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Décisions

CA Metz, 1re ch., 28 mai 2024, n° 21/02555

METZ

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH (Sté), Claas Réseau Agricole (SAS), Claas Tractor (SASU)

Défendeur :

Claas Réseau Agricole (SAS), Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles du Grand Est- Groupama Gran Est, Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flores

Conseiller :

Mme Fournel

Avocats :

Me Bai-Mathis, Me Riedel, Me Lenci, Me Martinet, Me Gazel, Me Monchamps

CA Metz n° 21/02555

27 mai 2024

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant bon de commande n° 022752 du 13 décembre 2007, la Société Civile d'Exploitation Agricole d'[Localité 13] (ci-après dénommée SCEA d'[Localité 13]) a pris en location avec option d'achat auprès de la SAS Claas Réseau Agricole un tracteur Claas Xerion 3800 Trac immatriculé [Immatriculation 10].

Le tracteur a été mis en circulation le 19 mars 2008 et la facturation a été établie le 28 avril 2008.

Le tracteur est devenu la propriété de la SCEA d'[Localité 13] le 14 avril 2010.

Entre le 18 septembre 2008 et le 26 mars 2010, il a fait l'objet de sept interventions réalisées par le concessionnaire Claas Réseau Agricole.

Le 3 septembre 2010, alors que l'un des salariés de la SCEA d'[Localité 13] circulait sur la RN 62 en direction de [Localité 11] (Moselle), le tracteur a subitement pris feu. Le conducteur a juste eu le temps de quitter l'engin, alerté par un autre automobiliste, avant que le véhicule ne s'embrase.

L'assureur de la SCEA d'[Localité 13], la société d'assurance mutuelle agricole Groupama Grand Est, a organisé une expertise amiable contradictoire confiée au cabinet d'expertises en automobile et matériel agricole ABL.

Dans un rapport du 25 février 2011, l'expert amiable a considéré que la fragilité de la transmission et son défaut de protection ont provoqué l'incendie et ont révélé un manquement du constructeur dans l'application des règles de conception qui s'appliquent à la construction des outils de travail. Il a affirmé que l'origine de l'incendie est exclusivement imputable à la défaillance de la transmission arrière.

La société Groupama Grand Est a indemnisé son assurée à hauteur de 165 550 euros, correspondant à la valeur de remplacement du matériel pour la somme de 151 000 euros HT, la valeur du système d'autoguidage pour un montant de 14 550 euros HT, les réparations du semoir attelé pour la somme de 1 407,06 euros HT ainsi que les frais de remorquage pour un montant de 622,28 euros HT.

Par exploits d'huissier du 26 octobre 2012, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ont saisi le président du tribunal de grande instance de Sarreguemines statuant en référé aux fins de mesures d'expertise judiciaire, appelant dans la cause la SAS Claas Réseau Agricole et la SAS Claas Tractor, cette dernière au motif qu'elle serait la fabricante du tracteur en litige.

Une ordonnance de référé était rendue le 8 janvier 2013 faisant droit à l'expertise confiée à M. [K] [R].

Ce dernier a déposé son rapport le 24 avril 2014.

Par assignations du 30 juin 2014, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ont assigné devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines les sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tractor.

La société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GMBH a été assignée en intervention forcée et à titre de garantie le 7 décembre 2015.

La jonction entre les deux procédures a été prononcée le 5 décembre 2017.

Dans leurs écritures récapitulatives, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ont notamment demandé, au visa des articles 1641, 1644 et suivants du code civil, subsidiairement 1603 et 1604 du code civil, des anciens articles 1134, 1147 et suivants du code civil, L. 121-12 du code des assurances, des anciens articles 1134 et 1147 du code civil et de l'article L. 112-4 du code des assurances, de :

Condamner in solidum ou solidairement la SASU Claas Réseau Agricole, la SASU Claas Tractor et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen à régler à la société Groupama Grand Est la somme de 167 579,34 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

Condamner in solidum ou solidairement la SASU Claas Réseau Agricole, la SASU Claas Tractor et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen à régler à la SCEA d'[Localité 13] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des turpitudes subies ;

Condamner in solidum ou solidairement la SASU Claas Réseau Agricole, la SASU Claas Tractor et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen à leur régler la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi tous les frais et dépens.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives, les sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tractor ont principalement demandé au tribunal de :

Déclarer la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est comme prescrites en leurs demandes, fins et conclusions, sur le fondement de la garantie des vices cachés, du défaut de conformité et de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

Débouter la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est de leurs demandes ;

Prononcer la mise hors de cause de la société Claas Tractor ;

Les condamner in solidum à verser une somme de 8 000 euros de dommages et intérêts à la société Claas Tractor pour procédure abusive ;

Condamner la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est à payer à la société Claas Tractor la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et à payer à la société Claas Réseau Agricole la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses conclusions récapitulatives, la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen a principalement demandé au tribunal de :

Déclarer irrecevable les prétentions à son égard pour défaut d'agir ;

Déclarer la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est comme prescrites en leurs demandes, fins et conclusions, notamment de condamnation en paiement des sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tractor sur le fondement de la garantie des vices cachés, du défaut de conformité et de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

Débouter la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est de leurs demandes;

Condamner la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans son jugement du 14 septembre 2021, le tribunal de grande instance de Sarreguemines a :

Rejeté tous les moyens et prétentions de la SASU Claas Réseau Agricole et de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen ;

Condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum à payer à la SA Groupama Grand Est la somme de 167 579,34 euros HT avec intérêts légaux à compter du présent jugement ;

Rejeté la demande d'indemnisation complémentaire de la SCEA [Localité 13] ;

Rejeté la demande d'indemnisation pour procédure abusive de la SASU Claas Tractor ;

Condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum aux dépens dont référé/expertise RG 12.156 ;

Condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum à payer la SA Groupama Grand Est et à la SCEA [Localité 13] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le tribunal a considéré que le fait de ne pas prendre feu tout seul dans le cadre d'une utilisation et d'un entretien normal constitue une caractéristique essentielle, légitimement attendue par l'acheteur d'un tracteur récent.

Il en a déduit que le fondement du défaut de conformité invoqué par les sociétés demanderesses était valable.

Il a aussi retenu que la prise de connaissance du défaut de conformité correspond au moment où la SCEA d'[Localité 13] a appris que l'incendie du tracteur était spontané, soit dans la lettre de l'expert amiable datée du 28 septembre 2010.

Il a indiqué que la prescription quinquennale avait été interrompue une première fois par l'assignation en référé du 26 octobre 2012 puis une deuxième fois par les conclusions au fond du 7 juin 2017. Il a donc écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en défaut de conformité.

