CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 30 mai 2024, n° 23/11603
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Andromède (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mollat
Conseiller :
Mme Pelier-Tetreau
Conseiller :
Mme Rohart
Avocats :
Me Leboucq Bernard, Me Pouzadoux, Me Ingold
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 30 septembre 2014, la société en nom collectif Andromède a consenti à la société à responsabilité limitée Event-Thai Traiteur - qui a pour activité la fabrication et la distribution de produits alimentaires, de plats à emporter et une activité de traiteur asiatique - un bail équipé portant sur des locaux sis [Localité 6].
Ce bail commercial a été conclu pour une durée de 9 années, commençant à courir rétroactivement le 1er juillet 2014 pour se terminer le 30 juin 2023.
Par jugement du 20 avril 2016, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Event-Thai. Puis, par jugement du 22 février 2017, le Tribunal a adopté le plan de sauvegarde de la société Event-Thai.
Par jugement du 20 avril 2022, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la résolution du plan de sauvegarde, a ouvert une procédure de redressement judiciaire et a désigné la SELAS BL & Associés, prise en la personne de Me [W], en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL JSA, prise en la personne de Me [N], en qualité de mandataire judiciaire.
Le 9 mai 2022, la société Andromède, bailleresse de la société Event-Thai, a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire sa créance chirographaire pour un montant de 93 147,13 euros.
Le 7 juin 2022, la société Andromède a formé une demande en revendication de meubles à l'encontre de la société Event-Thai, auprès de l'administrateur judiciaire.
Par lettre du 21 juin 2022, l'administrateur judiciaire a indiqué ne pas faire droit à la demande en revendication, prétendant que le droit de la société Andromède sur les meubles revendiqués découle d'un contrat de crédit-bail et qu'en conséquence son droit de propriété n'est pas opposable aux organes de la procédure faute d'avoir effectué une demande dans les délais prévus pour un crédit-bail.
Le 18 juillet 2022, la société Andromède a présenté une requête en revendication de meubles.
Par ordonnance du 23 novembre 2022, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Créteil a rejeté cette requête en revendication au motif que la société Andromède a mis à disposition au profit de la société Event-Thai les matériels revendiqués au titre d'un contrat de bail commercial équipé, lequel prévoit outre la location du local, la location de matériels avec la faculté pour le preneur d'acquérir lesdits matériels pour l'euro symbolique au terme du bail ou à son renouvellement, que cette opération s'assimile à une opération de crédit, qu'il ressort de l'état des inscriptions et privilèges de la société Event-Thai l'absence de publicité, et que par conséquent le droit de propriété de la société Andromède est inopposable à la procédure collective.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 novembre 2022, la société Andromède a formé opposition contre ladite ordonnance.
Par jugement du 26 avril 2023, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Event-Thai.
Par jugement du 31 mai 2023, le tribunal de commerce de Créteil a :
1. Dit recevable le recours de la SNC Andromède à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 23 novembre 2022 ;
2. Infirmé ladite ordonnance en ce qu'elle qualifie à tort le contrat de bail équipé en une opération de crédit ;
3. Dit recevable la demande en revendication de meubles formulée par la SNC Andromède ;
4. Ordonné à la SARL Event-Thai Traiteur la restitution à la SNC Andromède des biens meubles lui appartenant ou en cas de revente de ceux-ci, le montant du prix de revente à la SNC Andromède ;
5. Condamné la SARL Event-Thai Traiteur aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe du 30 juin 2023, enregistrée le 17 juillet 2023, la SELARL JSA, ès qualités, a interjeté appel de ce jugement.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2023, la SELARL JSA, ès qualités, demande à la cour, au visa de l'article L. 624-9 du code de commerce et de l'article L. 313-1 et suivants du code monétaire et financier, de :
Infirmer le jugement rendu par le tribunal en ce qu'il a :
Infirmé l'ordonnance du 23 novembre 2022 en ce qu'elle a qualifié le contrat de bail équipé en une opération de crédit ;
Dit recevable la demande en revendication de meubles formée par la société Andromède ;
Ordonné à la société Event-Thai Traiteur la restitution à la société Andromède des biens meubles lui appartenant ou, en cas de revente de ceux-ci, le montant du prix de revente ;
Statuant à nouveau,
Rejeter la demande en revendication de la société Andromède.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 novembre 2023, la société Andromède demande à la cour, au visa des articles L. 313-1 et suivants et de l'article R. 313-14 du code monétaire et financier, des articles 1124, 1188 et 1371 du code civil, de l'article L. 221-5 du code de commerce et de l'article 13 du décret n°72-665 du 4 juillet 1972, de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit recevable le recours de la SNC Andromède à l'encontre de l'ordonnance du juge- commissaire rendue le 23 novembre 2022 ;
Infirmé ladite ordonnance en ce qu'elle qualifie à tort le contrat de bail équipé en une opération de crédit, enregistrée le 18 juillet 2022 ;
Dit recevable la demande en revendication de meubles formulée par la SNC Andromède ;
Ordonné à la société Event-Thai Traiteur la restitution à la SNC Andromède des biens meubles lui appartenant ou en cas de revente de ceux-ci, le montant du prix de revente à la SNC Andromède ;
Condamné la SARL Event-Thai Traiteur aux dépens de l'instance liquidés à la somme de 109,74 euros TTC.
