CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 30 mai 2024, n° 23/11321
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Vavintel (SASU)
Défendeur :
Sci Yvette (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Girousse
Avocats :
Me Viollet, Me Brault, Me Cheviller, Me Guillemain
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 29 janvier 1987, M. [E] [B] et Mme [J] [B] épouse [M], aux droits desquels vient la société SCI YVETTE, ont donné à bail commercial à la société LIDAC, aux droits de laquelle vient la société VAVINTEL, la totalité d'un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5], à destination d'hôtel, pour une durée de 12 ans à compter du 1er juillet 1987.Ce bail a fait l'objet de plusieurs renouvellements.
Par jugement rendu le 15 juin 2010, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2008 à un montant annuel de 66.000 euros.
Par acte extrajudiciaire du 27 juin 2017, la SCI YVETTE a donné congé avec refus de renouvellement du bail et offre de paiement d'une indemnité d'éviction, à la société VAVINTEL pour la date du 31 décembre 2017.
Par ordonnance du 7 décembre 2017, le juge des référés saisi par assignation délivrée à la requête de la SCI YVETTE, a désigné M. [V] [F] en qualité d'expert aux fins de fournir tous éléments utiles à l'estimation des montants de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation.
Par acte d'huissier du 6 mars 2020, la société VAVINTEL a fait assigner la SCI YVETTE devantle tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles de voir constater que le bail a pris fin par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 27 juin 2017 à effet du 31 décembre 2017 et de voir condamner la SCI YVETTE à lui payer la somme de 3.800.000 euros au titre de l'indemnité d'éviction, outre les frais de licenciement du personnel.
L'expert a déposé son rapport le 10 juillet 2020.
Par ordonnance du 9 juillet 2021, le juge de la mise en état a débouté la SCI YVETTE de sa demande de désignation d'un expert judiciaire formée par conclusions d'incident du 27 janvier 2021 réitérées le 19 mai 2021. La SCI Yvette a interjeté appel de cette ordonnance le 28 juillet 2021. Par conclusions signifiées le 2 février 2022, elle s'est désistée de cette procédure d'appel et une ordonnance constatant l'extinction de l'instance d'appel a été rendue le 9 mars 2022.
Entretemps, les 17 et 18 novembre 2021, la SCI Yvette a signifié des conclusions d'incident aux fins de sursis à statuer jusqu'au prononcé par la cour d'appel de l'arrêt statuant sur la demande de complément d'expertise écartée par l'ordonnance du 9 juillet 2021 et de voir ordonnner la production de pièces. Par ordonnance du 21 janvier 2022, le juge de la mise en état a débouté la SCI YVETTE de sa demande de sursis à statuer, a enjoint à la société VAVINTEL de communiquer la liasse fiscale de l'année 2020 ainsi que les déclarations de TVA effectuées pour les dix premiers mois de l'année 2021 et a renvoyé l'affaire à la mise en état en fixant un calendrier de procédure.
Saisi par conclusion d'incidents signifiées par la SCI YVETTE le 15 février 2022 tendant à voir déclarer prescrite la demande de la société VAVINTEL aux fins de voir fixer l'indemnité d'éviction, par ordonnance du 16 décembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré la demande de fin de non-recevoir formée par la SCI YVETTE recevable ;
- déclaré prescrite la demande de la société VAVINTEL tendant au paiement de l'indemnité d'éviction portant sur le bail conclu le 29 janvier 1987 ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur le maintien dans les lieux de la société VAVINTEL et la fixation de l'indemnité d'occupation ;
- rejeté la demande de la société VAVINTEL tendant à condamner la SCI YVETTE à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dommages et intérêts de l'article 123 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à l'audience du juge de la mise en état,
- réservé les dépens et la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 27 juin 2023, la société VAVINTEL a interjeté appel partiel de cette ordonnance .
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2024.
MOYENS ET PRETENTIONS
Par conclusions déposées le 15 janvier 2024, LA SOCIÉTÉ VAVINTEL, appelante, demande à la Cour de :
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état datée du 16 décembre 2022 en ce qu'elle a :
- déclaré la demande de fin de non-recevoir formée par la SCI YVETTE recevable ;
- déclaré prescrite la demande de la société VAVINTEL tendant au paiement de l'indemnité d'éviction portant sur le bail conclu le 29 janvier 1987 ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur le maintien dans les lieux de la société VAVINTEL et la fixation de l'indemnité d'occupation ;
- rejeté la demande de la société VAVINTEL tendant à condamner la SCI YVETTE à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dommages et intérêts de l'article 123 du code de procédure civile ;
- déclarer irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI YVETTE tirée de la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'éviction, à titre principal ; subsidiairement l'en débouter ;
- condamner la SCI YVETTE au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des dommages et intérêts en application de l'article 123 du code de procédure civile ;
- déclarer recevable et bien fondée la société VAVINTEL en sa demande de fixation de l'indemnité d'éviction ;
- enjoindre à la SCI YVETTE d'avoir à conclure, au fond, dans un très bref délai ;
- condamner la SCI YVETTE au paiement d'une somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réserver les dépens.
