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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 29 mai 2024, n° 23/00530

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pouey International (SA)

Défendeur :

Vico Santiago (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Prouzat

Avocats :

Me Courty, Me Vilanova Saingery

T. com. Perpignan, du 21 nov. 2022, n° 2…

21 novembre 2022

Exposé du litige

FAITS et PROCEDURE ' MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Selon protocole d'accord du 17 janvier 2017, la SARL Vico Santiago a contracté avec la SA Pouey international un contrat de prestation de services pour la mise à sa disposition des outils lui permettant d'assurer la gestion du risque client de son entreprise (renseignements commerciaux, recouvrement') ; ce contrat a été conclu pour une durée d'une année reconductible par périodes de même durée, sauf résiliation un mois avant son expiration à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, et moyennant une participation financière de l'entreprise fixée à 2500 euros hors-taxes par an, payable d'avance par semestre.

Diverses factures étant restées impayées, la société Pouey international a présenté, le 18 novembre 2021, au président du tribunal de commerce Perpignan une requête en injonction de payer la somme de 7882,36 euros en principal correspondant au montant de cinq factures éditées les 31 janvier 2019 et 20 mai 2021 (n° 19010786001, n° 21050611002, n° 21050612001, n° 21050613002, n° 21050614001) couvrant la période du 1er janvier 2019 au 31 juillet 2021.

Par ordonnance du 22 décembre 2021, le président du tribunal de commerce a fait injonction à la société Vico Santiago d'avoir à payer à la société Pouey international la somme de 8688,46 euros en principal, intérêts et frais ; l'ordonnance a été signifiée le 20 janvier 2022 à la société Vico Santiago qui, par lettre recommandée du 28 janvier 2022 reçue le 3 février 2022 au greffe, a formé opposition à ladite ordonnance au motif que le contrat avait été résilié le 16 janvier 2018, antérieurement à la période de facturation.

Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce de Perpignan a déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, mais a débouté la société Pouey internationale de l'ensemble de ses demandes.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a retenu que les factures, couvrant la période 2019-2021, avaient été établies en dehors des périodes de facturation semestrielle stipulées au contrat et qu'elles ne correspondaient, ni pour leurs dates, ni pour leurs montants, aux stipulations contractuelles prévoyant un montant de 2500 euros hors-taxes par an payable semestriellement.

La société Pouey international a régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 31 janvier 2023 au greffe de la cour.

Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 11 septembre 2023 via le RPVA, de :

-réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan date du 21 novembre 2022,

-valider l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le président de commerce de Perpignan en date du 21 décembre 2021,

-condamner en conséquence la SARL Vico Santiago à lui payer la somme principale de 8082,36 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2021, date de l'ordonnance d'injonction de payer,

-condamner à notre la SARL Vico Santiago à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :

-la facture n° 19010786001 du 31 janvier 2019, qui couvrait la période semestrielle de janvier à juillet 2019, n'ayant pas été payée, les factures suivantes n'ont pas été émises, qui n'ont fait l'objet d'un déblocage qu'à la date du 20 mai 2021,

-le montant des factures varie d'une période à l'autre en fonction de l'indice Syntec, comme il est prévu à l'article 8 des conditions générales,

-les factures ont été établies sur la base de l'abonnement souscrit et non à la prestation et, contrairement à ce que soutient la société Vico Santiago, les justificatifs des contacts avec son centre de relation clients démontre qu'elle est effectivement intervenue dans le cadre contractuel,

-en sa qualité de prestataire, elle n'était d'ailleurs tenue que d'une simple obligation de moyens.

La société Vico Santiago, dont les conclusions ont été déposées et notifiées par le RPVA le 12 juin 2023, sollicite de voir :

A titre principal,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, si la cour réformait la décision entreprise,

-rejeter les factures présentées par la SA Pouey comme étant irrégulières, tardives et contraires aux prescriptions légales et jurisprudentielles,

-en conséquence, juger qu'elle est débitrice d'aucune somme au titre du contrat litigieux,

-débouter la SA Pouey international de sa demande tendant à la voir condamner à lui payer la somme principale de 8082,36 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2021, date de l'ordonnance d'injonction,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour réformait la décision entreprise faisait droit aux prétentions adverses,

-limiter l'éventuelle condamnation au principal à de plus justes proportions tenant les manquements de la SA Pouey international dans l'exécution de ses obligations et sa facturation,

-l'exonérer des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2021, tenant les manquements de la SA Pouey international dans l'exécution de ses obligations de la tardive de la facturation,

En toute hypothèse,

-débouter la SA Pouey international de l'ensemble de ses demandes,

-condamner la SA Pouey international à la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que :

-la cour, à qui il est demandé de « valider » de l'ordonnance d'injonction de payer alors que le jugement s'est substitué à l'ordonnance à la suite de son opposition, n'est saisie d'aucune prétention, ce dont il résulte qu'en application des dispositions combinées des articles 562 et 954 du code de procédure civile, celle-ci ne peut que confirmer le jugement entrepris,

-les factures litigieuses ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 441-9 du code de commerce dès lors qu'elles ont été éditées sur la base d'un coût estimé, sans considération de l'effectivité des services réellement demandés à la société Pouey international, et hors des périodes de facturation semestrielles contractuellement stipulées, qu'elles ne mentionnent pas les prestations facturées, ni le prix unitaire de chaque prestation et que la variation du prix par application de l'indice Syntec n'est pas justifiée, d'autant que pour la période de mars à août 2020 marquée par la crise sanitaire liée à la propagation de la Covid 19, le comité de l'indice Syntec a lui-même décidé de revenir sur les indices publiés.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 4 avril 2024.

