CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 30 mai 2024, n° 22/13141
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Trois Vallées (SCI)
Défendeur :
Pharmacie Sillam (SELAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Lebée
Avocats :
Me Meillet, Me Etevenard, Me Cormerais, Me Denizot
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 18 février 2010, la SCI Les Trois Vallées a donné à bail commercial à la société Pharmacie Sillam divers locaux situés au rez-de-chaussée d'un immeuble sis [Adresse 5], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2010, jusqu'au 31 décembre 2018 et moyennant un loyer annuel en principal de 30.000 euros HT et HC.
Le bail stipule que le preneur s'engage à procéder aux travaux d'aménagement suivants : « abattage de la cloison en parpaings séparant le local d'orthopédie et le local objet des présentes, les poteaux devant être toutefois conservés, percement mur séparant la réserve de la pharmacie appartenant à la Pharmacie et le local objet du bail, retrait du WC existant et de la cloison matérialisée au crayon sur le plan annexé au bail, aménagement d'un local WC dans le local figurant sous teinte verte non loué ».
Reprochant au preneur l'absence d'aménagement du local WC destiné au local mitoyen en dépit de son engagement contractuel et se prévalant de l'autorisation expresse délivrée par le syndicat des copropriétaires pour y procéder, la SCI l'a assigné, par acte d'huissier en date du 14 septembre 2017, devant le tribunal de grande instance de Paris, essentiellement en condamnation à effectuer les travaux sous astreinte et paiement de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis, subsidiairement, en résiliation du bail.
En cours d'instance, la SCI Les Trois Vallées a fait délivrer congé avec refus de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction, par exploit d'huissier en date du 29 juin 2018 pour le terme du bail fixé au 31 décembre 2018.
Par jugement mixte du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SCI Les 3 vallées ;
En conséquence,
- déclaré recevable le moyen soulevé par la société Pharmacie Sillam, tiré de ce qu'il appartient au bailleur de solliciter l'autorisation du syndicat des copropriétaires pour réaliser les travaux d'aménagement du local WC ;
- déclaré la SCI Les 3 vallées irrecevable, pour être prescrite, en sa demande de condamnation de la société Pharmacie Sillam à exécuter les travaux d'aménagement d'un local WC ;
- débouté la SCI Les 3 vallées de sa demande de résolution du contrat pour dol ;
- débouté la SCI Les 3 vallées de sa demande de résiliation judiciaire du bail aux torts de la société Pharmacie Sillam et de ses demandes subséquentes tendant à l'expulsion de cette dernière et à être autorisée à séquestrer les meubles et facultés mobilières ;
- condamné la société Pharmacie Sillam à payer à la SCI Les 3 vallées la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts ;
- dit que le refus de renouvellement et refus de paiement d'une indemnité d'éviction délivré le 29 juin 2018 par la SCI Les 3 vallées est irrégulier pour défaut de mise en demeure régulière ;
- dit que ce refus de renouvellement a mis fin au bail à compter du 31 décembre 2018 ;
- dit que ce refus de renouvellement a ouvert le droit pour la société Pharmacie Sillam au paiement d'une indemnité d'éviction et ouvert le droit pour la SCI Les 3 vallées au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2019 ;
- avant dire droit sur le surplus des demandes, ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder Mme [G] [B] [L] avec mission habituelle ;
- dit n'y avoir lieu à condamner la société Pharmacie Sillam au paiement de l'indemnité d'occupation en douze mensualités jusqu'à libération des lieux ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- réservé les dépens et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 11 juillet 2022, la société Les Trois Vallées a interjeté appel partiel du jugement.
Par conclusions déposées le 3 janvier 2023, la Pharmacie Sillam a interjeté appel incident partiel du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SCI Les Trois Vallées la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts et en ce qu'il a refusé de condamner la société Les Trois Vallées à verser la somme de 5.000.000 euros au titre de l'indemnité d'éviction.
Par conclusions déposées le 18 septembre 2023, la SCI Les Trois Vallées a soulevé un incident aux fins de déclarer irrecevables certaines demandes de la société pharmacie Sillam.