Par conclusions déposées le 12 janvier 2024, la SCI YVETTE, intimée, demande à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
- débouter la société VAVINTEL de toutes ses prétentions, y inclus celles tendant à l'allocation à son profit de dommages et intérêts, outre une indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile, le débouté des prétentions étant justifié par :
- l'absence de demande de VAVINTEL de recourir à une mesure d'expertise par application de l'article 145 du code de procédure civile, VAVINTEL s'opposant à une telle prétention émise et ne pouvant bénéficier d'une interruption ou d'une suspension ayant pour origine la demande de désignation d'expert formée par la SCI YVETTE au visa de l'article 145 ;
- l'absence de toute prétention de la société VAVINTEL de se voir allouer une indemnité d'éviction avant le 31 décembre 2019 ;
- l'absence de méconnaissance par la SCI YVETTE de la règle de l'estoppel, la preuve de contradictions n'étant pas rapportée ;
- l'absence de preuve du fait que la SCI YVETTE aurait manifesté sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription ;
- l'absence de tout préjudice résultant d'une faute de la société VAVINTEL ;
- condamner la société VAVINTEL par application de l'article 700 à verser à la SCI YVETTE la somme de 5.000 euros ;
- condamner la société VAVINTEL aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
L'article L. 145- 60 du code de de commerce dispose que toutes les actions exercées en vertu du chapitre de ce code relatif au bail commercial se prescrivent par deux ans.
L'article L. 145-9 dernier alinéa du même code précise notamment que le congé délivré en matière de bail commercial doit indiquer 'que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour lequel le congé a été donné'.
En l'espèce, le congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction a été délivré la 27 juin 2017 pour la date du 31 décembre 2017, de sorte que le délai de prescription biennale expirait le 31 décembre 2019. Or la société VAVINTEL, a assigné la SCI YVETTE devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir paiement d'une indemnité d'éviction le 6 mars 2020, soit après l'expiration du délai de prescription.
La société VAVINTEL fait valoir d'une part, que la SCI YVETTE est irrecevable à soulever la prescription, d'autre part que la prescription n'est pas acquise à son encontre pour différents motifs.
1. Sur la recevabilité de la fin de non recevoir
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, et selon l'article 123 du même code, les fins de non recevoir peuvent être opposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Par ailleurs, il résulte du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, qu'est irrecevable la prétention résultant d'un changement d'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles, dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire.
Cette fin de non recevoir ne s'applique que lorsque la contradiction reprochée se manifeste au cours du même instance, de sorte que la société VAVINTEL ne peut reprocher à la SCI YVETTE une contradiction entre ses prétentions lors de la procédure de référé expertise et la procédure au fond, et ce, d'autant moins en l'espèce, que lors de la saisine du juge des référés l'action en paiement d'une indemnité d'éviction n'était pas prescrite, de sorte qu'il n'y avait pas encore lieu d'invoquer la prescription.
La SCI YVETTE n'a pas conclu au fond devant le tribunal judiciaire, les incidents soulevés par elle devant le juge de la mise en état après l'assignation au fond délivrée par la société VAVINTEL visant à obtenir une moindre évaluation de l'indemnité d'éviction ne sont pas en contradiction avec le fait d'invoquer la prescription de la demande en paiement de cette indemnité. De plus, ils n'ont pas pu induire cette dernière en erreur à son détriment puisque la demande en paiement d'une indemnité d'éviction étant prescrite depuis le 31 décembre 2019, sa situation procédurale était d'ores et déjà acquise avant les incidents litigieux.
En conséquence, c'est à juste titre que l'ordonnance déférée a rejeté la fin de non recevoir opposée par la société VAVINTEL et déclaré la SCI YVETTE recevable à invoquer la prescription à la demande en paiement d'une indemnité d'éviction.
2. Sur l'interruption et la suspension de la prescription
La société VAVINTEL n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 2234 du code civil selon lesquelles la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Contrairement à ce qu'elle soutient, la circonstance que la procédure d'expertise portant notamment sur l'évaluation de l'indemnité d'éviction soit en cours ne l'empêchait pas de saisir d'ores et déjà le juge du fonds d'une demande en paiement de cette indemnité. C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait en assignant au fond sa bailleresse le 6 mars 2020 alors que le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 10 juillet 2020.