En conséquence,
Débouter la SELARL JSA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Event-Thai, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Y ajoutant,
Condamner la SELARL JSA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Event-Thai, au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SELARL JSA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Event-Thai, aux entiers dépens.
***
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la qualification du contrat litigieux et l'opposabilité du droit de propriété de la société Andromède aux organes de la procédure
La SELARL JSA, ès qualités, indique que le bail du 30 septembre 2014 prévoit expressément que la location est consentie équipée et que la fourniture de ces équipements était importante compte tenu de l'activité exercée, de sorte que le montant du loyer annuel à hauteur de 392 666 euros, désormais élevé à 420 640 euros, est supérieur à la valeur locative de marché des locaux pris à bail, et que le prix d'un euro a donc été fixé en considération des versements effectués par la société Event-Thai Traiteur pendant les 9 années du bail commercial. Elle ajoute que ledit bail prévoit la possibilité pour le preneur de racheter l'ensemble des équipements et matériels pour l'euro symbolique à son départ des locaux loués intervenant au terme initial ou au terme renouvelé, ce qui montre que, conformément aux articles L. 313-1 et L. 313-7 du code monétaire et financier, cette opération constitue une opération de crédit-bail puisqu'un tel contrat doit prévoir la possibilité pour le crédit-preneur d'acheter le bien.
Elle expose en outre que la société Event-Thai Traiteur bénéficie du régime de présentation simplifiée, étant une petite entreprise au sens de l'article L. 123-16 du code de commerce, c'est-à-dire ne dépassant pas les seuils prévus, de sorte qu'elle n'était pas soumise aux obligations de publicité prévues à l'article R. 313-14 du code monétaire et financier et que la société Andromède ne peut déduire de cette absence de publicité que la société Event-Thai Traiteur serait en infraction et qu'elle n'aurait jamais considéré le contrat comme un crédit-bail. Elle ajoute que le tribunal a pris en compte l'intitulé du contrat (bail commercial), alors qu'il résulte de l'article 1188 du code civil que le juge ne doit pas s'arrêter aux termes du contrat. Elle conteste l'attestation du notaire, considérant qu'il ne s'agissait pas d'une faveur accordée par le bailleur, mais d'un montant de loyer intégrant les équipements.
Elle précise enfin que l'article L. 313-10 précité prévoit une obligation de publicité du contrat afin de le rendre opposable aux tiers et que l'état des nantissements et privilèges de la société Event-Thai Traiteur ne mentionne pas la publicité du contrat au titre duquel la société Andromède loue à la société Event-Thai Traiteur les matériels et équipements, avec la possibilité pour celle-ci d'acquérir ces matériels contre paiement. Elle conclut que le droit de propriété de la société Andromède, à le supposer établi, n'est pas opposable aux organes de la procédure collective, faute pour elle d'avoir effectué la publicité du contrat dans les délais prévus.