Le tribunal a indiqué que, dès lors que le jeu de la garantie légale de conformité n'était pas empêché par un des moyens de forme soulevés par la défense, il devait être fait droit aux prétentions de la société Groupama Grand Est.

Il a toutefois écarté toutes les demandes à l'encontre de la SASU Claas Tractor dans la mesure où elle n'a ni fabriqué, ni vendu le tracteur en litige.

Le tribunal n'a pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de la SASU Claas Tractor, en considérant que l'identification de la chaîne de fabrication et de commercialisation du tracteur avait été particulièrement délicate.

Par déclaration reçue au greffe le 18 octobre 2021, la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen a interjeté appel aux fins de nullité et/ou d'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté tous les moyens et prétentions de la SASU Claas Réseau Agricole et de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen, condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum à payer à la SA Groupama Grand Est la somme de 167 579,34 euros HT avec intérêts légaux à compter du présent jugement, condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum aux dépens dont référé/expertise RG 12.156 et à payer la SA Groupama Grand Est et à la SCEA [Localité 13] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par actes d'huissier du 16 juin 2022, la société Groupama Grand Est et la SCEA d'[Localité 13] ont formé un appel provoqué à l'encontre de la SAS Claas Tractor.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions déposées le 9 mars 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen demande à la cour de :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Sarreguemines du 14 septembre 2021 en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation complémentaire de la SCEA [Localité 13] ;

infirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté tous les moyens et prétentions de la SASU Claas Réseau Agricole, en ce qu'il a condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum à payer à la SA Groupama Grand Est la somme de 167 579,34 euros HT avec intérêts légaux à compter du présent jugement, en ce qu'il a condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum aux dépens dont référé/expertise, en ce qu'il a condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum à payer à la SA Groupama Grand Est et à la SCEA [Localité 13] la somme de 5 000 euros au titre de frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

à titre principal, déclarer irrecevable l'ensemble des demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen ;

à titre subsidiaire, débouter les sociétés [Localité 13] et Groupama Grand Est de l'intégralité de leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent.

En tout état de cause,

condamner les sociétés [Localité 13] et Groupama Grand Est in solidum à payer à la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur le défaut d'agir allégué de la SCEA d'[Localité 13] et de la société Groupama Grand Est, la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen observe que dans le cadre de l'assignation du 7 décembre 2015, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est l'ont fait citer pour garantir les sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tractor de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre.

Or selon l'appelante, la demande d'appel en garantie constituait une action réservée aux défendeurs à l'instance, à savoir les sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tractor.

L'appelante en déduit que la demande de la SCEA d'[Localité 13] et de la société Groupama Grand Est du 21 décembre 2015 est irrecevable.

Elle ajoute que les demandes formulées dans les conclusions du 16 octobre 2018 ne valent pas régularisation.

La société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen considère qu'en tout état de cause, les demandes à son encontre sont prescrites.

Elle soutient que c'est l'article L. 110-4 du code de commerce sur les obligations entre commerçants qui est applicable et qu'un délai supérieur à cinq années s'est écoulé entre la vente du tracteur intervenue le 14 avril 2010 et l'assignation intervenue en décembre 2015.

Elle considère que le tribunal a commis une erreur, en considérant que la procédure d'expertise en référé avait interrompu la prescription à l'égard de toutes les parties, alors qu'elle-même n'était pas partie à cette procédure de référé et alors que la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen, la société Claas Réseau Agricole et la société Claas Tractor ne sont pas des débiteurs solidaires.

Subsidiairement, la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen indique que l'action directe fondée sur la garantie des vices cachés n'a pas été intentée dans le délai de 2 ans de l'article 1648 du code civil et que l'action directe fondée sur la responsabilité des produits défectueux est également prescrite car elle n'a pas été intentée dans les trois ans suivant la date à laquelle le demandeur a eu connaissance du dommage (article 1386-17 ancien du code civil).

En effet selon l'appelante, le vice allégué par les sociétés d'[Localité 13] et Groupama a été porté à leur connaissance par M. [H], l'expert qu'elles ont mandaté, selon une lettre du 28 septembre 2010. M. [H] y déclare en effet avoir relevé « lors de son examen en date du 08/09 et 23/09/2070 » des « anomalies » sur le tracteur objet du litige et impute l'incendie à un « désordre technique ».

L'appelante en déduit que la prescription était acquise le 28 septembre 2012.

Elle relève qu'en tout état de cause, les sociétés d'[Localité 13] et Groupama admettent elles-mêmes que le délai de prescription a commencé à courir au plus tard au moment du dépôt du rapport d'expertise amiable soit le 25 février 2011, de sorte que dans cette hypothèse également la prescription est acquise.

La société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen indique que la prescription triennale de la responsabilité pour les produits défectueux de l'ancien article 1386-17 du code civil est également acquise à son égard, car elle n'a pas été interrompue avant l'assignation délivrée le 21 décembre 2015.

La société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen conteste également le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les sociétés d'[Localité 13] et Groupama pouvaient faire valoir simultanément une action en garantie des vices cachés et une action fondée sur le défaut de conformité, alors que ces actions sont exclusives l'une de l'autre.

Très subsidiairement, la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen entend faire valoir l'inopposabilité à son égard du rapport d'expertise amiable et du rapport d'expertise judiciaire, dans la mesure où ces expertises n'ont pas été contradictoires à son égard.

Sur le fond, la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen relève que l'expert judiciaire a considéré que l'origine du sinistre tient certes à la détérioration du croisillon de l'arbre de transmission arrière mais que cette détérioration « n'est pas la conséquence d'un vice de fabrication ou d'un défaut de conception » et « est imputable à une casse accidentelle résultant de la réalisation normale du risque inhérent à tout matériel sans pour autant qu'il y ait défaut de matière ou de conception.».

Elle rappelle qu'il appartient à l'acheteur de rapporter la preuve de l'existence du vice caché.

Elle s'étonne que la société d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est demandent sa condamnation in solidum avec la SAS Claas Tractor et la société Claas Réseau Agricole tout en admettant que l'action en garantie des vices cachés n'est pas applicable à l'encontre du fabricant.

S'agissant de la garantie contractuelle Maxi Care, la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen affirme qu'elle lie uniquement la société Claas Réseau Agricole et la société d'[Localité 13] et qu'elle lui est inapplicable.

Elle fait valoir qu'en tout état de cause, cette garantie ne s'applique pas en cas d'incendie quelle qu'en soit la cause.

Elle relève également que l'article 8 de cette garantie exclut l'applicabilité si le tracteur est complètement détruit ou jugé techniquement et économiquement irréparable et prévoit qu'«en cas de sinistre total (destruction totale du tracteur, incendie quelle qu'en soit la cause) ou si le tracteur est déclaré techniquement et économiquement irréparable, le Contrat Maxi Care est résilié de plein droit ».

