » et la prise en compte de la durée pour le calcul des amendes conduisent à « une aggravation automatique et considérable » du montant de la sanction encourue, alors même qu’elles n’étaient « absolument pas prévisibles » au moment de la commission des infractions. Soprel invoque cette même absence de prévisibilité pour soutenir qu’appliquer le communiqué sanctions porterait en outre une atteinte aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique.
685. Aussi plusieurs principes, en particulier celui de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, devraient-ils conduire selon les mises en cause à écarter l’application du communiqué sanctions au profit de sa version de 2011.
686. Ces arguments seront rejetés.
687. À titre liminaire, il convient de rappeler que la loi confère à l’Autorité un large pouvoir d’appréciation lui permettant de déterminer au cas par cas, en vertu de l’exigence légale d’individualisation et conformément au principe de proportionnalité, les sanctions pécuniaires qu’elle prononce en application des critères prévus, conformément au principe de légalité des délits et des peines, par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce. La loi encadre ce pouvoir en prévoyant un montant maximal de sanction. Depuis la loi du 15 mai 2001663, ce plafond est établi, pour une entreprise, à « 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ». Il n’a pas évolué depuis la date des pratiques.
688. L’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 a conduit à la modification de certains critères légaux prévus par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce664. Ainsi, le critère de la durée de l’infraction a été explicitement introduit, tandis que celui relatif à l’importance du dommage à l’économie a été supprimé. En revanche, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires n’a pas été modifié. Dans ces conditions, et les nouveaux critères légaux n’étant pas plus sévères que les anciens, l’article 6 de l’ordonnance a pu prévoir que ces modifications sont applicables aux procédures pour lesquelles des griefs ont été notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance665.
689. La mise en œuvre de l’article L. 464-2 du code de commerce conduit l’Autorité à faire état, dans ses décisions imposant des sanctions, des principaux éléments pris en considération pour les déterminer, ce qui contribue à assurer la transparence sur la façon dont l’Autorité exerce son pouvoir d’appréciation au cas par cas. Cette motivation est nécessairement liée au contexte et aux faits propres à chaque espèce, et ne saurait préjuger de la façon dont l’Autorité peut être conduite à déterminer les sanctions pécuniaires dans d’autres affaires666.
690. Dans ce contexte, et afin de préciser la façon dont elle exerce son pouvoir de sanction en application des critères prévus par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce tel que modifié par l’ordonnance n° 2021-649, l’Autorité a adopté, le 30 juillet 2021, un communiqué de procédure sur la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, en remplacement de l’ancien communiqué en date du 6 mai 2011. Ce dernier était devenu sans objet du fait de la suppression dans la loi des critères dont il explicitait l’application (notamment le critère relatif à l’importance du dommage à l’économie). L’Autorité a ainsi logiquement appliqué le nouveau communiqué sanctions aux affaires dans lesquelles les nouveaux critères légaux étaient applicables, à savoir celles dans lesquelles les griefs ont été notifiés après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-649667.
691. Par ailleurs, il convient de relever que les communiqués sanctions adoptés par l’Autorité ne peuvent pas être considérés comme des textes à valeur normative et donc comme une loi pénale. Dans le nouveau communiqué sanctions, l’Autorité indique à cet égard que celui-ci revêt le caractère de lignes directrices au sens de la jurisprudence administrative668. En effet, ce nouveau communiqué, comme celui de 2011, se borne, dans un souci de transparence, à préciser par avance, et sous réserve de l’examen concret des circonstances propres à chaque cas d’espèce, les modalités concrètes selon lesquelles l’Autorité entend faire usage du pouvoir d’appréciation qui lui a été confié par la loi pour déterminer, en vertu des dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, sous le contrôle des juridictions, les sanctions qu’elle impose669.
692. Toutefois, l’Autorité rappelle que les différentes étapes de cette méthode structurent la façon dont elle exerce son pouvoir d’appréciation, sans se substituer à l’examen spécifique auquel elle procède dans chaque affaire, en fonction des circonstances propres à celle-ci et conformément à l’exigence légale d’individualisation. Si le communiqué sanctions permet, entre autres, à tous les acteurs économiques d’anticiper les risques financiers associés à la commission d’infractions, il n’est ni possible, ni souhaitable, tant du point de vue de l’Autorité que dans l’intérêt des entreprises et des associations d’entreprises concernées, de concevoir un barème automatique permettant de prévoir par avance le montant précis des sanctions encourues. Le montant applicable à chaque espèce donne lieu à une décision spécifique, qui tient compte de l’ensemble des motifs pertinents de la décision concernée et du contexte de l’affaire en cause670.
693. De plus, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne s’oppose pas à ce que l’Autorité adapte sa méthode de calcul de sanction à une évolution législative ou aux besoins de l’application efficace des règles de concurrence671. Ainsi, dans un arrêt du 4 juillet 2019, la cour d’appel de Paris a décrit la finalité du communiqué sanctions en ces termes :
« Le communiqué sanctions, qui vise à accroître la transparence, en faisant connaître par avance la façon concrète dont l’Autorité exerce son pouvoir de sanction, a notamment pour finalité de donner de la prévisibilité aux sanctions encourues par les entreprises et, ainsi, de renforcer leur caractère dissuasif, mais (…) il n’instaure aucun montant particulier ou aucune fourchette de sanction. »
« Or, ainsi que l’ont jugé la Cour de justice, dans son arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, point 228), et le Tribunal de l’Union, dans l’arrêt Archer Daniels Midland/Commission (point 48), les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières. »
« Il s’ensuit que l’application par l’Autorité, dans la décision attaquée, des règles d’analyse énoncées par le communiqué sanctions ne constitue pas une violation du principe de non- rétroactivité des sanctions punitives et que les moyens sont rejetés.672 »
694. Il résulte de ce qui précède que l’application du nouveau communiqué sanctions ne saurait constituer une modification de l’exercice du pouvoir de sanction de l’Autorité qui ne serait pas raisonnablement prévisible.
695. En tout état de cause, l’adoption du nouveau communiqué sanctions ne constitue pas une rupture brutale et imprévisible de la pratique antérieure, ni de la politique générale de concurrence de l’Autorité en matière d’amendes. Au contraire, il importe de souligner la continuité évidente, malgré la modification des critères légaux de la sanction (suppression du dommage à l’économie, introduction explicite du critère de durée), entre la méthodologie du communiqué sanctions de 2011 et celui de 2021, qui repose sur les mêmes grandes étapes : calcul d’un montant de base qui est une proportion de la valeur des ventes en lien avec l’infraction, application à ce montant d’un coefficient tenant compte de la gravité et de la durée des pratiques, appréciation d’éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes et des autres éléments d’individualisation, prise en compte de la réitération, et ajustements finaux. Ainsi, comme la Cour de cassation l’a déjà jugé, dans la mesure où le nouveau communiqué ne marque pas une rupture brutale et imprévisible avec la pratique antérieure, les moyens tirés de la violation de la légalité des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne sauraient être fondés673.
696. Il convient en outre de relever que le communiqué sanctions du 16 mai 2011674, comme le communiqué sanctions actuel675, prévoit la possibilité pour l’Autorité de s’écarter de la méthode exposée au regard des circonstances spécifiques de l’espèce, en motivant ce choix. Les méthodes de calcul préconisées par ces communiqués ne sont dès lors pas d’application systématique, et l’adoption du communiqué sanctions ne saurait constituer une rupture dans la politique de sanctions conduite par l’Autorité.
697. Dans ce contexte, les entreprises mises en cause savaient que la commission de pratiques anticoncurrentielles leur faisait encourir une sanction pouvant aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial consolidé. Les évolutions du communiqué sanctions intervenues par la suite, alors même que l’infraction se poursuivait, n’ont pas conduit à remettre en cause ce plafond consacré par le législateur, que ce soit au niveau national qu’européen.
698. Il en résulte que l’application du communiqué sanctions n’est pas susceptible de porter atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Il convient donc d’apprécier les critères légaux selon les modalités pratiques qui y sont décrites. Conformément au point 19 du communiqué sanctions, seront successivement abordés la détermination du montant de base de la sanction pécuniaire, les éléments d’individualisation de ce montant et ses ajustements finaux.
c) Sur le prononcé d’une sanction unique
699. Il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité que lorsque plusieurs griefs ont été notifiés, l’Autorité peut imposer à chaque entreprise mise en cause plusieurs sanctions correspondant à plusieurs infractions676, en déterminant chacune d’elles en fonction des critères prévus par le code de commerce677.
700. L’Autorité peut aussi infliger à chaque entreprise mise en cause une sanction unique correspondant à plusieurs infractions, « eu égard à l’identité ou à la connexité des secteurs ou des marchés en cause, d’une part, et à l’objet général des pratiques, d’autres part »678. Le recours à cette possibilité n’est cependant pas automatique, mais demeure une faculté. Dans un arrêt du 16 novembre 2023, la cour d’appel a ainsi rappelé que « s’il est loisible à l'Autorité d'infliger une seule sanction au titre de plusieurs infractions, nonobstant les différences relatives à leur durée, leur gravité ou les dommages qui en résultent, eu égard à l'identité ou à la connexité des secteurs ou des marchés en cause et à l'objet général des pratiques, aucun texte ne l'y oblige pour autant »679.
701. À titre illustratif, dans la décision n° 16-D-17 du 21 juillet 2016, l’Autorité a justifié l’application de cette méthode en soulignant que les griefs notifiés « visent des pratiques mises en œuvre [sur le même marché] tant au stade de la vente de gros qu’à celle de détail, et sur la même période. Cette identité des périodes, des marchés et de l’objet général poursuivi par les différentes ententes empêche de distinguer les effets potentiels ou réels produits sur le marché par l’une et l’autre de ces infractions et d’apprécier séparément le dommage causé à l’économie par chacune des pratiques »680.
702. Dans le cas d’espèce, il a été démontré, d’une part, que plusieurs entreprises mises en cause ont pris part à des pratiques formant une infraction unique et continue, dont le plan d’ensemble était élaboré au niveau national par KP1, Rector et SEAC et dont la mise en œuvre était pilotée également au niveau national par ces trois entreprises. Cette entente, visée par le premier grief, avait pour objet de fausser la concurrence sur le marché des produits préfabriqués en béton vendus aux entreprises de construction, grâce à la mise en place de grilles de prix minimums, à l’établissement de quotas de volumes par entreprise et à des répartitions de chantiers.
703. Il a également été démontré, d’autre part, qu’une entente a été mise en œuvre dans le cadre de réunions menées au niveau national entre les directions de KP1, Rector et SEAC et au niveau des régions depuis 2011, à travers des échanges portant sur les prix nets de produits préfabriqués en béton et sur certaines conditions commerciales accordées aux négoces, sur les volumes des ventes aux négoces, ainsi que sur la répercussion des hausses de tarifs sur les prix pratiqués auprès des CMI. Les échanges ont eu lieu entre les directions de KP1, Rector et SEAC à l’occasion de réunions – parfois en marge des réunions du GIE ThermoPrédalle – ou de discussions téléphoniques. La mise en œuvre des décisions prises à l’échelon national était en outre assurée par les directions régionales.
704. Ces pratiques, objet du deuxième grief, présentent le caractère d’un accord ayant un objet anticoncurrentiel, étant rappelé, ainsi qu’il a été indiqué au paragraphe 524, que les pratiques pouvant être établies à l’égard de SEAC sont prescrites.
705. Ces deux ensembles de pratiques présentent des similitudes, eu égard à leurs objectifs anticoncurrentiels et à leurs méthodes de mise en œuvre. Ils se caractérisent tous deux par un pilotage à l’échelon national par trois entreprises, KP1, Rector et SEAC et une déclinaison sur le territoire par les directions régionales de ces mêmes entreprises. Ils présentent aussi une similitude tenant à la durée – telle qu’elle a pu être établie en l’espèce – et à la fréquence des échanges en cause, ainsi qu’à l’importance des réunions du GIE ThermoPrédalle pour leur réalisation. Enfin, les secteurs ou marchés auxquels les pratiques se rapportent présentent un lien de connexité qui tient à la nature des produits en cause, c’est-à-dire des produits préfabriqués en béton destinés aux entreprises de construction, dans le premier cas, et aux négoces et CMI, dans le second.
706. Pour toutes des raisons, il apparaît justifié de prononcer une sanction unique au titre des griefs 1 et 2.
707. En revanche, les griefs 3 et 4 feront chacun l’objet de sanctions distinctes, dès lors que l’objet général, les modalités de mise en œuvre et l’identité des entreprises participantes diffèrent significativement de ceux des griefs 1 et 2.
2. LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE DE LA SANCTION
708. Le communiqué sanctions énonce au point 20 que « le montant de base de la sanction est déterminé par une proportion de la valeur des ventes du ou des produit(s) ou service(s) en relation avec l’infraction (1), et est fonction de l’appréciation portée par l’Autorité sur la gravité des faits (2) et de la durée de l’infraction (3). »
709. Seront successivement abordés :
– la valeur des ventes ;
– la gravité des pratiques ;
– la durée des pratiques.
a) La valeur des ventes
710. Aux termes du point 22 du communiqué sanctions, « la référence prise par l’Autorité est la valeur de l’ensemble des catégories de produits ou de services en relation directe ou indirecte avec l’infraction, vendues par l’entreprise ou l’association d’entreprises concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, sous réserve du point 25 […]. La qualification de l’infraction ou des infractions effectuée par l’Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. »
711. Le communiqué sanctions précise en outre au point 25 que « [d]ans les cas où elle considère que le dernier exercice comptable complet de participation à l’infraction ne constitue manifestement pas une référence représentative, l’Autorité retient un exercice qu’elle estime plus approprié, ou une moyenne d’exercices, en motivant ce choix ».
712. Dans un arrêt du 19 juillet 2018, la cour d’appel de Paris a considéré que « dès l’instant où une catégorie de produits ou de services est "en relation avec l’infraction", la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. […] Il n’est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l’infraction pour pouvoir prendre en compte leur vente »681. La Cour de cassation a confirmé cette position dans un arrêt du 22 septembre 2021, précisant que « les ventes en relation avec l’infraction, au sens du communiqué, sont les ventes réalisées sur le marché sur lequel les pratiques en cause […] ont été établies, affectant ainsi le fonctionnement de la concurrence sur ce marché »682. Cette approche est également celle qu’adopte le juge de l’Union683.
713. En outre, il ressort de la pratique décisionnelle, confirmée par la jurisprudence de la cour d’appel de Paris684, que lorsque l’Autorité décide de prononcer une sanction unique correspondant à plusieurs infractions, elle peut prendre en considération comme assiette du montant de base une seule et même valeur des ventes en relation avec l’ensemble des pratiques en cause.
Griefs 1 et 2
714. Comme cela a été indiqué au paragraphe 704 ci-dessus, l’Autorité a fait le choix de prononcer une sanction unique au titre des griefs 1 et 2 en raison des similitudes des pratiques visées quant à leurs objectifs anticoncurrentiels et à leurs méthodes de mise en œuvre. Il convient donc d’identifier les ventes en relation avec ces deux infractions.
715. Le grief 1 porte sur un ensemble de pratiques comprenant la fixation en commun des prix de vente des produits préfabriqués en béton, ainsi que la répartition de parts de marché (répartition des clients et/ou des volumes des clients) pour ce qui concerne les entreprises de construction.
716. Plusieurs entreprises soulignent que, d’après les pratiques constatées, les produits concernés par l’entente au titre du premier grief sont les dalles alvéolées et les prédalles et estiment que, par conséquent, les ventes à prendre en compte devraient se limiter à celles de ces deux produits aux entreprises de construction.
717. A2C estime que sa participation à l’infraction a été « strictement limitée » aux prédalles et, dans une moindre mesure, aux dalles alvéolées. Selon elle, seule la valeur des ventes relatives à ces produits devrait donc être prise en compte, au risque de conduire à une sanction disproportionnée au regard de la participation modérée d’A2C.
718. Soprel rejoint A2C dans cet argument, affirmant que seule devrait être prise en compte la valeur des ventes relatives aux prédalles, ainsi qu’aux dalles alvéolées de 1,20 m, qui constituent le standard du marché, [confidentiel] et pour lesquelles par conséquent aucune pratique anticoncurrentielle n’a pas pu être commise. Elle fait valoir que toutes les autres marchandises ou prestations qu’elle vend, aux entreprises de construction ou autres clients, sont [confidentiel] et sont en tout cas en dehors du champ du grief.
719. Strudal ajoute que, pour sa part, elle ne produit que des dalles alvéolées et des charpentes, de telle sorte qu’aucune valeur des ventes ne pourrait être retenue s’agissant des prédalles.
720. SLM fait valoir en outre que sa participation aux pratiques s’est limitée à la vente d’un seul produit, les prédalles, et ce dans la seule région, l’Ile-de-France. Elle considère que les ventes à ses filiales SPS685 (qui fabrique des poutres et des murets) et CDLP686 (qui est active uniquement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes) ne doivent pas être prises en compte.
721. FB affirme que sa valeur des ventes en relation directe ou indirecte avec l’infraction ne concerne qu’un produit, les dalles alvéolées, et une seule région, l’Ile-de-France, où elle n’est active que de manière accessoire (environ [10-20] % des dalles commercialisées, en volume). Rappelant qu’elle est essentiellement active dans le Nord-Est de la France, région non concernée par l’infraction, elle invite l’Autorité à écarter de l’assiette du montant de base de la sanction toutes les ventes qu’elle a réalisées dans cette région et en tout cas dans toutes les régions autres que l’Ile-de-France. Elle conclut que ne pas circonscrire la valeur des ventes à l’Ile-de-France serait excessivement pénalisant au regard de sa faible participation à l’infraction, et qu’au contraire, ajuster cette valeur aux produits effectivement concernés par la pratique serait de nature à refléter l’activité réelle de FB en lien avec celle-ci.
722. Il convient de rappeler que ce grief se rapporte à une infraction unique et continue. Or, ainsi que l’Autorité l’a rappelé notamment dans la décision n° 23-D-08 précitée, se référant à la jurisprudence nationale et européenne687, « le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé doit seulement être pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination de l’amende »688. Les arguments de certaines entreprises sur leur moindre participation sont donc sans pertinence pour le choix de la valeur des ventes à retenir.
723. Compte tenu de la nature des pratiques visées par ce grief, l’Autorité considère que les catégories de produits en relation directe ou indirecte avec l’infraction au sens du communiqué sanctions, et dont les ventes sont donc à inclure dans l’assiette du montant de base, sont les dalles alvéolées et les prédalles.
724. Ainsi qu’il a été relevé aux paragraphes 496 et 500, la participation individuelle d’A2C et de SLM n’est pas établie entre le 12 février 2016 et le 12 novembre 2017 et entre le 11 février 2016 et le 21 juin 2018, respectivement. Pour ces deux entreprises, l’exercice comptable de référence à prendre en compte pour la valeur des ventes est donc l’exercice 2015. Pour toutes les autres entreprises, le dernier exercice comptable complet de participation aux pratiques correspond à l’année 2017.
725. L’Autorité apporte les précisions suivantes quant à la valeur des ventes à prendre en compte.
726. Premièrement, s’agissant de Rector, il ne sera pas tenu compte des ventes de sa filiale Planchers Fabre, dont il s’avère qu’elle ne vend pas de prédalles ou de dalles alvéolées aux entreprises de construction.
727. Deuxièmement, s’agissant de SLM, il ne sera pas tenu compte des ventes de ses filiales Comptoir de la Préfabrication (CDLP) et Structures Préfabrications Services (SPS), dont la participation individuelle au grief n’est pas établie, ainsi qu’il a été observé au paragraphe 499.
728. Troisièmement, s’agissant de FB, il sera tenu compte de ses ventes de prédalles et dalles alvéolées à l’échelle nationale, le caractère régional de sa participation pouvant être pris en considération au titre de l’individualisation de la sanction.
729. Le grief 2 porte sur des accords et pratiques concertées relatifs aux prix des produits vendus aux constructeurs de maisons individuelles (CMI) et aux négoces. Les ventes à prendre comme référence sont celles des produits préfabriqués en béton vendus à ces deux catégories de clients. Le dernier exercice comptable complet de participation aux pratiques correspond, pour toutes les entreprises concernées, à l’année 2017.
730. La valeur des ventes prise en compte pour ces deux griefs s’établit comme suit :
731. Le grief 3 porte sur des accords et pratiques concertées ayant pour objectif une coordination des politiques tarifaires et une répartition des appels d’offres relatifs à la charpente en béton. La valeur des ventes à prendre en considération est donc le chiffre d’affaires annuel réalisé pour la vente de charpentes en béton par chaque entreprise ayant pris part aux pratiques.
732. Eurobéton conteste le choix de l’année 2017 comme référence de la valeur des ventes à retenir (plus précisément, dans son cas, de l’exercice comptable s’étendant du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017), soulignant qu’aucune participation aux pratiques ne peut lui être reprochée au-delà d’octobre 2013. Or, comme cela a été indiqué au paragraphe 578, la participation d’Eurobéton aux pratiques visées par le grief 3 est établie jusqu’au 3 octobre 2018. Dès lors, l’Autorité prendra en compte l’exercice qui s’étend du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017.
733. Pour KP1, le dernier exercice complet de participation aux pratiques est l’exercice 2017. 734. Quant à Strudal, les deux périodes distinctes pendant lesquelles sa participation est établie ne couvrent pas exactement, l’une comme l’autre, un exercice comptable complet. Dès lors, conformément au point 25 du communiqué sanctions, l’Autorité prendra comme référence un exercice qu’elle estime suffisamment représentatif. La deuxième période de participation de Strudal s’étend en l’espèce du 26 janvier 2017 au 5 mars 2018. L’exercice 2017, au cours duquel la participation de l’entreprise est établie pour plus de onze mois, apparaît donc comme une référence appropriée pour la valeur des ventes.
735. La valeur des ventes relatives aux charpentes en béton est présentée ci-dessous.
736. Le grief 4 porte sur des pratiques d’entente relatives notamment à la tarification et à la fixation des prix des produits préfabriqués en béton. Eu égard aux caractéristiques de l’entente et au fait que l’infraction portait uniquement sur les prémurs, l’Autorité prendra comme référence de la valeur des ventes le chiffre d’affaires réalisé par les deux entreprises visées par le grief pour la vente de prémurs en France.
737. Compte tenu de la date de fin des pratiques constatées, le 15 décembre 2017, soit la date de résiliation du contrat entre les deux entreprises, la valeur des ventes pertinente est celle qui se réfère à l’exercice clos le 31 décembre 2016.
b) La gravité des pratiques
738. Aux termes du communiqué sanctions, l’Autorité apprécie la gravité des faits « de façon objective et concrète, au vu de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce »689. Pour ce faire, l’Autorité peut notamment tenir compte, en fonction de leur pertinence, des éléments énumérés de manière non limitative au point 28 du communiqué sanctions, parmi lesquels figurent la nature de l’infraction en cause et des faits retenus pour la caractériser, la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés, la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause, ou encore les caractéristiques objectives de l’infraction (caractère secret ou non, degré de sophistication, connaissance du caractère infractionnel de la pratique, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d’une législation, etc.).
739. En considération de la gravité des faits ainsi appréciée, le communiqué sanctions prévoit que l’Autorité retient au cas par cas une proportion de la valeur des ventes réalisées comprise entre 0 et 30 %. Il ajoute que pour les restrictions de concurrence les plus graves, et notamment « [l]es ententes horizontales de fixation de prix [et] de répartition de marché », la proportion prise en compte sera généralement située entre 15 et 30 %. L’Autorité peut en outre, à des fins de dissuasion, augmenter le montant précédemment défini d’une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes690.
Griefs 1 et 2
740. La pratique décisionnelle de l’Autorité691 et celle de la cour d’appel de Paris692 considèrent les ententes horizontales entre concurrents sur un même marché comme les pratiques anticoncurrentielles les plus graves. Il en va de même des juridictions de l’Union, en particulier s’agissant d’entente sur les prix, pratique apparaissant par nature comme une infraction « très grave »693. Aux termes du point 30 du communiqué sanctions, pour les ententes horizontales de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui comptent par leur nature même parmi les infractions les plus graves, la proportion des ventes à prendre en compte est généralement située entre 15 % et 30 %.
741. En outre, s’agissant de pratiques commises à l’occasion d’un ou plusieurs appels d’offres, la pratique décisionnelle retient que la mise en place concertée d’offres de couverture constitue une pratique grave qui a pour objet et peut avoir pour effet de faire échec au processus de mise en concurrence des entreprises694.
742. Plus généralement, s’agissant d’ententes dans les secteurs d’activité qui fonctionnent communément par appels d’offres, l’Autorité a souligné que « la mise en échec du déroulement normal des procédures d’appel d’offres, en empêchant la fixation des prix par le libre jeu du marché et en trompant la personne publique sur la réalité et l’étendue de la concurrence qui s’exerce entre les entreprises soumissionnaires, perturbe le secteur où ont lieu de telles pratiques et porte une atteinte grave à l’ordre public économique »695. À cet égard, la pratique décisionnelle, approuvée par la jurisprudence696, n’établit pas de distinction entre les marchés publics et les marchés privés dans l’appréciation de cette gravité, estimant de manière générale que « de telles pratiques sont particulièrement graves par nature, puisqu’elles limitent l’intensité de la pression concurrentielle à laquelle auraient été soumises les entreprises, si elles s’étaient déterminées de manière indépendante, (…) le fondement même des appels à la concurrence résid[ant] dans le secret dont s’entourent les entreprises intéressées pour élaborer leurs offres, chacune d’entre elles devant se trouver dans l’ignorance de la qualité de ses compétiteurs, de leurs capacités financières à proposer la meilleure prestation ou fourniture possible au prix le plus bas »697.
