CA Reims, ch. civ. sect. 1, 28 mai 2024, n° 23/01989
REIMS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
HKS (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mehl-Jungbluth
Conseillers :
Mme Maussire, Mme Mathieu
Avocats :
Me Chemla, Me Pincon
Par jugement du 17 octobre 2023, le tribunal de commerce de Reims a ouvert à la requête de l'URSSAF une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SASU HKS-HOLDING [Z] [M], [Adresse 3] créée en 2015 et ayant pour activité la prise et la gestion de tous intérêts et participations dans des sociétés immobilières, civiles, commerciales et industrielles, prestations de services, conseils, études en matière de gestion financière, patrimoniale, administrative et technique.
Cette société a trois filiales :
- la société HKS AUTOMOTIVE qui a été placée en liquidation judiciaire le 4 août 2020,
- la société GUNLINK, qui a été placée en liquidation judiciaire le 16 février 2024,
- la société ARTURO WEALTH MANAGEMENT.
Maître [B] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire et Maître [T] en qualité d'administrateur judiciaire.
Le tribunal a fixé au 6 juin 2023 la date de cessation des paiements et a ouvert une période d'observation de six mois jusqu'au 17 avril 2024 avec une nouvelle comparution à l'audience du 7 décembre 2023.
Maître [B] a déposé son rapport au greffe le 13 novembre 2023 et un rapport complémentaire le 28 novembre 2023.
Maître [T] a déposé une requête au greffe le 4 décembre 2023 aux fins de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
Par jugement du 12 décembre 2023, le tribunal a notamment :
- constaté que le redressement judiciaire était manifestement impossible,
- mis fin à la période d'observation,
- prononcé la liquidation judiciaire de la société.
Par déclaration reçue le 22 décembre 2023, la SASU HKS-HOLDING [Z] DESIGN (sic) ayant pour président M. [Z] [M], a formé appel de cette décision.
Par conclusions notifiées le 6 février 2024, l'appelante demande à la cour de :
- annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 7 décembre 2023 (sic) à défaut de toute motivation,
Subsidiairement,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 7 décembre 2023,
- dire n'y avoir lieu au prononcé de la liquidation judiciaire,
- ordonner la poursuite de la période d'observation,
- condamner la partie succombante en tous les dépens dont distraction au profit de la SELAS ACG qui en a fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'appelante soutient que :
- la décision doit être annulée pour défaut de motivation, aucune référence à des éléments de fait n'y figurant,
- à titre subsidiaire, elle doit être infirmée dans la mesure où :
* le tribunal ne connaît pas le montant et la nature des créances déclarées
* aucun passif n'a été créé
* les explications du dirigeant n'ont pas été écoutées ni vérifiées
* s'agissant d'une holding qui ne loue aucun local, il ne peut être considéré qu'une assurance soit nécessaire à la poursuite de l'activité
* la société a une activité qui est de détenir des titres de participation
* elle a des actifs constitués par des collectes de fonds (auprès d'un investisseur allemand, d'un autre en Asie), les opérations devant générer de confortables honoraires, éléments qui démontrent à tout le moins que l'enquête de l'administrateur méritait d'être poursuivie et il ne peut donc être soutenu l'impossibilité de la société de présenter des moyens de redressement alors qu'à sa connaissance, le passif exigible ne dépasse pas 20 000 euros.
Elle ajoute que son dirigeant, M. [M], s'est proposé pour prendre en charge le montant du passif exigible.