Par ordonnance du 21 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a constaté que la contestation de la validité du congé délivré par la SCI Les Trois Vallées ne constituait pas une demande nouvelle et s'est déclaré incompétent au profit de la cour d'appel pour connaître des fins de non-recevoir tirées de la prescription soulevées par les parties.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 janvier 2024, la société Les Trois Vallées, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
- déclarer la SCI Les Trois Vallées recevable en son appel ;
- déclarer la société Pharmacie Sillam irrecevable en ses arguments contradictoires au détriment de la SCI Les Trois Vallées ;
- infirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 (RG n°17/13692) par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :
- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SCI Les Trois Vallées ;
- déclaré recevable le moyen soulevé par la société Pharmacie Sillam, tiré de ce qu'il appartient au bailleur de solliciter l'autorisation du syndicat des copropriétaires pour réaliser les travaux d'aménagement du local WC ;
- déclaré la SCI Les Trois Vallées irrecevable, pour être prescrite, en sa demande de condamnation de la société Pharmacie Sillam à exécuter les travaux d'aménagement d'un local WC ;
- débouté la SCI Les Trois Vallées de sa demande de résolution du contrat pour dol ;
- débouté la SCI Les Trois Vallées de sa demande de résiliation judiciaire du bail aux torts de la société Pharmacie Sillam, et de ses demandes subséquentes tendant à l'expulsion de cette dernière et à être autorisée à séquestrer les meubles et facultés mobilières ;
- dit que le refus de renouvellement et refus de paiement d'une indemnité d'éviction délivré le 29 juin 2018 par SCI Les Trois Vallées est irrégulier pour défaut de mise en demeure régulière ;
- dit que ce refus de renouvellement a ouvert le droit pour la société Pharmacie Sillam au paiement d'une indemnité d'éviction à compter du 1er janvier 2019 ;
- dit n'y avoir lieu à condamner la société Pharmacie Sillam au paiement de l'indemnité d'occupation en douze mensualités jusqu'à libération des lieux ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire.
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus et notamment en ce qu'il a :
- dit que le refus de renouvellement a mis fin au bail à compter du 31 décembre 2018 ;
- dit que ce refus de renouvellement a ouvert le droit pour la SCI Les Trois Vallées au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2019 ;
- condamné la Pharmacie Sillam à verser à la SCI Les Trois Vallées la somme de 3.500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer bien fondée la SCI Les Trois Vallées en ses demandes ;
- déclarer la société Pharmacie Sillam irrecevable toute demande d'indemnité d'éviction ou de contestation de la régularité ou des motifs du congé délivré le 29 juin 2018, comme constituant une demande nouvelle en cause d'appel ;
- déclarer prescrite toute demande d'indemnité d'éviction, de nullité ou de contestation de la validité ou des motifs du congé ;
- valider le congé délivré le 29 juin 2018, comme ayant mis fin au bail ;
- débouter la société Pharmacie Sillam de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction, comme mal fondée, faute d'avoir contesté ledit congé dans les délais de la prescription biennale ;
- déclarer la SCI Les Trois Vallées recevable, pour n'être pas prescrite, et bien fondée en sa demande de condamnation de la société Pharmacie Sillam à exécuter les travaux d'aménagement d'un local WC, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- condamner la société Pharmacie Sillam à verser à la SCI Les Trois Vallées la somme de 29.900 euros à titre d'indemnité pour travaux non réalisés correspondant à la franchise et aux réductions de loyers non acquises ;
- ordonner l'expulsion de la société Pharmacie Sillam desdits locaux et ce sans délai, avec l'assistance de la force publique si besoin est, à défaut de restitution volontaire des locaux, selon les modalités prévues au bail résolu ou résilié, dans le délai de deux mois consécutifs à la signification de la décision à intervenir ;
- ordonner la remise en état des locaux comme ils étaient avant le bail, aux frais de la société Pharmacie Sillam ;
- fixer l'indemnité d'occupation annuelle à compter du 1er janvier 2019 à la valeur locative et subsidiairement à la somme de 43.200 euros hors charges par an ;
- condamner la société Pharmacie Sillam à s'acquitter de cette indemnité d'occupation par douze échéances mensuelles, jusqu'à parfaite libération des lieux, tout mois commencé étant dû ;
- débouter la société Pharmacie Sillam de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
- condamner la société Pharmacie Sillam à verser à la SCI Les Trois Vallées la somme de 10.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Pharmacie Sillam aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Laurent Meillet, avocat aux offres de droit, dûment constitué, qui le requiert, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Les Trois Vallées fait valoir que :