Selon les article 2241 et 2242 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, cette interruption produisant ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Il résulte de ces textes que la demande en justice n'interrompt le délai de prescription qu'au profit de son auteur.
Selon l'article 2239 du même code, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, le délai de prescription recommençant à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. Seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre et suspendre la prescription, lui seul peut revendiquer l'effet suspensif de son action et en tirer profit. Ainsi, lorsque le juge de référé accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, l'interruption de la prescription lors de l'instance résultant de l'article 2241 puis sa suspension résultant de l'article 2239, ne jouent qu'au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé.
Les dispositions des articles 2228 et suivants du code civil relatives au cours de la prescription extinctive énumèrant les causes de report du point de départ, de suspension ou d'interruption de la prescription ne prévoient pas que la participation d'une partie aux opérations d'expertise pourrait avoir un caractère suspensif ou interruptif de la prescription à son égard.
Ainsi, lorsqu'une expertise aux fins d'évaluer les indemnités d'éviction et d'occupation est ordonnée en référé, la prescription relative aux droits faisant l'objet de la demande d'expertise est interrompue à compter de l'assignation en référé jusqu'à ce que l'ordonnance désignant l'expert soit rendue, puis elle est ensuite suspendue durant les opérations d'expertise et recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois à compter du dépôt du rapport de l'expert, et ce, à l'égard de la seule partie qui a sollicité la mesure d'expertise. La circonstance qu'une partie de la mission confiée à l'expert vise à déterminer les droits de l'autre partie n'est pas de nature à suspendre la prescription à son égard, de sorte qu'il est inopérant de faire valoir que la mission confiée à M. [F] portait également sur l'évaluation de l'indemnité d'éviction pour prétendre que cette mesure suspendrait la prescription à l'égard de la locataire.
Le principe selon lequel l'interruption d'une action peut s'étendre à une autre lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première, ne signifie pas que le bénéfice de l'interruption puisse s'étendre d'une partie à l'autre, contrairement à ce que soutient l'appelante.
L'assignation en référé aux fins d'obtenir la désignation d'un expert judciaire a été délivrée à la requête de la SCI YVETTE le 6 octobre 2017, de sorte qu'elle a interrompu puis suspendu la prescription au profit de cette dernière, s'agissant de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation.
Il ressort de cette ordonnance que devant le juge des référés, la société VAVINTEL ne s'est pas jointe à la demande d'expertise aux fins de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction mais a simplement fait 'protestations et réserves', de sorte qu'en l'absence de demande de sa part, la mesure d'expertise n'a pas eu d'effet suspensif à son égard.
3. Sur la reconnaissance du droit à l'indemnité d'éviction par la SCI YVETTE
Selon l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription, seule une reconnaissance non équivoque résultant d'acte positif pouvant être prise en compte.
Le seul fait de délivrer un congé avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction en application de l'article L. 145-9 du code de commerce ne vaut pas reconnaissance du droit à cette indemnité de la part du bailleur et n'interrompt donc pas la prescription qui court à l'encontre du preneur, lequel doit assigner avant l'expiration du délai de deux ans à compter de la date d'effet du congé conformément au dernier alinéa de ce texte.
La saisine du juge des référés pour obtenir une expertise judiciaire portant sur l'évaluation des indemnités d'éviction et d'occupation susceptibles d'être dues en application de l'article 145 du code de procédure civile, c'est à dire pour 'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige' et la participation à cette expertise ne caractérisent pas une reconnaissance dépourvue d'équivoque du droit de la locataire à recevoir le paiement d'une indemnité d'éviction. Au surplus, en l'espèce, dans la mission d'expertise sollicitée au dispositif de son assignation en référé soit : 'donner son avis d'une part sur le montant de l'indemnité d'éviction pouvant revenir à la société VAVINTEL, et d'autre part, sur le montant de l'indemnité d'occupation due par la société VAVINTEL à compter du 1er janvier 2018", la SCI YVETTE distingue l'indemnité d'occupation qu'elle affirme comme étant due, de l'indemnité d'éviction pour laquelle elle utilise des motifs dubitatifs. De même, le dire adressé à l'expert le 9 septembre 2019, soit avant l'expiration du délai de prescription, par le conseil de la bailleresse ne comporte aucune reconnaissance dénuée d'équivoque de cette dernière de son obligation à payer l'indemnité d'éviction susceptible d'interrompre la prescription.
Les incidents soulevés ensuite devant le juge de la mise en état n'ont pas pu constituer une reconnaissance du droit de la locataire de nature à interrompre la prescription puisqu'elle était déjà acquise .