Motivation

MOTIFS de la DECISION :

1-la demande de confirmation du jugement motivée par l'absence d'une prétention soumise à la cour':

Il résulte des dispositions combinées des articles 562, 910-4 et 954 du code de procédure civile que la partie qui entend voir infirmer le chef d'un jugement l'ayant déboutée d'une contestation et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses premières conclusions d'appel, la cour n'ayant vocation qu'à statuer sur les prétentions énoncées au dispositif ; la demande d'infirmation ou de réformation d'un jugement ne suffit pas, en effet, à émettre une prétention sur le fond de la demande ayant été tranchée par le jugement critiqué, la prétention s'analysant en la finalité que la partie recherche en soulevant une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou un moyen de fond.

En l'occurrence, la société Vico Santiago est fondée à soutenir, par référence aux dispositions de l'article 1420 du code de procédure civile, qu'il ne peut être demandé à la cour de « valider l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le président de commerce de Perpignan en date du 21 décembre 2021 », alors qu'en vertu de ce texte, la décision rendue sur opposition se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer.

Pour autant, la cour est saisie d'une demande de réformation du jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 21 novembre 2022 et d'une demande tendant à voir condamner en conséquence la société Vico Santiago à payer à la société Pouey international la somme de 8082,36 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2021 ; il s'agit là d'une prétention, distincte de la demande de «'validation'» de l'ordonnance d'injonction de payer, formée maladroitement, sur laquelle la cour doit statuer en sorte que la demande de confirmation du jugement, au prétexte que la cour n'est saisie d'aucune prétention, ne peut qu'être rejetée.

2-la demande de la société Pouey international de réformation du jugement et de condamnation de la société Vico Santiago au paiement des factures litigieuses :

Aux termes de l'article 1353, alinéa 1, du code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver » ; il résulte, par ailleurs, du I de l'article L. 441-9 du code de commerce que tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle fait l'objet d'une facturation et que le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts'; il s'ensuit que pour obtenir le paiement de ses factures, le prestataire doit établir l'existence et le montant de sa créance, notamment en prouvant que les prestations facturées ont été effectivement réalisées.

En l'espèce, la société Vico Santiago a conclu avec la société Pouey international, pour une durée d'un an à compter du 17 janvier 2017, reconductible par périodes annuelles, un contrat de prestation de services à exécution successive pour la mise à sa disposition des outils lui permettant d'assurer la gestion du risque client de son entreprise (renseignements commerciaux, recouvrement') ; pour déterminer le montant de la prestation, les parties sont convenues de fixer l'utilisation annuelle des services de la société Pouey international à un nombre global d'unités Pouey égal à 100 UP, sachant que deux tableaux, en page 2 du contrat, déterminent le nombre d'UP affecté aux diverses prestations liées aux renseignements commerciaux (surveillance des annonces légales, enquête commerciale et financière, enquête Evolis, enquête fournisseur') ou au recouvrement des créances (relances, expertise, procédures judiciaires'), et de chiffrer la participation financière de l'entreprise à 2500 euros hors-taxes par an, payable d'avance, par semestre.

La société Pouey international soutient que les factures n° 21050611002, n° 21050612001, n° 21050613002 et n° 21050614001 émises le 20 mai 2021 ne l'ont été qu'à la suite du défaut de paiement de la facture n° 19010786001 du 31 janvier 2019 couvrant la période semestrielle de janvier à juillet 2019 et que lesdites factures ont été établies sur la base de l'abonnement souscrit et non à la prestation'; cependant, le fait que la participation financière de l'entreprise, fixée à 2500 euros hors-taxes par an, ait été stipulée payable d'avance par semestre, ne dispense pas la société Pouey international d'avoir à prouver que des prestations, de la nature de celles prévues contractuellement, ont été effectivement réalisées au cours de la période de facturation considérée.

Or, les justificatifs, produits par la société Pouey international, concernent des prestations accomplies antérieurement à janvier 2019 et si le document intitulé « Historique M@ss Collect du dossier 099996-005-Q00081'» mentionnent divers événements intervenus entre le 1er février 2019 et le 29 avril 2019, aucun élément n'est fourni de nature à établir que les événements ainsi mentionnés correspondraient bien à des prestations tarifées en unités Pouey (UP) ouvrant droit à rémunération dans la limite du nombre de 100 UP fixé contractuellement.

Il s'ensuit, les autres moyens développés étant surabondants, que la société Pouey international ne saurait réclamer le paiement de factures ne correspondant pas à des prestations réellement effectuées ; en l'état de la défaillance de la société Vico Santiago, constatée à compter de janvier 2019, à exécuter loyalement le contrat en lui confiant l'accomplissement des prestations prévues contractuellement et visant à la fourniture de renseignements commerciaux ou au recouvrement de ses créances, il lui appartenait de provoquer la résolution du contrat et de demander réparation des conséquences de l'inexécution, après une mise en demeure infructueuse, et non de solliciter le paiement de factures hors toute prestation effective'; le jugement entrepris, qui a notamment débouté la société Pouey international de sa demande en paiement, doit ainsi être confirmé dans toutes ses dispositions.

3-les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Succombant sur son appel, la société Pouey international doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Vico Santiago la somme de 2000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré,,

Y ajoutant,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Pouey international aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Vico Santiago la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.