- sur les demandes relatives au congé délivré le 29 juin 2018,
- sur la validité du congé et l'irrecevabilité de la demande d'indemnité d'éviction, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 145-60 du code de commerce, la Pharmacie Sillam disposait d'un délai de deux ans à compter de la prise d'effet du congé, le 1er janvier 2019, pour saisir le tribunal judiciaire, soit au plus tard le 31 décembre 2020 ; qu'elle n'a jamais contesté la validité du congé, ni saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'indemnité d'éviction avant le 31 décembre 2020 ; qu'ayant demandé la nullité du congé et subsidiairement en cas de nullité du congé, une indemnité d'éviction, la Pharmacie Sillam ne pouvait former une demande d'indemnité d'éviction si le congé avec refus de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction était jugé régulier ; que les Premiers Juges ont considéré ultra petita que le refus de renouvellement et le refus de paiement d'une indemnité d'éviction délivrés le 29 juin 2018 par la SCI Les Trois Vallées étaient irréguliers pour défaut de mise en demeure régulière ; que les parties à l'instance s'accordent à considérer que le congé du 29 juin 2018 est valable en ce qu'il a mis fin au bail à compter du 31 décembre 2018, pour avoir refusé son renouvellement ;
- sur la régularité de motifs graves et légitimes du congé, que la demande de contestation de motifs justifiant l'absence d'indemnité d'éviction est nouvelle en cause d'appel de sorte qu'elle sera jugée irrecevable conformément à l'article 564 du code de procédure civile ; qu'à titre subsidiaire, cette demande serait prescrite comme formée pour la première fois par voie de conclusions d'appelant signifiées le 3 janvier 2023 ;
- sur la prescription de l'action en contestation de la régularité du congé et de la demande d'indemnité d'éviction, que l'action en contestation de la régularité du congé délivré le 29 juin 2018 pour le 31 décembre 2018, était prescrite le 31 décembre 2020, dans le délai de deux ans de l'article L. 145-60 du code de commerce, augmentée éventuellement d'un délai de suspension, si la Cour considère que la mesure de médiation ordonnée a eu cet effet jusqu'au 25 janvier 2022 ; que ce n'est que par conclusions en date du 3 janvier 2023 que la Pharmacie Sillam a contesté la régularité des motifs de refus d'indemnité d'éviction, de sorte qu'elle est prescrite ;
- sur les motifs graves et légitimes justifiant l'absence d'indemnité d'éviction, qu'elle a mis en demeure préalablement la Pharmacie Sillam d'avoir à effectuer les travaux pour lesquels elle avait reçu l'autorisation du Syndicat des copropriétaires, par plusieurs lettres de 2011 et 2012 ; que la concluante n'avait pas à demander l'autorisation du Syndicat des copropriétaires, lequel l'avait déjà donné directement à la Pharmacie Sillam ; que nul ne pouvant se prévaloir de son propre manquement, de sa propre turpitude, la Pharmacie Sillam sera déclarée mal fondée à contester la validité du congé, lequel lui a été précisément délivré pour défaut d'installation du WC, en violation de ses engagements pris devant notaire ; que le congé délivré le 29 juin 2018 est valable, faute d'avoir été critiqué dans le délai de deux ans à compter du terme du bail ; que l'intimée s'est contredite sur l'obligation pour les bailleurs de solliciter des autorisations, le 30 janvier 2012 et le 21 février 2019, de sorte que ce moyen sera déclaré irrecevable selon le principe de l'estoppel ; que l'action en exécution d'une obligation contractuelle de procéder à réaliser les travaux n'est pas prescrite dès lors que le preneur avait la faculté de les réaliser jusqu'à l'expiration du bail prévue le 31 décembre 2018, le 1er janvier 2019 étant donc le point de départ de prescription ; que la preneuse a informé le bailleur, par courrier officiel du 30 janvier 2012, qu'elle sollicitait directement du syndicat des copropriétaires l'autorisation de travaux et indiquait au bailleur qu'elle lui ferait parvenir la réponse qui lui serait alors apportée, ce qui constitue une reconnaissance de l'obligation, qui interrompt la prescription au sens de l'article 2240 du code civil ; qu'une nouvelle autorisation du syndicat des copropriétaires n'était pas nécessaire ; qu'en s'engageant à solliciter toutes les autorisations nécessaires aux termes du bail, la Pharmacie Sillam ne peut soutenir aujourd'hui être dans l'incapacité juridique de solliciter auprès du syndic l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires d'une résolution de travaux ; qu'en n'exécutant pas une obligation conventionnelle issue du bail, reçu en la forme authentique, sans laquelle la bailleresse n'aurait pas donné son consentement, la Pharmacie Sillam a commis un dol au sens des dispositions de l'article 1137, anciennement 1116 du code civil et justifiant l'absence de tout droit à indemnité d'éviction ; qu'au regard de la non-exécution intégrale des travaux imputable à la Pharmacie Sillam, les motifs du congé sont justes, graves et légitimes ;