La société Andromède réplique que le contrat unissant la société Andromède et la société Event-Thai est un contrat de bail meublé, sans aucune opération de crédit-bail car un crédit-bail doit contenir une promesse de vente, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque qu'aucune des modalités de levée de cette prétendue promesse n'est prévue. En l'absence de promesse de vente ou d'option d'achat valable, elle soutient que l'opération est disqualifiée en location pure et simple et ne saurait se voir appliquer le régime du crédit-bail. Elle conteste en outre le prix d'un euro symbolique au motif qu'il est dépourvu de caractère sérieux. Elle considère ainsi que le prix inclus dans cette prétendue promesse de vente n'est ni déterminé, ni déterminable de sorte que l'une des conditions essentielles de la promesse de vente n'est pas remplie.
Elle ajoute que l'article R. 313-14 s'applique à toutes les personnes morales, même à celles bénéficiant du régime de présentation simplifiée, dans la mesure où cette disposition évoque toutes les personnes morales ayant la qualité de commerçant. Elle précise que prétendre que la société Event-Thai n'était soumise à aucune obligation de publicité ne saurait couvrir le fait que les loyers versés au titre du contrat de bail sont mentionnés dans la liasse fiscale, dans la case excluant spécifiquement les loyers versés dans le cadre d'un contrat de crédit-bail et que cette attitude qui relève de la commune intention des parties, et non de la qualification du contrat, permet d'établir que les parties n'ont eu à aucun moment l'intention de mettre en place un contrat de crédit-bail. Elle énonce en outre que les termes du bail révèlent de façon explicite que les parties ont entendu signer un contrat de bail simple, comme l'indique son intitulé « Bail commercial équipé », ce qui est confirmé par l'attestation du notaire et celle de l'expert-comptable. Enfin, elle expose qu'en vertu du principe d'estoppel, la société Event-Thai ne peut, après avoir choisi de qualifier le contrat de bail lors de la procédure de sauvegarde de 2017, prétendre désormais qu'il s'agit d'un contrat de crédit-bail.
Sur ce,
Par application de l'article L. 313-1 du code monétaire et financier, sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat.
En vertu de l'article L. 313-7 du code précité, les opérations de crédit-bail sont notamment les opérations de location de biens d'équipement ou de matériel d'outillage achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaires, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, donnent au locataire la possibilité d'acquérir tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers.
Le crédit-bail a pour finalité l'accès à la propriété, qui se matérialise par une option d'achat au profit de l'utilisateur.
En l'espèce, le bail prévoit expressément que la location est consentie équipée. La fourniture de ces équipements était essentielle compte tenu de l'activité exercée.
Ces équipements ont d'ailleurs justifié la fixation du loyer annuel à hauteur de 392 666 euros, désormais élevé à 420 640 euros (toutes charges comprises), ce montant étant supérieur à la valeur locative de marché des locaux pris à bail par la société.
L'article 6.3 « éléments d'équipement » du contrat de bail liant les parties stipule que :
« Le Preneur ne peut réclamer aucune indemnité ni réduction du loyer ou des charges en cas de mauvais fonctionnement, arrêt ou panne de l'un quelconque des éléments d'équipements mis à sa disposition par le Bailleur ou d'interruption d'un service, quelles qu'en soient l'origine, la durée et les conséquences.
Il s'engage à faire stipuler la même renonciation par ses assureurs, dans ses polices d'assurances.
Sous réserve du parfait respect de l'ensemble des clauses et conditions des présentes, le Preneur pourra racheter l'ensemble des équipements et matériels pour l'euro symbolique à son départ des locaux loués intervenant au terme initial ou au terme renouvelé. »
Le contrat de bail prévoit ainsi expressément la faculté pour le preneur d'acquérir le matériel pour un euro symbolique, ce mécanisme caractérisant une opération de crédit-bail, conformément aux articles L. 313-1 et L. 313-7 du code précité, et non un bail simple.
La société Andromède conteste cette qualification, au motif qu'un crédit-bail doit contenir une promesse de vente, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.
Or, l'article 6.3 du contrat ci-dessus reproduit prévoit bien la possibilité pour la société d'acquérir le matériel en ces termes : « le Preneur pourra racheter l'ensemble des équipements et matériels pour l'euro symbolique », cette stipulation contenant implicitement et nécessairement une promesse de vente au profit du preneur.