Or en l'espèce, le tracteur a été considéré comme économiquement non réparable.

L'appelante indique que l'objet de cette garantie et les exclusions figurent en caractères très apparents, en début de contrat, dans une police de taille supérieure aux conditions particulières et en déduit que la société d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ne sont pas fondées à invoquer la nullité de ces clauses contractuelles.

Selon la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen, en tout état de cause, le tracteur litigieux avait dépassé au jour du sinistre, le 3 septembre 2010, la limite de 1 500 heures de fonctionnement conditionnant l'application de la garantie, puisqu'il cumulait déjà environ 2 000 heures (estimation résultant du dernier relevé du compteur au 15 avril 2010 à 1 429 heures cinq mois avant le sinistre et du relevé d'heures l'année précédente sur la même période soit 623 heures entre le 26 mai et le 20 octobre 2009).

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux, la société de droit allemand GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen souligne qu'elle ne couvre que les dommages matériels supérieurs à 500 euros causés à des biens autres que le bien défectueux de sorte que ce fondement ne permet pas la prise en charge du remplacement du tracteur lui-même.

Elle indique que ni le système d'autoguidage (GPS) qui fait partie intégrante du tracteur, ni les frais de remorquage ne peuvent être indemnisés sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Dans leurs dernières écritures déposées le 9 mars 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, les sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tractor demandent à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation complémentaire de la SCEA [Localité 13] ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté tous les moyens et prétentions de la SASU Claas Reseau Agricole et de la GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen, condamné la SASU Claas Reseau Agricole et la GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum à payer à la SA Groupama Grand Est la somme de 167 579,34 euros HT avec intérêts légaux à compter du présent jugement, en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation pour procédure abusive de la SASU Claas Tractor, en ce qu'il a condamné la SASU Claas Reseau Agricole et la GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum aux dépens dont référé/expertise RG12.156 et en ce qu'il a condamné la SASU Claas Reseau Agricole et la GmbH Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum à payer à la SA Groupama Grand Est et à la SCEA [Localité 13] la somme de 5 000 euros au titre de frais irrépétibles ;

et à titre principal,

prononcer la mise hors de cause pure et simple de la société Claas Tractor ;

juger irrecevables la SCEA [Localité 13] et Groupama Grand Est comme prescrites en leurs demandes, fins et conclusions, notamment de condamnation en paiement des sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tractor sur le fondement de la garantie des vices cachés, du défaut de conformité et de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

A titre subsidiaire,

juger que l'action en garantie des vices cachés constitue l'unique fondement de l'action exercée contre le vendeur pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale ;

juger que la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est ne peuvent pas cumuler les actions ;

Par conséquent,

juger que la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est sont mal fondées à invoquer une obligation contractuelle de sécurité et une obligation de délivrance conforme et qu'elles ont renoncé à leurs demandes sur ce dernier fondement ;

débouter la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est de l'intégralité de leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent ;

A titre très subsidiaire,

juger que les demandes formées par la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est au titre de la garantie des vices cachés, de l'obligation de conformité, de l'obligation de sécurité, de la responsabilité du fait défectueux et de l'assurance Maxi Care sont infondées ;

débouter la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est de l'intégralité de leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent.

En tout état de cause,

prononcer la mise hors de cause de la société Claas Tractor qui n'est pas concernée par le présent litige puisqu'elle n'a pas participé à la vente litigieuse et qu'il n'existe aucun lien contractuel avec les demanderesses ;

débouter la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à toutes fins qu'elles comportent ;

condamner la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est in solidum à verser une somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts à la société Claas Tractor pour procédure abusive;

condamner la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est à payer à la société Claas Tractor la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

condamner la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est in solidum à payer à la société Claas Réseau Agricole la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre liminaire, les sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tracteur exposent que les sociétés Claas sont organisées de la manière suivante :

Claas Tractor est le fabricant de la plupart des modèles de tracteurs Claas ;

Claas Gmbh est le fabricant des moissonneuses, ensileuses et du tracteur Xérion ;

Usines Claas France est le fabricant des presses à pailles ;

Claas France est le distributeur du matériel Claas en France ;

Claas Réseau Agricole vend au détail via ses succursales localisées sur le territoire français des matériels agricoles de marque Claas qu'elle achète elle-même aux autres sociétés Claas.

Les sociétés Claas Réseau Agricole et Claas Tractor en déduisent que la société Claas Tractor doit être mise hors de cause, puisqu'elle n'est intervenue en rien dans la chaîne de distribution de ce matériel, n'étant ni vendeur ni fabricant du tracteur en litige.

Elles soulignent que la société d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ont assigné la société de droit allemand Claas Gmbh en sa qualité de "constructeur du tracteur litigieux » et que la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen Gmbh a confirmé le fait que le tracteur sinistré a été fabriqué en Allemagne.

Elles indiquent ne pas comprendre la raison pour laquelle la société d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est contestent le certificat de conformité qui est produit aux débats alors qu'il précise le numéro d'identification du tracteur auquel il se rapporte, à savoir le numéro « 78100395 », lequel figure également dans les deux rapports d'expertise et dans les différents bons d'intervention.

Elles ajoutent que la société d'[Localité 13] et à la société Groupama Grand Est ne doivent pas renverser la charge de la preuve en demandant à la société Claas Tractor de démontrer le fait qu'elle ne serait pas la fabricante du tracteur en litige.

Sur l'action en garantie contre les vices cachés, la société Claas Réseau Agricole et la société Claas Tractor soutiennent que le vice allégué a été porté à la connaissance des parties adverses par M. [H], l'expert qu'elles ont mandaté, selon une lettre du 28 septembre 2010 dont elles étaient destinataires en copie, car il y déclarait avoir relevé des « anomalies » sur le tracteur objet du litige et il y imputait l'incendie à un « désordre technique ».

L'assignation en référé ayant été délivrée le 26 octobre 2012, soit plus de deux ans après la découverte du vice, la société Claas Tractor et la société Claas Réseau Agricole en déduisent que l'action sur le fondement de la garantie des vices cachés est prescrite.

Elles soutiennent que l'action en responsabilité pour les produits défectueux est également prescrite, puisqu'elle a été invoquée pour la première fois par conclusions du 27 novembre 2015 pour un dommage qui s'est manifesté le 3 septembre 2010 et qui a été dénoncé par l'expert amiable selon lettre du 28 septembre 2010, soit plus de cinq ans auparavant.

Elles admettent que le cours de la prescription a été suspendu en application de l'article 2239 du code civil par la désignation de l'expert judiciaire mais ajoutent que la prescription a repris son cours pour les 263 jours restants après le dépôt du rapport le 24 avril 2014, pour expirer le 12 janvier 2015, soit bien avant les conclusions du 27 novembre 2015.