- sur l'absence de caractère nouveau de la prescription, que la concluante n'est pas prescrite dès lors qu'elle n'a pas eu le temps de soulever l'irrecevabilité, au regard de la demande irrecevable formulée 3 jours avant la clôture en première instance par la Pharmacie Sillam ;
- sur l'absence d'effet suspensif de la médiation ineffective, qu'aucune réunion de médiation n'a pu se tenir, de sorte que la médiation n'a pu avoir d'effet suspensif, étant précisé que nul ne peut se prévaloir de ses propres manquements au regard de l'annulation de plusieurs réunions par la Pharmacie Sillam ; que la prescription des actions en contestation du congé ou en paiement d'une indemnité d'éviction, était définitivement acquise le 31 décembre 2020, dès lors que la mesure de médiation telle qu'ordonnée avait perdu tout pouvoir interruptif de prescription par l'effet de la caducité ou de l'ineffectivité encourue ;
- sur l'éventuel effet suspensif, que si la cour devait estimer que pouvait avoir un effet suspensif jusqu'au 22 juin 2021, la mesure de médiation judiciairement ordonnée le 28 mai 2020, mais jamais mise en place du fait de l'une des parties, elle devra considérer que la suspension ne peut avoir d'effet sur une demande de contestation du congé formulée seulement par conclusions signifiée le 3 janvier 2023.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 janvier 2024, la société Pharmacie Sillam, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
À titre liminaire :
- déclarer la société Pharmacie Sillam recevable à contester la validité du congé signifié par exploit du 29 juin 2018, une telle demande n'étant pas nouvelle en cause d'appel ;
- déclarer la société Pharmacie Sillam recevable comme étant non prescrite à solliciter la fixation et le paiement d'une indemnité d'éviction suite au congé signifié à la demande de la société Les Trois Vallées SCI par exploit du 29 juin 2018 ;
- déclarer la société Pharmacie Sillam recevable en toutes ses demandes ;
- confirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a déclaré la société Les Trois Vallées SCI prescrite en sa demande tendant à la condamnation de la société Pharmacie Sillam à exécuter sous astreinte les travaux d'aménagement d'un local WC ;
Au surplus :
- confirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions, sauf :
- en ce qu'il a condamné la société Pharmacie Sillam à payer à la société Les Trois Vallées SCI la somme de 3.500 € à titre de dommages-intérêts ;
- en ce qu'elle a refusé de condamner la société Les Trois Vallées à verser la somme de 5.000.000 euros au titre de l'indemnité d'éviction ;
Statuant à nouveau sur ce dernier point :
- débouter la société Les Trois Vallées de toutes ses demandes de dommages-intérêts ;
- condamner la société Les Trois Vallées à payer à la société Pharmacie Sillam la somme de 5.000.000 € au titre de l'indemnité d'éviction ;
En toute hypothèse :
- débouter en conséquence la société Les Trois Vallées de toutes ses demandes, fins et prétentions ; - condamner la société Les Trois Vallées aux dépens d'appel ;
- condamner la société Les Trois Vallées à payer à la société Pharmacie Sillam la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en application de l'article 699 du même code dont distraction au profit de l'avocat soussigné.
Au soutien de ses prétentions, la société Pharmacie Sillam oppose :
- À titre liminaire, sur la recevabilité des demandes en paiement de l'indemnité d'éviction, qu'au sens de l'article 2238 du code civil, la suspension de la prescription n'est pas dépendante du début effectif de la mesure de médiation mais de la volonté des parties d'y recourir, de sorte que la médiation, procédant de l'accord des parties, a été donné respectivement par message RPVA des 31 janvier et 6 février 2020, la prescription ayant été suspendue à compter du 6 février 2020 ; que le délai de prescription a recommencé à courir à compter du message RPVA par lequel le conseil du bailleur indiquait que la médiation avait échoué le 22 juin 2021 ; qu'une première réunion de médiation a bien eu lieu le 5 mars 2021 ; que la contestation de la régularité du congé n'est pas nouvelle dès lors qu'elle a été entreprise par conclusions du 24 septembre 2021 ;
- Sur la prescription de l'action en exécution forcée, sur le fondement de l'article 2224 du code civil que la société Les 3 Vallées est devenue titulaire d'une créance contractuelle envers la locataire par acte du 18 février 2010, soit la date d'exigibilité de l'obligation ; que bien que des échanges transactionnels soient intervenus et que plusieurs mises en demeure aient été adressées par la bailleresse à la Pharmacie Sillam, le cours de la prescription n'a été ni suspendu ni interrompu (Civ 1ère, 3 nov. 2016, n° 15-23419), de sorte que la prescription a été acquise le 19 février 2015 ; que les termes employés dans le courrier adressé le 30 janvier 2012 ne constituent pas une reconnaissance par le débiteur de son obligation.