Il n'y a donc pas eu de reconnaissance par la bailleresse du droit à indemnité d'éviction de la société VAVINTEL ayant interrompu la prescription à l'égard de cette dernière.
4. Sur la renonciation du bailleur à se prévaloir de la prescription acquise
Il résulte des articles 2250 et 2251 du code civil qu'une prescription acquise est susceptible de renonciation expresse ou tacite, la renonciation tacite résultant de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.
Le fait de participer à une mesure d'instruction ordonnée en référé n'implique pas à lui seul la volonté de renoncer à une prescription, et ce, d'autant moins lorsque, comme en l'espèce, cette mesure d'instruction a été ordonnée alors que la prescription n'était pas encore acquise.
Les incidents de la SCI YVETTE saisissant le juge de la mise en état après l'acquisition de la prescription le 31 décembre 2019, aux fins d'obtenir une nouvelle expertise, un sursis à statuer ou des pièces complémentaires ayant pour objet de diminuer le montant de l'indemnité d'éviction sollicitée, ne caractérisent pas une volonté non équivoque de renoncer à la prescrption déjà acquise. Les termes employés dans la rédaction de la mission proposée pour la nouvelle expertise sollicitée pour avoir un avis sur 'le montant de l'indemnité d'éviction auquel peut prétendre au jour de ses opérations la société VAVINTEL', ne caractérisent pas non plus l'existence d'une volonté sans équivoque de renoncer à la prescription acquise.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'ordonnance déférée a déclaré à juste titre la société VAVINTEL irrecevable comme prescrite en sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction.
5. Sur la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l'article 123 précité le juge peut condamner à des dommages et intérêts la partie qui se serait abstenue de soulever plus tôt une fin de non recevoir dans une intention dilatoire.
La SCI YVETTE soutient ne jamais avoir reconnu le droit de la société VAVINTEL au paiement d'une indemnité d'éviction et souligne ne jamais avoir conclu au fond dans le litige soumis au tribunal judiciaire de Paris par assignation du 6 mars 2020 alors que la prescription était déjà acquise.
Elle a cependant saisi le 27 janvier 2021 le juge de la mise en état d'une demande de désignation d'un nouvel expert judiciaire dont elle a été déboutée par ordonnance du 9 juillet 2021. Elle a interjeté appel de cette ordonnance le 28 juillet 2021.
Les 17 et 18 novembre 2021, elle a signifié de nouvelles conclusions d'incident aux fins de sursis à statuer jusqu'au prononcé par la cour d'appel de l'arrêt statuant sur la demande de complément d'expertise écartée par l'ordonnance du 9 juillet 2021 et aux fins de voir ordonnner la production de pièces. Par ordonnance du 21 janvier 2022, le juge de la mise en état l'a déboutée de sa demande de sursis à statuer et a enjoint à la société VAVINTEL de communiquer différentes pièces comptables.
Par conclusions signifiées le 2 février 2022, la SCI YVETTE s'est désistée de sa procédure d'appel à l'encontre de l'ordonnance rendue le 9 juillet 2021 par le juge de la mise en état.
Ce faisant, en soulevant des incidents inutiles puis en soulevant la fin de recevoir tirée de la prescription le 15 février 2022 seulement alors que l'action était déjà prescrite avant même l'assignation au fond du 6 mars 2020, soit près de deux ans auparavant, la SCI YVETTE a adopté une attitude délibérément dilatoire et préjudiciable à la société VAVINTEL qui a dû faire face aux tracas et retards causés par ces procédure dilatoires et abusives, troublant ses conditions d'exploitation et a subi un préjudice moral de ce fait. Au regard du préjudice ainsi subi, il apparaît justifié de la condamner au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.
6. Sur les autres demandes
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer sur le maintien dans les lieux de la société VAVINTEL et la fixation de l'indemnité d'occupation, renvoyé l'affaire à la mise en état, réservé les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'appartient pas à la cour d'appel d'enjoindre à une partie de conclure au fond devant le tribunal judiciaire, cette demande étant de la compétence du juge de la mise en état, elle sera rejetée.
Par considération d'équité, il convient de dire que chacune des parties conserva la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles au titre de la présente procédure d'appel et de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance rendue le 16 décembre 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris (RG N° 20/2886) en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté la société VAVINTEL de sa demande en paiement de 5.000 € de dommages et intérêts en application de l'article 123 du code de procédure civile, l'infirme sur ce dernier point,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SCI YVETTE à payer à la société VAVINTEL la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 123 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel ;
Dit que chaque parties conservera la charge de ses dépens relatifs à la présente procédure d'appel.