Subsidiairement sur le fond, les sociétés Claas Tractor et Réseau Agricole considèrent que l'action en garantie des vices cachés est infondée, dans la mesure où l'expert judiciaire conclut que l'origine du sinistre tient à la détérioration du croisillon de l'arbre de transmission arrière et qu'une telle détérioration « n'est pas la conséquence d'un vice de fabrication ou d'un défaut de conception » mais « est imputable à une casse accidentelle, résultant de la réalisation normale du risque inhérent à tout matériel sans pour autant qu'il y ait un défaut de matière ou un défaut de conception ».

Elles soulignent que toujours selon l'expert judiciaire, si le croisillon avait été sous-dimensionné au regard des efforts à transmettre « la rupture ne se serait pas faite sur la route alors que le tracteur circulait en palier » et qu'il a précisé que « dans ces conditions, les couples à transmettre sont bien moins importants que lorsque le tracteur travaille dans un champ, tractant une charrue par exemple ».

Elles affirment que les parties adverses se contentent d'invoquer des dispositions législatives générales relatives à la sécurité des travailleurs sans apporter le moindre début de justification technique à leurs allégations et sans chercher à faire écarter les conclusions techniques claires formulées par l'expert, dont les conclusions méritent d'être homologuées, alors même que la démonstration de la preuve de l'existence d'un vice caché leur incombe.

Sur la garantie contractuelle Maxi Care, les sociétés Claas Tractor et Claas Réseau Agricole indiquent qu'elle n'est pas applicable car si la garantie couvre le remplacement de la pièce défectueuse, les conséquences dommageables qu'elle a pu produire ne le sont pas, et surtout pas l'incendie que l'article 4 de la garantie contractuelle exclut expressément. Par ailleurs, l'article 8 de la garantie prévoit qu' « en cas de sinistre total (destruction totale du tracteur, incendie quelle qu'en soit la cause) ou si le tracteur est déclaré techniquement et économiquement irréparable, le Contrat MAXI CARE est résilié de plein droit ».

Elles rappellent que le tracteur litigieux a été totalement détruit par l'incendie résultant de la casse accidentelle d'un croisillon rendant sa remise en état non « économiquement envisageable », selon l'expert judiciaire.

Elles font valoir que l'objet de cette garantie et les exclusions figurent en caractères très apparents, en début de contrat, dans une police de taille supérieure aux conditions particulières et elles estiment que ce grief de la SCEA d'[Localité 13] et de la société Groupama Grand Est est infondé.

Elles considèrent que ces clauses, qui se contentent de définir le périmètre du contrat de garantie, qui ne vise qu'au remplacement des pièces détériorées (le croisillon) et non aux conséquences qui peuvent en résulter (l'incendie) ne sauraient de ce fait être considérées comme abusives.

Elles font valoir qu'en tout état de cause, le tracteur litigieux avait dépassé au jour du sinistre, le 3 septembre 2010, la limite de 1 500 heures de fonctionnement conditionnant l'application de la garantie, puisqu'il cumulait déjà environ 2 000 heures.

Elles affirment que la SCEA d'[Localité 13] avait d'ailleurs reconnu devant l'expert mandaté par la société Groupama Grand Est que les 1 500 heures étaient dépassées au jour du sinistre.

Sur la responsabilité des produits défectueux, la société Claas Tractor et la société Claas Réseau Agricole soutiennent que conformément à l'article 1386-2 ancien du code civil, le défaut allégué du tracteur ne peut servir de fondement à la réparation du préjudice causé au tracteur lui-même.

Elles ajoutent que seuls sont indemnisables les préjudices aux personnes et/ou aux biens autres que le bien sinistré lui-même, ce qui exclut le GPS dont le tracteur était équipé et les frais de remorquage.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, la société Claas Tractor expose qu'elle n'a cessé d'indiquer aux sociétés d'[Localité 13] et Groupama Grand Est depuis l'origine de cette affaire qu'elle n'est intervenue en rien dans la chaîne de distribution du matériel sinistré, que les sociétés d'[Localité 13] et Groupama Grand Est en ont pris acte puisqu'elles ont assigné la société Class Selbstfahrende Erntmaschinen Gmbh en sa qualité de constructeur du tracteur et qu'elles ont finalement dirigé leurs demandes à l'encontre de cette dernière en cette qualité de constructeur, mais que pour autant elles maintiennent toutes leurs demandes à l'encontre de Claas Tractor alors qu'elles savent pertinemment que celles-ci sont totalement infondées.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 24 avril 2023, la société d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est demandent à la cour de :

Débouter la société de droit allemand Class Selbstfahrende Erntmaschinen Gmbh de son appel et de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions ;

Débouter les SAS Claas Réseau Agricole et SASU Claas Tractor de l'ensemble de leurs prétentions, moyens et fins ;

Dire et juger bien fondé l'appel incident de la SCEA d'[Localité 13] et de la Caisse de réassurances Mutuelles Agricoles Groupama Grand Est ;

Dire et juger bien fondé l'appel provoqué de la SCEA d'[Localité 13] et la Caisse de réassurances Mutuelles Agricoles Groupama Grand Est formé à l'encontre de la S.A.S.U. Claas Tractor ;

Infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Condamner les sociétés Claas Réseau Agricole, Class Selbstfahrende Erntmaschinen Gmbh et Claas Tractor in solidum (pour cette dernière avec les autres sociétés, dans la limite de 16 579,34 euros H.T.) à payer à la Caisse de réassurances Mutuelles Agricoles Groupama Grand Est une somme de 167 579,34 euros H.T., avec intérêts légaux à compter du jugement ;

Condamner les sociétés Claas Réseau Agricole, Class Selbstfahrende Erntmaschinen Gmbh et Claas Tractor in solidum à payer à la SCEA d'[Localité 13] une somme de 3 000 euros, avec intérêts légaux à compter du jugement ;

Condamner la société Claas Tractor à supporter in solidum avec les sociétés Claas Réseau Agricole, Class Selbstfahrende Erntmaschinen les frais et dépens de première instance, en ce compris ceux de la procédure de référé expertise R.G. 9.12/00156 CIV, mais aussi les frais irrépétibles de première instance ;

Confirmer le surplus des dispositions du jugement entrepris non contraires, au besoin par substitution de motifs ;

Condamner les sociétés Claas Réseau Agricole, Class Selbstfahrende Erntmaschinen Gmbh et Claas Tractor in solidum à payer à la société civile SCEA d'[Localité 13] et à la Caisse de réassurances Mutuelles Agricoles Groupama Grand Est une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les sociétés Claas Réseau Agricole, Class Selbstfahrende Erntmaschinen Gmbh et Claas Tractor in solidum aux entiers frais et dépens d'appel.