- Sur la contestation du congé pour motifs graves et légitimes,
sur la forme, que sur le fondement de l'article L.145-17 du code de commerce, l'acte contenant le congé n'est pas un acte extrajudiciaire reproduisant les mentions obligatoires, de sorte que les mises en demeure sont nulles et de nul effet ;
sur l'absence de motifs graves et légitimes, que la concluante conteste être débitrice d'une obligation d'avoir à réaliser les travaux en raison de l'incertitude qui existe sur l'autorisation du syndicat des copropriétaires nécessaire ou non pour raccorder les WC au réseau d'évacuation commun ; que le bailleur ne démontre ni l'existence d'une canalisation privative, ni celle d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires concernant le raccordement des WC au réseau d'évacuation commun ; que le tribunal a dénaturé les stipulations du bail et méconnu les faits, la pharmacie ayant bien intenté des démarches auprès du syndic pour obtenir l'autorisation, ce qui ressort du courrier du conseil de la pharmacie du 30 janvier 2012 ; que le bail stipule bien que le preneur fera son affaire personnelle de l'obtention des autorisations nécessaires pour la réalisation des travaux mais il ne stipule pas que le bailleur donne pouvoir au preneur de s'adresser au syndic à sa place ; que le manquement reproché n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail compte tenu du délai de 7 ans au bout duquel le bailleur l'a assignée, du manquement reproché portant sur un seul des travaux, de l'incertitude sur l'autorisation de la copropriété et des contreparties offertes au preneur pour la prise en charge des travaux ; qu'aux termes de l'article 1184 du code civil, la faute doit rendre impossible la poursuite de l'exécution du bail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que le bail est allé jusqu'à son terme.
- Sur le défaut d'inviolabilité du principe de l'estoppel,
sur son application, que le principe de l'estoppel n'est pas applicable dès lors qu'il ne porte pas sur une matière de procédure, étant précisé qu'elle peut opposer tout moyen de défense conformément à l'article 72 du code de procédure civile ;
à titre subsidiaire, sur le fond, qu'elle ne s'est jamais contredite dans ses divers courriers.
- Sur les demandes de résolution ou à défaut de résiliation judiciaire du bail,
sur la résolution du contrat pour dol, que le dol ne peut être invoqué pour sanctionner une inexécution contractuelle dès lors qu'il ne porte que sur la validité du contrat ;
sur la résolution ou résiliation du bail pour manquement grave à une obligation, que le bail du 18 février 2010 a été exécuté jusqu'à son terme contractuel, de sorte que la résolution du bail ne peut être prononcée ; que les manquements ne sont pas suffisamment graves pour justifier la résiliation ;
- Sur la demande d'indemnité d'éviction, que la bailleresse n'a jamais adressé de mise en demeure respectant les conditions de forme énoncées à l'article L. 145-17, la dernière mise en demeure ayant été adressée par simple lettre et ne reproduisant aucunement les mentions requises ; que le motif invoqué ne constitue pas un motif grave et légitime justifiant le non-paiement de l'indemnité d'éviction ;
- Sur les demandes pécuniaires de la société bailleresse, que les sommes réclamées à titre de dommages et intérêts ne tiennent pas compte de la réalisation de la majeure partie des travaux, étant précisé que la réalité de son préjudice n'est pas rapportée ; qu'il n'y a pas lieu de condamner la concluante au paiement d'une indemnité d'occupation dite de droit commun puisque le congé du bailleur du 28 juin 2019 a mis fin au bail à compter du 31 décembre 2018, ce dont il suit que la société Pharmacie Sillam est déjà redevable d'une indemnité d'occupation statutaire depuis le 1er janvier 2019.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
SUR CE,
Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et examine les moyens invoqués au soutien de ces prétentions.
En l'espèce, les parties ne répondant pas aux prétentions et moyens de l'autre dans le même ordre qu'abordés, la cour adoptera le même ordre de discussion que le premier juge.
Sur les fins de non-recevoir
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
Selon, l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause. Soulevées en appel, elles ne constituent pas une demande nouvelle irrecevable en appel puisqu'il s'agit d'un moyen tendant au rejet de la demande adverse.
Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, à peine d'irrecevabilité relevée d'office. Cependant, ne sont pas nouvelles les prétentions qui tendent « aux mêmes fins » que celles invoquées en première instance (art.565 du code de procédure civile), celles formées aux fins de compensation ou pour faire écarter les prétentions adverses (art.564), celles apparues du fait de l'évolution du litige, qu'il s'agisse de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait (art.564) ou celles qui sont « l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaires » (art. 566) des prétentions formées en première instance.