743. Dans le cas d’espèce, il est établi que neuf entreprises concurrentes ont participé à une entente, objet du premier grief, tendant à fixer en commun les prix de produits préfabriqués en béton et à se répartir des clients et volumes de clients à travers l’attribution d’appels d’offres. Le grief notifié souligne que cette pratique a faussé deux paramètres essentiels pour le fonctionnement concurrentiel du marché : le prix des produits et le libre choix des clients quant à leur fournisseur. Parmi ces neuf entreprises, deux d’entre elles698 – KP1 et Rector – ont en outre participé à une entente portant notamment sur les prix des produits préfabriqués en béton vendus aux négoces et CMI, infraction qualifiée d’anticoncurrentielle par objet.
744. Il convient de souligner que ces pratiques avaient un caractère notablement secret et élaboré. La longue durée de leur mise en œuvre est un indice à la fois de l’effectivité des techniques de dissimulation conçues pour rendre leur détection difficile et de la connaissance que les entreprises participantes avaient de leur nature infractionnelle.
745. En tant qu’ententes horizontales sur plusieurs paramètres de concurrence, dont le prix des produits, ces pratiques relèvent des infractions les plus graves au sens de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence. À cela s’ajoutent d’autres caractéristiques objectives constatées dans le cas d’espèce et prises en compte par l’Autorité dans l’analyse de la gravité : le caractère secret des échanges, à travers la tenue de réunions multilatérales, et leur important degré de sophistication matérialisé, notamment, par l’emploi de messages codés. En vue de relativiser la gravité des pratiques, Rector décrit dans ses observations diverses caractéristiques du segment des prédalles et des dalles alvéolées. En particulier, elle soutient que les ventes de prédalles ont connu depuis de nombreuses années un déclin important, que les fournisseurs subissent une pression concurrentielle de la part de leurs propres clients, qui disposent en outre d’un fort contre-pouvoir. Dans ces conditions, les entreprises de construction préfèreraient le « coulé en place et sur place », ce qui de fait aurait pesé sur les ventes de produits préfabriqués (baisse de 32 % entre 2008 et 2018). Elle ajoute que ses fournisseurs ont un fort pouvoir de marché, ce qui pousse à la hausse le coût des matières premières.
746. Rector avance en outre que les pratiques ont eu un effet limité sur le marché. Ainsi, pour la période allant de 2012 à 2018, le prix de vente moyen des poutrelles a diminué, en dépit des hausses annoncées par le groupe Rector Lesage et de la hausse substantielle du coût des matières premières, et les résultats enregistrés par le groupe Rector Lesage sur l’activité poutrelle ont diminué de plus de 65 %. Elle estime ainsi que l’infraction n’a pas causé de dommage avéré à l’économie et est donc d’une gravité très relative. KP1 rejoint Rector dans cette argumentation, en soutenant que les pratiques ont été inefficaces, puisque les prix de vente moyens des prédalles ont baissé de 6 %. Elle prétend également que sa propre part de marché a diminué de [0-10] % environ. Selon KP1, l’absence d’effet des pratiques est encore illustrée par le fait que ses résultats d’exploitation, [confidentiel]. KP1 invite l’Autorité à prendre en considération le double phénomène d’effondrement du marché de la construction de bâtiments et d’envolée du coût des matières premières pendant la période infractionnelle. Ainsi, selon KP1, sur la période 2000-2018, ses coûts de revient ont augmenté de [60-70] % environ.
747. KP1 avance que les pratiques en cause – au demeurant ponctuées par des épisodes de « guerre des prix » – n’ont pas été mises en œuvre pour maximiser les profits des entreprises concernées, mais plutôt pour précisément surmonter ces difficultés économiques.
748. KP1 souligne également le fort pouvoir de négociation de ses clients, qui sont les grands groupes de construction, tels qu’Eiffage, Bouygues ou encore Vinci. Elle rappelle que les appels d’offres qui ont fait l’objet de répartitions n’étaient pas des marchés publics, mais des appels à concurrence organisés par des entreprises privées, et que les méthodes employées par les entreprises mises en cause n’ont pas été assorties de mécanismes de surveillance ou de représailles. Elle conclut que les pratiques avaient une « gravité toute relative ».
749. SEAC conteste, quant à elle, la gravité des faits en insistant sur sa participation résiduelle et épisodique aux pratiques et en rappelant que celles-ci n’ont pas été mises en œuvre sur des marchés sensibles, récemment ouverts à la concurrence ou liés aux services publics ou à la santé. SEAC rejoint Rector et KP1 en indiquant que les clients des produits concernés étaient de grandes entreprises de construction, des négoces ou des CMI dotés d’un fort pouvoir de négociation. Aussi la gravité des pratiques serait-elle moindre que si ces clients avaient été des consommateurs vulnérables ou des entreprises de petite taille.
750. Face à ces objections, il y a lieu de relever, premièrement, que l’argument de KP1 tiré du fort contre-pouvoir de ses clients n’est étayé par aucun élément tangible, dans la mesure notamment où l’entreprise ne précise pas la part que représentent les grandes entreprises de construction dans son activité, comparée à celle d’entreprises de taille plus modeste. Au demeurant, le pouvoir de négociation d’une frange de la clientèle, aussi importante soit-elle, n’enlève rien à la gravité intrinsèque des pratiques, qui allient accords sur les prix et répartition de volumes et de clientèle, et qui de surcroît rassemblent des participants représentant une part significative du marché. Ainsi que l’a souligné la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 23 mai 2017, les réalités économiques du secteur ne peuvent être prises en compte pour remettre en cause la gravité de pratiques anticoncurrentielles, sauf à « admettre qu’il est, dans certaines hypothèses, légitime pour les opérateurs économiques de violer les règles fondamentales du droit de la concurrence » 699.
751. Deuxièmement, quant à la pression concurrentielle invoquée par Rector de la part de ses clients, la substituabilité du béton coulé sur place aux produits concernés par l’infraction n’est pas suffisamment établie pour que cet argument puisse être accueilli.
752. Troisièmement, s’il est vrai que les pratiques ont notamment porté sur des appels d’offres de nature privée, par opposition à des marchés publics, il n’en demeure pas moins que dans de nombreux cas, les chantiers auxquels les produits en béton étaient destinés étaient financés par des collectivités publiques au moyen de fonds publics. Par conséquent, l’absence de toute conséquence négative sur les finances publiques ne peut être mise en avant pour modérer la gravité des pratiques.
753. Quatrièmement, si les parties font valoir l’absence d’effet significatif ou d’efficacité des pratiques pour voir atténuer leur gravité, il n’en demeure pas moins que le communiqué sanctions souligne la nature très grave des ententes horizontales par leur nature même700 et que, depuis la suppression du dommage à l’économie comme critère légal, les éventuels effets sur le marché ne sont pas mentionnés parmi les éléments pertinents d’appréciation de la gravité701.
754. Or en l’espèce, il a été démontré que les pratiques visées par les deux premiers griefs constituent des ententes horizontales anticoncurrentielles par objet portant notamment sur les prix. Quand bien même elles auraient eu peu d’effet sur l’économie du secteur, comme les parties le soutiennent, aucune autre caractéristique objective de nature à remettre en cause leur gravité ne peut être relevée.
755. Cinquièmement, enfin, certaines parties font valoir l’absence de mécanisme de surveillance ou de représailles au titre des caractéristiques objectives de l’infraction dont l’Autorité doit tenir compte pour apprécier la gravité des faits. Or il convient de souligner que cette absence fait partie, précisément, des caractéristiques objectives de l’infraction que l’Autorité prend en considération pour apprécier la gravité de cette dernière au même titre que, par exemple, la nature des paramètres de concurrence affectés et le caractère secret ou élaboré des échanges entre concurrents.
756. Pour les motifs exposés ci-dessus, et compte tenu notamment des caractéristiques objectives des pratiques telles que décrites précédemment, l’Autorité considère que les infractions visées par les deux premiers griefs justifient de retenir une proportion de 15 % de la valeur des ventes.
Grief 3
757. Il a été démontré que plusieurs entreprises concurrentes visées par ce grief se sont livrées à des échanges d’informations commercialement sensibles, notamment sur les prix, dans le cadre de procédures d’appels d’offres concernant des chantiers de charpentes en béton. Ce faisant, elles ont mis en œuvre une pratique concertée poursuivant un objectif anticoncurrentiel.
758. Eurobéton conteste la gravité des pratiques au motif que l’instruction n’a pas examiné leurs effets et qu’aucun élément du dossier ne démontre qu’elles aient concouru à la fixation de prix plus élevés.
759. Strudal prétend pour sa part que la gravité des pratiques doit être relativisée, en considérant qu’elles ne consistent qu’en des échanges ponctuels d’informations sur des appels d’offres, bien loin d’un véritable accord entre entreprises, et ce sur une partie restreinte du territoire. Elle insiste également sur les particularités du secteur, marqué par le pouvoir de négociation très important des clients, les grands groupes de construction, ainsi que sur la nature des échanges eux-mêmes, qui n’avaient pas le caractère secret et élaboré décrit par les services d’instruction et n’étaient pas soutenues par des mécanismes de police ou de représailles.
760. Ainsi qu’il a été rappelé au paragraphe 738 ci-avant, l’Autorité apprécie la gravité des pratiques en tenant compte de l’ensemble des éléments pertinents, en particulier de la nature et des caractéristiques objectives de l’infraction. Dans le cas particulier de pratiques concertées qui résultent d’échanges d’informations, l’appréciation de la gravité s’attache dans une large mesure à la nature des informations échangées et au degré auquel ces échanges ont faussé la concurrence.
761. Ainsi, il résulte de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence que l’Autorité apprécie différemment la gravité d’un échange d’informations selon que ces échanges ont porté sur des informations passées ou futures.
762. En ce sens, dans la décision n° 19-D-25, l’Autorité a relevé que « s’agissant de la nature de l’infraction, les échanges d’informations ont porté sur des données passées relatives à l’activité nationale des émetteurs historiques. L’infraction revêt donc, à la lumière du communiqué sanctions, un degré de gravité moindre que des pratiques d’ententes expresses sur les prix ou de répartition de marchés »702. La cour d’appel a confirmé la décision de l’Autorité sur ce point, soulignant que celle-ci a « exactement retenu que [les pratiques] n’étaient pas dénuées de toute gravité, mais que cette gravité était néanmoins limitée »703.
763. Quant aux critères d’appréciation de la gravité des différentes formes d’entente horizontale, la cour d’appel de Paris a rappelé, dans un arrêt du 27 octobre 2016, que « le droit de la concurrence réprime d’autant plus les pratiques qui tendent à s’opposer à un fonctionnement concurrentiel du marché, lorsqu’elles portent sur les prix ou les quantités échangées. La jurisprudence distingue a priori plusieurs niveaux de gravité des pratiques, laquelle s’apprécie in concreto au regard de l’ensemble des éléments pertinents au cas d’espèce. »
764. La cour d’appel a explicité sa position en ces termes : « [l]es accords portant sur les prix, la répartition de quantités ou de clients sont logiquement considérés comme les plus graves. Mais les pratiques concertées constituées par des échanges directs sur les prix futurs des concurrents revêtent, même en l’absence d’accords, le même niveau de gravité (…). Les pratiques ayant pour objet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence sont par nature des pratiques très graves. » Elle a ajouté qu’une gravité analogue doit être reconnue aux pratiques concertées lorsque l’information porte indirectement sur les prix : « [e]n effet, ces pratiques concertées horizontales d’échanges d’informations en matière de prix visent par leur nature même à manipuler un paramètre essentiel de la concurrence sur le marché concerné et peuvent être considérées comme faisant partie des violations d’une particulière gravité (… ) même s’il ne s’agit pas d’accords de prix ou d’ententes de fixation des prix stricto sensu »704.
765. Dans le cas d’espèce, Eurobéton, KP1 et Strudal, par l’échange de devis portant sur des chantiers de charpente en béton avant le résultat des appels d’offres correspondants, se sont communiqué des informations commercialement sensibles, en particulier le prix des prestations. Ces pratiques ont fait échapper les entreprises au principe d’indépendance des offres et, en éliminant les incertitudes quant au comportement envisagé par les unes et les autres, ont perturbé le jeu de la concurrence.
766. Par sa nature, la pratique concertée mise en œuvre par les trois entreprises revêt donc un degré de gravité élevé.
767. En ce qui concerne la nature des personnes susceptibles d’être affectées par les pratiques, il s’agit, d’une part, d’entreprises de construction agissant comme maîtres d’œuvre pour la réalisation de chantiers et, d’autre part, des clients maîtres d’œuvre de ces chantiers, majoritairement des entreprises actives dans différents secteurs du commerce et de taille variable, parfois très importante (Ikea, Leroy Merlin, Mercedes, etc.).
768. Enfin, s’agissant des caractéristiques objectives de l’infraction, l’Autorité relève qu’en dépit de la confidentialité évidente des échanges, elle ne présentait pas un degré d’organisation ou de sophistication comparable à celui des infractions visées par les deux premiers griefs.
769. Au surplus, les motifs déjà exposés quant aux deux premiers griefs demeurent pertinents pour répondre aux arguments des parties tenant à l’absence d’effet et au fonctionnement du secteur.
770. Par conséquent, l’Autorité considère les pratiques comme graves, quoique d’une gravité moindre que celle d’une entente sur les prix, et retiendra dès lors une proportion de la valeur des ventes de 8 %.
Grief 4
771. Il a été établi que KP1 et SPL se sont accordées sur l’ensemble des aspects de la politique commerciale de SPL et ont procédé à la fixation en commun des prix des produits préfabriqués en béton, à une répartition de la clientèle et à des échanges d’informations sensibles.
772. KP1, qui invoque le bénéfice d’une exonération totale de sanction au titre de la clémence pour ces pratiques, se dispense d’en contester la gravité.
773. SPL explique pour sa part que son développement économique dépendait du partenariat avec KP1, ce qui lui a permis une émancipation progressive, au point de réaliser désormais la quasi-intégralité de son chiffre d’affaires sur la vente de prémurs auprès de clients autres que ceux de KP1. Elle observe à cet égard que « cette nouvelle concurrence bénéficie donc indubitablement à la clientèle finale. » Elle conteste la gravité des pratiques dont il lui est fait grief en rappelant qu’elle n’intervient que sur le marché du prémur, dans un rayon strictement limité à l’Ouest de la France, ce qui, au regard de l’ensemble des pratiques mises en lumière par l’instruction, n’a pu lui conférer qu’un rôle anecdotique, à l’effet nécessairement minime sur le marché concerné. SPL conclut que cette faible gravité devrait conduire l’Autorité à retenir une proportion faible « voire nulle » de la valeur des ventes de prémurs.
774. En l’espèce, la pratique visée par le quatrième grief a porté sur tous les aspects de la vie économique de SPL. Elle a consisté à définir et à appliquer une politique commune en matière commerciale à l’égard des clients, à instaurer une transparence complète sur les prix des produits préfabriqués en béton et à mutualiser, en vue d’une coordination étendue des deux entreprises, plusieurs compétences quant à, notamment, l’étude ou la commercialisation des produits.
775. En l’espèce, il a été démontré que les relations de SPL et KP1 les ont conduites à échanger des informations sur des hausses futures de prix et les prix de revente appliqués aux clients. En outre, les deux entreprises procédaient systématiquement à une répartition des volumes et de la clientèle par la tenue d’un fichier client commun, agissant ce faisant sur la liberté des clients de choisir leur fournisseur.
776. Dès lors, il convient de souligner le caractère systématique de la pratique, sa pérennité assurée par le cadre contractuel liant KP1 et SPL, ainsi que le fait qu’elle régissait de manière très étendue l’activité même de SPL. À ce titre, elle influait sur un éventail particulièrement large de paramètres de concurrence, ce qui en rehausse la gravité.
777. Eu égard à ses caractéristiques objectives, cette pratique, constitutive d’une entente horizontale anticoncurrentielle par objet, fait ainsi partie des infractions les plus graves au sens du communiqué sanctions et de la pratique décisionnelle constante de l’Autorité.
778. L’Autorité retiendra en conséquence, une proportion de la valeur des ventes de 15 %.
c) La prise en compte de la durée
779. Ainsi que l’énonce le communiqué sanctions aux points 32 et suivants, la durée de l’infraction a nécessairement un impact sur les conséquences potentielles de l’infraction sur le marché et joue donc un rôle significatif dans la détermination du montant de la sanction. C’est pourquoi, pour calculer le montant de base de la sanction pécuniaire, l’Autorité multiplie le montant déterminé par la valeur des ventes de chaque entreprise par le nombre d’années où cette entreprise a participé à l’infraction.
Griefs 1 et 2
780. En l’espèce, s’agissant du grief 1, l’entente pilotée au niveau national entre KP1, Rector et SEAC, à laquelle se rattachent les pratiques mises en œuvre en Ile-de-France, a perduré de manière ininterrompue entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018.
781. La participation individuelle de KP1, Rector, SEAC et Soprel est établie pour toute la durée de cette infraction.
782. Pour deux entreprises, une participation individuelle est établie entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018, avec une interruption dont il sera tenu compte pour le calcul du coefficient multiplicateur : A2C entre le 11 février 2016 et le 13 novembre 2017 et SLM entre le 11 février 2016 et le 21 juin 2018.
783. La participation individuelle d’IB, de Strudal et de FB est établie entre le 12 février 2014 et le 25 octobre 2018.
784. S’agissant du grief 2, la participation de KP1 comme de Rector est constatée pour toute la durée de l’entente, soit du 18 avril 2011 au 25 octobre 2018, entente qui a été mise en œuvre parallèlement à l’entente visée par le premier grief.
785. Selon une solution approuvée par la jurisprudence, lorsque l’Autorité inflige à une entreprise une sanction unique pour deux griefs, il lui est loisible de retenir, pour le calcul de cette sanction, la durée de sa participation au grief le plus long705.Compte tenu du choix de prononcer une sanction unique en l’espèce, un même coefficient de durée de 10,44 sera appliqué pour déterminer le montant de base commun aux deux griefs.
786. Le tableau ci-dessous récapitule la durée de participation de chacune des entreprises à l’entente et les coefficients multiplicateurs correspondants.
787. Dans le cas d’une infraction unique et répétée, c’est-à-dire lorsque « la participation d’une entreprise à l’infraction s’est interrompue et que l’entreprise a participé à l’infraction avant et après cette interruption », la durée des périodes d’interruption se déduit de la durée entre le début et la fin des pratiques constatées. Selon la jurisprudence du Tribunal de l’Union, à laquelle l’Autorité se réfère pour la qualification d’infraction unique et répétée, « si la Commission peut infliger une amende pour toute la période infractionnelle, elle ne le peut, en revanche, pour la période pendant laquelle l’infraction a été interrompue »706.
788. Les sociétés KP1 et Eurobéton ont participé à une infraction unique et répétée du 14 décembre 2011 au 11 octobre 2013, puis du 8 janvier 2016 au 3 octobre 2018.
789. La participation individuelle de Strudal, quant à elle, s’étend du 5 septembre 2012 au 13 septembre 2013 et du 26 janvier 2017 au 5 mars 2018.
790. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, le coefficient multiplicateur de durée sera calculé en déduisant la durée de l’interruption. Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous.
791. L’infraction visée par ce grief consiste en une entente horizontale entre KP1 et SPL. La durée de participation individuelle de chacune de ces entreprises est identique et couvre la période de validité des contrats conclus entre elles, soit du 10 décembre 2010 au 15 décembre 2017.
3. SUR L’INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS
793. Aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce, les sanctions « sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné ».
794. En fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, l’Autorité peut prendre en considération l’existence de différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l’infraction, ainsi que d’autres éléments d’individualisation pertinents tenant à la situation de chaque entreprise ou association d’entreprises707. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu’à la baisse.
795. L’individualisation des déterminants de la sanction conduit à traiter, pour chacune des entreprises mises en cause, l’existence de circonstances atténuantes ou aggravantes (a) et les autres éléments d’individualisation (b).
a) Les circonstances aggravantes et atténuantes
796. Le communiqué sanctions mentionne plusieurs circonstances qui peuvent conduire l’Autorité à aggraver la sanction, parmi lesquelles figure le fait qu’une entreprise a joué un rôle de meneur ou d’incitateur, ou a joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en œuvre de l’infraction708.
797. En l’espèce, il résulte des constatations que, pour ce qui concerne l’infraction visée par le quatrième grief, KP1 a eu à l’égard de SPL un comportement d’incitateur dans la mise en place et la poursuite des relations contractuelles dont le caractère anticoncurrentiel a été démontré. Par conséquent, l’Autorité considère que le rôle particulier de KP1 constitue une circonstance aggravante qui justifie une aggravation de la sanction de 15 %.
798. S’agissant des circonstances atténuantes, le communiqué sanctions précise au point 37 les circonstances que l’Autorité peut prendre en compte pour modérer la sanction individuelle qu’elle applique aux entreprises, « sur le fondement d’une appréciation qui tient compte de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce ». L’Autorité peut ainsi notamment avoir égard au fait que l’entreprise a durablement adopté un comportement concurrentiel pour une part substantielle des produits ou services en cause au point de perturber, en tant que « franc- tireur », le fonctionnement même de la pratique, qu’elle a été contrainte de participer à l’infraction, et qu’elle a coopéré effectivement avec l’Autorité en allant au-delà des obligations auxquelles elle est juridiquement soumise (en dehors de la procédure de clémence).
Sur la circonstance tenant au rôle limité ou à la petite taille des entreprises
799. Au titre des circonstances atténuantes, plusieurs entreprises font valoir leur rôle limité, en raison de leur taille, de la faible durée de leur participation ou du caractère local de l’étendue géographique de leur activité, dans la réalisation des pratiques.
800. SLM avance qu’elle était le plus petit acteur, avec une implantation régionale, et qu’elle n’a pas joué un rôle décisif dans l’entente, mais a été un simple « suiveur ». FB souligne sa petite taille, le faible volume de son activité et sa participation anecdotique et épisodique aux pratiques. A2C argue de sa taille modeste, de son envergure locale, de son absence de participation active aux pratiques, et prétend également qu’elle a eu une participation limitée dans le système généralisé de l’entente. SEAC insiste sur sa faible part de marché et le périmètre géographique limité de son activité.
801. L’Autorité rappelle que la petite taille d’une entreprise qui participe à une entente n’est pas un paramètre spécifique dont il est tenu compte pour modérer la sanction encourue. La valeur des ventes est en effet une grandeur qui reflète de manière adéquate son poids relatif dans le secteur concerné.
Sur l’existence de pressions de la part d’autres participants
802. Plusieurs entreprises affirment avoir subi des pressions de certains de leurs concurrents pour participer à l’entente.
803. SLM avance que le secteur était marqué par une forte pression concurrentielle pour un petit acteur comme elle et qu’elle percevait l’invitation à participer aux réunions entre concurrents comme une pression, sous peine d’être évincée du marché de la prédalle par des acteurs plus puissants. De même, A2C soutient que sa participation aux pratiques est la conséquence de la pression subie de la part des concurrents, en particulier KP1 et Rector, qui menaçaient selon elle de la « faire couler » si elle ne participait pas aux pratiques. SEAC prétend également avoir été contrainte par KP1 et Rector à rejoindre l’entente.
804. Les services d’instruction réfutent les allégations de SLM, A2C et SEAC relatives aux pressions subies de la part de KP1 et Rector en observant qu’elles ne s’appuient sur aucun élément matériel.
805. Les conditions résultant de la pratique décisionnelle pour que des pressions exercées sur une entreprise puissent conduire à une atténuation de la sanction sont strictes. L’Autorité estime que si le rôle de meneur d’une entente peut valoir circonstance aggravante, celui, à l’inverse, de suiveur, ne peut conduire à une atténuation dès lors que l’entreprise « n’a pas fait l’objet d’une contrainte irrésistible, qu’elle a approuvé la conclusion de l’accord et qu’elle a appliqué celui-ci »709.
806. SLM prétend avoir subi des pressions de la part de ses concurrents pour rejoindre les discussions en mai 2008, après s’être tenue à l’écart de ces dernières pendant cinq ans. Elle ajoute avoir participé à une dernière réunion le 11 février 2016 et avoir décidé ensuite de cesser toute participation aux pratiques, « malgré la pression de certains de ses concurrents »710. Outre que SLM ne décrit pas les pressions qu’elle aurait subies, il apparaît qu’elle a pu sortir de l’entente pendant au moins deux ans, à partir de 2016, période pendant laquelle elle relate avoir été la cible de pressions. À supposer que de telles pressions, quelle que soit leur forme, aient été exercées, il apparaît qu’elles n’ont pas constitué une contrainte irrésistible, puisqu’elles n’ont pas persuadé SLM de reconduire sa participation à l’entente.
807. Quant à A2C, il ressort de ses observations au rapport qu’elle n’établit aucune pression particulière, hormis des reproches de la part de concurrents tels que KP1 face à ses prix bas.