Sur la mise hors de cause de la société Claas Tractor, les SCEA d'[Localité 13] et Groupama Grand Est font valoir que la déclaration de conformité versée aux débats ne correspond pas à l'engin agricole litigieux et que les extraits de pages internet produits par les parties adverses ne peuvent suppléer la preuve de la fabrication et des intervenants à celle-ci.

Elles en déduisent que la société Claas Tractor doit être condamnée dans la présente affaire comme les autres structures du groupe Claas.

Sur le défaut de droit d'agir invoqué par la société de droit allemand Class Selbstfahrende Erntmaschinen Gmbh, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est répliquent que l'assignation qui avait été délivrée à cette société était formée aux fins « d'appel en garantie et d'intervention forcée » et qu'il est manifeste que l'action intentée est un recours en responsabilité et en paiement à l'encontre de la société allemande.

Elles soulignent que la société de droit allemand Class Selbstfahrende Erntmaschinen Gmbh ne conteste pas être le fabricant du tracteur en cause.

Sur la prescription de l'action en garantie des vices cachés, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est soutiennent que son point de départ doit être fixé à compter de la notification du rapport d'expertise amiable, daté du 25 février 2011 et notifié au plus tôt le lendemain aux parties.

Elles considèrent que la nature exacte du désordre dont souffrait le tracteur ne pouvait pas être connue par le courrier du 28 septembre 2010 de M. [H] évoquant un simple « désordre technique ».

Compte tenu de l'effet interruptif de la procédure de référé, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est en déduisent que l'assignation au fond du 30 juin 2014 a bien été délivrée dans le délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés.

La SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est indiquent que la prescription de l'action en responsabilité pour produits défectueux n'est pas davantage acquise car une assignation devant le juge des référés a été faite le 26 octobre 2012, de sorte que la demande en justice a interrompu le délai de trois ans qui avait commencé à courir à compter du 26 février 2011 (article 2241 du code civil), que l'effet interruptif s'est prolongé jusqu'à l'extinction de l'instance, soit le jour de l'ordonnance de référé intervenue le 8 janvier 2013, que les demanderesses avaient donc jusqu'au 8 janvier 2016 pour invoquer le fondement et faire des prétentions en conséquence ce qu'elles ont fait par voie de conclusions récapitulatives du 27 novembre 2015.

La SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est considèrent que faute d'assurance sur l'absence totale d'intervention de la société Claas Tractor sur la chaîne de fabrication et de fournitures ainsi que de vente, la cour d'appel ne pourra que juger bien fondée la condamnation de celle-ci avec les autres structures et rejeter sa demande en procédure abusive et qu'il n'y a aucun abus de droit dans l'action intentée contre la société Claas Tractor.

Sur l'opposabilité des rapports d'expertise à la société allemande, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est font valoir qu'elle ne saurait être discutée dès lors que ces rapports ont été versés aux débats et que l'un et l'autre se corroborent.

La SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est exposent diriger leur action en garantie des vices cachés à l'encontre de la société Claas Réseau Agricole.

Elles invoquent la teneur des deux rapports d'expertise ainsi que les règles de conception de ces machines agricoles entrées en vigueur en décembre 2009 (directive 2003/37/CE).

Elles font également référence à l'article R. 233-30 du code du travail.

Au regard de ces différents textes, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est en déduisent que la faiblesse de la transmission et le mécanisme de l'incendie décrits par l'expert judiciaire constituent bien une insuffisance aux obligations de conception incombant au constructeur.

Elles estiment que pour s'exonérer de sa responsabilité, le constructeur aurait dû démontrer que les calculs de dimensionnement de la transmission et de sa protection figuraient bien dans son cahier des charges et son processus de qualité.

Elles concluent en indiquant que ce vice préexistait à la vente et que le tracteur était donc affecté d'un vice caché.

La société Groupama Grand Est détaillé les sommes qu'elle a réglées à son assurée.

La SCEA d'[Localité 13] indique que pour sa part, elle a subi un préjudice résultant de la nécessité de louer le même type de tracteur pour terminer la saison agricole, soit durant une période de deux mois, car il était inenvisageable de ne pas poursuivre le travail des terres agricoles et de mettre en péril l'équilibre financier de l'exploitation. Elle admet toutefois que la société Claas Réseau Agricole a pris ces frais en charge.

A titre subsidiaire, la société Groupama Grand Est et la SCEA d'[Localité 13] entendent faire valoir la garantie contractuelle Maxi Care.

En réplique aux parties adverses, elles considèrent que la clause d'exclusion de garantie n'était pas rédigée en caractères très apparents puisqu'elle est rédigée avec une identité de présentation à celle utilisée pour les autres clauses du contrat sans se démarquer et puisqu'elle était noyée au milieu de blocs de clauses, moins contraignantes, immédiatement proches de celles-ci et mises sur le même plan.

Elles ajoutent que le caractère apparent d'une clause ne peut se déterminer qu'au regard du corps du contrat, la clause étant par définition un ensemble de phrases du corps du contrat et que la clause d'exclusion est donc inapplicable.

S'agissant de l'article 8 de la garantie, elles font valoir que la résiliation du contrat met fin pour l'avenir à l'obligation pour le souscripteur de payer les primes et aux obligations de couverture et de règlement de l'assureur, mais que le sinistre étant intervenu pendant la couverture, la garantie est due.

La société Groupama Grand Est et la SCEA d'[Localité 13] contestent aussi le fait que la limite contractuelle de 1 500 heures était dépassée au jour du sinistre et elles soutiennent qu'il appartient aux parties adverses d'en faire la preuve. La SCEA d'[Localité 13] conteste aussi avoir reconnu pendant les opérations d'expertise amiable que cette limite contractuelle était dépassée.

Elles invoquent également la responsabilité du fait des produits défectueux, en considérant que l'incendie a provoqué des dommages à des biens autres que le tracteur (système d'autoguidage GPS et semoir attelé) et que la condition quant au dommage visé par le régime est remplie.

La SA Groupama Grand Est détaille ainsi sa réclamation sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux: 14 550 euros H.T. correspondant à la valeur du système d'autoguidage GPS équipant le tracteur et détruit par l'incendie, 1 407,06 euros H.T. au titre de la réparation du semoir attelé détruit par l'incendie (les flexibles, les vannes ainsi que les éléments situés sur la partie avant du matériel attelé ont été remplacés) et 622,28 euros H.T. s'agissant des frais de remorquage du lieu du sinistre à l'exploitation agricole où l'engin a été remisé.

La SCEA d'[Localité 13] maintient sa demande en paiement de la somme de 3 000 euros sur ce fondement.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

L'examen des pièces versées aux débats établit que la « SCEA [Localité 13] » se dénomme en réalité la « SCEA d'[Localité 13] ». Le jugement entrepris devra être rectifié en ce sens.