L'article 2238 du code civil prévoit que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation et que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée.
L'article L. 145-60 du code de commerce prévoit que toutes les actions exercées sur le fondement d'un bail commercial se prescrivent par deux ans.
En l'espèce, aux termes du bail concédé par la SCI Les Trois Vallées à la société Pharmacie Sillam le 18 février 2010, le preneur s'est engagé à effectuer un certain nombre de travaux. Considérant que le locataire a manqué à ses obligations à ce titre, le bailleur l'a assigné, par acte en date du 14 septembre 2017, aux fins d'exécution forcée, ce sous astreinte, et en paiement de dommages et intérêts. Puis, en cours d'instance, le bailleur lui a délivré congé avec refus de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction et ce, par acte du 29 juin 2018.
Sur l'irrecevabilité de la contestation des motifs du congés et de la demande subséquente d'indemnité d'éviction
De première part, la SCI Les Trois Vallées soulève l'irrecevabilité de l'action en contestation de la régularité du congé et en paiement d'une indemnité d'éviction en ce qu'elle serait prescrite comme ayant été formulée pour la première fois aux termes de ses conclusions en date du 24 septembre 2021.
En l'espèce, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 28 mai 2020 rectifiée par ordonnance du 15 septembre 2020, prononcé une mesure de médiation suite à l'accord donnée par les parties par messages RPVA des 31 janvier et 6 février 2020. Par message RPVA du 22 juin 2021, le conseil du bailleur informait le juge de la mise en état de l'échec de la mesure.
Conformément aux dispositions de l'article 2238 du code civil précitée, le délai de prescription de l'article L. 145-60 du code de commerce rappelé, qui a commencé à courir le 29 juin 2018, date de la notification du congé, a été suspendu le 6 février 2020, date du dernier accord des parties au prononcé de la mesure de médiation, jusqu'au 22 juin 2021, date d'information du juge de l'échec de la mesure.
Contrairement, à ce soutient l'appelante, aucune condition quant au déroulé de la mesure de médiation ne saurait interférer avec ces règles de procédure, sauf à ajouter au texte et au risque de rompre avec le principe de confidentialité de la mesure, de sorte que le délai de prescription, dont il restait à s'écouler 10 mois et 22 jours, a expiré au 14 mai 2022 et qu'en formulant ses demandes en contestation de la validité des motifs du congé délivré et de paiement d'une indemnité d'éviction par conclusions du 24 septembre 2021, la société Pharmacie Sillam n'était pas prescrite.
De seconde part, la SCI Les Trois Vallées soulève l'irrecevabilité de la contestation des motifs du congé formée par la société Pharmacie Sillam en ce qu'elle constituerait une demande nouvelle.
Cependant, aux termes de ses conclusions en date du 24 septembre 2021, la société Pharmacie Sillam avait, au fond sur les demandes du bailleurs en exécution forcée et subsidiairement en résiliation du bail, sollicité de voir juger que le non-respect de l'obligation de travaux ne constituait pas un manquement grave justifiant le prononcé de la résiliation du bail et, à titre reconventionnel, sollicité de voir juger que le congé délivré le 29 juin 2018 était nul en ce qu'il ne respectait pas les conditions de l'article L. 145-17 du code de commerce et que le défaut de motifs graves et légitimes lui ouvrait droit au paiement d'une indemnité d'éviction, de sorte que cette demande n'est pas nouvelle.
Surabondamment la cour rappelle que le premier juge était fondé à déclarer, d'une part, irrégulier le congé pour n'avoir pas respecté les conditions de délivrance fixées à l'article susvisé, qui sont d'ordre public, sans encourir le grief d'avoir statué ultra petita ce point ayant été mis dans les débats, d'autre part, que cette irrégularité ne permet pas de priver le preneur de son droit à indemnité d'éviction et laisse subsister le congé, point sur lequel les parties s'accordent en cause d'appel considérant que le bail a bien pris fin au 31 décembre 2018. En outre, le bailleur a fondé sur le même manquement plusieurs actions et prétentions, d'une part, une demande d'exécution forcée, d'autre part, une demande de résiliation du bail pour manquement grave du preneur à ses obligations et, enfin, allègue en cause d'appel que le congé étant valable et les manquements établis, le preneur ne peut prétendre au paiement d'une l'indemnité d'éviction. L'ensemble de ces demandes, au demeurant de nature et d'effet totalement différentes, étant fondé sur le même fait, en contestant la faisabilité de l'obligation pour faire échec à la première demande, puis son caractère suffisamment grave qui justifierait la résolution du bail, le preneur a implicitement mais nécessairement discuté du caractère suffisamment grave de ce même manquement pour justifier de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction.