808. Enfin, si SEAC affirme avoir également été contrainte de participer à l’entente, la justification qu’elle avance n’emporte pas la conviction. Elle explique en effet que les parts de marché de KP1 et Rector étaient telles que, pour pouvoir remporter des appels d’offres, notamment en Ile-de-France, elle n’avait d’autre choix que de participer à l’entente. Elle ne démontre ainsi aucune contrainte irrésistible, mais fait état d’une incitation individuelle.
809. Par conséquent, l’Autorité ne retiendra pas de circonstance atténuante tenant à l’existence de pressions.
Sur l’ignorance du caractère illicite des pratiques
810. En vue de se voir reconnaître une circonstance atténuante, A2C fait état de son statut de PME régionale et familiale qui n’emploie aucun juriste et ne dispose pas des moyens internes qui lui auraient permis d’être sensibilisée au droit de la concurrence. Elle ignorait donc le caractère illicite des pratiques.
811. Toutefois, l’ignorance du caractère illicite n’est pas prise en compte à elle seule par l’Autorité comme une circonstance atténuante. Outre qu’elle n’est pas mentionnée dans le communiqué sanctions, elle n’est pas retenue par la pratique décisionnelle en l’absence d’autres circonstances de fait telles que des assurances données, à tort, par l’Administration sur la possibilité de bénéficier d’une exemption711, ou l’ambiguïté du positionnement de l’Administration sur la licéité d’une pratique de nature à créer un « doute raisonnable et légitime »712. À cet égard, l’Autorité a exprimé sans détours dans sa décision n° 22-D-21 que « la circonstance que [l’association d’entreprises mise en cause] n’ait pas eu connaissance de la gravité des pratiques ne constitue pas une circonstance atténuante »713.
812. Les arguments d’A2C de ce chef seront donc écartés.
Sur le rôle de franc-tireur ayant perturbé le fonctionnement de l’entente
813. Plusieurs entreprises avancent qu’elles ont durablement adopté un comportement concurrentiel pour une part substantielle des produits concernés par les pratiques, au point de perturber le fonctionnement de l’entente en agissant comme « francs-tireurs ».
814. Aux termes du point 37 du communiqué sanctions, une réduction de la sanction peut être justifiée lorsque le comportement individuel d’une entreprise démontre qu’elle a « durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d’avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ».
815. La pratique décisionnelle714 et la jurisprudence nationales et de l’Union715 ont admis que cette circonstance pouvait conduire à une atténuation de la sanction individuelle. Or, comme l’Autorité l’a rappelé dans la décision n° 19-D-24 précitée, « pour pouvoir être prise en considération, cette circonstance atténuante doit être démontrée par l’entreprise ou l’organisme qui l’allègue. S’il n’est pas exigé que l’intéressé se soit publiquement distancié de l’infraction, il n’est néanmoins pas suffisant qu’il ait violé, de façon ponctuelle ou partielle, la discipline commune »716.
816. Dans cette décision, l’Autorité a ainsi accordé un abattement de 15 % sur le montant de base de la sanction infligée à une entreprise, en observant d’après les pièces du dossier que « les autres participants à l’entente [lui] ont plusieurs fois reproché son comportement », attestant d’une déviance au regard de la « discipline commune » au point de perturber le fonctionnement de l’entente, et gagnant ce faisant de nombreuses parts de marché.
Sur la situation de SEAC
817. SEAC prétend n’avoir pas respecté les termes de l’entente, notamment en Ile-de-France, et cite à cet égard l’exemple d’un chantier à Champigny-sur-Marne que SEAC aurait remporté grâce à « une politique de prix extrêmement agressive », en appliquant un prix de prédalle de 17,50 euros par mètre carré, comparé à un prix moyen de 21 euros717. SEAC affirme en outre que ses prix ont été « largement commentés » par les autres participants, qui ont déploré leur faible niveau. Elle cite une conversation téléphonique du 21 juin 2018 au cours de laquelle 1... (SLM) a informé Monsieur L... (A2C) des prix bas pratiqués par SEAC sur « un chantier de Saint-Denis Construction » : « hier j’ai [vu] des remises de prix de SEAC. Prédalle de 6 : 17,50, Prédalle de 8 : 19,50 (…) ». Monsieur L... se serait ému de ces chiffres en déclarant : « C’est des malades ».
818. Toutefois, les exemples cités par SEAC ne concernent que deux chantiers, soit des évènements isolés eu égard à l’envergure et à la durée de l’entente, et se bornent à établir que SEAC a méconnu, de façon ponctuelle ou partielle, la discipline commune. Il ne peut donc en être déduit qu’elle a adopté durablement un comportement concurrentiel au point de perturber le fonctionnement de l’entente.
819. Il n’y a donc pas lieu de retenir de circonstance atténuante au titre d’un quelconque comportement de franc-tireur au bénéfice de SEAC.
Sur la situation de Rector
820. Rector soutient qu’elle a adopté un comportement durablement concurrentiel sur trois segments couverts par les pratiques visées par les deux premiers griefs.
821. Sur le segment des produits préfabriqués en béton vendus aux CMI et négoces, Rector aurait continué à appliquer des prix bas en violation des consignes de prix données par ses concurrents. Elle mentionne deux échanges de courriels de février-mars 2014 et de février 2018718 où est soulignée l’absence de concordance entre les hausses de prix annoncées et les prix constatés sur le terrain. Rector rappelle en outre qu’elle a fourni des informations erronées à KP1719.
822. Toutefois, Rector explique elle-même que les prix annoncés sont les prix de vente moyens avant remises. Les prix appliqués en pratique sont, quant à eux, le fruit de négociations avec des acheteurs, au pouvoir de négociation élevé, ce qui explique l’écart constaté. Aussi cet argument ne suffit-il pas à démontrer un comportement concurrentiel de Rector. En outre, les chiffres prétendument erronés (eu égard à la mention « chiffres faux » de KP1), n’attestent pas en eux-mêmes, comme Rector croit pouvoir le soutenir, d’un zèle concurrentiel mis au service d’un sabotage de l’entente.
823. Sur le segment des produits préfabriqués en béton couverts par le premier grief, dalles alvéolées et prédalles, Rector cite plusieurs éléments tendant, selon elle, à démontrer qu’elle a continué à adopter un comportement concurrentiel pendant la durée des pratiques.
824. Or la grande majorité des arguments avancés par Rector à ce titre720 portent sur l’absence de preuve de l’implication de l’entreprise dans un ou plusieurs volets des pratiques : non- communication à Rector de la grille de prix réalisée par KP1, A2C et Soprel, non- participation de Rector à une réunion où étaient présents des représentants d’entreprises concurrentes, faiblesse des preuves de participation aux pratiques avant 2008, par exemple. Ces éléments factuels reflètent l’intensité de la participation de Rector aux pratiques et peuvent être pris en compte au titre de la participation individuelle de l’entreprise. Ils sont en revanche sans influence sur la caractérisation d’un comportement de franc-tireur au sens du communiqué sanctions et de la pratique décisionnelle.
825. Pour soutenir qu’elle ne s’est pas conformée aux termes de l’entente, Rector s’appuie en outre sur une série d’échanges de courriels cités dans la notification de griefs, en particulier des courriels internes à KP1, qui font état de la difficulté à faire respecter les prix convenus, sur des chantiers de la région Ouest721. Or Rector a expliqué par ailleurs, dans sa déclaration de clémence, que dans cette région, les prix décidés en commun avec les concurrents étaient communiqués aux commerciaux, qui n’étaient pas conscients des pratiques et n’appliquaient parfois pas les consignes722. L’écart entre les prix convenus et les prix pratiqués ne correspond donc pas à une démarche volontaire de Rector tendant à dévier de la ligne définie en commun.
826. Les arguments de Rector seront donc rejetés.
Sur la situation d’A2C
827. A2C avance qu’elle a essayé de sortir du système de l’entente et a eu un comportement de franc-tireur consistant notamment à adopter une politique de prix bas, à contre-courant des concurrents qui participaient à l’entente. Elle cite plusieurs échanges ou déclarations présentes au dossier qui témoignent d’un agacement de la part des concurrents d’A2C.
828. Ainsi, Monsieur M... (Soprel) s’est plaint à deux reprises, en octobre 2016723 et en novembre 2017724, auprès de Monsieur L... (A2C) de ce que les prix pratiqués par A2C étaient trop bas. Dans un SMS il a notamment demandé instamment au sujet du chantier d’Eiffage à Lognes : « Pourquoi tu fais de la 20 à 33 € ?? Eiffage Lognes. Même pour 100.000 m2 en 20 je fais 36. + manutention… STOP AUX PRIX BAS. »
829. A2C cite également des auditions de représentants de KP1 qui font état de baisses de prix de la part d’A2C. M. Z… a notamment décrit, le 20 novembre 2018, l’évolution de l’entente « à partir de 2015 ou 2016 » : « KP1 a perdu des parts de marché à ce moment-là, car on a refusé de baisser les prix autant que nos concurrents. Les entreprises qui baissaient les prix étaient RECTOR et A2C »725. De même, aux termes des déclarations de M. B…, les réunions entre concurrents au sein du GIE ThermoPrédalle se seraient interrompues au cours de l’année 2017 « dès lors qu’A2C a été accusée de ne pas avoir respecté l’entente sur les prix, en pratiquant des prix plus bas que ceux décidés en concertation. C’est notamment RECTOR qui s’est plaint de cela auprès de tous (…), que la société A2C ne respectait pas les termes de l’entente »726.
830. A2C affirme que cette circonstance est étayée par d’autres conversations, par exemple dans un SMS du 11 novembre 2017 entre M. J... (KP1) et M. M... (Soprel) : « [t]u as des contacts avec A2C ? Il est complètement malade la prédalle ep 8 à 22,5€ sur BY issy »727. Elle mentionne une autre conversation téléphonique qui s’est tenue le 13 juin 2018 entre M. M... et M.2... (FB), au cours de laquelle la participation défaillante d’A2C était dénoncée : « [t]out le monde joue plutôt le jeu. (…) Sauf A2C, qui a dit (…) au départ "Non, mais de [toute] façon, moi je [ne] veux pas… voilà". Et puis après il a dit "j’appliquerai la grille s’il y a une grille" et puis après il [ne] l’applique pas »728.
831. A2C estime que ces circonstances, qui traduisent le caractère contraint de sa participation à l’entente et sa résistance face au système institué par les autres participants, doivent conduire l’Autorité à modérer la sanction pécuniaire.
832. Il ressort des éléments présents au dossier qu’A2C, en dépit de sa participation aux réunions, a maintenu dans une mesure non négligeable un comportement concurrentiel. Elle a notamment pratiqué des prix bas, allant à l’encontre de la discipline collective, au point de provoquer régulièrement l’agacement des autres participants.
833. Dans sa pratique décisionnelle729, confirmée sur ce point par la cour d’appel de Paris730, l’Autorité a retenu par exemple cette circonstance atténuante au bénéfice d’Andros, en relevant que cette entreprise avait gagné des parts de marché au cours de la période infractionnelle et que les autres participants à l’entente lui avaient plusieurs fois reproché son comportement, ce qui démontrait qu’elle n’avait pas respecté la discipline commune de l’entente au point d’en perturber le fonctionnement. L’Autorité lui avait consenti à ce titre une réduction de 15 % du montant de base de la sanction.
834. Eu égard aux conditions rappelées aux paragraphes 814 à 816, l’Autorité considère qu’en l’espèce, A2C a eu un comportement de franc-tireur au sens du communiqué sanctions et de sa pratique décisionnelle. Cette circonstance justifie d’atténuer la sanction qui sera imposée à A2C, par un abattement de 15 % de sur le montant de base.
Sur la situation de SPL
835. SPL soutient qu’elle a adopté un comportement durablement concurrentiel, en particulier en résiliant le 15 décembre 2017 le contrat de fourniture et d’approvisionnement qui la liait à KP1 et en cessant « purement et simplement » de participer aux réunions avec KP1 à partir du 24 mai 2018. Elle invoque ces circonstances pour voir réduire le montant de sa sanction.
836. Toutefois, les circonstances atténuantes exposées par SPL se rapportent à une période postérieure au 15 décembre 2017, date qui a été retenue comme fin des pratiques visée par le grief. La résistance de SPL face au comportement anticoncurrentiel de KP1 et l’adoption d’un comportement autonome sur le marché sont, en l’espèce, prises en compte par le choix de retenir une durée d’infraction plus courte que celle que proposaient les services d’instruction dans la notification de griefs.
837. Il n’y a donc pas lieu de réduire davantage le montant de la sanction pour les pratiques établies avant le 15 décembre 2017.
Sur les autres circonstances invoquées
838. Enfin, SEAC soutient, d’une part, qu’elle n’a tiré aucun profit de l’entente et que ses résultats et ses parts de marché ont augmenté après la période de réalisation des pratiques dont il lui est fait grief et, d’autre part, que l’Autorité devrait prendre en compte le fait qu’elle a coopéré avec les services d’instruction et qu’elle a adopté un code de conduite dont l’objectif était de prévenir toute pratique anticoncurrentielle à l’avenir.
839. En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue absence de profit, il ressort de la jurisprudence que la circonstance qu’une entreprise n’ait pas tiré profit d’une entente ne remet pas en cause sa participation aux pratiques anticoncurrentielles établies et ne peut être prise en compte en vue d’atténuer la sanction731.
840. En second lieu, ainsi que l’indique le communiqué sanctions, la coopération d’une entreprise avec l’Autorité, en dehors de la procédure de clémence, ne peut fonder une atténuation de la sanction que si l’entreprise va au-delà des obligations auxquelles elle est juridiquement soumise. Quand bien même SEAC aurait établi un code de bonne conduite ou ait pris des mesures internes de mise en conformité, ces circonstances ne démontrent pas qu’elle soit allée au-delà de ses obligations légales.
841. Les arguments de SEAC de ce chef seront donc rejetés.
b) Les autres éléments d’individualisation
842. Selon le point 39 du communiqué sanctions, après avoir procédé à l’ajustement individuel du montant de la sanction eu égard aux éventuelles circonstances aggravantes et atténuantes, l’Autorité peut ensuite adapter le montant obtenu à la hausse ou à la baisse, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, « en prenant en considération d’autres éléments objectifs propres à la situation de l’entreprise ou à l’association d’entreprises concernée ».
843. Parmi ces éléments figurent en particulier l’appartenance de l’entreprise à un groupe disposant d’une puissance économique ou de ressources globales puissantes et, à l’inverse, le caractère « mono-produit » de l’entreprise.
L’appartenance d’IB à un groupe puissant
844. La circonstance qu’une entreprise dispose d’une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d’une ou plusieurs infractions données, soit plus élevée que si tel n’était pas le cas, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire732. À cet égard, la Cour de cassation a précisé que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive – objectif également mis en exergue, s’agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence, par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics/Italie733 –, au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée734.
845. La jurisprudence de l’Union considère également qu’une majoration sur ce fondement, en ce qu’elle se réfère à la situation financière globale de l’entreprise, est de nature à rendre la sanction pécuniaire d’autant plus dissuasive et proportionnée735.
846. Le communiqué sanctions prévoit que l’Autorité peut adapter le montant de la sanction à la hausse pour tenir compte du fait que l’entreprise ou le groupe auquel appartient l’entreprise dispose d’une puissance économique ou de ressources globales importantes736.
847. IB soutient, dans ses observations en réponse au rapport, que la majoration sur ce fondement ne peut avoir un caractère automatique, mais doit être appliquée en vue de garantir un objectif de répression et de dissuasion. Elle souligne à ce titre que la participation alléguée d’IB aux pratiques n’a aucun lien avec son appartenance au groupe CRH, qui au demeurant met en œuvre depuis de nombreuses années « un solide programme de conformité au droit de la concurrence ».
848. Toutefois, la cour d’appel de Paris a précisé qu’il n’incombe pas à l’Autorité de démontrer en quoi l’appartenance à un groupe a joué un rôle dans la commission des pratiques lorsque les sociétés mères, auxquelles les pratiques ont été imputées, et la société auteure des pratiques constituent une entreprise unique au sens du droit de la concurrence737.
849. En l’espèce, les pratiques mises en œuvre par IB ont été imputées à ses sociétés mères CHR France et CHR plc.
850. Les ressources financières globales du groupe CHR sont très importantes, étant donné que son chiffre d’affaires mondial hors taxes s’élevait en 2022 à plus de 30 milliards d’euros. La valeur des ventes retenue pour déterminer le montant de base de la sanction à infliger à IB représente donc à peine 0,003 % de ce chiffre.
851. Compte tenu de ces éléments, afin de donner à la sanction pécuniaire un effet dissuasif et effectif, l’Autorité augmentera de 100 % le montant de base de la sanction individuelle d’IB, dont sont également tenues solidairement responsables ses sociétés mères CHR France et CHR plc.
Caractère mono-produit des entreprises
852. Selon le paragraphe 40 du communiqué sanctions, l’Autorité peut adapter la sanction à la baisse pour tenir compte du fait que l’entreprise concernée « mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction » (entreprise « mono-produit »). La prise en compte du caractère d’entreprise mono-produit a pour finalité d’éviter que l’application de la méthode normale de détermination des sanctions n’aboutisse à des montants disproportionnés738.
853. La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 8 novembre 2017 que l’appréciation du caractère mono-produit d’une entreprise repose sur la comparaison entre l’assiette de la sanction – la valeur des ventes en lien avec l’infraction réalisées en France – et le chiffre d’affaires de l’entreprise supportant la charge de l’amende ou de l’unité économique à qui la sanction est imputée, laquelle comprend son auteur et, le cas échéant, sa société mère739.
854. Il convient de préciser que, selon cette jurisprudence, le chiffre d’affaires de référence pour l’application de ce critère d’atténuation de la sanction est celui de l’entreprise à qui l’infraction est imputée, soit en tant qu’auteure des pratiques, soit en tant qu’unité économique au sens du droit de la concurrence.
855. En l’espèce, plusieurs entreprises invoquent leur caractère mono-produit au sens du communiqué sanctions.
856. FB fait valoir que depuis 2008, [>90 %] % du chiffre d’affaires qu’elle réalise auprès des entreprises de construction provient de la vente de dalles alvéolées.
857. Il ressort toutefois des éléments du dossier que la valeur des ventes retenue pour déterminer le montant de base de la sanction de FB représente 67 % du chiffre d’affaires réalisé par cette entreprise au cours de l’exercice correspondant. Cette proportion justifie de lui appliquer le critère de l’entreprise mono-produit et de lui accorder une réduction de 50 % sur le montant de la sanction.
858. Rector, faisant valoir que le secteur en relation avec l’infraction constitue une famille homogène de produits, avance que la valeur des ventes qu’elle a réalisées en lien avec les pratiques, tous griefs confondus, représente une part de 94 % de son chiffre d’affaires total consolidé. Elle demande par conséquent à l’Autorité de minorer sa sanction dans une proportion comprise entre 70 % et 90 % du montant de base.
859. Rector invite ainsi l’Autorité à considérer la somme des valeurs de ventes retenues au titre des deux griefs qui la visent et de rapporter ce chiffre à son chiffre d’affaires global. Cette méthode revient à considérer les ventes en lien avec l’ensemble des infractions sur le secteur des produits préfabriqués en béton et non sur le marché concerné par chaque grief.
860. Ainsi que l’Autorité l’a précisé dans sa décision n° 16-D-11, « il ne faut utiliser [la notion d’entreprise mono-produit] que dans le contexte d’une infraction particulière commise sur des marchés particuliers, aussi bien des marchés de produits que des marchés géographiques, pour qu’elle puisse remplir sa fonction : identifier une situation dans laquelle l’assiette de la sanction, c’est-à-dire la valeur des ventes en lien avec l’infraction, est proche du chiffre d’affaires de l’entreprise sanctionnée, ce qui peut conduire à adapter la méthode de détermination de la sanction »740. Dans le cas d’espèce, comme il a été expliqué plus haut, les deux premiers griefs se rapportent à des marchés dont la connexité a justifié le prononcé d’une sanction unique. Dans ces conditions, l’appréciation du critère de l’entreprise mono-produit proposée par Rector apparaît cohérente et apte à « remplir la fonction » de cette notion au sens de la pratique décisionnelle.
861. Toutefois, l’Autorité relève que la valeur des ventes retenue dans le cas de Rector, valeur limitée aux ventes de prédalles et de dalles alvéolées, ne représente pas 94 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, mais uniquement 73 %. La réduction demandée serait dès lors disproportionnée. Le critère d’entreprise mono-produit, rempli en l’espèce, justifie d’accorder à Rector une réduction de 50 % sur le montant de base de la sanction.
862. Soprel observe que la quasi-totalité de son chiffre d’affaires résulte de la vente de prédalles et de dalles alvéolées. Eu égard à cette particularité, elle invite l’Autorité à lui appliquer un très fort taux de réfaction, de l’ordre de 90 %.
863. L’Autorité constate que la valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction de Soprel représente effectivement plus de [>90 ] % de son chiffre d’affaires. Elle tiendra compte de cette circonstance et accordera ainsi à Soprel une réduction de 90 % du montant de base de ladite sanction.
864. SPL avance que la vente de prémurs depuis 2011 correspond à 95,9 % de son chiffre d’affaires hors taxes global, chiffre qui s’élèverait même à 99,1 % au cours de l’exercice comptable clos le 31 décembre 2017.
865. Compte tenu de la date de fin de pratiques, soit le 15 décembre 2017, l’Autorité relève que la valeur des ventes et l’exercice comptable proposés par SPL pour apprécier son caractère mono-produit ne sont pas pertinents. Néanmoins, l’Autorité constate que les ventes de prémurs représentaient plus de 90 % du chiffre d’affaires de SPL lors de l’exercice 2016 et plus de 95 % pendant l’ensemble des exercices 2010 à 2016, ce qui permet de considérer comme satisfait le critère d’entreprise mono-produit. L’Autorité accordera par conséquent à SPL une réduction de 90 % sur le montant de base de la sanction.
Sur les autres facteurs d’individualisation
866. Les facteurs d’individualisation de la sanction mentionnés par le communiqué sanctions ne font pas l’objet d’une énumération exhaustive. Il peut être rappelé qu’en effet l’Autorité peut prendre en considération « d’autres éléments propres à la situation de l’entreprise ou à l’association d’entreprises concernée ».
Facteurs invoqués par les parties
867. En l’espèce, plusieurs entreprises avancent d’autres arguments au soutien d’une modération de la sanction.
868. Rector soutient ainsi que les obligations règlementaires nouvelles pour les entreprises du secteur du bâtiment en matière de protection de l’environnement et de développement durable conduisent les entreprises du secteur, afin de rester compétitives, à faire d’importants efforts de recherche et développement et de substantiels investissements. Rector ajoute que les sanctions sollicitées par les services d’instruction seraient supérieures au résultat net et à la trésorerie des entreprises du groupe destinataires de la notification de griefs et mettraient ainsi en péril leur capacité d’endettement pour de nombreuses années.
869. D’autres entreprises soulignent les conséquences de la guerre en Ukraine sur le prix des matières premières qui entrent dans la composition des produits préfabriqués en béton. SEAC, en particulier, propose une estimation de la hausse du coût des différents composants de nature à fragiliser l’ensemble du secteur français de la construction : la bille polystyrène (+ 51 %), l’acier (+ 80 % pour l’acier actif et + 45 % pour l’acier passif), les ciments (+ 9 %) et les panneaux OBS (+ 100 %).
870. Les circonstances invoquées par les entreprises (obligations réglementaires et guerre en Ukraine) affectent le secteur d’activité et, en tant que telles, sont des circonstances générales communes aux entreprises du secteur et non des éléments objectifs propres à la situation d’une entreprise en particulier au sens du communiqué sanctions. Dans le cadre de la méthodologie suivie par l’Autorité pour la détermination des sanctions, elles n’ont donc pas à être prises en compte au titre de l’individualisation.
871. Au surplus, l’Autorité rappelle, ainsi qu’il a été indiqué au paragraphe 750 ci-avant, que selon une jurisprudence constante, les contraintes que subissent les entreprises en raison des caractéristiques de leur secteur d’activité ne justifient pas par elles-mêmes une atténuation de la sanction.
872. En revanche, pour autant que les facteurs mentionnés par ces entreprises soient susceptibles d’avoir un impact sur les chiffres présentés dans les comptes sociaux, tels que l’endettement, le coût des matières premières ou les investissements, ils pourront s’avérer pertinents pour l’appréciation des éventuelles difficultés financières.
Sur l’intensité de la participation individuelle des entreprises
873. Lorsqu’elle sanctionne plusieurs entreprises pour leur participation à une entente unique et continue, l’Autorité peut tenir compte de l’intensité de la participation de chaque entreprise et modérer la sanction en conséquence, en appliquant un abattement forfaitaire au montant de base de la sanction.
874. Ainsi que l’Autorité l’a indiqué dans la décision n° 20-D-09, « cette méthode permet de refléter de manière effective, dans l’amende imposée aux mises en cause, les différences de responsabilité de chaque entreprise »741. En outre, la cour d’appel de Paris, qui approuve l’usage par l’Autorité de cette faculté, souligne que le communiqué sanctions « ne prévoit aucun plafond en la matière, de sorte qu’il lui est loisible, le cas échéant, d’adapter sa pratique décisionnelle aux particularités de chaque affaire »742.