I- Sur la mise hors de cause de la SAS Claas Tractor

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il appartient donc à la SCEA d'[Localité 13] et à la société Groupama Grand Est, qui présentent des demandes d'indemnisation à l'encontre de la société Claas Tractor au motif qu'elle est la fabricante du tracteur en litige, de démontrer qu'elle a bien cette qualité.

Or, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est n'en rapportent pas la preuve.

Au contraire, une autre partie, à savoir la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH, admet être le fabricant de l'engin agricole en cause.

Le numéro de série mentionné par l'expert judiciaire (78100 395) est effectivement le même que celui qui figure sur le certificat de conformité établi par la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH.

Enfin la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est présentent des demandes à l'encontre de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH au motif qu'elle est la fabricante du tracteur en litige, ce qui apparaît comme étant contradictoire avec leurs prétentions à l'égard de la SAS Claas Tractor pour un motif similaire.

Dès lors, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ne justifient d'aucun fondement contractuel ou délictuel concernant leurs prétentions à l'encontre de la SAS Claas Tractor.

Par voie de conséquence, la société Claas Tractor doit être mise hors de cause.

II- Sur la fin de non-recevoir pour défaut d'agir soulevée par la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 334 du code de procédure civile dispose que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d'un bien.

La société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH évoque une irrecevabilité du droit d'agir, sans préciser si elle conteste la qualité ou l'intérêt à agir de la SCEA d'[Localité 13] et de la société Groupama Grand Est.

En tout état de cause, l'assignation signifiée le 21 décembre 2015 à la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH fait mention d'un appel en garantie, mais aussi d'une intervention forcée.

Dans ces conditions, la demande qui y est formulée de condamnation de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH à garantir la société Claas Réseau Agricole de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre et de réserve les droits de la SCEA d'[Localité 13] et de la société Groupama Grand Est apparait recevable.

En conséquence, la cour rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir.

III- Sur le cumul des différents régimes de responsabilités

Il est exact que l'action en garantie des vices cachés et l'action pour défaut de conformité sont exclusives l'une de l'autre mais la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ne présentent plus de prétentions au titre du défaut de conformité.

La cour ne statuera donc pas sur la garantie de conformité.

IV- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachés

L'article 1648 du code civil dispose que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

L'article 2232 alinéa 1 du code civil dispose que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

En application des articles 1648 alinéa 1er et 2232 du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garant (sur ce point, voir par exemple Cass. Ch. mixte., 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-17.789).

La simple survenue du dommage ne manifeste pas nécessairement la découverte du vice, l'acquéreur devant être en mesure de comprendre que le dommage a éventuellement pour cause une anormalité de la chose.

Enfin il résulte des articles 2241 et 2242 du code civil que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion jusqu'à l'extinction de l'instance.

En l'espèce, la vente entre la société Claas Réseau Agricole et la SCEA d'[Localité 13] est intervenue le 14 avril 2010, de sorte que l'assignation du 30 juin 2014 à la société Claas Réseau Agricole a bien été délivrée dans le délai-butoir de vingt années après la vente.

La date de la vente entre la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH et la société Claas Réseau Agricole n'est pas précisément connue mais dans la mesure où le tracteur en litige a été fabriqué courant 2007 selon son certificat de conformité, cette vente est intervenue au plus tôt le 10 août 2007, date du certificat de conformité.

Ainsi l'assignation du 21 décembre 2015 à la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH a également été délivrée dans le délai-butoir de vingt années de l'article 2232 du code civil.

S'agissant du point de départ de la prescription biennale de l'action en garantie des vices cachés, il ne peut pas être fixé au 28 septembre 2010, car le courrier adressé à cette date par l'expert amiable évoquant un « désordre technique » était trop vague pour caractériser un vice caché, un désordre technique pouvant aussi être consécutif à un défaut d'entretien.

En revanche, les conclusions du rapport d'expertise amiable sont particulièrement claires, en ce qu'elles indiquent que l'incident est exclusivement imputable à la défaillance de la transmission arrière et qu'aucune anomalie consécutive à un défaut d'utilisation, un défaut d'entretien, un événement ou une action externe n'a été relevée.

Au 26 février 2011, date de réception de ce rapport, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est étaient donc en mesure de soupçonner l'existence d'un vice caché, de sorte que cette date constitue le point de départ du délai de prescription qui a expiré le 26 février 2013.

La SAS Claas Réseau Agricole a été assignée devant le juge des référés par acte d'huissier du 26 octobre 2012, assignation qui a valablement interrompu le cours de la prescription biennale, lequel a repris de zéro quand l'ordonnance a été rendue le 8 janvier 2013.

Puis elle a été assignée au fond le 30 juin 2014.

Dans ces conditions s'agissant de la société Claas Réseau Agricole, la prescription biennale a été valablement interrompue et l'action en garantie des vices cachés est recevable.

En revanche, s'agissant de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH, aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu entre le 26 février 2011 et le 21 décembre 2015, date de la signification de son assignation en intervention forcée. En effet, cette société n'a pas été citée dans le cadre de la procédure de référé intentée par la société Groupama Grand Est et la SCEA d'[Localité 13] à l'encontre de la société Claas Réseau Agricole.

Dès lors, il n'y a eu aucun acte interruptif de prescription à l'égard de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH avant le 11 décembre 2015 et l'action en garantie des vices cachés à son encontre est irrecevable.

En définitive la cour :

Rejette la fin de non-recevoir au motif de la prescription opposée par la société Claas Réseau Agricole au titre de la garantie des vices cachés ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH, in solidum avec la SAS Claas Réseau Agricole, à payer à la SA Groupama Grand Est la somme de 167 579,34 euros HT avec intérêts légaux à compter du présent jugement ;

Dispositif

Déclare les prétentions à l'encontre de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH au titre de la garantie des vices cachés irrecevables au motif de la prescription.

V- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la responsabilité des produits défectueux

L'article 1386-17 du code civil dans sa version en vigueur du 21 mai 1998 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que l'action en réparation fondée sur la responsabilité des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Par ailleurs, l'article 1386-17 du code civil dans sa version en vigueur du 21 mai 1998 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

L'action fondée sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux est donc enfermée dans un double délai : le délai de prescription de trois ans, visé à l'article 1386-17, et le délai de prescription de dix ans, considéré comme un délai « butoir » ayant un point de départ fixe, à savoir la date de mise en circulation du produit.

L'article L. 110-4 du code de commerce n'est donc pas applicable à l'action en responsabilité du fait des produits défectueux.