La fin de non-recevoir soulevée à ce titre sera rejetée.
Sur la prescription de l'action en exécution forcée
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer.
Il est admis que le point de départ de la prescription de l'action en exécution d'une créance née d'un contrat se situe au jour de la conclusion de celui-ci, sous réserve de l'exigibilité de la créance.
Cependant, il résulte des dispositions des articles 2233 et 2234 du même code que la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition et contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi.
En outre, l'article 2240 prévoit que la reconnaissance par le débiteur de son obligation interrompt la prescription.
En l'espèce, la société Pharmacie Sillam s'est engagée aux termes du bail à effectuer divers travaux d'aménagement et, notamment, d'un local WC dans un local adjacent au sien et loué par le bailleur à une tierce personne, à charge pour lui de « faire son affaire personnelle de toutes les autorisations administratives et du syndicat des copropriétaires qui s'avéreraient nécessaires ».
Contrairement à ce que soutient le preneur, la prescription n'a pu courir en ce que le bailleur ne pouvait, en sa qualité de propriétaire du local dans lequel les travaux devaient être opérés faire peser sur lui la charge d'obtenir l'autorisation du syndicat des copropriétaires quant à leur réalisation, le droit d'obtenir l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires d'une autorisation de travaux relevant du seul pouvoir du propriétaire, conformément aux dispositions de l'article 10 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967. La seule mention dans le bail que le preneur en ferait son affaire personnelle étant insuffisante à caractériser un mandat ou une quelconque délégation.
Par ailleurs, c'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a rejeté le moyen tiré du principe de l'estoppel invoqué par le bailleur en ce que les positions contraires de l'intimée n'ont pas été adoptées au cours de la même instance mais ont évolué dans le temps au gré des propres évolutions de la position du bailleur lui-même sur la nécessité ou non d'obtenir une autorisation du syndicat des copropriétaires, le caractère commun ou privatif du branchement, sur lequel les travaux de raccordement devaient être faits, n'étant toujours pas démontré devant la cour.
Il s'infère de ces éléments qu'au jour de l'introduction de l'instance en exécution forcée, soit le 14 septembre 2017, l'action n'était pas prescrite et le jugement sera infirmé de ce chef, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés.
En revanche, le bailleur est mal fondé à solliciter la condamnation du preneur à exécuter ces travaux sous astreinte, en ce qu'il ne verse aux débat aucun dossier travaux complet qu'il aurait obtenu de son locataire ou aucun devis qu'il aurait fait établir, aucun élément et, notamment le règlement de copropriété permettant de s'assurer de la nature privative ou commune des canalisations sur lequel le raccordement devrait se faire et, contrairement à ce qui est soutenu, d'autorisation claire de l'assemblée générale des copropriétaires, la pièce n° 11 versée aux débats faisant état d'un vote de l'assemblée générale concernant l'accord donné à la « Pharmacie Sillam à procéder aux travaux décrits dans le dossier de son architecte et annexé à la convocation ' dont la cour ne dispose pas -, en ce qu'il touche aux parties communes de l'immeuble et en affectent son aspect extérieur », ce dernier point semblant peu compatible avec la création d'un WC.
Aussi, la prétention de ce chef sera rejetée.
Sur les motifs graves et légitimes du congé
Aux termes de l'article L. 145-17-1° du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa.
Comme précédemment vu, le défaut de mise en demeure régulière n'a pas privé d'effet le congé, au risque de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur, mais ne lui permet pas de se prévaloir des manquements invoqués pour priver le preneur de son droit à indemnité d'éviction, résultant de la perte de son fonds de commerce consécutive à la perte du droit au bail.
Surabondamment, la cour relève, comme le premier juge, que le bailleur n'assignera sa locataire que 7 ans et 7 mois après la conclusion du bail pour manquement à cette obligation permettant de considérer qu'il ne la jugeait pas prioritaire. En outre, sur la totalité des travaux auxquels le preneur s'était contractuellement engagé, seule la réalisation des WC litigieux n'aura pas été menée à terme, de sorte que le motif invoqué n'était pas suffisamment grave pour priver le preneur de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la demande de résiliation ou de résolution judiciaire
L'appelante sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de résolution du contrat pour dol et en sa demande de résiliation judiciaire du bail.
Nonobstant, elle ne formule aux termes de son dispositif aucune prétention de ces chefs, de sorte que la cour n'est pas saisie et le jugement sera confirmé sur ces chefs de demande.