Par conclusions notifiées le 26 mars 2024, Maître [B] ès-qualités de mandataire judiciaire et Maître [T] ès-qualités d'administrateur judiciaire demandent à la cour de :
- débouter la société HKS HOLDING [Z] [M] de son appel annulation et réformation à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de de commerce de Reims en date du 12 décembre 2023 qui a ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire,
A titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement,
Vu l'article 562 du code de procédure civile,
- prononcer l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société HKS HOLDING [Z] [M],
- condamner la société HKS HOLDING [Z] [M] à payer à Maître [S] [B] ès-qualités la somme de cinq mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société HKS HOLDING [Z] [M] à payer à la SELARL Ajilink - Labis - [T] - De Chanaud, prise en la personne de Maître [N] [T] ès-qualités la somme de cinq mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les dépens d'instance, qui incluront le timbre acquitté par Maître [S] [B] en application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Les intimés soutiennent que :
- il n'y a pas lieu d'annuler le jugement pour défaut de motivation,
- le redressement de la société est manifestement impossible,
- s'agissant de l'actif et du passif, la situation comptable révèle qu'au 31 décembre 2017, la société n'avait aucun actif immobilisé et circulant, qu'elle avait un résultat d'exploitation déficitaire de 73 701 euros et un résultat net bénéficiaire de 138 euros; que son endettement était évalué à cette date à 188 803 euros ; que les créances déclarées s'élèvent à ce jour à la somme de 428 168,14 euros à laquelle il faut ajouter la créance de l'URSSAF (32 816 euros) ; que l'endettement est pour l'essentiel constitué de dettes fiscales et sociales dues depuis 2017,
En définitive,
- compte tenu de l'absence de coopération de la part de Monsieur [Z] [M] à la procédure de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire de la société HKS HOLDING [Z] [M] (il ne répond pas aux convocations de Maître [B] ès- qualités (pièces 34 et 35),
-du défaut de tenue de comptabilité depuis de nombreuses années,
-de l'absence de trésorerie de la part de la SAS HKS HOLDING [Z] [M], à tout le moins ne provenant pas de comptes bancaires situés dans des pays qui ne permettront pas de vérifier l'origine exacte des fonds, comme le prévoient les obligations LAB-FT incombant notamment aux organes de la procédure (articles L561-2 et suivants du code monétaire et financier),
-de conventions de trésorerie ou de prestations qui auraient lié la SAS HKS HOLDING [Z] [M] à la SAS HKS AUTOMOTIVE,
-de l'absence de communication des conventions de trésorerie ou de prestations qui auraient lié la SAS HKS HOLDING [Z]
[M] à la SAS HKS AUTOMOTIVE, et à la SAS GUNLINK (pièce 33 : courrier REFLEXPERT du 14.03.2024),
Puis, au regard :
-des précisions apportées par le cabinet d'expertise-comptable REFLEXPERT, en application des ordonnances rendues par Monsieur le juge-commissaire,
-des documents obtenus de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, qui a par ailleurs précisé que la société HKS HOLDING [Z] [M] ne disposait plus d'encours et que son compte courant bancaire avait fait l'objet d'une clôture en date du 10 août 2023, de sorte que le redressement de la société est manifestement impossible.
Par conclusions notifiées le 15 mars 2024, la procureure générale près la cour d'appel de Reims demande à la cour de confirmer le jugement.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'annulation du jugement pour défaut de motivation :
L'article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit exposer succintement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
L'appelante, qui se dénomme SASU HKS-HOLDING [Z] [M] et non SASU HKS-HOLDING [Z] DESIGN comme indiqué dans la déclaration d'appel et les conclusions, sollicite l'annulation du jugement pour défaut de motivation en fait de la décision.
Il ressort de l'examen de cette décision que la motivation, pour être succinte, n'en est pas moins existante puisqu'y sont notamment visées, même si elles ne sont pas expressément développées, les observations faites par M. [M] présent sans avocat à l'audience du tribunal de commerce, celles des organes de la procédure qui concluent dans le même sens à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, celles du juge commissaire entendu en son rapport et celles du procureur de la république également favorable à une conversion.
Il y est également indiqué qu'il n'est pas envisageable de poursuivre l'exploitation et de proposer un plan d'apurement du passif , ce qui s'entend au regard des éléments de fait développés par M. [M] en particulier ceux résultant du mail qu'il a adressé à l'administrateur judiciaire le 6 décembre 2023 soit la veille de l'audience pour lequel la cour note qu'il n'était accompagné d'aucune pièce justificative (pièce n° 2 de l'appelante).
Le jugement apparaît ainsi suffisamment motivé et il n'y a donc pas lieu de l'annuler.
Le redressement manifestement impossible de la SASU HKS-HOLDING [Z] [M] :
L'article L. 631-15 II du code de commerce dispose qu'à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
* Les éléments d'actif :
Il ressort des pièces versées aux débats que la SASU HKS-HOLDING [Z] [M] est une société holding dont l'unique activité est de détenir des titres de participation.
Cette société détient 420 actions auprès de la SAS ARTURO CREDIT BY SPHINX mais les derniers comptes annuels déposés au greffe portent mention d'une déclaration de confidentialité et l'appelante n'apporte aucun élément sur la valeur des actions détenues.
Il en est de même pour la SAS ARTURO WEALTH MANAGEMENT qui est sa filiale.