Selon le rapport d'expertise judiciaire, le tracteur a été mis en circulation le 19 mars 2008, de sorte que le délai de prescription décennale de l'article 1386-17 du code civil expirait le 19 mars 2018. Les assignations à l'encontre de la société Claas Réseau Agricole et de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH ont été délivrées respectivement le 30 juin 2014 et le 21 décembre 2015 c'est-à-dire avant l'expiration de ce délai. La prescription n'est donc pas encourue de ce chef.

En revanche, dans le paragraphe précédent, il a déjà été exposé que la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est avaient pu avoir connaissance de l'existence d'un vice caché à la date du 26 septembre 2011, date de réception du rapport d'expertise amiable.

S'agissant de l'identité du fabricant à savoir la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH, elle n'a pas été connue tout de suite, puisqu'il n'est pas évoqué de discussions sur ce point au cours des opérations d'expertise amiable, le rapport de cet expert désignant la SAS Claas Tractor comme étant le constructeur.

Néanmoins, la motivation de l'ordonnance de référé du 8 janvier 2013, laquelle a ordonné la mesure d'expertise judiciaire, fait état de ce que la SASU Claas Tractor a fait savoir « qu'elle n'est pas concernée, le fabricant du tracteur litigieux étant la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH».

Le débat ayant précédé cette ordonnance ayant eu lieu le 11 décembre 2012, cela signifie qu'au plus tard à cette date, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est, qui avaient déjà connaissance du dommage et du défaut, ont appris l'identité du fabricant.

Le délai de prescription de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux expirait donc le 11 décembre 2015.

La SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ont assigné au fond la société Claas Agricole le 30 juin 2014 et la SAS Claas Réseau Agricole admet que ce fondement a été invoqué pour la première fois dans des conclusions du 27 novembre 2015.

S'agissant de la société Claas Réseau Agricole, la prescription a été valablement interrompue et l'action en responsabilité du fait des produits défectueux est recevable.

En revanche, s'agissant de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH, aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu entre le 11 décembre 2012 et le 21 décembre 2015, date de la signification de son assignation en intervention forcée. En effet si l'assignation mentionne la date du 7 décembre 2015, la signification n'est en réalité intervenue que le 21 décembre 2015, s'agissant d'une société domiciliée à l'étranger.

Dès lors, il n'y a eu aucun acte interruptif de prescription à l'égard de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH avant le 11 décembre 2015 et l'action en responsabilité des produits défectueux à son encontre est irrecevable.

En définitive la cour :

Rejette la fin de non-recevoir au motif de la prescription opposée par la société Claas Réseau Agricole au titre de l'action en responsabilité des produits défectueux ;

Déclare les prétentions à l'encontre de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH au titre de la responsabilité des produits défectueux irrecevables au motif de la prescription.

VI- Sur la demande en paiement de la somme de 167 579,34 euros HT au titre d'un vice caché

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

La preuve de l'existence du vice caché appartient à celui qui s'en prévaut.

Pour rapporter cette preuve, la SCEA [Localité 13] et la société Groupama Grand Est font valoir les conclusions de l'expert amiable, le cabinet d'expertise ABL, selon lesquelles il y a « Une défaillance anormale et prématurée des axes et paliers du croisillon de la transmission arrière » (p.14).

Il a précisé en outre que ces organes sont soumis à des contraintes trop importantes du fait :

« - de la technologie non homocinétique qui s'applique à l'arbre intermédiaire,

- d'une boîte VARIO qui réduit considérablement le recours aux freins et fait ainsi supporter aux transmissions les efforts de ralentissement en y ajoutant un phénomène d'alternance des contraintes alors qu'elles sont maximales (auquel s'ajoute l'effet de la charge tractée).

- d'un dimensionnement inadapté de la transmission se traduisant par une marge de sécurité insuffisante pour obtenir la fiabilité de ce type d'outils de travail (angle de fonctionnement, longueur de travail, répartition de la charge en condition de travail, etc.)

- du type de graissage retenu et des possibilités de pollution qu'il comporte ».

L'expert amiable a conclu que les constatations techniques n'ont pas fait ressortir d'anomalies, pouvant être consécutives à un défaut d'entretien, un défaut d'utilisation, un évènement ou action externe et il a ajouté que la fragilité de la transmission et son défaut de protection ont provoqué l'incendie et révélé un manquement du constructeur dans l'application des règles de conception qui s'appliquent à la construction des outils de travail.

Il sera rappelé que la SASU Claas Réseau Agricole a bien participé à ces opérations d'expertise amiable.

Néanmoins, l'expert judiciaire, M. [R], s'il a confirmé que le fait générateur de l'incendie se trouve être la destruction du croisillon de l'arbre de transmission arrière, s'est montré plus nuancé dans ses conclusions.

En effet, il a considéré que la détérioration de ce croisillon était imputable à une casse accidentelle, résultant de la réalisation normale du risque inhérent à tout matériel sans pour autant qu'il y ait un défaut de matière ou un défaut de conception.

Ainsi, si les deux rapports d'expertise admettent la détérioration du croisillon de transmission arrière laquelle a causé l'incendie du tracteur, seul le rapport d'expertise amiable conclut à l'existence d'un vice caché, le rapport d'expertise judiciaire considérant qu'il s'agit d'un simple aléa.

Dès lors, il y a lieu de considérer que les éléments versés aux débats sont insuffisants pour faire la preuve de l'existence d'un vice caché.

La directive 2006/42/CE, qui concerne les règles de conception de ces engins agricoles mais qui est entrée en vigueur après la mise en circulation du tracteur en litige ou encore l'article R.233-30 du code du travail, en vigueur du 15 janvier 1993 au 1er mai 2008, et qui portait sur les dispositifs de sécurité sur les équipements de travail destinés à prévenir les incendies, sont des normes d'application générale. En aucun cas elles ne dispensent la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est de faire la preuve de l'existence du vice caché qu'elles invoquent.

Dès lors, il y a lieu de considérer que l'action en garantie des vices cachés engagée par la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est est mal fondée et qu'elle doit être rejetée.

La cour infirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SASU Claas Réseau Agricole à payer à la SA Groupama Grand Est la somme de 167 579,34 euros HT avec intérêts légaux à compter du présent jugement et statuant à nouveau, rejette la demande de la SA Groupama Grand Est à l'encontre de la SASU Claas Réseau Agricole en paiement de la somme de 167 579,34 euros HT sur le fondement de la garantie des vices cachés.

VII- Sur la demande en paiement de la somme de 167 579,34 euros HT au titre de la garantie contractuelle dite Maxi Care

L'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En outre, il résulte de l'article L. 112-4 du code des assurances que les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

Les juges du fond apprécient souverainement si les clauses des polices d'assurance édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions sont mentionnées en caractères très apparents.