Sur les demandes indemnitaires
Sur la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, le contrat tient lieu de loi aux parties.
Il n'est pas contesté qu'aux termes de la clause intitulée « transformation » du contrat de bail litigieux, le preneur a eu à sa charge exclusive « toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité » et s'était engagé à effectuer à ses frais exclusifs un certain nombre de travaux dont, notamment, « l'aménagement d'un local WC dans le local figurant sous teinte verte non loué ». Le preneur devait effectuer ces travaux dans les règles de l'art sous la surveillance d'un architecte et faire son affaire personnelle de toutes les autorisations administratives ou du syndicat des copropriétaires qui s'avéreraient nécessaires.
En contrepartie, une franchise de 5 mois de loyer et une réduction de loyer à hauteur de 3.600 € par an pendant la première période triennale et de 2.200 € par an pendant la seconde période triennale lui ont été accordées.
Il s'en déduit que la société Pharmacie Syllam était bien tenue contractuellement de réaliser les travaux auxquels elle s'était engagée et ne démontre pas avoir procédé avec son architecte aux recherches nécessaires quant à la détermination du caractère commun ou privatif de la canalisation à laquelle les toilettes auraient dû être raccordées, ni, dans la première hypothèse, avoir soumis un dossier travaux au bailleur en vue de la saisine de l'assemblée générale aux fins d'obtenir l'autorisation requise.
Ainsi, le manquement du preneur à son engagement contractuel est démontré et l'indemnisation du bailleur du fait du préjudice en ayant résulté pour lui ouvre droit à réparation dans la mesure où ce préjudice est démontré. De sorte que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'absence de réalisation du WC a causé un préjudice au bailleur en ce qu'il a, injustement accordé une franchise de loyer, et estimé que ce préjudice pouvait être estimé à 3.500 euros.
En revanche, contrairement à ce que soutient le bailleur, il n'est pas contesté que l'intégralité des autres travaux auxquels le preneur s'était engagé ont bien été réalisés de sorte que la demande d'indemnisation supplémentaire à hauteur de 29.900 euros formés par le bailleur n'est pas justifiée.
Le jugement sera confirmé de ce chef et le surplus de la demande de la SCI Les Trois Vallées sera rejeté.
Sur l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation
Il ressort des dispositions de l'article L. 145-17 du code de commerce rappelées ci-dessus que faute de délivrance d'une mise en demeure d'avoir à mettre fin dans le délai d'un mois au manquement reproché par acte extrajudiciaire, le congé délivré met fin au bail, mais ne peut priver le preneur de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction.
En l'espèce, comme précédemment rappelé, la signification d'un tel acte n'a pas été opérée et contrairement à ce que soutient le bailleur la transmission de simples courriers, fût-ce par avocat, ne remplit pas les conditions légales exigées.
Surabondamment, la cour rappelle que le motif invoqué ne présente pas le caractère de gravité suffisante justifiant de priver la société Pharmacie Sillam de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction.
Conformément aux dispositions des articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce, le locataire évincé a droit au paiement d'une indemnité d'éviction et, dans l'attente de son versement, peut se maintenir dans les lieux à charge de s'acquitter auprès propriétaire d'une indemnité d'occupation statutaire fixée conformément aux dispositions de l'article L. 145-33 du même code.
C'est par motifs pertinents que la cour d'appel adopte et auxquels elle renvoie que le premier juge a considéré que le congé délivré le 29 juin 2018 a mis fin au bail liant les parties à compter du 31 décembre 2018 et ouvert droit au profit du preneur au paiement d'une indemnité d'éviction et au maintien dans les lieux jusqu'à son paiement et au profit du bailleur au paiement d'une indemnité d'occupation statutaire.
Faute élément nouveau en cause d'appel permettant d'évaluer l'une ou l'autre de ces indemnités c'est à bon droit que le premier juge a ordonné une mesure d'expertise et la cour rejettera la demande de fixation de l'indemnité d'occupation présentée par le bailleur.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Pharmacie Sillam, les frais par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La SCI Les Trois Vallées sera donc condamnée à lui payer la somme de 6.000 euros à ce titre et à supporter la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la SCI Les Trois Vallées ;
Confirme le jugement par le tribunal judiciaire de Paris le 10 mai 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes indemnitaires de la SCI Les Trois Vallées ;
Rejette la demande d'indemnité d'éviction à hauteur de 5 millions d'euros formée par la société Pharmacie Sillam ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la SCI Les Trois Vallées à payer à la société Pharmacie Sillam la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Les Trois Vallées à supporter la charge des dépens d'appel.