S'agissant des titres qu'elle détient auprès d'une autre filiale, la SAS GUNLINK, les derniers comptes, soit ceux de l'année 2017, font état d'un résultat d'exploitation déficitaire de - 57 445 euros et d'un résultat net bénéficiaire de 555 euros, étant observé que par jugement du 13 février 2024, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société GUNLINK ; l'appelante ne donne en tout état de cause aucun élément récent sur cette société.
Par ailleurs, si la SASU HKS-HOLDING [Z] [M] a créé en 2016 la SAS HKS AUTOMOTIVE, spécialisée dans le commerce de voitures, celle-ci a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 juillet 2020 avec un passif déclaré de plus de 3.476.000 euros.
Enfin, s'agissant des titres détenus dans la SAS BROKERS LIFE COMPANY, cette société a également été liquidée le 24 mai 2023.
Si l'appelante soutient disposer d'actifs dans le cadre de son activité, qui seraient constitués de collectes de fonds auprès
d'un investisseur allemand et d'un investisseur koweïtien (pour des investissements financiers en Asie), les investigations très récentes menées par Maître [B] (sa pièce n° 36) permettent de démontrer que soit les procédures de virement de fonds invoquées n'existent pas soit que le document produit intitulé "proof of funds" (pièce n° 11 de l'appelante) présente à tout le moins de très sérieux doutes quant à son authenticité.
Il est par ailleurs constaté qu'aucune comptabilité récente de la société n'est produite par son dirigeant malgré plusieurs rappels, que M. [M] ne collabore pas avec les organes de la procédure et qu'un signalement a été opéré auprès du procureur de la république en raison du non dépôt des comptes depuis 2018 et ce malgré les prolongations de délai accordées par le tribunal de commerce dont la société a bénéficié, éléments qui démontrent encore davantage l'opacité financière qui entoure la société HKS-HOLDING [Z] [M] en particulier concernant les actifs circulants dont le dernier état date du 31 décembre 2017.
En raison de la carence de son dirigeant à produire des documents comptables depuis cette date, l'actif apparaît indéterminé.
Enfin, la société HKS-HOLDING [Z] [M] n'a pas de trésorerie en tout cas dans des établissements bancaires permettant de vérifier l'origine exacte des fonds, comme le prévoient les obligations LAB-FT incombant notamment aux organes de la procédure (articles L. 561-2 et suivants du code monétaire et financier), la BPALC ayant précisé de son côté que la société ne disposait plus d'encours et que son compte bancaire avait fait l'objet d'une clôture le 10 août 2023.
Elle n'a pas non plus versé aux débats les conventions de trésorerie ou de prestations qui l'auraient liée à la SAS HKS
AUTOMOTIVE et à la SAS GUNLINK.
* Les éléments de passif :
Il ressort du bilan établi le 31 décembre 2017 que l'endettement était évalué à cette date à 188 803 euros.
Les créances déclarées s'élèvent au 12 février 2024 à la somme de 428 168,14 euros (pièce n° 3 de Maître [B]) à laquelle il faut ajouter la créance de l'URSSAF (32 816 euros) ; elles concernent pour l'essentiel des dettes fiscales et sociales dues depuis 2017.
Il est par conséquent inexact d'affirmer comme le fait l'appelante que le passif ne dépasse pas 20 000 euros.
Compte tenu de ces éléments, le redressement de la SASU HKS-HOLDING [Z] [M] est manifestement impossible en raison d'une situation irrémédiablement compromise et c'est par conséquent à juste titre que le tribunal de commerce a prononcé sa liquidation judiciaire.
La décision sera confirmée en toutes ses dispositions.
L'article 700 du code de procédure civile :
L'équité justifie qu'il soit alloué à Maître [B] ès-qualités et à Maître [T] ès-qualités chacun la somme de 1 500 euros.
Les dépens :
Les dépens de l'instance d'appel incluant le timbre acquitté par Maître [B] seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Déboute la SASU HKS-HOLDING [Z] [M] de sa demande aux fins d'annulation du jugement.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Reims.
Y ajoutant ;
Condamne la SASU HKS-HOLDING [Z] [M] à payer à Maître [B] ès-qualités de liquidateur judiciaire de ladite société la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SASU HKS- HOLDING [Z] [M] à payer à la SELARL Ajilink-Labis-[T]- De Chanaud, prise en la personne de Maître [T], ès-qualités d'administrateur judiciaire de ladite société la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens de l'instance d'appel incluant le timbre acquitté par Maître [B] doivent être employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.