Sur le moyen tiré de la modicité du prix d'achat (un euro symbolique) et donc de son caractère non sérieux et non valable soutenu par la société Andromède, il est établi que le prix convenu pour l'achat correspond au prix résiduel, tenant compte des loyers versés, en ce que le montant du loyer mensuel était particulièrement élevé, d'un montant supérieur à la valeur locative de marché des locaux pris à bail (ce qui a été confirmé par le rapport d'expertise du technicien désigné pour assister l'administrateur judiciaire), précisément car il incluait la location des équipements.
Le prix d'un euro a donc été fixé en considération des versements effectués par la société Event-Thai Traiteur pendant les 9 années du bail commercial et du fait que les équipements n'ont à ce jour plus aucune valeur résiduelle, de sorte que ce prix est économiquement et juridiquement justifié, et donc sérieux.
Sur la commune intention des parties invoquée pour qualifier le contrat litigieux, l'article 1156 du code civil, dans sa version applicable au contrat conclu avant l'ordonnance du 10 février 2016, dispose que On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.
En application de l'article 1162 du même code dans sa version précitée, Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
En l'espèce, l'affirmation de la société Andromède, retenue à tort par les premiers juges, selon laquelle les parties n'auraient jamais voulu mettre en place un contrat de crédit-bail en ce que la société n'aurait pas respecté les obligations afférentes, prévues à l'article R. 313-14 du code monétaire et financier, lui imposant de faire apparaître dans son compte d'exploitation les loyers correspondant à l'exécution du contrat et d'évaluer en annexe du bilan le montant total des charges issues du contrat, est inopérante.
En effet, l'article R. 313-14 du code précité ne s'applique pas aux sociétés bénéficiant du régime de présentation simplifiée, tel que prévu à l'article L. 123-16 du code de commerce. Or, il est observé que la société Event-Thai bénéficie bien du régime de présentation simplifiée, au sens des dispositions précitées, c'est-à-dire ne dépassant pas deux des trois seuils suivants : nombre de salariés (50), montant net du chiffre d'affaires (12 000 000 euros), total du bilan (6 000 000 euros), dès lors qu'il résulte des comptes 2019 et 2020 que son chiffre d'affaires en 2020 était de 5 300 000 euros et que le total de son bilan était de 3 200 000 euros. Il s'ensuit que la société Event-Thai n'était pas soumise aux obligations de publicité prévues à l'article R. 313-14 du code précité.
Le moyen opposé par la société Andromède, également retenu par le tribunal, tiré de l'intitulé du contrat, indiquant « bail commercial » et ne faisant pas apparaître le terme de crédit-bail n'est pas non plus fondé, en ce que le juge ne doit pas s'arrêter aux termes du contrat, a fortiori à son seul intitulé, mais à la commune intention des parties. Il ne saurait donc s'agir d'un élément déterminant pour qualifier le contrat.
En outre, le tribunal excipe de l'attestation du notaire intervenu à la signature du bail, indiquant qu'à aucun moment il n'a été question, concernant l'article 6.3 du bail, qu'il puisse s'agir d'une convention de crédit-bail, mais que les parties ont entendu organiser une faveur du bailleur octroyée au preneur de s'approprier les équipements. La cour rejettera cette attestation, puisqu'il a été démontré supra que le montant du loyer avait été fixé - en considération de la valeur des équipements - à un montant plus élevé que la valeur locative de marché. Le loyer annuel s'élevait en effet en 2021 à 420 641,20 euros HT et HC, alors que sa valeur locative de marché a été estimée par le cabinet d'experts immobiliers Robine et Associés à cette même période à un montant de 324 000 euros HT et HC. La différence, de près de 100 000 euros annuels durant les 9 années du bail, ne saurait donc s'assimiler en une faveur mais justifie bien, au contraire, l'option d'achat pour un euro et s'inscrit dans l'économie du contrat qui a été l'intention commune des parties.