875. Ainsi qu’il a été démontré, l’infraction établie au titre du premier grief consiste en une entente unique et continue dont l’organisation à l’échelon national résultait d’un pilotage commun par KP1, Rector et SEAC. Quant aux autres entreprises mises en cause, il a été établi qu’elles ont participé à l’entente dans sa mise en œuvre à l’échelon régional, sans toutefois qu’il soit démontré, comme il a été indiqué au paragraphe 477, qu’elles aient eu connaissance du pilotage commun par les trois entreprises précitées. De surcroît, ces mêmes entreprises n’ont pris aucune part à l’entente sur les produits à destination des négoces et CMI, telle que visée par le grief 2. Eu égard à ces circonstances, l’Autorité considère qu’il est proportionné d’accorder aux entreprises autres que Rector, KP1 et SEAC, soit A2C, FB, IB, SLM, Soprel et Strudal, un abattement de 30 % sur le montant de base de leur sanction pécuniaire.743
876. Quant à SEAC, il ressort des éléments du dossier qu’en dépit du rôle important qu’elle a joué dans le pilotage national de l’entente objet du grief 1, sa participation à la mise en œuvre régionale de celle-ci a été variable. En Ile-de-France, en particulier, ainsi qu’il a été exposé aux paragraphes 95 et suivants, SEAC n’a pas pris part à la grande majorité des échanges multilatéraux ou « tables » et n’est pas apparue comme ayant entretenu des contacts bilatéraux avec des entreprises concurrentes. Dès lors, sa participation à l’entente peut être considérée comme relativement moins intense que celle de KP1 et de Rector. En outre, il sera rappelé que les pratiques visées par le grief 2 sont prescrites s’agissant de SEAC. Il lui sera ainsi accordé une réduction de 15 % sur le montant de base de la sanction.
877. Enfin, s’agissant de FB, l’Autorité relève que sa participation à l’entente s’est limitée à la région Ile-de-France, qui représente une part marginale de son activité, laquelle se déploie majoritairement dans le Nord et l’Est du pays. Dès lors, la valeur de ventes retenue ci-dessus, quoiqu’elle rende compte des catégories directement ou indirectement liées à l’infraction à l’échelle nationale, excède dans une très large mesure le périmètre des produits réellement concernés par la participation de FB à l’entente. Afin d’assurer que la sanction conserve un caractère proportionné, l’Autorité tiendra compte de cette circonstance, qui est un élément objectif propre à la situation de l’entreprise au sens du communiqué sanctions, et accordera à FB à une réduction supplémentaire de 60 %. En cumulant les trois réductions (de 30 % au titre de la participation limitée, de 50 % en raison du caractère mono-produit, puis de 60 %), le montant de base de la sanction de FB sera donc réduit de 86 %.
4. SUR LA REITERATION
878. Le cinquième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce mentionne la réitération comme un élément du calcul des sanctions pécuniaires aux côtés de la durée de l’infraction et de la situation de l’entreprise sanctionnée. L’Autorité peut la prendre en compte à des fins de répression ou de dissuasion, lorsqu’il résulte du dossier une propension de l’entité à s’affranchir des règles de concurrence744. La jurisprudence de l’Union va dans le même sens745.
879. L’Autorité peut retenir l’existence d’une réitération lorsque les conditions suivantes, prévues au paragraphe 44 du communiqué sanctions, sont réunies :
- l’existence d’une précédente infraction au droit de la concurrence doit avoir été constatée par une décision en droit français ou européen avant la fin de la nouvelle pratique ;
- la nouvelle pratique doit être identique ou similaire, par son objet ou ses effets, à celle ayant donné lieu au précédent constat d’infraction ;
- le constat d’infraction doit avoir acquis un caractère définitif à la date à laquelle l’Autorité statue sur la nouvelle pratique ; et
- le délai écoulé entre le précédent constat d’infraction et le début de la nouvelle pratique est inférieur ou égal à 15 ans ; étant précisé que la réitération ne sera pas retenue lorsque le délai en question est supérieur à quinze ans.
880. Le point 45 du communiqué précise que « le montant intermédiaire de la sanction pécuniaire (…) peut être augmenté dans une proportion comprise entre 15 et 50 %, en fonction notamment du délai séparant le début de la nouvelle pratique du précédent constat d’infraction et de la nature des différentes infractions en cause ».
881. Selon une jurisprudence constante, la réitération peut être retenue pour de nouvelles pratiques similaires, par leur objet ou par leurs effets, à celles ayant donné lieu au précédent constat d'infraction, sans que cette qualification n'exige une identité quant à la pratique mise en œuvre ou quant au marché concerné746.
882. En l’espèce, IB a été sanctionnée par le Conseil de la concurrence, dans la décision n° 03-D-12 du 3 mars 2003 concernant le secteur des escaliers préfabriqués en béton, pour avoir participé à des pratiques d’entente horizontale. Cette décision, qui a acquis un caractère définitif, a été rendue près de onze ans avant la date retenue comme début de la participation d’IB à l’infraction visée par le premier grief, soit le 12 février 2014.
883. IB soutient dans ses observations au rapport que sa situation au regard des règles de la réitération a un « caractère très particulier ». Elle indique qu’au moment du constat d’infraction en 2003, l’activité de fabrication d’éléments architectoniques et d’escaliers, en cause dans la décision, avait été cédée en 1996 à une autre entreprise. Ainsi, la société Partek Morin, devenue IB, avait été sanctionnée en 2003 pour une activité qu’elle n’exerçait plus depuis longtemps. Elle ajoute qu’IB n’appartenait pas encore au groupe CRH.
884. Le précédent constat d’infraction se rapporte à une entente horizontale (déjà dans le secteur des produits préfabriqués en béton). Le deuxième critère de la réitération est donc satisfait.
885. Quant aux arguments avancés par IB pour voir exclure la circonstance de la réitération, il convient de rappeler, comme l’a fait la cour d’appel de Paris dans l’arrêt précité, que « la circonstance aggravante de réitération de pratiques anticoncurrentielles s’apprécie suivant les mêmes règles que celles appliquées en matière d'imputabilité »747.
886. Ainsi, il importe peu que l’entreprise auteure de la première infraction ait été cédée à une autre société entre la date de mise en œuvre des premières pratiques et celle de mise en œuvre des secondes, objet de la présente affaire, dès lors que, pendant la période de commission de chacune de ces pratiques, IB formait avec l’entreprise auteure – en tant que société mère de celle-ci – une unité économique telle que le comportement anticoncurrentiel pouvait lui être imputé, et ce quand bien même les entreprises auteures seraient distinctes. C’est ainsi que dans plusieurs décisions748, l’Autorité a retenu cette circonstance à l’égard de la seule société mère.
887. Par conséquent, l’Autorité retiendra à l’encontre d’IB la circonstance aggravante de réitération et appliquera, compte tenu de la durée qui sépare le premier constat d’infraction et la reprise d’un comportement anticoncurrentiel de la part d’IB, une majoration de 20 % au montant de la sanction pécuniaire. En tenant compte de l’ensemble des facteurs d’individualisation (augmentation de la sanction de 100 % pour appartenance à un grand groupe, réduction de 30 % en raison de la participation limitée et hausse de 20 % pour réitération), le montant de base de la sanction d’IB sera donc augmenté de 68 %.
5. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX
888. Le communiqué sanctions précise au paragraphe 46 que l’Autorité vérifie que le montant de la sanction pécuniaire résultant de l’individualisation du montant de base et, le cas échéant de la prise en compte de la réitération, n’excède pas le maximum légal, puis intègre une éventuelle exonération totale ou partielle accordée au titre de la clémence et ajuste enfin la sanction, s’il y a lieu, au regard de la capacité contributive de l’entreprise ou de l’association d’entreprises.
889. En l’espèce, le montant individualisé des sanctions de chaque entreprise calculée selon la méthode exposée ci-dessus, y compris le montant augmenté en raison d’une réitération, est présenté dans le tableau suivant.
a) La vérification du respect du seuil maximum légal
890. Aux termes du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, le « montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ». Ce maximum légal est pris en compte dans le communiqué sanctions, qui précise que « la responsabilité financière de chaque entreprise en ce qui concerne le paiement de l’amende ne peut excéder le montant maximal fixé conformément [aux dispositions précitées]. Si elle excède le montant maximum applicable, la sanction pécuniaire est ramenée à ce chiffre »749.
891. Il convient de rappeler qu’à la différence de la grille d’analyse exposée aux paragraphes 852 et suivants à propos du caractère mono-produit de l’entreprise, la grandeur de référence pour le calcul des 10 % au sens du I de l’article L. 464-2 précité est le chiffre d’affaires de l’entreprise consolidante ou combinante, le cas échéant, peu importe que ladite entreprise ait elle-même été destinataire de la notification de griefs.
892. Ainsi que le Conseil constitutionnel l’a rappelé, par cette disposition, « le législateur (…) a entendu prévenir les stratégies consistant à réduire, par des restructurations du capital des sociétés, le chiffre d’affaires des entreprises se livrant à des pratiques anticoncurrentielles afin de minorer le maximum de la sanction encourue dans l’hypothèse où ces pratiques seraient sanctionnées, [ajoutant que] cette disposition vise en outre à prendre en compte la taille et les capacités financières de l’entreprise visée dans l’appréciation du montant maximal de la sanction »750.
893. Par conséquent, il convient de se reporter aux comptes consolidés des sociétés destinataires des griefs.
894. En l’espèce, pour chacune des entreprises concernées, le montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes retenu et le maximum légal correspondant sont présentés ci-dessous.
895. L’Autorité constate que les montants individualisés indiqués au paragraphe 889 excèdent le maximum légal s’agissant de KP1, Rector et SEAC. Par conséquent, les montants individualisés de la sanction encourue par ces trois entreprises sont ramenés aux chiffres suivants :
- KP1 : 38 095 800 euros ;
- Rector : 33 935 000 euros ;
- SEAC : 10 994 761 euros.
b) Sur la prise en considération de la procédure de clémence
896. S’il y a lieu, l’Autorité réduit le montant de la sanction pécuniaire pour tenir compte de l’exonération totale ou partielle accordée au titre de la mise en œuvre de la procédure de clémence régie par le IV de l’article L. 464-2 du code de commerce. Cette réduction est déterminée selon les modalités indiquées dans le communiqué de procédure pertinent et applicable752. En l’espèce, la première demande de clémence relative à la présente procédure datant du 30 octobre 2018, le texte pertinent est le communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français (ci-après « communiqué clémence »).
897. Deux entreprises ont obtenu de l’Autorité un avis de clémence conditionnel.
898. KP1, premier demandeur de clémence, a obtenu le bénéfice conditionnel de la clémence par avis n° 20-AC-01 du 18 septembre 2020, aux fins d’une exonération partielle d’amende comprise entre 25 % et 40 %753 pour les pratiques visées – ultérieurement dans la notification de griefs – par les griefs 1 à 4.
899. La société Rector Lesage et sa société mère, Lesage Industrie du Béton, considérées ensemble comme le second demandeur de clémence754, ont obtenu le bénéfice conditionnel de la clémence par avis n° 20-AC-03 du 16 décembre 2020, aux fins d’une exonération partielle d’amende comprise entre 15 % et 30 %755, pour les pratiques visées ultérieurement par le grief 1.
Rappel des principes applicables
900. Le IV de l’article L. 464-2 du code de commerce subordonne la mise en œuvre de la procédure de clémence à deux conditions.
901. En premier lieu, le demandeur de clémence qui a, avec d’autres, mis en œuvre une pratique prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce, doit contribuer à établir la réalité de cette pratique et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ne disposait pas antérieurement. C’est en considération de ces éléments que, lorsqu’elle adopte une décision constatant l’existence d’une infraction et imposant une sanction à ses auteurs, l’Autorité peut accorder une exonération de sanction pécuniaire proportionnée à la contribution que le demandeur de clémence a apportée à l’établissement de l’infraction.
902. L’Autorité a ainsi rappelé dans sa décision n° 20-D-09 que « c’est en considération de ces éléments que, lorsqu’elle adopte une décision constatant l’existence d’une infraction et imposant une sanction à ses auteurs, [elle] peut accorder une exonération de sanction pécuniaire proportionnée à la contribution apportée par le demandeur de clémence à l’établissement de l’infraction »756.
903. En second lieu, le demandeur de clémence doit se conformer aux conditions particulières énoncées dans l’avis de clémence. L’Autorité peut en effet soumettre, au cas par cas, c’est-à-dire dans chaque affaire dont elle a à connaître et pour chaque demande de clémence faite dans ce cadre, l’octroi de la clémence à des conditions particulières dont elle apprécie le respect au moment du prononcé de la décision. Selon le point 23 du communiqué clémence, il s’agit pour le demandeur de clémence d’apporter « une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de sa demande et tout au long de la procédure d’enquête et d’instruction »757, coopération dont l’effectivité est déterminante pour l’obtention de l’exonération envisagée par l’avis de clémence. Ainsi que l’Autorité l’a rappelé dans sa décision n° 11-D-17 :, « la coopération attendue du demandeur n’est pas épuisée par le seul fait de présenter sa demande de clémence : elle reste nécessaire tout au long de la période séparant le dépôt de cette demande de la tenue de la séance du collège, en passant par les différentes étapes de la phase préliminaire d’enquête et de la procédure d’instruction »758.
904. Enfin, les entreprises qui peuvent prétendre au bénéfice d’une exonération partielle sont susceptibles de bénéficier d’une exonération supplémentaire dans certains cas. Le II de l’article R. 464-5-2 du code de commerce dispose ainsi que « [l]orsqu'un demandeur est le premier à fournir des éléments d'information décisifs permettant à l'Autorité d'établir des éléments de fait supplémentaires conduisant à une augmentation des sanctions pécuniaires infligées aux participants à la pratique en cause par rapport à celles qui auraient été infligées en l'absence de ces éléments, l'Autorité de la concurrence ne le prend pas en compte pour déterminer le montant de la sanction infligée au demandeur ayant fourni ces éléments d'information ». Le communiqué clémence prévoit ainsi que « si l’entreprise qui présente la demande est la première à fournir des preuves incontestables permettant à l’Autorité d’établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente, l’Autorité ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis »759.
905. Trois conditions doivent ainsi être remplies pour qu’une exonération complémentaire à l’exonération partielle soit appliquée au demandeur de clémence :
- l’entreprise doit fournir des éléments d’information décisifs ;
- ces éléments d’information doivent établir des éléments de fait supplémentaires ;
- les éléments de fait supplémentaires doivent conduire à une augmentation des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente.
Application au cas d’espèce, s’agissant de KP1
906. Dans l’avis de clémence n° 20-AC-01, l’Autorité a considéré que les constats effectués et la valeur ajoutée des pièces fournies par KP1 justifiaient d’accorder à celle-ci une exonération située dans une fourchette entre 25 % et 40 %.
907. L’Autorité a également noté qu’elle serait disposée à accorder à KP1 le bénéfice du point 22 du communiqué clémence, si elle établissait qu’une partie des pratiques anticoncurrentielles ayant une incidence directe sur la détermination de la sanction pécuniaire infligée aux participants à l’entente résultait des éléments communiqués par KP1.
Sur l’obligation de collaboration avec les services d’instruction
908. L’Autorité observe que KP1 n’a enfreint aucune des conditions énoncées dans l’avis conditionnel de clémence et a satisfait aux obligations de coopération que ce dernier lui imposait.
Sur les pratiques concernées par la demande de clémence de KP1
909. L’avis de clémence concerne l’ensemble des pratiques couvertes par les quatre griefs notifiés à KP1. L’une des conditions au bénéfice d’une exonération de sanction est donc remplie.
910. KP1 affirme, dans son mémoire en réponse au rapport, que ses déclarations revêtent une valeur probante très élevée, soulignant qu’elles ont été faites au nom de KP1 et vont à l’encontre de ses intérêts, ce qui garantit leur fiabilité, que KP1 a volontairement déclaré des faits lui faisant encourir le paiement d’amendes plus importantes et supplémentaires (au titre des griefs 2, 3 et 4), que ces déclarations ont été élaborées à partir d’auditions de dirigeants de KP1 qui ont l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de leur entreprise, qu’elles résultent de l’audition de témoins directs des faits exposés dans la demande de clémence, et qu’elles ont été fournies délibérément après les perquisitions pénales, attestant d’une mûre réflexion de la part des dirigeants de l’entreprise760. KP1 estime par conséquent que le taux de réfaction de l’amende doit être supérieur à celui que l’Autorité a envisagé dans l’avis de clémence.
911. Concernant les pratiques visées spécifiquement par les griefs 2, 3 et 4, KP1 affirme que les informations qu’elle a communiquées aux services d’instruction leur ont permis d’établir ces griefs, dont le périmètre n’était pas inclus dans le champ de l’enquête pénale.
912. KP1 considère en effet que le champ de l’enquête pénale était circonscrit à la seule pratique d’entente mise en œuvre par KP1 et ses concurrents (en particulier les sociétés A2C, Rector et Soprel) sur le marché des produits préfabriqués en béton vendus aux entreprises de construction, notamment dans les régions Ile-de-France et, selon la désignation actuelle, Normandie et Hauts-de-France. KP1 sollicite dès lors une exonération totale de ces chefs en application du point 22 du communiqué clémence, pour les pratiques qu’elle a dénoncées autres que celles mises en œuvre sur ce marché et dans ces zones géographiques.
913. KP1 observe en outre qu’au moment du dépôt de la demande de clémence, l’Autorité ne disposait que des éléments provenant de la BIEC de Lille et des témoignages anonymes recueillis par les services d’instruction et que, par conséquent, c’est à la lumière de ces éléments que doit être examinée la valeur ajoutée de ses déclarations de clémence761. Elle estime qu’une interprétation contraire irait à l’encontre des dispositions du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce.
914. À titre préliminaire, il convient de rappeler que l’enquête diligentée avant l’ouverture de l’enquête pénale visait, dès 2015, des « pratiques dans le secteur des bétons préfabriqués destinés à la construction des bâtiments »762.
915. Or, selon une jurisprudence et une pratique décisionnelle constantes, les services d’instruction ne sont, au stade de l’enquête, pas tenus de délimiter un marché pertinent ou de prendre parti sur la qualification juridique des faits ou l’application des articles 101 et 102 du TFUE763. Les services d’instruction étaient donc libres de mener des investigations sur toutes les pratiques mises en œuvre dans le secteur précité, sans limiter leur enquête à des produits spécifiques.
916. En outre, ainsi qu’il a été indiqué au paragraphe 203 ci-avant, la procédure contentieuse devant l’Autorité et la procédure pénale sont deux procédures parallèles. L’objet des investigations des services de l’Autorité n’était donc pas contraint par l’objet défini par le procureur de la République, quand bien même les deux seraient saisis des mêmes faits.
917. Dans ce contexte, et conformément aux dispositions du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce, la possibilité d’accorder une exonération totale ou partielle au demandeur de clémence s’apprécie au regard des éléments d’information dont l’Autorité ou l’administration disposait antérieurement. Or, en l’espèce la demande de clémence a été formulée cinq jours après des perquisitions pénales. Même si les services d’instruction n’étaient pas en possession des preuves saisies lors de ces opérations, il n’est pas contesté qu’ils avaient connaissance de l’existence de l’enquête, de son champ et des entreprises ciblées. Cette connaissance permet de considérer que l’Autorité disposait au moment du dépôt de la demande de clémence, contrairement à ce que soutient KP1, d’éléments d’information plus étendus que les seules informations apportées par la BIEC de Lille et par les témoignages anonymes.
918. Dès lors, il ne peut être fait abstraction de ce que les éléments apportés par le demandeur de clémence ont, quelle que soit la date à laquelle les pièces du dossier pénal ont effectivement alimenté le dossier de l’Autorité, nécessairement moins de valeur que si des perquisitions n’avaient pas eu lieu. Les éléments saisis à l’occasion des opérations de perquisition pénale sont dès lors déterminants dans l’appréciation de la valeur ajoutée des éléments matériels que la demande de clémence a apportés aux services d’instruction.
• Sur les pratiques visées par les griefs 1 et 2
919. KP1 affirme avoir apporté des éléments de preuve qui ont permis aux services d’instruction d’élargir le champ matériel et géographique des pratiques relevant du grief 1, par la démonstration de l’existence de réunions anticoncurrentielles dans le cadre ou en marge de la FIB (réunions Qualiprédal), d’une part dans des régions pour lesquelles l’Autorité ne disposait d’aucun élément matériel et d’autre part à l’égard d’un cercle élargi d’entreprises participantes (FB, IB, SEAC et SLM)764.
920. En l’espèce, KP1 a fourni des éléments particulièrement probants, tels que des preuves documentaires contemporaines des faits ou le décryptage de termes codés, notamment sur l’implication de SEAC. Ces éléments ont effectivement contribué à établir l’existence d’une entente pilotée à l’échelon national par trois entreprises, KP1, Rector et SEAC, et mise en œuvre dans d’autres régions.
921. KP1 a en outre décrit les modalités de fonctionnement de l’entente mise en œuvre au cours des réunions Qualiprédal sur les prédalles dans la région Ile-de-France et dans plusieurs autres régions, dans des conditions qui ont permis la corroboration de ses déclarations par diverses preuves documentaires et l’identification de plusieurs autres participants.
922. De même, KP1 a décrit le fonctionnement de l’entente portant sur les dalles alvéolées. Elle a fourni des tableaux et a fait état de réunions détaillées – et corroborées par ailleurs – qui ont permis d’établir la matérialité et la durée de l’entente et d’identifier plusieurs participants.
923. Ainsi, pour ce qui concerne le grief 1, KP1 a contribué par ses explications et descriptions à mettre en lumière l’ampleur et le fonctionnement de l’entente et à impliquer plusieurs autres entreprises.
924. Pour ce qui concerne le grief 1, compte tenu des perquisitions pénales et des pièces déjà saisies au moment où la demande de clémence a été présentée à l’Autorité, l’exonération totale de sanction demandée par KP1 ne saurait être justifiée.
925. Pour ce qui concerne le grief 2, KP1 soutient que les pratiques concernées n’étaient pas incluses dans le champ de l’enquête pénale et estime donc qu’elle a permis à l’Autorité de les établir, ce qui justifierait une exonération totale de sanction.
926. De fait, KP1 a apporté des éléments à forte valeur probante au soutien de l’existence d’une entente distincte entre elle, Rector et – bien que les faits soient prescrits en ce qui la concerne
– SEAC. Il s’avère ainsi que KP1, ce faisant, a permis de mettre au jour des pratiques jusqu’alors inconnues par les services d’instruction.
927. Eu égard à la précision des éléments apportés, et à leur valeur ajoutée significative pour l’établissement des pratiques visées par les deux premiers griefs, KP1 a apporté une contribution d’une qualité toute particulière à l’instruction, au titre de sa demande de clémence. Dans la mesure où les griefs 1 et 2 font l’objet d’une sanction unique, une exonération totale de l’amende au titre des pratiques révélées par KP1 s’agissant du grief 2 ne peut être accordée à KP1 pour les motifs exposés au paragraphe 924. Il y a lieu en revanche, de faire bénéficier KP1 d’une exonération plus importante que celle définie dans la fourchette de 25-40 % prévue par l’avis conditionnel de clémence. L’Autorité lui accordera dès lors une exonération de 50 %.
• Sur les pratiques visées par le grief 3
928. KP1 soutient, tout comme pour le grief 2, qu’elle a apporté des éléments de preuve qui ont permis à l’Autorité d’établir les pratiques visées par le grief 3 et demande par conséquent à bénéficier d’une exonération totale de sanction à ce titre.
929. En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que les preuves apportées par KP1 dans sa demande de clémence ont permis à l’Autorité d’établir l’existence d’échanges d’informations avec Eurobéton et Strudal, ainsi que le caractère anticoncurrentiel de ces échanges.
930. Si le tableau des 308 chantiers communiqué par KP1 puise sa valeur indicative dans la déclaration et si sa valeur probante ne dépasse pas celle de la déclaration de clémence, les nombreux courriels que KP1 a communiqués en sus, preuves contemporaines des pratiques dénoncées, ont corroboré cette déclaration en ce qui concerne les deux autres entreprises. Ces éléments pris ensemble ont donc une forte valeur probante au regard des pratiques anticoncurrentielles d’échanges de devis visées par le grief.
931. Les pratiques ont ainsi été établies sur la base des seuls éléments apportés par KP1. En outre, la participation individuelle d’Eurobéton et Strudal, démontrée ci-dessus, fait encourir à ces deux entreprises une sanction pécuniaire. Les éléments communiqués par KP1 ont ainsi une incidence directe sur le montant de la sanction pécuniaire infligée aux autres participants.
932. En conséquence, eu égard à la faculté rappelée au paragraphe 50 de l’avis de clémence n° 20-AC-01 et citée au paragraphe 904 ci-avant, l’Autorité ne tiendra pas compte de ces faits dans la fixation de la sanction infligée à KP1.
• Sur les pratiques visées par le grief 4
933. KP1 fait valoir qu’elle a été la première entreprise à communiquer des éléments à l’Autorité sur ces pratiques mises en œuvre, ensemble, avec SPL. Elle demande par conséquent une exonération totale de sanction de ce chef.