S'agissant du contrat Maxi Care dont un exemplaire est versé aux débats par la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est, les éléments non couverts exclus de la garantie, à savoir notamment les incendies quelles qu'en soient les causes, figurent non seulement en petits caractères en page 4, mais également de manière très apparente en page 2, dans un paragraphe distingué du reste du contrat à savoir « Eléments non couverts (les Exclusions) » paragraphe par ailleurs préalable aux paragraphes « organisation du suivi technique » et « seuil de prise en charge ».

Dès lors, la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ne sont pas fondées à soutenir la nullité de cette clause, que la SASU Claas Réseau Agricole est fondée à leur opposer.

En outre, c'est à juste titre que la SAS Claas Réseau Agricole fait valoir que cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, puisqu'elle permet seulement de définir le périmètre du contrat de garantie, à savoir le remplacement des pièces détériorées, à l'exclusion des conséquences qui peuvent en résulter.

Y ajoutant, la cour rejette les prétentions de la société Groupama Grand Est en paiement de la somme de 167 579,34 euros HT au titre de la garantie contractuelle dite Maxi Care.

VIII- Sur la demande en paiement de la somme de 167 579,34 euros HT au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux

L'article 1386-7 du code civil, dans sa version en vigueur du 06 avril 2006 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.

L'action de la SCEA d'[Localité 13] et de la société Groupama Grand Est à l'encontre de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux a été déclarée irrecevable.

Cette action ne peut donc plus être dirigée qu'à l'encontre de la SAS Claas Réseau Agricole.

Or il résulte de l'article 1386-7 précité que la responsabilité de plein droit du revendeur en raison d'un produit défectueux ne peut être recherchée que si le fabricant n'a pas été identifié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque le fabricant est la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH.

Ainsi et y ajoutant, les demandes de la SCEA d'[Localité 13] à l'encontre de la SAS Claas Réseau Agricole sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux doivent être rejetées.

IX- Sur la demande en paiement de la somme de 3 000 euros au titre du préjudice subi par la SCEA d'[Localité 13].

Dans les précédents paragraphes, la cour a écarté la responsabilité de la SAS Claas Réseau Agricole et de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH tant sur le fondement de la garantie de vices cachés que sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux ou de la garantie contractuelle Maxi Care.

Il ne peut donc être fait droit à cette demande annexe de la SCEA d'[Localité 13], qui ne justifie pas par ailleurs des dommages qu'elle indique avoir subis.

La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté cette prétention.

X- Sur la demande en paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'exercice d'une action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus que dans l'hypothèse d'une malice, d'une mauvaise foi ou d'une erreur grossière équipollente au dol.

Le nom du fabricant du tracteur en litige, à savoir la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH, est connue au moins depuis le débat contradictoire devant le juge des référés et cette société a toujours admis être le fabricant de l'engin agricole en cause.

Pourtant la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est ont assigné devant le juge du fond la société Claas Tractor et ont maintenu leurs prétentions à son encontre y compris après qu'elles aient assigné en intervention forcée la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH.

Alors que la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH avait interjeté appel en intimant exclusivement la société Groupama Grand Est, la SCEA d'[Localité 13] et la société Claas Réseau Agricole, la société Groupama Grand Est et la SCEA d'[Localité 13] ont formé un appel provoqué à l'encontre de la SAS Claas Tractor par actes d'huissier du 16 juin 2022.

Toutefois, si cette procédure apparaît effectivement injustifiée, la société Claas Tractor n'évoque pas le préjudice qui en résulterait pour elle, à l'exception des frais irrépétibles qui font l'objet d'une demande spécifique.

Aucun préjudice n'étant démontré ni même allégué, l'action de la SCEA d'[Localité 13] et de la société Groupama Grand Est contre la SAS Claas Tractor ne peut pas être considérée comme étant abusive.

La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

XI- Sur les dépens et frais irrépétibles

La cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum aux dépens dont référé/expertise RG 12.156 et en ce qu'il a condamné la SASU Claas Réseau Agricole et la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen in solidum à payer la SA Groupama Grand Est et à la SCEA d'[Localité 13] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et statuant à nouveau, condamne in solidum la SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est aux dépens de première instance.

La SCEA d'[Localité 13] et la société Groupama Grand Est qui succombent seront condamnées in solidum aux dépens de l'appel.

Pour des considérations d'équité, elles devront également payer in solidum au titre des frais irrépétibles d'appel :

La somme de 5 000 euros à la société Claas Tractor ;

La somme de 5 000 euros à la société Claas Réseau Agricole ;

La somme de 5 000 euros à la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rectifie le jugement du 14 septembre 2021 du tribunal judiciaire de Sarreguemines en ce que la dénomination « SCEA [Localité 13] » doit être lue comme étant « SCEA d'[Localité 13] » ;

Prononce la mise hors de cause de la SAS Claas Tractor ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir soulevée par la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH;

Rejette la fin de non-recevoir au motif de la prescription opposée par la SAS Claas Réseau Agricole au titre de la garantie des vices cachés ;

Déclare les prétentions à l'encontre de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH au titre de la garantie des vices cachés irrecevables au motif de la prescription ;

Rejette la fin de non-recevoir au motif de la prescription opposée par la SAS Claas Réseau Agricole au titre de l'action en responsabilité des produits défectueux ;

Déclare les prétentions à l'encontre de la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH au titre de la responsabilité des produits défectueux irrecevables au motif de la prescription ;

Infirme le jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la SCEA d'[Localité 13] en paiement de la somme de 3 000 euros au titre de divers désagréments et en ce qu'il a rejeté la demande de la SAS Claas Tractor au titre de la procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de la société d'assurance mutuelle agricole Groupama Grand Est à l'encontre de la SAS Claas Réseau Agricole en paiement de la somme de 167 579,34 euros HT sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Condamne in solidum la SCEA d'[Localité 13] et la société d'assurance mutuelle agricole Groupama Grand Est aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Rejette les prétentions de la société d'assurance mutuelle agricole Groupama Grand Est à l'encontre de la SAS Claas Réseau Agricole en paiement de la somme de 167 579,34 euros HT au titre de la garantie contractuelle dite Maxi Care ;

Rejette les prétentions de la société d'assurance mutuelle agricole Groupama Grand Est à l'encontre de la SAS Claas Réseau Agricole en paiement de la somme de 167 579,34 euros HT au titre de la responsabilité des produits défectueux ;

Condamne in solidum la SCEA d'[Localité 13] et la société d'assurance mutuelle agricole Groupama Grand Est aux dépens de l'appel ;

Condamne in solidum la SCEA d'[Localité 13] et la société d'assurance mutuelle agricole Groupama Grand Est à payer la somme de 5 000 euros à la SAS Claas Tractor, la somme de 5 000 euros à la SAS Claas Réseau Agricole et la somme de 5 000 euros à la société de droit allemand Claas Selbstfahrende Erntemaschinen GmbH au titre des frais irrépétibles d'appel.