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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 30 mai 2024, n° 23/19215

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Audissounds (SAS)

Défendeur :

Asteren (Selarl), Caisse Primaire d'Assurance Maladie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mollat

Conseillers :

Mme Pelier-Tetreau, Mme Rohart

Avocats :

Me Benseba, Me Hiest Noblet

T. com. Bobigny, du 21 nov. 2023, n° 202…

21 novembre 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Audissounds exerce une activité d'audioprothésiste, d'achat et de vente d'appareils auditifs.

Par acte du 4 septembre 2023, signifié dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile et envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception à l'adresse personnelle du dirigeant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis a fait citer la société Audissounds pour l'audience publique du tribunal de commerce de Bobigny du 25 septembre 2023, aux fins de voir ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à son égard.

La CPAM de Seine-Saint-Denis se prévalait d'une créance de 5 000 euros, résultant d'un jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 30 mai 2023 ayant fait l'objet de commandements aux fins de saisie-vente les 19 et 26 juin 2023.

La société Audissounds n'ayant pas comparu à l'audience publique du tribunal de commerce de Bobigny du 25 septembre 2023, l'affaire a été renvoyée à la chambre du conseil du 13 novembre 2023, au cours de laquelle la société débitrice a contesté être en état de cessation des paiements en raison de l'absence de créance certaine et liquide du créancier poursuivant.

Par jugement du 21 novembre 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a notamment :

- Ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate, sans maintien de l'activité à l'égard de la SAS Audissounds ;

- Fixé au 21 novembre 2025 le délai au terme duquel il examinera la clôture de la procédure;

- Nommé en qualité de liquidateur : la SELARL Asteren, prise en la personne de Me [W] [I] ;

- Confié au liquidateur la mission de réaliser l'inventaire dans cette procédure ;

- Fixé provisoirement au 30 mai 2023 la date de cessation des paiements ;

- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration au greffe de la cour du 30 novembre 2023, la société Audissounds a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 janvier 2024, la société Audissounds demande à la cour de :

- Infirmer le jugement réputé contradictoire et rendu en premier ressort le 21 novembre 2023 par le tribunal de commerce de Bobigny, en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau, par voie d'infirmation,

- Rejeter la demande d'ouverture de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS Audissounds;

- Débouter la CPAM de Seine-Saint-Denis de toutes ses demandes.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 février 2024, la SELARL Asteren, prise en la personne de Me [W] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Audissounds, demande à la cour, au visa des articles L. 640-1 et L. 631-1 du code de commerce, de :

- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- Prendre les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'état de cessation des paiements de la société Audissounds et l'impossibilité manifeste de redressement

La société Audissounds indique que, pour qu'elle puisse être assignée en liquidation judiciaire par la CPAM de Seine[1]Saint-Denis, il faut que cette dernière démontre qu'elle dispose à son égard d'une créance certaine, liquide et exigible.

Elle ajoute que la cour n'a le pouvoir que de constater si la CPAM de Seine-Saint-Denis rapporte la preuve d'une cessation des paiements, et prétend que cette dernière y échoue en l'espèce. Elle reproche aux premiers juges d'avoir considéré que la CPAM justifiait d'une créance de 5 000 euros, trouvant son fondement dans l'application de l'article 700 du code de procédure civile, issue d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny du 30 mai 2023 et dont appel a été interjeté le 15 juin 2023. Elle expose qu'une somme issue d'un jugement frappé d'appel n'est ni certaine, ni liquide, puisque le principe et son quantum sont susceptibles de varier en fonction de la décision du juge d'appel, mais simplement exigible, ce qui ne permet pas de satisfaire aux conditions de la cessation de paiement, les conditions de certitude, de liquidité et d'exigibilité étant cumulatives pour permettre le constat de la cessation de paiement. Elle conclut que, dès lors que seule la créance de 5 000 euros est évoquée, il y a lieu d'infirmer le jugement.

La SELARL Asteren, prise en la personne de Me [W] [I], ès qualités, indique que le passif déclaré entre ses mains s'élève à la somme de 1 761 752,26 euros, dont 647 632,26 euros échus antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et que l'actif disponible de la société Audissounds entre ses mains est égal à 0 euro. Elle conclut que le passif échu de la SAS Audissounds étant supérieur à son actif disponible, la société appelante est en état de cessation des paiements. Elle ajoute que tout redressement est manifestement impossible, observant que la débitrice ne produit aucun élément de nature à démontrer le contraire.

Sur ce,

Selon l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

En outre, aux termes de l'article L. 631-1 du même code, la cessation des paiements est définie comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

En l'espèce, force est de constater que l'état de cessation des paiements n'est pas utilement contesté par la société Audissounds.

La cour observe que le passif déclaré s'élève à la somme de 1 761 752,26 euros, dont 647 632,26 euros échus antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et que l'actif disponible de la société Audissounds entre les mains du liquidateur est inexistant, de sorte que le passif échu est supérieur à son actif disponible et que la société appelante est par conséquent en état de cessation des paiements.

Il est en outre établi qu'un redressement du débiteur apparaît impossible tant au regard de la trésorerie et du passif très important que des perspectives de développement qui ne sont pas même évoquées par la société Audissounds.

Il y a par conséquent lieu de confirmer le jugement, en ce qu'il a prononcé la conversion du redressement judiciaire de la société en liquidation judiciaire.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.

En outre, les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel ;

Y ajoutant,

Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.