934. Les pratiques mises en œuvre par KP1 et SPL ont fait l’objet d’une demande de clémence complémentaire, qui était assortie non seulement de plusieurs documents contractuels relatifs à la collaboration entre ces deux entreprises, mais aussi de plusieurs documents contemporains des pratiques dénoncées. Ces éléments ont attesté, ainsi qu’il a été démontré, de l’existence d’une entente entre KP1 et SPL portant sur les prix, sur une répartition de la clientèle, sur les débouchés de la production de SPL. Il en ressort en outre divers échanges d’informations sensibles.
935. La matérialité de l’infraction et la participation individuelle des entreprises s’appuient en l’espèce entièrement sur les éléments communiqués par KP1. Ces éléments, dont la valeur probante est élevée, établissent une pratique anticoncurrentielle et justifient de prononcer une sanction pécuniaire contre ses participants.
936. Pour les raisons déjà exposées s’agissant du grief 3, l’Autorité considère que les éléments apportés par KP1 dans sa demande de clémence justifient de l’exonérer de sanction au titre du grief 4.
Application au cas d’espèce, s’agissant de Rector
937. Dans l’avis de clémence n° 20-AC-03, l’Autorité a considéré que les sociétés Rector et Lesage Industrie du Béton constituent ensemble le deuxième demandeur de clémence à décrire les pratiques en cause dans le secteur des éléments préfabriqués en béton. Eu égard à la valeur ajoutée des pièces fournies et à la connaissance que les sociétés avaient de l’existence d’une procédure ayant conduit à la saisie de plusieurs éléments significatifs par des perquisitions, l’avis de clémence contient une proposition d’exonération de sanction située dans une fourchette de 15-30 %.
938. Le bénéfice de cette réduction de la sanction encourue est soumis au respect de plusieurs conditions tenant à une exigence de « coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de la demande et tout au long de la procédure d’enquête et d’instruction ».
Sur l’obligation de coopération avec les services d’instruction
939. Aux termes de l’avis conditionnel de clémence rendu en réponse à la demande de Rector, cette dernière était tenue de s’abstenir de remettre en cause – que ce soit dans leur matérialité ou leur existence – devant l’Autorité et ce, jusqu’au terme de la procédure, les éléments factuels révélés qui fondaient l’avis.
940. L’Autorité relève que Rector a émis une série d’objections dans ses observations en réponse à la notification de griefs, quant à la notification d’un grief aux sociétés Planchers Durandal et Planchers Fabre, et quant à la valeur probante des déclarations et des pièces apportées par le premier demandeur de clémence. Ces objections ont pu constituer, ainsi que les services d’instruction l’ont souligné, des contestations qui méconnaissaient l’obligation de coopération qui incombait à Rector en tant que demandeur de clémence.
941. Rector a pour sa part expliqué, dans son mémoire en réponse au rapport, qu’elle n’avait aucune intention de remettre en cause les éléments factuels ou la matérialité des faits relatifs aux deux griefs, ainsi que leur imputabilité, et a dès lors expressément abandonné ces contestations.
942. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que Rector a satisfait à l’obligation de coopération dans le cadre de la procédure de clémence.
• Sur les pratiques couvertes par la demande de clémence de Rector
943. Ainsi que l’Autorité l’a souligné dans l’avis conditionnel de clémence n° 20-A-03 rendu à l’égard de Rector, « le demandeur de clémence de type 2 doit fournir à l’Autorité des éléments de preuve de l’existence de l’entente présumée apportant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve dont celle-ci dispose déjà. La notion de valeur ajoutée vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou par leur niveau de précision, la capacité de l’Autorité à établir l’existence de l’entente présumée ».
944. L’Autorité a précisé ce point en indiquant les éléments qu’elle considérait comme revêtant une plus grande valeur ajoutée :
- les éléments de preuve écrits contemporains de l’entente présumée,
- les éléments de preuve à charge se rattachant directement aux faits en cause, par opposition à ceux qui s’y rattachent de manière indirecte,
- les éléments de preuve incontestables, par opposition à ceux qui doivent être corroborés. 945. En l’espèce, la valeur ajoutée des éléments apportés par Rector peut s’apprécier à l’aune du nombre de documents cités dans la décision qui sont issus de la saisine n° 18/0166 AC.
946. Au terme de l’instruction, deux griefs ont été notifiés à Rector, les griefs 1 et 2. Or l’avis de clémence se limite aux pratiques couvertes par le grief 1.
947. Rector, estimant que les pratiques concernées par le grief 2 sont accessoires et connexes à celles dénoncées dans sa déclaration de clémence, soutient que toute exonération de sanction qui lui serait accordée devrait être étendue à ces pratiques.
948. De manière plus générale, Rector expose, à l’instar de KP1, qu’au moment du dépôt de sa demande de clémence, l’Autorité ne disposait pas encore des pièces du dossier pénal ni du résultat des perquisitions et aurait pu, dès lors, s’appuyer sur le contenu des dossiers de clémence pour poursuivre l’instruction. La situation dans laquelle une perquisition pénale est en cours n’étant pas prévue par le communiqué clémence, Rector estime que sa déclaration a plus de valeur qu’elle n’aurait eue si les services de l’Autorité avaient eux- mêmes diligenté des opérations de visite et saisie.
949. Soulignant que sa demande a été déposée à un stade précoce de la procédure, Rector fait valoir que le nombre et le volume des pièces communiquées, ainsi que ses explications de nature à interpréter les pièces produites, ont facilité le travail des services d’instruction, en rendant possible, notamment, la corroboration d’autres pièces. Au regard de la valeur ajoutée de sa contribution, qu’elle juge significative, Rector demande une réduction d’amende supérieure à la fourchette de 15-40 % prévue au point 21 du communiqué clémence, soit 50 %.
950. Il ressort du dossier fourni par Rector que son apport principal, comparé à celui de KP1, a été de corroborer les preuves produites par KP1 sur l’existence d’une entente pilotée par les trois principaux acteurs du secteur de la préfabrication, de faciliter la compréhension des formules codées destinées à dissimuler les pratiques et de souligner l’importance des réunions Qualiprédal comme lieu des échanges anticoncurrentiels.
951. Parmi les éléments de preuve écrits contemporains des pratiques, il convient de citer ceux qui étayent la matérialité de l’entente dans sa déclinaison régionale dans le Sud-Ouest (Midi- Pyrénées et Languedoc-Roussillon) et le Sud-Est (Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes- Côte d’Azur), tels que les rapports d’analyse du téléphone jetable employé aux seules fins d’entretenir des échanges anticoncurrentiels.
952. Eu égard aux critères de valeur ajoutée d’une déclaration de clémence rappelés par l’Autorité aux paragraphes 21 et 22 de l’avis précité, Rector apparaît comme ayant fourni un nombre plus faible d’éléments de preuve à valeur ajoutée significative, comparée à KP1. Par ailleurs, ces éléments ne concernent que le grief 1, Rector n’ayant pas apporté d’éléments en lien direct avec le grief 2. Étant donné qu’une sanction unique est prononcée pour les griefs 1 et 2, l’Autorité accordera une exonération partielle de sanction à Rector concernant cette sanction unique qui tiendra compte de ces éléments. Il lui est ainsi accordé une exonération de 25 % de la sanction encourue au titre des griefs 1 et 2.
c) Sur la capacité contributive des entreprises mises en cause
953. Le communiqué sanctions prévoit que l’Autorité peut prendre en considération dans la détermination de la sanction les difficultés financières rencontrées individuellement par les entreprises, lorsque ces difficultés particulières affectent leur capacité contributive765. Le communiqué sanctions précise qu’il appartient à l’entreprise de justifier l’existence de ces difficultés en s’appuyant sur des éléments qu’elle transmet à l’Autorité et qui, pour fonder une réduction du montant final de la sanction pécuniaire, doivent constituer des « preuves fiables, complètes et objectives attestant de l’existence de difficultés réelles et actuelles empêchant l’entreprise en cause de s’acquitter, en tout ou partie, de la sanction pécuniaire pouvant lui être imposée ».
954. Sept entreprises ont formulé une demande à ce titre dans le présent dossier.
Sur la situation financière de FB Groupe
955. Le 5 octobre 2023, FB Groupe a transmis un extrait de ses comptes clos au 31 décembre 2022. Or ces éléments apparaissent très parcellaires. Ils portent sur la seule situation de FB Groupe, sans considération des éventuelles ressources d’Industry Partner, solidairement responsable du paiement de l’amende encourue. En l’état des éléments versés au dossier, il n’apparaît donc pas possible d’appréhender la situation d’Industry Partner et, partant, d’apprécier le bien-fondé de la demande de FB Groupe.
Sur la situation financière de Strudal
956. Strudal a déposé en avril 2023 une demande tendant à obtenir une réduction du montant de la sanction qui pourrait lui être imposée. Au soutien de sa demande, Strudal a produit ses comptes sociaux pour la période 2019-2021 et conclut qu’elle serait dans l’impossibilité de faire face au paiement d’une amende sans remettre en cause la continuité de son exploitation. Outre que les éléments communiqués apparaissent trop anciens, ils ne portent que sur la situation de Strudal, sans considération des ressources de DAL Industries, solidairement responsable du paiement d’une éventuelle amende. En l’état des éléments versés au dossier, il n’apparaît donc pas possible d’appréhender la situation de DAL Industries et, partant, le bien-fondé de la demande de Strudal.
Sur la situation financière de SEAC
957. SEAC a également fait parvenir des éléments relatifs à sa capacité contributive en juin 2022. Toutefois, ces données ne portent que sur la situation de SEAC, sans considération des ressources de SOFIB, sa société mère. Or l’unité économique solidairement responsable du paiement de la sanction ne se limite pas à SEAC, mais s’étend aussi à SOFIB, pour laquelle aucun élément n’est communiqué. La demande de SEAC apparaît ainsi insuffisamment motivée. En l’état des éléments versés au dossier, il n’apparaît donc pas possible d’appréhender la situation de SOFIB, partant le bien-fondé de la demande de SEAC.
Sur la situation financière de SOPREL
958. Soprel fait valoir qu’elle ne dispose d’aucune capacité contributive et ne pourrait dès lors se voir imposer qu’une sanction symbolique. Elle fournit au soutien de cette demande plusieurs documents, notamment des analyses internes de la situation du groupe, un rapport d’expert (du cabinet [confidentiel]) d’analyse financière, une convention bancaire avec [confidentiel], et les comptes des deux entreprises du groupe sur les derniers exercices, y compris les comptes du premier semestre 2023.
959. Les éléments communiqués tendent à établir que les sociétés auxquelles l’infraction est imputée disposent en effet de ressources très limitées pour faire face au paiement de l’amende calculée selon la méthode exposée plus haut, ce qui justifie de réduire très substantiellement son montant.
960. La sanction infligée à Soprel sera par conséquent ramenée à la somme de 150 000 euros.
Sur la situation financière de A2C
961. S’agissant de la demande formulée par A2C, si les éléments communiqués attestent en partie de la dégradation de ses capacités financières, ils ne démontrent pas que le groupe serait dépourvu de ressources lui permettant de s’acquitter d’une sanction autre que symbolique sans remettre en cause la continuité de son exploitation. Dès lors, ces éléments n’apparaissent pas suffisants pour ouvrir droit à la sanction purement symbolique qu’A2C sollicite.
Sur la situation financière de KP1
962. S’agissant enfin de la demande formulée par KP1, celle-ci se fonde en substance sur une situation consolidée dégradée résultant de pertes récurrentes, d’un fort niveau d’endettement, de perspectives financières difficiles liées au contexte inflationniste et à ses besoins d’investissements. Elle demande à l’Autorité de prononcer une sanction simplement symbolique.
963. Cette vision consolidée apparaît critiquable, étant donné la structure du groupe, au sein duquel il y a lieu de distinguer deux ensembles. Le premier, constitué de KP1 SAS et de ses filiales, est chargé de l’exploitation de l’activité du groupe, ainsi que du financement de cette exploitation. Le deuxième, constitué de KP1 Services et des sociétés qui la contrôlent, est une société holding fondée en 2006 pour les besoins d’une opération financière.
964. Or l’examen des comptes respectifs de ces deux ensembles montre que les fondamentaux économiques et financiers de la partie opérationnelle du groupe, KP1 SAS principalement, permettent à celle-ci de s’acquitter du paiement d’une sanction autre que symbolique sans remettre en cause la continuité de son exploitation. Quant à KP1 Services, si ses comptes font apparaître une situation financière très dégradée, il convient de relever que cette société n’a, en soi, pas d’activité propre ni de ressources autres que son capital et sa dette.
965. Dans ces conditions, il est permis de considérer que la situation de KP1 Services reflète des choix d’ingénierie financière et que KP1 SAS est une entité autonome au plan économique et financier. KP1 Services pourrait en effet disparaître, dans l’hypothèse par exemple d’un changement d’actionnariat où le reste du groupe était revendu, sans porter atteinte à la continuité d’exploitation de KP1 SAS et de ses filiales. Il n’est en ce sens pas pertinent d’appréhender la capacité contributive de KP1 à l’aune de la seule situation de KP1 Services.
966. Les éléments apportés par KP1 ne sont donc pas de nature à démontrer une capacité contributive insuffisante au regard de l’amende encourue.
6. CONCLUSION SUR LE MONTANT FINAL DES SANCTIONS PECUNIAIRES
967. Selon la méthode de détermination des sanctions exposée ci-dessus, le montant final des sanctions encourues par les entreprises mises en cause s’établit ainsi :
SUR LES AUTRES SANCTIONS
968. Aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut également ordonner « la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise (…). Les frais sont supportés par la personne intéressée ».
969. Afin d’appeler l’attention des acteurs économiques présents dans le secteur du bâtiment et des travaux publics en France, il y a lieu d’ordonner la publication, à frais partagés des entités économiques sanctionnées et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans l’édition papier et sur le site Internet de la revue Le Moniteur, du résumé de la présente décision figurant ci-après :
« L’Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») a rendu le 21 mai 2024 une décision par laquelle elle a sanctionné à hauteur de 76 645 000 euros, plusieurs entreprises actives dans le secteur de la vente d’éléments préfabriqués en béton pour avoir mis en œuvre quatre ententes anticoncurrentielles et une pratique d’obstruction à la procédure.
Ces pratiques ont notamment été révélées grâce à une information judiciaire, ouverte par le procureur de la République de Paris à la suite d’un signalement de la rapporteure générale de l’Autorité sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 40 du code de procédure pénale. Les pratiques ont également été mises en lumière par les demandes de clémence, présentées par les entreprises KP1 et Rector, postérieurement aux perquisitions pénales, dans le cadre du programme qui permet aux entreprises ayant participé à une ou plusieurs ententes d’en dévoiler l’existence, d’expliquer leur fonctionnement à l’Autorité et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire (ci-après le « programme de clémence »).
Entente sur les éléments préfabriqués en béton vendus aux entreprises de construction
Les groupes A2C, FB, Industrielle du Béton (« IB »), KP1, Rector, Saint-Léonard Matériaux (« SLM »), SEAC, Soprel et Strudal ont participé à une entente unique et continue sur le marché des produits préfabriqués en béton en France entre le 15 mai 2008 et le 25 octobre 2018, en mettant en œuvre des accords et pratiques concertées visant, d’une part, à fixer en commun les prix de vente des produits préfabriqués en béton et, d’autre part, à se répartir les volumes de chantiers en faussant la concurrence lors des procédures d’appels d’offres lancées par les entreprises de construction.
Cette entente était pilotée, au niveau national, par les dirigeants de trois entreprises (KP1, Rector et SEAC). Ces derniers échangeaient des informations relatives aux volumes de vente réalisés auprès des entreprises de construction au niveau national et régional et fixaient les quotas de vente à respecter par région. L’objectif de cette entente était de partager les chantiers dans chacune de ces régions, de façon à respecter les parts de marché définies et d’essayer de maintenir des prix face à la pression des clients, en définissant des grilles tarifaires par marché régional.
Les parties mises en cause ont participé à des réunions secrètes, organisées dans le cadre de différents groupements (par exemple, le GIE France Thermoprédalle ou Qualiprédal). Les discussions entre les concurrents au cours des réunions multilatérales prenaient la forme de tours de table à l’issue desquels des répartitions des chantiers et des grilles de prix étaient définies par les membres de l’entente. Des codes étaient utilisés par les participants pour dissimuler le nom des entreprises et la teneur des discussions anticoncurrentielles au cours de ces réunions.
Au niveau régional, les pratiques ont été mises en œuvre selon des caractéristiques et des modalités qui ont pu varier selon les régions concernées, qui couvraient la majeure partie du territoire national. En particulier, les réunions organisées au niveau régional pouvaient rassembler d’autres concurrents que ceux participant aux réunions organisées au niveau national. Tel est notamment le cas en Ile-de-France et ses régions limitrophes où les sociétés des groupes A2C, FB, IB, KP1, Rector, SEAC, SLM, Soprel et Strudal, se sont entendues sur les répartitions de chantiers et les prix de prédalles et de dalles alvéolaires.
Entente sur les éléments préfabriqués en béton vendus aux constructeurs de maisons individuelles (« CMI ») et aux entreprises de négoce (« négoces »)
KP1 et Rector ont participé à une entente relative aux prix applicables aux négoces et aux CMI entre avril 2011 et le 25 octobre 2018. Ces échanges avaient lieu généralement une fois par an, au moment de l’annonce des hausses annuelles. Ils pouvaient également avoir lieu plusieurs fois par an si, en raison de la hausse du prix des matières premières, des hausses tarifaires étaient passées à plusieurs reprises au cours d’une même année.
Ces échanges avaient lieu entre les directions de KP1 et Rector à l’occasion de réunions ou de discussions téléphoniques. Les produits concernés étaient ceux en béton ainsi que les entrevous et les rupteurs en polystyrène et polypropylène et couvraient tout le territoire national. La mise en œuvre des décisions prises au niveau national était assurée par les directions régionales.
L’Autorité a infligé, au titre des deux ententes susmentionnées, des sanctions d’un montant total de 71 950 000 euros, qui se répartissent comme suit : 6 390 000 euros pour A2C, 550 000 euros pour FB, 3 110 000 euros pour IB, 19 040 000 euros pour KP1, 25 450 000 euros pour Rector, 10 990 000 euros pour SEAC, 2 840 000 euros pour SLM, 150 000 euros pour Soprel et 3 430 000 euros pour Strudal. Les montants de sanction prononcés à l’égard de KP1 et de Rector comprennent une exonération partielle de sanction au titre de leur participation au programme de clémence.
Entente sur les charpentes en béton
Eurobéton France, KP1 et Strudal ont participé à des échanges d’informations sensibles dans le cadre d’appels d’offres relatifs à des chantiers de charpentes en béton entre le 14 décembre 2011 et le 3 octobre 2018 (comportant une interruption entre le 11 octobre 2013 et le 8 janvier 2016). Ces échanges d’informations sur les prix, qui sont intervenus avant la date à laquelle le résultat de ces appels d’offres pouvait être connu ont altéré le libre jeu de la concurrence et sont donc prohibés par les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
Les sanctions infligées à ce titre, d’un montant total de 3 850 000 euros, se répartissent comme suit : 3 370 000 euros pour Eurobéton France et 480 000 euros pour Strudal. KP1 ayant révélé l’existence de cette pratique dans le cadre du programme de clémence a bénéficié d’une exonération totale de sanction.
Entente bilatérale entre KP1 et la Société de Préfabrication de Landaul
Dans le cadre d’une prise de participation par KP1 de 10 % du capital de SPL en décembre 2010 (SPL ayant lancé quelques mois plus tôt une nouvelle unité de production de prémurs dans le Morbihan), ces deux sociétés ont, à travers diverses clauses contractuelles et échanges d’informations réguliers, décidé en commun tous les aspects de la vie économique de SPL. Elles se sont répartis la clientèle et fixé ensemble les prix des produits et des prestations ainsi que les conditions de leur commercialisation. Cette entente, contraire à l’article L ; 420-1 du code de commerce, a eu cours jusqu’à l’expiration des contrats conclus entre KP1 et SPL, le 15 décembre 2017.
L’Autorité a sanctionné SPL à hauteur de 770 000 euros. KP1 ayant révélé l’existence de cette pratique dans le cadre du programme de clémence a bénéficié d’une exonération totale de sanction.
Le texte intégral de la décision de l’Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr »
970. Elles adresseront sous pli recommandé, au service de la procédure et de la documentation, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
H. SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCEDURE D’OBSTRUCTION A L’EGARD D’EUROBETON
971. Il a été démontré aux paragraphes 605 et suivants qu’Eurobéton a fait obstruction à l’instruction de l’affaire en cours au sens du V de l’article L. 464-2 du code de commerce.
972. Ainsi qu’elle l’a rappelé dans sa décision n° 21-D-28 précitée, l’Autorité n’a pas adopté de lignes directrices énonçant la méthode de calcul pour la fixation des amendes en cas d’obstruction. Toutefois, elle doit, en toute hypothèse, tenir compte des principes de proportionnalité et d’individualisation de la sanction. À cet effet, elle doit prendre en considération la gravité du comportement reproché aux sociétés mises en cause à la lumière non seulement des circonstances particulières de l’espèce, mais aussi des effets de ce comportement sur le déroulement de l’instruction et, plus généralement, de ses conséquences sur l’ordre public économique, que l’Autorité a pour mission de préserver766.
973. En l’espèce, s’agissant de la gravité de l’obstruction reprochée à Eurobéton, suivant la pratique décisionnelle, il peut être considéré qu’Eurobéton, en corrigeant l’information erronée seulement à un stade avancé de la procédure, a privé les services d’instruction de la possibilité de notifier en temps utile, par un acte complémentaire, des griefs à la société VAMTAJ pour toute la période au titre de laquelle l’infraction lui était imputable.
974. À des fins de dissuasion, il convient de prononcer une sanction apte à supprimer dorénavant tout intérêt pour les entreprises mises en cause devant l’Autorité à communiquer, fût-ce par négligence, des informations erronées ou à tarder à corriger des erreurs matérielles.
975. En outre, conformément à la position exprimée par le Conseil constitutionnel, qui a relevé que les notions d’entreprise et de chiffre d’affaires, mentionnées par les dispositions législatives qui répriment l’obstruction, constituent des catégories juridiques précises permettant de déterminer avec une certitude suffisante les personnes responsables et la peine encourue, il est possible d’imputer à une société mère une obstruction commise par l’une de ses filiales sans méconnaître les principes de personnalité des peines et de présomption d’innocence767. Par conséquent, il convient d’imputer l’infraction d’obstruction également aux sociétés mères d’Eurobéton.
976. L’Autorité infligera dès lors à Eurobéton et aux sociétés JAV Investissement et VAMTAJ une sanction pécuniaire d’un montant de 75 000 euros, distincte de l’amende prononcée en raison de la violation des articles L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
DÉCISION
Article 1er : Les conditions d’une interdiction au titre de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE ne sont pas réunies s’agissant des pratiquées visées par le grief 5 notifié le 16 mars 2022 aux sociétés Fidal SELAS, Fidal et Associés SA à directoire (s.a.i.).
Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 3 décembre 2002, ces pratiques ne peuvent pas non plus être interdites sur le fondement de l’article L. 420-1 du code de commerce. Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003, de poursuivre la procédure, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national.
Article 2 : La prescription décennale prévue au troisième alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce est acquise :
- s’agissant des pratiques visées par le grief 1 notifié le 16 mars 2022 à la société S.E.G. SAS, aux sociétés Echolux SA, Echo NV, Echobel NV et Galm Participaties NV, ainsi qu’aux sociétés Willemen Groep NV, Plakabeton N.V., Imprecon N.V. et Marlux Klaps NV ;
- s’agissant des pratiques visées par le grief 2 notifié le 16 mars 2022 aux sociétés SEAC SAS, SEAC Services et SOFIB SA à directoire (s.a.i.) ;
- s’agissant des pratiques visées par le grief 3 notifié le 16 mars 2022 aux sociétés L’Industrielle du béton SAS, CRH France SAS et CRH plc.
Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003, de poursuivre la procédure à l’encontre de ces sociétés, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national.
Article 3 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, chacune pour sa durée de participation aux pratiques et en considération de l’étendue de sa responsabilité individuelle, en participant à une entente unique et continue sur les prix et les répartitions de marchés des prédalles et des dalles alvéolaires vendues aux entreprises de construction :
- KP1 SAS, en tant qu’auteure, et KP1 Services, K Alpha et K Alpha 1 S.à.r.l. en tant que sociétés mères ;
- Strudal SAS, en tant qu’auteure, et DAL Industries Sprl en tant que société mère ;
- A2C Prefa SAS, en tant qu’auteure, et A2C Matériaux SAS en tant que société mère ;
- FB Groupe France SAS, en tant qu’auteure, et Industry Partner SA en tant que société mère ;
- L’Industrielle du béton SAS, en tant qu’auteure, CRH France et CRH plc en tant que sociétés mères ;
- Rector Lesage SAS, en tant qu’auteure, et Lesage Industrie du Béton SAS en tant que société mère ;
- SEAC SAS, en tant qu’auteure, et SOFIB SA à directoire (s.a.i.) en tant que société mère ;
- Saint-Léonard Matériaux SAS, en tant qu’auteure et Groupe Saint Léonard SAS, en tant que société mère ;
- Groupe Soprel SAS, en tant qu’auteure, et Soprel Group Entreprises SA en tant que société mère.