Enfin, selon le principe d'estoppel une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers. Toutefois, la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir si les actions engagées n'étaient ni de même nature, ni fondées sur les mêmes conventions et n'opposaient pas les mêmes parties. Or, si la société Event-Thai avait effectivement choisi de qualifier le contrat de bail lors de la procédure de sauvegarde de 2017, elle peut cependant prétendre désormais que le contrat doit être qualifié de crédit-bail dès lors qu'il s'agit d'une action distincte de celle de 2017.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les parties avaient la commune intention de conclure un contrat de crédit-bail.
Par ailleurs, l'article L. 313-10 du code monétaire et financier pose le principe de la publicité des opérations de location financière assimilées à des opérations de location financière avec option d'achat.
Si les formalités de publicité n'ont pas été accomplies dans les conditions fixées aux articles R. 313-4 à R. 313-6, l'entreprise de crédit-bail ne peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de son co-contractant, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété, sauf si elle établit que les intéressés avaient eu connaissance de l'existence de ces droits.
Un contrat de location financière avec option d'achat non publié, ou dont la publicité serait irrégulière, est donc inopposable aux tiers. Cette inopposabilité s'applique également à l'égard des organes de la procédure qui auraient connaissance du contrat.
En l'espèce, l'état des nantissements et privilèges de la société ne mentionne pas la publicité du contrat au titre duquel la société Andromède loue à la société Event-Thai Traiteur les matériels et équipements, avec la possibilité pour celle-ci d'acquérir ces matériels contre le paiement d'un euro symbolique.
En conséquence, le droit de propriété de la société Andromède n'est pas opposable aux organes de la procédure collective, faute pour elle d'avoir effectué la mesure de publicité du contrat de bail dans les délais prévus.
La cour accueillera par conséquent le moyen tiré de l'inopposabilité du droit de propriété de la société Andromède au liquidateur judiciaire.
Sur l'opposabilité du crédit-bail à la société Andromède au regard des pouvoirs du gérant d'une société en nom collectif
La société Andromède indique que si l'opération concernée devait être qualifiée d'opération de crédit-bail, celle-ci ne lui serait pas opposable dans la mesure où son objet social ne prévoit pas la possibilité d'accomplir des actes de crédit-bail. Elle conclut qu'en présence d'un contrat de bail et dès lors qu'elle a respecté les délais, les conditions de la recevabilité de la demande en revendication sur les aménagements et biens meubles fournis à la société Event-Thai et qui sont toujours présents dans les locaux, sont remplies.
La SELARL JSA, ès qualités, réplique que les opérations de crédit-bail mentionnées à l'article L. 313-7 du code monétaire et financier ne peuvent être faites à titre habituel que par des entreprises commerciales agréées en qualité d'établissement de crédit et qu'en conséquence, toute société peut conclure occasionnellement une opération de crédit-bail. Elle ajoute que l'objet social de la société Andromède ne s'oppose pas à cette opération.
Sur ce,
Les opérations de crédit-bail mentionnées à l'article L. 313-7 précité ne peuvent être faites à titre habituel que par des entreprises commerciales agréées en qualité d'établissement de crédit. Il se déduit de cette disposition que toute société peut conclure occasionnellement une opération de crédit-bail soumise aux dispositions du code monétaire et financier et pas uniquement les établissements financiers.
Par ailleurs, l'objet social de la société Andromède comporte notamment « Toutes opérations financières, mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement à cet objet et susceptible d'en favoriser la réalisation ».
Or, une opération de crédit-bail est bien une opération financière, mobilière, et se rattachant en l'espèce au bail commercial. Il s'ensuit que la réalisation d'une opération de crédit-bail entre dans son objet social, de sorte que cette opération lui est opposable.
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Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le contrat litigieux doit être qualifié de crédit-bail, que le droit de propriété de la société Andromède sur les équipements n'est pas opposable aux organes de la procédure collective et que cette opération de crédit-bail lui est opposable. Dès lors, la cour infirmera le jugement et, statuant à nouveau, rejettera la demande en revendication de la société Andromède sur les meubles objets de l'option d'achat.
Sur les frais et dépens
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En outre, l'équité conduit à rejeter la demande de condamnation de la société Andromède formée par la SELARL JS au titre des frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera donc la charge de ses propres frais.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel ;
Statuant à nouveau,
Rejette la demande en revendication de la société Andromède ;
Condamne la société Andromède aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.