Article 4 : Au titre des pratiques visées à l’article 3, les sociétés suivantes sont mises hors de cause :
- KP1 Bâtiments, KP1 Développement, KP1 R&D et KP1 Armatures ;
- Planchers Durandal et Planchers Fabre ;
- Structures Préfabrications Services et Comptoir de la Préfabrication SAS.
Article 5 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, chacune pour sa durée de participation aux pratiques et en considération de l’étendue de sa responsabilité individuelle, en participant à une entente unique et continue sur les prix des produits préfabriqués en béton vendus aux constructeurs de maisons individuelles et aux négoces :
- KP1 SAS, en tant qu’auteure, et KP1 Services, K Alpha et K Alpha 1 S.à.r.l., en tant que sociétés mères ;
- Rector Lesage SAS et Planchers Fabre, en tant qu’auteures, Rector Lesage SAS et Lesage Industrie du Béton SAS en tant que sociétés mères.
Article 6 : Au titre des pratiques visées à l’article 5, les sociétés suivantes sont mises hors de cause :
- KP1 Bâtiments, KP1 Développement, KP1 R&D et KP1 Armatures ;
- Planchers Durandal.
Article 7 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 3 et à l’article 5, les sanctions pécuniaires suivantes :
- 19 040 000 euros à KP1 SAS, dont 18 802 912 euros solidairement avec les sociétés KP1 Services et K Alpha et 237 088 euros solidairement avec les sociétés KP1 Services, K Alpha et K Alpha 1 S.à.r.l. ;
- 3 430 000 euros à Strudal SAS, solidairement, avec la société DAL Industries Sprl ;
- 6 390 000 euros à A2C Prefa SAS, solidairement avec la société A2C Matériaux SAS ;
- 550 000 euros à FB Groupe France SAS, solidairement avec la société Industry Partner SA ;
- 3 110 000 euros à L’Industrielle du béton SAS, solidairement avec les sociétés CRH France et CRH plc. ;
- 21 440 000 euros à Rector Lesage SAS, solidairement avec la société Lesage Industrie du Béton SAS ;
- 4 010 000 euros à Planchers Fabre, solidairement avec les sociétés Rector Lesage SAS et Lesage Industrie du Béton SAS ;
- 10 990 000 euros à SEAC SAS, solidairement avec la société SOFIB SA à directoire (s.a.i.) ;
- 2 840 000 euros à Saint Léonard Matériaux SAS, dont 1 564 108 euros solidairement avec la société Groupe Saint Léonard SAS ;
- 150 000 euros à Groupe Soprel SAS, solidairement avec la société Soprel Group Entreprises SA.
Article 8 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, chacune pour sa durée de participation aux pratiques et en considération de l’étendue de sa responsabilité individuelle, en participant à une infraction unique et répétée consistant en des échanges d’informations commercialement sensibles relatifs à des appels d’offres de chantiers de charpentes en béton :
- KP1 Bâtiments, en tant qu’auteure, KP1 SAS, KP1 Services, K Alpha et K Alpha 1 S.à.r.l., en tant que sociétés mères ;
- Strudal SAS, en tant qu’auteure, et DAL Industries Sprl en tant que société mère ;
- Eurobéton France SAS, en tant qu’auteure, et JAV Investissement SARL et VAMTAJ Sàrl, en tant que sociétés mères.
Article 9 : Au titre des pratiques visées à l’article 8, les sociétés suivantes sont mises hors de cause :
- KP1 Développement, KP1 R&D et KP1 Armatures ;
- Groupe Soprel SAS et Soprel Group Entreprises SA.
Article 10 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 8, les sanctions pécuniaires suivantes :
- 0 euro à KP1 Bâtiments, KP1 SAS, KP1 Services, K Alpha et K Alpha 1 S.à.r.l. ;
- 3 370 000 euros à la société Eurobéton France SAS, dont 672 512 euros solidairement avec la société JAV investissement SARL et 1 345 043 euros solidairement avec les sociétés JAV Investissement SARL et VAMTAJ Sàrl ;
- 480 000 euros à Strudal SAS, solidairement avec la société DAL Industries Sprl.
Article 11 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles
L. 420-1 du code de commerce, chacune pour sa durée de participation aux pratiques et en considération de l’étendue de sa responsabilité individuelle, en participant à une entente relative à la tarification, à la fixation des prix des produits préfabriqués en béton, au partage des clients et au non-débauchage réciproque des salariés :
- KP1 SAS, en tant qu’auteure, et KP1 Services et K Alpha en tant que sociétés mères ;
- Société de Préfabrication de Landaul SAS, en tant qu’auteure.
Article 12 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 11, les sanctions pécuniaires suivantes :
- 0 euro à KP1 SAS, KP1 Services et K Alpha ;
- 770 000 euros à Société de Préfabrication de Landaul SAS.
Article 13 : Il est établi que la société Eurobéton France SAS, en tant qu’auteure, et les sociétés JAV Investissement SARL et VAMTAJ Sàrl en tant que sociétés mères, ont enfreint les dispositions du V de l’article L. 464-2 du code de commerce, en faisant obstruction à l’instruction de l’affaire enregistrée sous le numéro 20/0056 F.
Article 14 : Au titre de l’infraction visée à l’article 14, il est infligé solidairement aux sociétés Eurobéton France SAS, JAV Investissement SARL et VAMTAJ Sàrl une sanction pécuniaire d’un montant de 75 000 euros.
Article 15 : Il est enjoint aux entreprises sanctionnées visées aux articles 3, 5, 8, 11 et 13 d’insérer, à frais partagés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires respectives, le résumé figurant au paragraphe 969 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l’édition papier et sur le site internet de la revue Le Moniteur. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 24-D-06 du 21 mai 2024 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits préfabriqués en béton ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé. Elles adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure et de la documentation, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cote 4414, saisine n° 18/0161 AC.
3 Cote 2030, saisine n° 18/0166 AC.
4 https://www.futura-sciences.com/maison/definitions/maison-beton-precontraint-10544/
5 https://www.kp1.fr/produits/les-predalles
6 https://www.kp1.fr/produits/dalle-alveolee
7 https://www.kp1.fr/produits/les-premurs
8 http://www.rector.fr/produits/poutres-de-plancher
9 http://www.rector.fr/systemes/charpente-beton
10 Cotes 30 et s, VNC 4439 et s., saisine n° 18/0161 AC.
11 Cotes 12, 4935 et 4939, VNC 28609 et 28613.
12 Cote 4906, VCN 28670.
13 Cote 4660.
14 Les sociétés A2C Matériaux, A2C Granulat, A2C Béton et A2C Préfa sont dirigées par deux membres de la famille X…, le premier occupant le poste de président et le second celui de directeur général.
15 Cote 5002, VNC 28550.
16 Cote 4634.
17 Maisons individuelles, de conception analogue, juxtaposées et mitoyennes par tout ou une partie de leurs pignons.
18 Cotes 4517 à 4527.
19 De 2007 à 2011, la majorité du capital de SLM était détenue par la société S.E.G.
20 Cote 4600, VNC 22910.
21 Cote 4643.
22 Cote 4648.
23 Cote 4569.
24 Cote 4594.
25 Cotes 28582-28596.
26 http://www.industrielledubeton.com/R-27-A0-dalles-alve-769-olaires.html
27 Cotes 4956 et 4957, VNC 5100.
31 Les régions de l’entente ne correspondent pas toujours parfaitement aux régions administratives.
32 Cotes 35 à 39 et 41 à 46.
33 Cote 37.
34 Cote 38.
35 Cotes 46 et 47, saisine n° 18/0161 AC et cotes 36 et 37, saisine n° 18/0166 AC.
36 Cote 45, saisine n° 18/0161 AC.
37 Cotes 2361-2364, VNC 13279-13282.
38 Cote 2781, VNC 13161.
39 Cote 2774, VNC 13154.
40 Cotes 46, saisine n° 18/0161 AC. 41 Cote 1089, saisine n° 18/0161 AC. 42 Cote 1578, saisine n° 18/0161 AC. 43 Cote 837, saisine n° 18/0166 AC. 44 Cote 915, saisine n° 18/0166 AC.
45 Cotes 836 à 915, saisine n° 18/0166 AC.
46 Cotes 47, 1061 et s., saisine n° 18/0161 AC.
47 Cotes 38 et 39, saisine n° 18/0166 AC.
48 Cote 1061, saisine n° 18/0161 AC.
49 Cote 837, saisine n° 18/0166 AC.
50 Voir par exemple les cotes 849, saisine n° 18/0166 AC et 1203, saisine n° 18/0161 AC pour l’année 2013, les cotes 861, saisine n° 18/0166 AC et 1165, saisine n° 18/0161 AC pour l’année 2014 ; les cotes 871, saisine n° 18/0166 AC et 1180, saisine n° 18/0161 AC pour l’année 2015 ; les cotes 914, saisine n° 18/0166 AC et 1489, saisine n° 18/0161 AC pour l’année 2016.
51 Cote 1489, saisine n° 18/0161 AC.
52 Cotes 914 et 915, saisine n° 18/0166 AC.
53 Cote 1489, saisine n° 18/0161 AC.
54 Cotes 914 et 915, saisine n° 18/0166 AC.
55 Cotes 2705-2706, VNC 13099-13100.
56 Cote 6681.
57 Cote 2784, VNC 13164.
58 Cotes 6872.
59 Cote 49, saisine n° 18/016 AC et cote 42, saisine n° 18/0166 AC.
60 Voir les cotes 2359, VNC 13277 et 2784, VNC 13164.
61 Cote 50, saisine n° 18/0161 AC.
62 Cote 2378, saisine n° 18/0161 AC. 63 Cote 2430, saisine n° 18/0161 AC 64 Cote 1072, saisine n° 18/0161 AC. 65 Cote 2301, saisine n° 18/0161 AC. 66 Cote 2385, saisine n° 18/0161 AC. 67 Cote 2388, saisine n° 18/0161 AC. 68 Cote 2022, saisine n° 18/0161 AC.
72 Cote 2 304, VNC 13328.
73 Cote 2035, VNC 13329.
74 Cote 12825.
75 Cote 5436.
76 Cotes 6400, 6401, 6446 à 6449 et 28723.
77 Cote 2304, VNC 13328.
78 Cote 2365, VNC 13283.
79 Cotes 2358-2359, VNC 13276-13277.
80 Cote 2387, VNC 13244.
81 Cote 2395, VNC 13252.
82 Cote 2668, VNC 13348.
83 Cotes 6397, 6398 et 6402.
84 Cote 166.
85 Cote 12136.
86 Cotes 2764-2765, VNC 13145, 27283.
87 Cote 2764, VNC 13144.
88 Cotes 6915 et 13474, VNC 28569.
89 Cote 2360, VNC 13278.
90 Cote 6626.
91 Cotes 6758 et 6759.
92 Cote 12846.
93 Cotes 2769-2770, VNC 27284-27285.
94 Cote 142.
95 Cotes 6452 à 6458.
96 Cotes 2225-2226.
97 Cote 7037.
98 Cotes 7034-7035.
99 Cotes 7034-7035.
100 Cote 164.
101 Cotes 343-347.
102 Cote 214.
103 Cote 260.
104 Cotes 287 et 288.
105 Cotes 142 et 143.
106 Cotes 37 et 38.
107 Cotes 2368-2369, VNC 13286-13287.
108 Cote 2361, VNC 13279.
109 Cotes 2372-2373, VNC 13290-132931.
110 Cote 6932, VNC 28578.
111 Cotes 2216-2217.
112 Voir la Colonne « O » (cote 6923) ou la colonne « P » (cotes 13008 et 13009). 113 Voir la Colonne « S » (cote 6923) ou la colonne « T » (cotes 13008 et 13009). 114 Cote 2261, VNC 13198.
115 Cote 7079.
116 Cotes 7047 et 7048.
117 Cote 166.
118 Cotes 285-286.
119 Cote 220.
120 Cotes 5218 à 5347.
121 Cote 5305.
122 Cote 2219.
123 Cotes 2361-2364, VNC 13279-13282.
124 Cotes 20014 à 20019.
125 Cote 7329.
126 Cote 7329.
127 Cotes 5308 et 5309.
128 Cote 7329.
129 Cotes 5316 à 5318.
130 Cote 7329.
131 Cotes 5319 à 5321.
132 Cote 7329.
133 Cote 7329.
134 Cotes 5323 et 5324.
135 Cote 7329.
136 Cotes 5332 et 5333.
137 Cote 7329.
138 Cote 5334.
139 Cote 7330.
140 Cote 7330.
141 Cotes 5341 à 5343.
142 Cote 60, saisine n° 18/0161 AC.
143 Cotes 61 et 2658 à 2734, saisine n° 18/0161 AC.
144 Cote 2658, saisine n° 18/0161 AC.
145 Cote 2734, saisine n° 18/0161 AC.
146 À partir du feuillet daté du 2 mai 2011, les colonnes 1, 2, 3 et 4 sont insérées après la colonne m² (volume global). Face à chaque affaire, le chiffre du volume global est attribué à l’une des colonnes intitulées de 1 à 4. À partir du feuillet daté entre le 19 et le 31 juillet 2013, une colonne 5 est insérée.
147 Cote 2659, saisine n° 18/0161 AC. 148 Cote 2701, saisine n° 18/0161 AC. 149 Cote 2709, saisine n° 18/0161 AC. 150 Cote 2733, saisine n° 18/0161 AC. 151 Cote 6933.
152 Cote 29026.
153 Cotes 12507-12516.
154 Les 9 février 2011, 17 ou 18 mars 2011, 3 mai 2011, 22 ou 23 juin 2011, 7 septembre 2011,
28 octobre 2011, entre le 2 et le 9 novembre 2011, 13 décembre 2011, 8 ou 9 février 2012, 27 juillet 2012,
10 ou 12 septembre 2012, 7 décembre 2012, 29 janvier 2013, entre le 18 et le 20 mars 2013, entre le 6 et le
11 juin 2013 (cotes 2656 à 2702, saisine n° 18/0161 AC).
155 Entre les 19 et 31 juillet 2013, entre le 9 et le 16 octobre 2013, les 12 ou 13 novembre 2013, 16 janvier 2014, 17 février 2014, entre les 10 et 13 mars 2014, le 16 avril 2014, les le 9 ou 10 juin 2014, le 29 juillet 2014, entre les 14 et 16 septembre 2014, le 6 novembre 2014 (cotes 2703 à 2729, saisine n° 18/0161 AC).
156 Cotes 6429 à 6431.
157 Cote 12137.
158 Cote 12136.
159 Cote 12858.
160 Cote 528.
161 Cote 2699, VNC 13093.
162 Cote 164.
163 Cote 173.
164 Cotes 165-166.
165 Le directeur commercial national et deux directeurs régionaux de KP1.
166 Cote 2387, VNC 13244.
167 Cote 2772, VNC 13152.
168 Cote 2387, VNC 13244.
169 Cotes 2392-2395, VNC 13249-13252.
170 Cote 2365, VNC 13283.
171 Cote 189.
172 Cote 110.
173 Cote 6904.
174 Cote 2392, VNC 13249.
175 Cote 313.
176 Cote 110.
177 Cotes 325-326.
178 Cotes 369-370.
179 Cote 63, saisine n° 18/0161 AC.
180 Cotes 12856 à 12859.
181 Cote 12847.
182 Cote 6923, VNC 28574.
183 Voir par exemple : (i) les chantiers « Arena » à Nanterre mentionnés sur les lignes 1 et 2 du tableau, qui ont été attribués à Strudal le 8 avril 2014 (lignes 4512 et 4733 du tableau « Gestion Des Offres 2018 10 24.Xlsx », colonne AE) ; (ii) le chantier « Centre Commercial » situé à Beauvais mentionné sur la ligne 4 du tableau attribué le 21 novembre 2013 (voir ligne 4223 du tableau « Gestion Des Offres 2018 10 24.Xlsx », colonnes F et AC) ; (iii) le chantier Unicity à Levallois mentionné sur la ligne 6 attribué le 16 décembre 2013 (ligne 3853 du tableau « Gestion Des Offres 2018 10 24.Xlsx », colonne E), (iv) le chantier « Lycée Descombles » mentionné sur la ligne 7 attribué le 14 mars 2014 (ligne 3927 du tableau « Gestion Des Offres 2018 10 24.Xlsx », colonne F), (v) le chantier « Indonchine » mentionné sur la ligne 8, qui a été attribué le 5 novembre 2013 (ligne 3812 du tableau « Gestion Des Offres 2018 10 24.Xlsx », colonne E), (vi) le chantier
« Green Park » à Serris mentionné sur la ligne 26 du tableau, qui a été attribué le 4 février 2015 (ligne 2523 du tableau « Gestion Des Offres 2018 10 24.Xlsx », colonne E) .
184 Cote 12848.
185 Cote 12849.
186 Cotes 12850-12851.
187 Cotes 12859-2862.
188 Cote 13009, VNC 28580.
189 Voir par exemple : (i) le chantier « Collège Molière » à Lognes mentionné sur la ligne 1 du tableau, qui a été attribué le 14 août 2012 (ligne 1388 du tableau « « Recap Offres 2013 ») ; (ii) le chantier « Entrepôt Mac Donald » situé à Paris mentionné sur la ligne 2 du tableau attribué le 11 juillet 2012 (voir ligne 1843 du tableau « Recap Offres 2013 ») ; (iii) le chantier « groupe scolaire » à Corbeil mentionné sur la ligne 4 attribué le 21 août 2012 (ligne 1382 du tableau « Recap Offres 2013 »), (iv) le chantier « Bureau Fransiscain » mentionné sur la ligne 6 attribué le 27 février 2012 (ligne 1382 du tableau « Recap Offres 2013 »), (v) le chantier « Bureaux » mentionné sur la ligne 106 attribué le 30 avril 2013 (ligne 963 du tableau « Recap Offres 2013 »), (vi) le chantier « Bureaux Gecina » mentionné à la ligne 113 attribué le 18 mars 2013 (ligne 1370 du tableau « Recap Offres 2013 »).
190 Cotes 12847, 12848, 12850, 12851, 12855.
191 Cotes 2753 à 2757, saisine n° 18/0161 AC.
192 Cotes 2759 à 2761, saisine n° 18/0161 AC.
193 Cote 12851.
194 Cotes 12847, 12848, 12850, 12851, 12855.
195 Cote 12878.
196 Cotes 1101 à 1103, saisine n° 18/0161 AC.
197 Cote 34323.
198 Cote 63, saisine n° 18/0161 AC.
199 Cotes 7067 et 7068.
200 Cote 7093.
201 Cote 7066.
202 Cote 63, saisine n° 18/0161 AC.
203 Cote 12865.
204 Cote 6932, VNC 28578.
205 Cote 6915. Voir aussi cote 13474, VNC 28569.
206 Cotes 59, 2436 et 2437, saisine n° 18/0161 AC.
207 Cote 28724.
208 Cotes 2215, 2216, 28724.
209 Échanges entre IB et Strudal du 28 mars 2018 et du 20 avril 2018 (cote 7082).
210 Échanges entre IB et Strudal du 21 mai 2018 et du 30 mai 2018 (cote 7084).
211 Sur la réunion du 25 avril 2018, voir la cote 2473, VNC 13114 : « C’était une réunion organisée à mon initiative pour me présenter, après avoir accédé aux fonctions de directeur général de STRUDAL. Cette réunion s’est tenue porte d’Orléans, dans les locaux d’une société louant des bureaux. Nous avions rendez vous dans un bar situé en face de ces bureaux, dont Monsieur O... [IB] disposait des clés. Je ne me rappelle plus du nom de la société louant ces locaux. Au delà des trois personnes précitées (J…, O… et moi même) il n’y avait aucun autre participant ». Sur la réunion du 30 mai 2018, voir la cote 2482, VNC 13123 : « une autre réunion s’est tenue, au même endroit, en présence de Monsieur M...[directeur opérationnel de Soprel]. Nous étions ainsi, tous les quatre, à cette réunion , tenue dans un laps de temps approchant de celui qui m’avait valu de me présenter. C’est moi qui avais pris appelé avec mes trois correspondants pour que l’on se réunisse ».
212 Cote 2473, VNC 13114.
213 Cote 2482, VNC 13123.
214 Cote 2482, VNC 13123.
215 Cote 157.
216 Cotes 157-158.
217 Cotes 156 et 157.
218 Cote 157.
219 Cotes 184 et 185.
220 Cotes 185 et 186.
221 Cotes 186 à 191.
222 Cote 187.
223 Cote 187.
224 Cotes 186 et 191.
225 Cote 304.
226 Cote 301.
227 Cote 322.
228 Cotes 317-321.
229 Voir les échanges SMS du 8 juillet 2016 (cote 7020), 27 et 28 septembre 2016 (cote 7070), 29 septembre 2016 (cote 7069), 2, 7, 9, 10 et 15 novembre 2016 (cote 7068), 3 et 24 janvier 2017 (cote 7066), 17 et 27 février 2017 (cotes 7065 et 7066), 3, 7 10, 13, 15, 16, 17, 27, 29, 30 et 31 mars 2017 (cotes 7020 et 7062 à 7065), 10 avril 2017 (cotes 7061 et 7062), 5, 16, 17 et 29 mai 2017 (cotes 7060 et 7061), 14 et 26 juin 2017 (cotes 7059 et 7060), 4 et 17 juillet 2017 (cotes 7059 et 7060), 13 novembre 2017 (cote 7019), 3 et 4 août 2017 (cotes 7057 à 7059), 6 8, 11, 12, 14, 15, 19, 21 et 26 septembre 2017 (cotes 7047 à 7056), 6, 16 et 23 octobre 2017 (cotes 7045 à 7047), 13, 20 et 30 novembre 2017 (cotes 7041 à 7043), 8, 11, 12, 13, 14 et 22 décembre 2017 (cotes 7039 à 7041), 12, 22, 24 et 26 janvier 2018 (cotes 7037 et 7038), 15, 19, 21 et 27 février 2018 (cotes 7036 et 7037), 13, 14, 15, 16, 20, 27 et 28 mars 2018 (cotes 7034 à 7037), 12, 20 et 26 avril 2018 (cotes 7031 à 7034), 2, 23 et 31 mai (cotes 7029 à 7030), 5, 6, 11 et 25 juin 2018 (cotes 7028 et 7029), 4, 16 et 26 juillet 2018 (cotes 7026 à 7029), 22 août 2018 (cotes 7025 et 7026), 3, 5, 7 13 et 14 septembre 2018 (cotes 7023 à 7024), 1er, 3, 18, 24 et 25 octobre 2018 (cotes 7020 à 7023) et les captations d’échanges téléphoniques du 11 juin 2018 (cotes 132 et suivantes), 13 juin 2018 (cote 146), 19 juin 2018 (cote 172), 24 juillet 2018 (cotes 214 à 216), 2 août 2018 (cotes 245 à 247), 3 août 2018 (cotes 254 à 256), 22 août 2018 (cotes 261 et 262), 24 août 2018 (cotes 265 à 271), 13 et 21 septembre 2018 (cotes 287, 288, 308 et 309), 18 octobre 2018 (cotes 325 et 326) .
230 Voir les échanges du 18 janvier 2016 (cote 11789), 21 septembre 2017 (cote 7072), 16 octobre 2017 (cotes 7071 et 7072) et 17 juillet 2018, 2, 24 et 25 octobre 2018 (cotes 7072 et 7073).
231 13 novembre 2017 (cotes 2225 et 2226), 19 juin 2018 (cotes 162 à 164), 20 juin 2018 (cote 341), 21 juin 2018 (cotes 165 et 166), 17 juillet 2018 (cotes 353 et 354), 1er octobre 2018 (cote 313), 24 octobre 2018 (cotes 369 et 370).
232 16 décembre 2016 (cote 7079), 13 et 24 janvier 2017 (cotes 7077 à 7079), 30 août 2017 (cote 7079), 13, 14 et 15 septembre 2017 (cote 7078), 20, 22 et 26 octobre 2017 (7077 et 7078), 8 novembre 2017 (cote 7077), 13 septembre 2018 (cotes 258 et 286) et 14 septembre 2018 (cotes 142 et 143).
233 28 mars 2018 (cote 7082), 20 avril 2018 (cote 7082), 16 mai 2018 (cote 7082), 25 juin 2018 (Cotes 184 et 185), 26 juillet 2018 (cotes 224 et 225) et 13 septembre 2018 (cote 287).
234 15, 16, 21 et 30 mai 2018 (cote 7084), 13 juin 2018 (cotes 156 à 158), 10 juillet 2018 (cote 185), 25 juillet 2018 (cotes 198 à 223), 26 juillet 2018 (cotes 226 à 229), 1er août 2018 (cotes 238 à 240), 20 septembre 2018 (cotes 292 à 295), 21 septembre 2018 (cotes 298 à 305), 5 octobre 2018 (cotes 317 à 321).
235 26 octobre 2016 (cote 7355), 7 juin 2018 (cote 7355), 19 juin 2018 (cote 339), 16 juillet 2018 (cotes 352 et 353), 31 juillet 2018 (cote 7355), 1er octobre 2018 (cotes 363 à 365), 2 octobre 2018 (cote 7355), 24 et 25 octobre 2018 (cote 7355).
236 Cote 7009.
237 Cotes 343 à 347.
238 Cote 571.
239 Cote 54, saisine n° 18/0161 AC ; cote 41, saisine n° 18/0166 AC.
240 Cote 53, saisine n° 18/0161 AC.
241 Cotes 53 et 54, saisine n° 18/0161 AC.
242 Directeur commercial régional de la filière C2 dans les régions Occitanie, PACA, Corse, Rhône-Alpes, Bourgogne et une partie de l’Auvergne.
243 Cotes 2359 à 2375, saisine n° 18/0161 AC.
244 Cotes 55, saisine n° 18/0161 AC. 245 Cote 45, saisine n° 18/0166 AC. 246 Cote 45, saisine n° 18/0166 AC.
247 Cotes 59, extraits aux cotes 72 et 74, saisine n° 18/0166 AC.
248 Cote 48, saisine n° 18/0166 AC.
249 Cotes 56, 2377 et 2378.
250 Cote 2388, saisine n° 18/0161 AC.
251 Cotes 55, 2392 et s, saisine n° 18/0161 AC.
252 Cote 51, saisine n° 18/0161 AC et cote 49, saisine n° 18/0161 AC.
253 Cotes 2034 à 2193 et 2289 à 2295, saisine n° 18/0161 AC.
254 Cote 2072, saisine n° 18/0161 AC.
255 Cote 2294, saisine n° 18/0161 AC.
256 Voir par exemple, la cote 2089 concernant une réunion du 15 septembre 2011.
257 Cotes 2349 à 2358, saisine n° 18/0161 AC.
258 Cote 2355, saisine n° 18/0161 AC.
259 Cotes 52 et 2195 à 2288, saisine n° 18/0161 AC.
260 Cotes 2297 à 2338, saisine n° 18/0161 AC.
261 Cotes 2441 à 2664, voir notamment les cotes 2474 et 2475 (courriel du 28 février 2013), 2487 à 2489
(courriel du 4 avril 2013), 2496 (courriel du 14 mai 2013), 2568 (courriel du 1er juillet 2016), 2591
(courriel du 12 janvier 2017), 2607 (courriel du 19 juin 2018), saisine n° 18/0161 AC.
262 Cote 2016, saisine n° 18/0161 AC. 263 Cote 2015, saisine n° 18/0161 AC. 264 Cote 2022, saisine n° 18/0161 AC.
265 Cote 56, saisine n° 18/0161 AC ; cote 41, saisine n° 18/0166 AC.
266 Cote 56, saisine n° 18/0161 AC.
267 Cotes 58 et 59, 2430, saisine n° 18/0161 AC, voir aussi 13474.
268 Cotes 2441 à 2664, voir notamment les cotes 2474 et 2475 (courriel du 28 février 2013), 2487 à 2489 (courriel du 4 avril 2013), 2496 (courriel du 14 mai 2013), 2568 (courriel du 1er juillet 2016), 2591 (courriel du 12 janvier 2017), 2607 (courriel du 19 juin 2018), saisine n° 18/0161 AC.
269 Cote 2534, saisine n° 18/0161 AC. 270 Cote 2537, saisine n° 18/0161 AC. 271 Cote 2540, saisine n° 18/0161 AC. 272 Cote 2543, saisine n° 18/0161 AC.
273 Cotes 2547-2548, saisine n° 18/0161 AC. 274 Cotes 2550-2551, saisine n° 18/0161 AC. 275 Cotes 2553, 2555, saisine n° 18/0161 AC. 276 Cote 2556, saisine n° 18/0161 AC.
277 Cotes 2567-2568, saisine n° 18/0161 AC.
278 Cote 2569, saisine n° 18/0161 AC. 279 Cote 2593, saisine n° 18/0161 AC. 280 Cote 2598, saisine n° 18/0161 AC. 281 Cote 2596, saisine n° 18/0161 AC. 282 Cote 2602, saisine n° 18/0161 AC. 283 Cote 2625, saisine n° 18/0161 AC. 284 Cote 2623, saisine n° 18/0161 AC. 285 Cote 2627, saisine n° 18/0161 AC. 286 Cote 2632, saisine n° 18/0161 AC. 287 Cote 2638, saisine n° 18/0161 AC. 288 Cote 2640, saisine n° 18/0161 AC. 289 Cote 2641, saisine n° 18/0161 AC. 290 Cote 2642, saisine n° 18/0161 AC. 291 Cote 2644, saisine n° 18/0161 AC.
292 Cotes 2553, 2555, saisine n° 18/0161 AC.
293 Cote 2641, saisine n° 18/0161 AC.
294 Cotes 59, 2436 et 2437, saisine n° 18/0161 AC.
295 Directeur commercial régional de la filière C2 dans les régions Occitanie, PACA, Corse, Rhône-Alpes, Bourgogne et une partie de l’Auvergne.
296 Cotes 58 et 2395 à 2409, saisine n° 18/0161 AC.
297 Directeur commercial régional de la filière C2 dans les régions Occitanie, PACA, Corse, Rhône-Alpes, Bourgogne et une partie de l’Auvergne.
298 Cotes 58 et 2410 à 2428, saisine n° 18/0161 AC.
299 Cote 1248, saisine n° 18/0166 AC. 300 Cotes 54-55, saisine n° 18/0166 AC. 301 Cote 55, saisine n° 18/0166 AC.
302 Cote 33, saisine n° 18/0161 AC.
303 Cote 34, saisine n° 18/0161 AC.
304 Cotes 35, 36 et 41, saisine n° 18/0161 AC.
305 Cote 34, saisine n° 18/0161 AC.
306 Un entrevous est un élément de coffrage de plancher disposé entre 2 poutrelles.
307 Cote 34, saisine n° 18/0161 AC.
308 Cote 229, saisine n° 18/0161 AC.
309 Cotes 37, 43, saisine n° 18/0161 AC.
310 Cote 231, saisine n° 18/0161 AC.
311 Cote 37, saisine n° 18/0161 AC.
312 Cote 232, saisine n° 18/0161 AC. 313 Cote 235, saisine n° 18/0161 AC. 314 Cote 37, saisine n° 18/0161 AC. 315 Cote 237, saisine n° 18/0161 AC.
316 Cotes 38, 994, saisine n°18/0161 AC.
317 Cotes 43, 44, saisine n°18/0161 AC.
318 Cote 41, saisine n°18/0161 AC.
319 Cotes 40, 1044 et 1046, saisine n° 18/0161 AC.
320 Cotes 39-40 et 1047-1058, saisine n° 18/0161 AC.
321 Cotes 35-36, 983-985, saisine n° 18/0161 AC.
322 Cote 243, saisine n° 18/0161 AC.
323 Cote 35, saisine n° 18/0161 AC.
324 Cotes 44, 996 et 997, saisine n° 18/0161 AC.
325 Cotes 41 et 249-250, saisine n° 18/0161 AC.
326 Cotes 44, 1037, saisine n° 18/0161 AC.
327 Cotes 44 et 252 à 255, saisine n° 18/0161 AC.
328 Cotes 38 et 1002, saisine n° 18/0161 AC.
329 Cote 1003, saisine n° 18/0161 AC.
330 Cote 201, saisine n° 18/0161 AC.
331 Cotes 44-45, 1041-1042, saisine n° 18/0161 AC.
332 Cote 36, saisine n° 18/0161 AC.
333 Cotes 39 et 1039, saisine n° 18/0161 AC.
334 Cote 6818.
335 Cote 6815.
336 Cote 11925.
337 Cote 27, saisine n° 18/0161 AC, VNC 4437.
338 Cote 3168, saisine n° 18/0161 AC.
339 Cotes 3168, 3555 à 3560, saisine n° 18/0161 AC.
340 Cotes 3168, 3236 et s, saisine n° 18/0161 AC.
341 Cotes 3561 à 3592, saisine n° 18/0161 AC.
342 Cote 3169, saisine n° 18/0161 AC.
343 Cotes 3179 à 3234, saisine n° 18/0161 AC.
344 Cotes 3239 et s., 3556, saisine n° 18/0161 AC.
345 Cotes 3242 et s., 3556, saisine n° 18/0161 AC.
346 Cotes 3254 et s., 3556, saisine n° 18/0161 AC.
347 Cote 3625, saisine n°18/0161 AC.
348 Cotes 3628 à 3630, saisine n° 18/0161 AC.
349 Cotes 3692 à 3718, saisine n° 18/0161 AC.
350 Cotes 3669 à 3691, saisine n° 18/0161 AC.
351 Cotes 3266 à 3270, saisine n° 18/0161 AC.
352 Cotes 3651 à 3661, saisine n° 18/0161 AC.
353 Cotes 3662 à 3668, saisine n° 18/0161 AC.
354 Cotes 3726 à 3752, saisine n° 18/0161 AC.
355 Cotes 3323 à 3333 et 3556, saisine n° 18/0161 AC.
356 Cotes 3758 et s, saisine n° 18/0161 AC.
368 Cotes 3477 à 3485, saisine n° 18/0161 AC.
369 Cote 35202.
370 Cotes 3382 à 3392, saisine n° 18/0161 AC.
371 Cotes 3494 à 3502, saisine n° 18/0161 AC.
372 Cotes 3486 à 3493 et 3559, saisine n° 18/0161 AC.
373 Cote 35204.
374 Cotes 3430 à 3476, saisine n° 18/0161 AC.
375 Cotes 3393 à 3429, saisine n° 18/0161 AC.
376 Cotes 3528 à 3536, saisine n° 18/0161 AC.
377 Cotes 3537 à 3554, saisine n° 18/0161 AC.
378 Cotes 3523 à 3527, saisine n° 18/0161 AC.
379 Cotes 3504 à 3522, saisine n° 18/0161 AC.
380 Cotes 3 799 à 4 188, saisine n° 18/0161 AC.
381 Cote 36412.
382 Cotes 3835 à 3840, saisine n° 18/0161 AC.
383 Cote 3801, saisine n° 18/0161 AC.
384 Cotes 3842 à 3846, saisine n° 18/0161 AC.
385 Cotes 3852 à 3860, saisine n° 18/0161 AC.
386 Cotes 3862 à 3865, saisine n° 18/0161 AC.
387 Cotes 3867 à 3871, saisine n° 18/0161 AC.
388 Cote 3843, saisine n° 18/0161 AC. 389 Cote 3844, saisine n° 18/0161 AC. 390 Cote 3844, saisine n° 18/0161 AC.
391 Cote 3855, saisine n° 18/0161 AC. 392 Cote 3863, saisine n° 18/0161 AC. 393 Cote 3870, saisine n° 18/0161 AC.
394 Cotes 3873 à 3875, saisine n° 18/0161 AC.
395 Cotes 4070 à 4077, saisine n° 18/0161 AC.
396 Cote 4071, saisine n° 18/0161 AC.
397 Cotes 4102 à 4107, saisine n° 18/0161 AC.
398 Cotes 4124 à 4126, saisine n° 18/0161 AC.
399 Cote 3803, saisine n° 18/0161 AC.
400 Cote 3803, saisine n° 18/0161 AC.
401 Cote 3899, saisine n° 18/0161 AC.
402 Cotes 4102 à 4107, saisine n° 18/0161 AC.
403 Cotes 4124 à 4126, saisine n° 18/0161 AC.
404 Cote 4127, saisine n° 18/0161 AC.
405 Cotes 3909 et 3910, saisine n° 18/0161 AC.
406 Cotes 4003 à 4005, saisine n° 18/0161 AC.
407 Cotes 4032 à 4037, saisine n° 18/0161 AC.
408 Cote 4150, saisine n° 18/0161 AC.
409 Cote 4127, saisine n° 18/0161 AC.
410 Cotes 11377 à 11423, VNC 27596 et 27642.
411 Cote 7516, VNC 27593.
412 Cotes 7380 à 7432, VNC 27457.
413 Cotes 27382 et 27384.
414 Cote 7502, VNC 27579.
415 Cotes 27382 et 27384.
416 Cote 7438, VNC 27515.
417 Cotes 7442, 7452, 7378 et s., VNC 27519, 27529, 27455 (Toulouse) ; 7436, 7440, 7450, 7465, 7479, VNC 27513, 27517, 27527, 27542, 27556 (Nantes) ; 7494, 7504, VNC 27571, 27581 (Lyon) et 7500, 7504, VNC 27577, 27581 (Clermont-Ferrand).
418 Cote 44.
419 Cote 591.
420 Cote 567.
421 Cotes 25 à 33.
422 Cote 48.
423 JIRSOF/17/1 (référence parquet : 1633600422).
424 Cour d’appel de Paris, 1er juillet 2021, n° 2019/06816 ; cotes 7782-7792, dans le même sens voir cotes 7723-7729.
425 Cote 14.
426 Cote 2993.
427 Cote 7521.
428 Conseil d’État, 4 mai 2016, affaires n° 395384 et 395386, Mme B...A..., au sujet d’une délibération par laquelle la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique avait, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, donné avis au procureur de la République de faits susceptibles de constituer un délit :
« L’avis donné par une autorité administrative au procureur de la République sur le fondement de ces dispositions et la décision de transmettre les éléments s’y rapportant ne sont pas dissociables de l’appréciation que peut porter l'autorité judiciaire sur l’acte de poursuite ultérieur. »
429 Conclusions de l’avocat général, 4 décembre 2018, pourvoi n° 18-82.746.
430 Cass. Crim., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-82.746.
431 Cote 29839.
432 Cour d’appel de Paris, arrêt du 1er juillet 2021, n° 2019/06816 ; cotes 7782-7792, voir cote 7788, dans le même sens voir cotes 7723-7729.
433 Voir, notamment, Cass. Crim., 2 juin 1986, n° 86-90.975 et Cass. Crim, 18 décembre 1989, n° 89-81.659.
434 Cote 7771.
435 Cote 29.
436 Voir, notamment, CJCE, 20 septembre 2001, Courage et Crehan, aff. C-453/99, pt 22.
437 Cass. Crim., 17 juin 2009, pourvoi n° 08-84.482.
438 Voir, en particulier, Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), 3 déc. 2002, Lilly c. France, requête n° 53892/00.
439 CEDH, 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics c/Italie, requête n° 43509/08, point 59.
440 Cour d’appel de Paris, 3 décembre 2020, RG n° 13/13058, paragraphe 80.
441 Guide sur l’article 13 de la Convention – Droit à un recours effectif, Cour européenne des droits de l’homme 9/89 Mise à jour : 31.08.2022.
442 Cette affaire a donné lieu à un premier arrêt de chambre : CEDH, 16 mai 2023, Janssen de Jong/Pays-Bas, requête n° 2800/16. Deux autres affaires concernant la même question ont été jugées en même temps : Burando Holding B.V. & Port Invest/ Pays-Bas (n° 3124/16 and 3205/16) et Ships Waste Oil Collector B.V/ Pays-Bas (n° 2799/16).
443 Communiqué de presse de la greffière de la CEDH, 26 septembre 2023 (CEDH 265 (2023)). Les trois affaires précitées ont été renvoyées à la Grande Chambre.
444 CEDH, 16 mai 2023, Janssen de Jong/Pays-Bas, requête n° 2800/16, point 67. Traduction libre de l’anglais
« Also, there is an extensive ex post facto judicial oversight in place. In the administrative proceedings concerning the NMA’s decision to impose a fine the applicant companies could, and did, challenge the lawfulness and Convention compliance of the data transmission. As far as the transmitted data that were used for the NMA’s decision are concerned, the applicant companies’ complaints could thus be redressed ». Ce point porte sur l’ingérence dans l’exercice des droits garantis à l’article 8, auquel la CEDH renvoie dans l’analyse de la violation alléguée de l’article 13. Cet arrêt fait l’objet d’un renvoi pendant en Grande Chambre.
445 Voir, par exemple, cour d’appel de Paris, 8 avril 1994, DGCCRF c/ Hyperrallye, RG n° 93/17246, p. 9 ; 26 oct. 2004 Boulangerie dans la Marne, RG n° 04/07315, p. 5.
446 Voir, par exemple, cour d’appel de Paris, 20 déc. 2018, Ordre national des infirmiers, RG n° 18/03421, p. 9.
447 Cass. Com., 13 octobre 2009, pourvoi n° 08-18.224.
448 Cass. Com., 13 octobre 2009, pourvoi n° 08-18.224.
449 Cote 7526. Le courrier indiquait « j’attire votre attention sur les annulations partielles décidées par la Chambre de l’instruction par plusieurs arrêts du 1er juillet dernier [2021], et qui n’ont pas encore donné lieu à cancellation dès lors que certains mis en examen ont interjeté appel de ces décisions, estimant que le champ des annulations intervenues n’était pas suffisamment important ».
450 Cote 7526.
451 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 11 juillet 2019, Janssen-Cilag, 18/01945, point 118 ; et du 21 décembre 2017, Société Crédit Lyonnais, 15/17638, points 104 et suivants ; décisions n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, paragraphes 106 et suivants ; et n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des dispositifs transdermiques de fentanyl, paragraphes 365 et suivants.
452 Cour d’appel de Paris, 29 janvier 2008, RG n° 2006/07820, Le Goff Confort, p. 12.
453 Voir, pour un rappel récent, Cass. Com., 8 nov. 2016, pourvoi n° 14-28.234, p. 20, rendu dans l’affaire dite des « Farines » ; cour d’appel Paris, 11 oct. 2012, Chevalier Nord, RG n° 2011/03298, p. 38.
454 Décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015, Société Grands Moulins de Strasbourg SA et autre.
455 Cass., Crim., 23 novembre 2016, pourvoi n° 15-81.131.
456 Cour d’appel de Paris, 15 décembre 2016, RG n° 12/08968.
457 Décision n° 21-D-01 du 14 janvier 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des isolants thermiques, paragraphes 177 et 178.
458 Cotes 54 à 61.
459 Cotes 104 à 120.
460 Voir les paragraphes 4 (cote 28955) et 92 à 94 (cote 28969).
461 Arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij NV (LVM) e.a. / Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, EU:C:2002:582, points 187 et 192 ; du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals ApS et Alpharma LLC / Commission, T-471/13, EU:T:2016:460, point 354 ; du 27 juin 2012, Bolloré / Commission, T-372/10, EU:T:2012:325, point 104 ; du 9 septembre 1999, UPS Europe SA / Commission, T-175/99, EU:T:2002:78, point 38 et du 22 octobre 1997, SCK et FNK / Commission, T-213/95 et T-18/96, EU:T:1997:157, point 57.
462 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements, n° 20/07505, point 27 ; de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, 13/13058, point 109 et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 10/23945, pa463 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements, n° 20/07505, point 28, et du 3 décembre 2020, Brenntag, n° 13/13058, point 109.
464 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, n° 13/13058, point 112.
465 Cote 2.ge 18.
466 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, La Banque Postale, RG n° 2015/17638, paragraphe 48.
467 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 février 2012, Crédit Lyonnais, n° 10/20555, page 21, non remis en cause, sur ce point, par l’arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2015, G 12-15.971.
468 Arrêt de la Cour de cassation du 12 janvier 1999, 97-13.125.
469 Arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2003, 01-00.528.
470 Cour de cassation, 15 mars 2011, Ets Guy Joubert, n° 09-17055 ; CA Paris, 17 mai 2018, Umicore et a., n° 16/16621, point 42.
471 Décision n° 23-D-15 de l’Autorité du 29 décembre 2023 relative à des pratiques dans le secteur de la fabrication et de la vente de denrées alimentaires en contact avec des matériaux pouvant ou ayant pu contenir du Bisphénol A, paragraphe 768.
472 Ibid, paragraphe 769.
473 Arrêt de la Cour de cassation, 15 mars 2011, Établissements Guy Joubert, pourvoi n° 09-17.055, approuvant sur ce point l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 septembre 2008, Établissement A. Mathé. Voir aussi, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation, n° 2011/01228, page 10.
474 Cotes 37978 et 7097.
475 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6.
476 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6 ; voir également, en ce sens, arrêt de la cour d’appel de Paris, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 2011/18 245 et arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745.
477 Voir par exemple arrêt de la Cour de cassation, 13 juillet 2010, Vedettes inter-îles vendéennes, pourvoi n° 09-67439, page 5.
478 JOCE C/2024/1645 du 22 février 2024, page 6, point 12.
479 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause précitée, point 12.
480 Arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, aff. T-30/05, Rec. p. II107, point 86.
481 Décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 et décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques paragraphe 575 ; voir également arrêt de la cour d’appel de Paris, 26 septembre 2013, société Roland Vlaemynck, RG n° 2012/08948, page 6.
482 Décisions de la Commission européenne, 7 août 2007, HeifelbergCement/Hanson, M.4719, paragraphe 24
et du 27 juillet 2020, Blackstone/KP1, M.9790, paragraphe 13.
483 Décisions de la Commission européenne, 5 mai 2019, Lone Star – Stark Group/ Saint Gobain BDD, M. 9406, paragraphe 19 et du 27 juillet 2020, Blackstone/KP1, M.9790, paragraphe 14.
484 Décision de la Commission européenne du 27 juillet 2020, Blackstone/KP1, M.9790, paragraphes 16 et 17.
485 Décisions de la Commissione européenne, 7 août 2007, HeifelbergCement/Hanson, M.4719, paragraphe 33 et du 27 juillet 2020, Blackstone/KP1, M.9790, paragraphe 21.
486 Cote 3803, saisine n° 18/0161 AC.
487 Voir notamment, l’arrêt de la CJUE du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, point 40.
488 Voir arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26, ainsi que du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, point 63.
489 Voir, notamment, les arrêts de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Hüls/ Commission, C-199/92P, point 161, et Anic Partecipazioni, C-49/92P, point 118.
490 Voir, notamment, les arrêts de la Cour de justice précités, Hüls/ Commission, point 162, Commission/Anic Partecipazioni, point 121, T-Mobile Netherlands e.a., points 51 et 61, et les arrêts du 21 janvier 2016, Eturas e.a., C-74/14, point 33, et du 16 juin 2022, Quanta Storage, C- 699/19P, point 142.
491 Voir notamment, l’arrêt de la CJUE du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a, C-40/73, points 175 et 179.
492 CJCE, 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, EU:C:2004:6, points 55 à 57.
493 Trib., 8 septembre 2016, H. Lundbeck A/S et Lundbeck Ltd/Commission, T-472/13, point 110 ; CJUE, 26 janvier 2017, Keramag Keramische Werke GmbH e.a/Commission, C-613/13 P, point 52.
494 Trib., 15 mars 2000, Cimenteries CBR SA e.a./Commission, T-25/95, point 1838.
495 Voir notamment l’arrêt de la CJCE du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00, points 55 à 57.
496 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, n° 09-11853.
497 Trib., 2 juin 2016, Moreda-Riviere Trefilerias SA e.a./Commission, T-426/10, point 112.
498 Trib., 15 décembre 2016, Koninklijke Philips NV et Philips France/Commission, T-762/14, point 109.
499 Trib., 3 mars 2011, Siemens AG/Commission, T-110/07, EU:T:2011:68, point 50.
500 Trib., 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T-112/07, EU:T:2011:342, points 69 et s..
501 Ibid, point 72.
502 Arrêts de la cour d’appel de Paris, 24 avril 2007, Société JH Industrie, n° 2006/06912, précité, p. 5 ; 25 février 2009, Transeuro Desbordes Worlwide Relocations, n° 2008/02003, p. 7 et 8.
503 TUE, arrêt du 8 juillet 2004, aff. T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, JFE Engineering / Commission, point 312.
504 Voir les arrêts de la Cour de justice du 30 juin 1966, Société́ technique minière, L.T.M. e.a., 56-65, page 359 et du 14 mars 2013, Allianz Hungaria Biztosito e.a. c./Commission, C-32/11, point 33.
505 Voir notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 14 mars 2013, précité, point 36.
506 Voir notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires (CB) c./Commission, C-67/13, points 49 et 50.
507 Voir au niveau européen, l’arrêt de la Cour de justice du 11 septembre 2014, précité, point 51.
508 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France, n° 2009/03532, p. 13 et du 31 janvier 2013, Pierre Fabre Dermo- Cosmétique, n° 2008/23812, p. 16.
509 Arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation / Commission, C-373/14, point 28.
510 Décision n° 21-D-21 du 9 septembre 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises, paragraphe 431.
511 Voir notamment l’arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, paragraphes 79 à 81 et 112 et 113 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, Colgate Palmolive Service SA e.a., n° 2012/00723, page 22.
512 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, Colgate Palmolive Service SA e.a., n° 2012/00723, page 22.
513 Arrêt du Tribunal du 27 juin 2012, Coats Holdings / Commission, T-439/07, paragraphe 142.
514 Arrêt du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens / Commission, T-110/07, paragraphe 246.
515 Arrêt de la Cour du 19 décembre 2013, Siemens / Commission, C-239/11 P, paragraphe 245. 516 Arrêt de la Cour du 19 décembre 2013, Siemens / Commission, C-239/11 P, paragraphe 248. 517 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Chevalier Nord, n° 2011/03298, page 46. 518 Arrêt du Tribunal du 17 mai 2013, MRI / Commission, T-154/09, paragraphe 194.
519 Commission européenne, décision du 31 mai 2006, Méthacrylates, COMP/38.645, confirmée par TUE, 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries Ltd, T-214/06, ECLI:EU:T:2012:275 ; Commission européenne, décision du 15 octobre 2008, Bananes, COMP/39.188.
520 Décision n° 21-D-21 du 9 septembre 2021 relative au transport routier de marchandises, paragraphe 462.
521 Décision n° 21-D-21 précitée, paragraphe 445.
522 Étude thématique sur l’infraction unique, complexe et continue précitée, page 108, mentionnant la décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques.
523 Arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI / Commission, C-48/69, paragraphe 68 et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB / Commission, T-53/03, paragraphe 185.
524 Voir notamment, décision n° 08-D-32 du Conseil de la concurrence du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du négoce de produits sidérurgiques.
525 CJCE, 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105/04 P, points 57, 97 et 98 ; voir également, en ce sens, CJCE, 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00, points 52 et 260, Trib. UE, 17 mai 2013, Trelleborg Industrie SAS/Commission, T-147/09, point 59 ; TPI, 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, point 79 ; 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120/04, point 51.
526 CJCE, 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00, point 260.
527 TPI, 20 mars 2002, Dansk Rørindustri, T-21/99, points 53 à 56 ; Trib. UE, 19 mai 2010, IMI plc, IMI Kynoch Ltd et Yorkshire Copper Tube, T-18/05, points 96 et 97.
528 Voir notamment, arrêts du Tribunal du 17 mai 2013, Trelleborg/Commission, T-147/09 et T-148/09, point 88 et du 17 mai 2013, MRI/Commission, T-154/09, point 199.
529 CJUE, 6 décembre 2012, Verhuizingen Coppens, C-441/11, points 42 à 45.
530 CJUE, 6 décembre 2012, Verhuizingen Coppens, C-441/11, points 42 à 45.
531 CJUE, 6 décembre 2012, Verhuizingen Coppens, C-441/11, points 42 à 45.
532 Arrêt du Tribunal du 16 juin 2015, FSL Holdings e.a / Commission, T-655/11, point 481.
533 CJUE, 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG, C-194/14 P, points 26 à 39.
534 CJUE, 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG, C-194/14 P, point 30.
535 CJUE, 22 octobre 2015, AC-Treuhand AG, C-194/14 P, point 39.
536 TUE, 10 novembre 2017, Icap/Commission, point 103 et jurisprudence citée.
537 TUE, 10 novembre 2017, Icap/Commission, point 107.
538 Décision n° 19-D-12 relative à des pratiques mises en œuvre par des notaires dans le secteur de la négociation immobilière, paragraphe 99.
539 CJUE, 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke GmbH e.a, C-613/13, point 44.
540 Cote 571.
541 Cotes 2361-2364, VNC 13279-13282.
542 Cotes 5308 et 5309.
543 Cotes 34712 et 34713.
544 Cote 34714.
545 Le cahier du directeur commercial Ile-de-France de KP contient des notes qui ne sont pas datées. En revanche, elles sont précédées et suivies par des notes qui sont datées et qui permettent de situer dans le temps les notes non datées.
546 Voir notamment arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Knauf Gips KG/Commission, aff. T-52/03, point 201.
547 Le cahier du directeur commercial Ile-de-France de KP1 contient des notes qui ne sont pas datées. En revanche, elles sont précédées et suivies par des notes qui sont datées et qui permettent de situer dans le temps les notes non datées.
548 Cote 2704, saisine 18/0161 AC.
549 Cote 6923.
550 Voir par exemple, l’affaire « Clinique » à Neuilly-sur-Seine de Besix, portant le numéro d’offre 181032 (ligne 19), dont la date de remise de l’offre était fixée au 6 novembre 2018.
551 Trib., 8 septembre 2016, H. Lundbeck A/S et Lundbeck Ltd/Commission, T-472/13, point 110 ; CJUE, 26 janvier 2017, Keramag Keramische Werke GmbH e.a/Commission, C-613/13 P, point 52.
552 Cotes 12847, 12848, 12850, 12851, 12855.
553 Cote 228.
554 Cotes 287 et 288.
555 Cote 142.
556 Cotes 2672-2673 et 2706-2707, (VNC 13352-13353 et 13100-13101).
557 Cotes 2304-2305 (VNC 13328-13329).
558 Arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, point 74.
559 Arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141/94, points 233, 255, 256 et 341.
560 Cotes 2361-2364, VNC 13279-13282.
561 Cotes 2361-2364, VNC 13279-13282.
562 Cote 38.
563 Cotes 1101 à 1129.
564 Cotes 61 et 2658 à 2734, saisine n° 18/0161 AC.
565 Voir les cotes 2664 à 2674 et 2677 à 2703, saisine n° 18/0161 AC.
566 Cotes 156-158.
567 Cote 6932 (VNC 28578).
568 Voir la Colonne « O » (cote 6923) ou la colonne « P » (cotes 13008 et 13009).
569 Cotes 1101 à 1103, saisine n° 18/0161 AC.
570 Cote 2225.
571 Cotes 343-347.
572 Cotes 224 et 225.
573 Cote 228.
574 Cotes 287 et 288.
575 Cote 7079.
576 Cote 7079.
577 Cotes 7077 et 7079.
578 Message de Soprel à FB du 13 septembre 2017 : « Romainville Dap24 42+2.50 boucles soit 44.50 / toi
43.30 tout compris Dap28 46.10 + 2.50 : 48.60 toi à 48.30 tout cis Dap28R pompier : 50.50 + 2.50 :53 toi à
48.80 tout cis Fourreaux à 5.5 € Je n’ai rien changé... tu es donc bien en dessous de moi !! St Amand DAP 32 53 + 3 boucles : 56€ je ferai une offre à 51.5+2.5 DAP 24 42 + 3 boucles : 45 je fais offre à 41 + 2.5 ». Cote 7078.
579 Cote 7078.
580 Cote 7051.
581 Cote 7077.
582 Cote 7077.
583 Cote 7077.
584 Cotes 7036-7037.
585 Cotes 142 et 143.
586 Cotes 285-286.
587 Cotes 287 et 288.
588 Paragraphe 750 de la notification de griefs.
589 Voir notamment les décisions n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 précitée, n° 16-D-28 du 6 décembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assistance foncière de l’établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes, n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, et n° 01-D-13 du 19 avril 2001 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du transport public de voyageurs dans le département du Pas-de- Calais. Voir également les arrêts de la cour d’appel de Paris du 23 octobre 2007, Eiffage Construction Languedoc, n° 2006/07494, du 18 novembre 2003, SAS Signaux Laporte e.a., n° 2003/04154, et du 18 décembre 2001, SA Bajus Transports e.a., n° 2001/09043.
590 Voir notamment la décision n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 précitée. Voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 avril 1996, société Pro Gec SA, BOCCRF du 15 mai 1996.
591 Voir notamment la décision n° 18-D-19 précitée ainsi que l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 septembre 2010, société Raffalli & Cie, SARL, n° 2009/24813.
592 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 juin 1999, société Solatrag, BOCCRF du 18 février 2000.
593 Cotes 36655-36656.
594 Cote 64, saisine n° 18/0161 AC.
595 Cour d’appel de Paris, 19 juillet 2018, n° 16/01270, paragraphe 332.
596 Cour de justice, 21 janvier 2016, Eturas, aff. C-74/14.
597 Lignes directrices du 17 juillet 2023 sur l’applicabilité de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux accords de coopération horizontale, paragraphe 397.
598 Cote 3502.
599 Cote 37449.
600 Voir notamment la décision n° 05-D-19 du 12 mai 2005 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre des marchés de construction des ouvrages d’art pour la réalisation de l’autoroute A 84, dite "Route des Estuaires", dans le département de la Manche.
601 Chantiers « Garonor », « Entrepôt Frigorifique », « SCI Monschal », « Iko », « Ikea Bayonne », « Ext.Desamais », « ECO RIVERPARC », « FM Logistique », « CENTRE CULTUREL ET SPORTIF », « Sorofi », « ITM », « Rocadest », « Socamil » et « Feytiat ».
602 Chantiers « Garden », « A Raymond », « SCI Delhan », « Carré Costières », « Lavalin », « Le Catamaran- Lesieur », « SCI Campon », « St Symphorien de Lay », « Mustang », « PRD Corbas » et « Leroy Merlin ».
603 Chantiers « Mercedes Loubet » et « SEDE Environnement ».
604 Cotes 3272 à 3295, 3556, saisine n°18/0161 AC.
605 Cotes 3631 à 3650, saisine n°18/0161 AC.
606 Cote 3631, saisine n°18/0161 AC.
607 Cote 3645, saisine n°18/0161 AC.
608 Cotes 3494 à 3502, saisine n° 18/0161 AC.
609 Cote 3494, saisine n°18/0161 AC.
610 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 janvier 1998, Fougerolle Ballot.
611 Cotes 3477 à 3485, saisine n° 18/0161 AC.
612 Cotes 32645-32648.
613 Eurobéton a envoyé un devis à la société SM Entreprise le 10 janvier 2016 et un devis à la société Sopreco le 13 septembre 2016 (cote 35202).
614 Annexe 34 des observations en réponse à la notification de griefs d’Eurobéton. Cotes 32737 à 32750.
615 Un devis « hors bâtiment » portant sur les cellules 1 à 7 d’un montant de 580 000 euros, un devis portant sur la cellule 2 d’un montant de 390 000 euros, un devis portant sur la cellule 3 d’un montant de 1 087 000 euros, un devis portant sur la cellule 4 d’un montant de 1 008 000 euros, un devis portant sur les cellules 6 et 7 d’un montant de 3 885 000 euros.
616 Voir par exemple le courrier du 25 mars 2013 adressé par KP1 à Strudal, comprenant une offre non-datée sur le chantier « O Marché Frais » (cotes 3308 à 3310 et 3556, saisine n° 18/0161 AC). Le tableau des devis indique que cette offre a été envoyée par KP1 au client le 26 mars 2013 (cote 3222, saisine n° 18/0161 AC).
617 Voir le courriel du 30 octobre 2012 adressé par KP1 à Eurobéton comprenant son offre du 30 octobre 2012 sur le chantier « Ikea Bayonne » (cotes 3651 à 3661, saisine n° 18/0161 AC) ; le courriel du 22 novembre 2016 adressé par KP1 à Eurobéton comprenant son offre du 22 novembre 2016 sur le chantier Sorofi (cotes 3382 à 3392, saisine n° 18/0161 AC) ; le courriel du 20 juin 2017 adressé par Strudal à KP1 comprenant son offre du 20 juin 2017 (cotes 3393 à 3429, saisine n° 18/0161 AC).
618 Cote 3844, saisine n° 18/0161 AC.
619 Cote 3855, saisine n° 18/0161 AC.
620 Cote 36449.
621 Cote 36417.
622 Cote 36418.
623 Cote 3802, saisine n° 18/0161 AC.
624 Décision n° 21-D-28 du 9 décembre 2021 relative à la mise en œuvre du V de l’article L. 464-2 du code de commerce concernant l’obstruction par la société Mayotte Channel Gateway SAS à l’investigation services de l’Autorité, paragraphes 25 à 28.
625 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2023, RG n° 22/00474.
626 Décision n° 17-D-27 du 21 décembre 2017 relative à des pratiques d’obstruction mises en œuvre par Brenntag, paragraphe 187 et décision n° 19-D-09 du 22 mai 2019 relative à des pratiques d’obstruction mises en œuvre par le groupe Akka, paragraphe 34.
627 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021, société Akka technologies et autres, paragraphe 15.
628 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité.
629 Arrêt du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish Football Association/Commission, T-46/92, point 31 (précision ajoutée).
630 Cotes 7285 à 7314, 32181.
631 Cotes 35242 à 35244.
632 Arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV e.a., C-8/08, points 46, 49 et 50 ; arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, n° 2011/01228, Lacroix Signalisation e.a., sur la décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, p. 18.
633 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri A/S e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02P, point 112 ; du 10 janvier 2006, Ministero dell’Economica e delle Finanze, C-222/04, point 107, du 11 janvier 2006, Federación Espanola de Empresas de Tecnología Sanitaria (FENIN)/Commission, C-205/03 P, point 25, et du 20 janvier 2011, General Química SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 34.
634 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C-217/05, point 40, du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 55, du 20 janvier 2011, General Química SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 35, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission, C-201/09 P et C-216/09 P, point 95, du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09, point 53, du 29 septembre 2011, Arkema SA/Commission, C-520/09 P, point 37 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 18.
635 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice General Química précité, point 36 ; Akzo Nobel NV e.a./Commission, précité, point 56 ; ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission, précité, point 95 ; Elf Aquitaine SA/Commission, précité, point 53 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris, Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 18 et 20.
636 Arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e.a., n° 01-17896 et 02-10066 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., n° 2008/01095, page 5.
637 TUE, 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich AG e.a. c./Commission, affaires jointes T- 259/02 à T-264/02 et T-271/02, point 326.
638 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Quimica/Commission précité, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 18 et 19.
639 Arrêt Akzo Nobel précité, points 60 et 61, General Quimica précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19 et 20.
640 Arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2017, n° 16-19120. Voir également en ce sens : arrêts du Tribunal du 15 juillet 2015, HIT Groep BV/Commission, T- 436/10, points 140 et suivants ; du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69/04, point 63 ; du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T-38/07, point 70 et jurisprudence citée, et du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T-360/09, point 283.
641 Arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, aff. T-141/07, General Technic-Otis Sàrl, point 58.
642 Voir l’arrêt du Tribunal du 27 octobre 2011, Alliance One International Inc. e.a./Commission, T-24/05, points 126 et 132.
643 Les sociétés KP1 Développement, KP1 R&D, KP1 Armatures ont été mises hors de cause de leur participation en qualité d’auteur aux trois premiers griefs, KP1 Bâtiments aux deux premiers griefs et KP1 SAS au troisième grief, dans la mesure où ces sociétés ne commercialisent pas de produits en relation avec ces griefs.
644 Cote 4861, VNC 28625.
645 Cote 4906, VNC 28670.
646 Cotes VNC 28626, VNC 28636 à 28670.
647 Cotes 4906 et VNC 28670.
648 La société Planchers Durandal a été mise hors de cause de sa participation en qualité d’auteur aux deux premiers griefs, Planchers Fabre au titre du premier grief, dans la mesure où elles ne commercialisent pas de produits en relation avec les griefs notifiés.
649 Cotes 7125, 7138 et s.
650 Cote 5002, VNC 28550.
651 Cotes 4646 et 4648.
652 Cotes 31844 à 31846.
653 Cote 31844.
654 Cotes 4971 à 4976.
655 Cotes 32457, 32186, 32276-32278.
656 Cote 32186.
657 Arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2017, précité.
658 Cote 32233.
659 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE, 2003, L1, p. 1.
660 Communiqué sanctions, paragraphe 6.
661 Arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canin, n° 285-F-D.
662 Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière et ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.
663 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
664 Voir le 3° du XVIII de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021.
665 Le même article 6 a en revanche prévu que les modifications en question n’étaient pas applicables aux procédures pour lesquelles des griefs ont été notifiés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
666 Communiqué sanctions, paragraphe 11.
667 Voir notamment les décisions n° 23-D-08 du 7 septembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations de services d’ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires, n° 23-D-13 du 19 décembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des montres de luxe et n° 23-D-14 du 20 décembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des consoles statiques de jeux vidéo de huitième génération et des accessoires de contrôle compatibles avec le console PlayStation 4.
668 Communiqué sanctions, paragraphe 12.
669 Voir, dans ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canin, précité. Voir également l’arrêt de la Cour de justice du 18 juillet 2013, Schindler, C-501/11 P, dans lequel la Cour a considéré que les lignes directrices adoptées par la Commission « ne constituent ni une législation, ni une législation déléguée au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE, ni la base légale des amendes infligées en matière de concurrence, lesquelles sont adoptées sur le seul fondement de l’article 23 du règlement n° 1/2003 » (point 66), et qu’elles « énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (…), et se limitent à décrire la méthode d’examen de l’infraction suivie par la Commission et les critères que celle-ci s’oblige à prendre en considération pour fixer le montant de l’amende » (point 67).
670 Communiqué sanctions, paragraphe 13.
671 Voir, dans ce sens, le raisonnement du Tribunal, confirmé par la Cour de justice, dans l’affaire Schindler (arrêt du Tribunal Schindler précité, points 118 à 129).
672 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 juillet 2019, Goodmills Deutschland, n° 16/23609, paragraphes 464-466.
673 Arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canin, précité.
674 Paragraphe 7 du communiqué sanctions de 2011.
675 Paragraphe 6 du communiqué sanctions.
676 Cour de cassation, 29 juin 2007, société Bouygues Télécom, n° 07-10303.
677 Voir, en ce sens, Cour de cassation, 12 juillet 2011, Lafarge, n° 10-17482.
678 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2005, société Dexxon Data Media, n° 04-19102, de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club, n° 2008/00255, page 20, et n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, paragraphes 426 et 427, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, Sermetal Réunions e.a., n° 16/14231, paragraphes 140 et 156.
679 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 novembre 2023, RG n° 20/03434, n° 20/3438, n° 20/3454, n° 20/3470 (aff. jointes), paragraphe 599, et jurisprudence citée.
680 Décision n° 16-D-17 du 21 juillet 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide, paragraphe 174.
681 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 19 juillet 2018, RG n° 16/01270, paragraphe 859.
682 Arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2021, n° 18-21.436, pp. 49 et 50.
683 Voir notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 26 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, paragraphes 56 à 59.
684 Voir en ce sens la décision n° 16-D-09 précitée et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, Sermetal Réunions e.a, précité, paragraphe 167.
685 Structures Préfabrication Services.
686 Comptoir de la Préfabrication.
687 Arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, paragraphe 90. Voir également l’arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 27 mars 2019, n° 219 FS-D, page 33.
688 Décision n° 23-D-08, paragraphe 212.
689 Communiqué sanctions, point 27.
690 Communiqué sanctions, points 30 et 31.
691 Voir notamment la décision n° 13-D-03 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier.
692 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 25 février 2009, Transeuro Desbordes Worlwide Relocations, n° 2008/02003 et du 24 avril 2007, JH Industrie, n° 2006/06912.
693 Arrêt de la Cour de justice du 24 septembre 2009, ErsteGroupe Bank e.a./Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, point 103.
694 Voir notamment la décision n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 décembre 2018, Sécurité Vol Feu SARL, n° 18/07722.
695 Décision n° 23-D-08 du 7 septembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations de services d’ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires, paragraphe 569.
696 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 janvier 2016, RG n° 2014/22811, page 7, confirmée sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2017, pourvoi n° K 16-12.907.
697 Décision n° 11-D-13 du 5 octobre 2011 relative à des pratiques relevées dans les secteurs des travaux d’électrification et d’installation électrique dans les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Auvergne et limitrophes, paragraphes 367 et 368.
698 L’écoulement du délai de prescription décennale fait obstacle à ce que la participation de SEAC soit prise en compte (voir notamment le paragraphe 545).
699 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, n° 2015/08224, points 224-225. Voir également en ce sens l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mars 2024, n° RG 20/13093, point 918.
700 Communiqué sanctions, point 30.
701 Communiqué sanctions, points 27 et 28.
702 Décision n° 19-D-25 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des titres restaurant, paragraphe 735.
703 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 novembre 2023, RG n° 20/03434, n° 20/3438, n° 20/3454, n° 20/3470 (aff. jointes), paragraphe 622.
704 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 octobre 2016, RG n° 15/01673, paragraphes 223 à 225.
705 Voir la décision n° 16-D-09 précitée, paragraphe 475, et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, Sermetal Réunions e.a, paragraphe 167.
706Arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 17 mai 2013, Trelleborg/Commission, T-147/09 et T-148/09, point 88. Voir également la décision n° 18-D-24 du 5 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers, paragraphe 156.
707 Communiqué sanctions, point 36.
708 Communiqué sanction, point 38.
709 Décision n° 10-D-28 du 20 septembre 2010 relative aux tarifs et aux conditions liées appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d’encaissement, paragraphe 730 et décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 691.
710 Cote 37333.
711 Décision n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 146.
712 Cour d’appel de Paris, 12 mai 2022, AVA, n° 20/15606 paragraphes 344-345.
713 Décision n° 22-D-21 du 16 novembre 2022 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture à La Réunion, paragraphe 186.
714 Décision n° 07-D-50 du Conseil du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets, points 730 et 769, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club e.a., n° 2008/00255, pp. 20 et 21.
715 Arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T-50/00, Rec. p. II-2395, point 291, et du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26/02, Rec. p. II-713, point 113.
716 Décision n° 19-D-24 précitée, paragraphe 723, confirmé sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, RG n° 20/01494, paragraphe 379.
717 Cote 35849.
718 Cotes 35-36, saisine n° 18/016A C.
719 Cotes 40 et 1049, saisine n° 18/016 AC.
720 Cotes 35441-35443.
721 Notification de griefs, paragraphes 207 à 209.
722 Cote 316, saisine n° 18/0166 AC.
723 Cote 7355.
724 Cotes 2225 et 2226.
725 Cote 13352.
726 Cote 13158.
727 Cote 7043.
728 Cote 143.
729 Décision n° 19-D-24 précitée, paragraphes 721 à 723.
730 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, RG n° 20/01494, paragraphe 605.
731 Voir en ce sens notamment l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, n° RG 20/01494, point 581.
738 Cour d’appel de Paris, arrêt du 21 décembre 2017, RG 16/15499.
739 Arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2017, société Graham & Brown e.a, n° 16-17226 (NB. Dans cet arrêt, la Cour de cassation estime que la prise en compte du caractère mono-produit est contraire à la jurisprudence de la CJUE, arrêt Pilkington du 6 septembre 2016).
740 Décision n° 16-D-11 du 6 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre, paragraphe 348.
741 Décision n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, paragraphes 676-678, confirmée par la cour d’appel de Paris par arrêt du 6 octobre 2022, 20/01494, paragraphe 511. Voir également en ce sens la décision n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie, paragraphes 863-865, partiellement réformée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mars 2024, n° RG 20/13093, notamment aux paragraphes 977 à 984.
742 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mars 2024, n° RG 20/13093, paragraphe 981.
743 Pour les entreprises bénéficiant déjà d’un abattement du montant de base (comme A2C ou Soprel), l’abattement supplémentaire de 30 % sera appliqué au montant corrigé tenant compte de l’abattement précédent. Ainsi A2C bénéficie d’une réduction de 15 % de la sanction au titre de franc-tireur puis d’une réduction supplémentaire de 30 %, soit un abattement global de 40,5 % du montant de base de la sanction. De même, Soprel bénéficie d’une réduction de 90 % au titre du caractère mono-produit de son activité, puis d’une réduction supplémentaire de 30 %, soit un abattement global de 93 % du montant de base de la sanction.
744 Voir notamment la décision n° 15-D-10 du 11 juin 2015 relative à des pratiques mises en œuvre par TDF sur le site de la Tour Eiffel.
745 CJUE, 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3/06 P, point 47.
746 Voir en ce sens l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 septembre 2018, n° 17/22720, points 33 et 41, ainsi que l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 16 novembre 2023, RG n° 20/03434, 20/3438, 20/3454, 20/3462 et 20/3470 (aff. jointes), paragraphe 757, et jurisprudences citées.
747 Ibid. paragraphe 759 et Cass. com. 6 janvier 2015, pourvois n° 13-22.477et n° 13-21.305, Bull. n° 1.
748 Décisions n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan (Eiffage Construction SAS, société mère d’Eiffage Construction Languedoc-Roussillon), n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine (France Télécom, société mère d’Orange), confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 mai 2016, RG n° 2013/01006, et n° 21-D-05 du 4 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine (Vinci SA, société mère de Santerne Nord Tertiaire), confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 mars 2023, RG n° 21/06028, paragraphes 218-231.
749 Communiqué sanctions, points 51 et 52.
750 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-489 QPC.
751 Selon le taux de conversion euro/dollar en vigueur au 1er mars 2022.
752 Communiqué sanctions, paragraphe 53.
753 Cote 4414, saisine n°18/0161 AC.
754 La demande de clémence est présentée au nom de la société Rector Lesage, sa société mère, Lesage Industrie du Béton et « l’ensemble de leurs filiales ».
755 Cote 2030, saisine n° 18/0166 AC.
756 Décision n° 20-D-09 précitée, paragraphe 950.
757 Point 23 du Communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français.
758 Décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, paragraphe 716.
759 Communiqué clémence, point 22.
760 Cotes 36653-36654.
761 Cotes 36657-36658 du mémoire en réponse au rapport.
762 Cotes 26-27.
763 Décision n° 17-D-27 du 21 décembre 2017 relative à des pratiques d’obstruction mises en œuvre par Brenntag, paragraphe 131 ; voir aussi Cass. com., 20 novembre 2001, n° 99-16.776, n° 99-18.253.
764 Cotes 36659-36660.
765 Communiqué sanctions, point 54.
766 Décision n° 21-D-28 précitée, paragraphe 68.
767 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-892 QPC précitée, paragraphe 60 ; voir également la décision n° 21-D-10 du 3 mai 2021 relative à des pratiques d’obstruction mises en œuvre par le groupe Fleury Michon, paragraphe 60.