CA Chambéry, 1re ch., 14 mai 2024, n° 21/00672
CHAMBÉRY
Autre
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Broigny Investissement (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pirat
Conseillers :
Mme Reaidy, Mme Real del Sarte
Avocats :
Me Lassaad Cheham, Me Rachel Brancaz, SCP Milliand Thill Pereira, SCP Saillet & Bozon
Faits et procédure
M. [O] [Z] et Mme [C] [P] ont indiqué vouloir acquérir des
sociétés AMF et Brogny Investissement un terrain à bâtir, dénommé « Îlots 2 » portant le n° 2 du lotissement dénommé Le Clos Drivet, cadastré section CM, n° [Cadastre 3] lieu dit [Localité 10] et avec ledit lot, la moitié indivise de la parcelle cadastrée section CM n° [Cadastre 4], lieudit [Localité 10] à [Localité 9] le tout pour la somme de 160 000 euros.
Un rendez-vous pour la signature de l'acte de vente notarié a été convenu le 30 juin 2016, Me [M], notaire, a joint un projet de l'acte de vente à son courrier du 24 juin 2016. Toutefois, l'acte de vente n'a finalement pas été dressé.
Le 6 juillet 2016, Me [W] notaire à [Localité 13] adressait un courriel à son confrère l'avisant de ce que les époux [Z] sollicitaient un prêt auprès de leur banque le Crédit Agricole des Savoie et sollicitait la transmission d'un projet de l'acte de vente.
Par courriers du 27 juillet 2016, le conseil des époux [Z] écrivait aux sociétés AMF et Brogny Investissement aux fins de régulariser l'acte de vente du bien immobilier.
Par courrier du 31 août 2016, Me [M] notaire avisait Me [W] de ce que les sociétés AMF et Brogny Investissement, ses clientes, n'envisageaient aucune signature de vente au profit des époux [Z].
Par courrier du 1er septembre 2016, adressé au conseil des époux [Z], les sociétés AMF et Brogny Investissement ont indiqué qu'elles avaient décidé de remettre en vente la parcelle, en la divisant en deux lots, compte tenu de l'absence de régularisation de la vente au 30 juin 2016.
En parallèle, M. [G] et Mme [A] ont régularisé le 30 août 2016 avec les sociétés AMF et Brogny Investissement un compromis de vente portant sur un terrain à bâtir à [Localité 9], lieudit [Localité 10], qui portera le numéro 4 du lotissement dénommé le Clos Drivet, cadastré section CM [Cadastre 3]p [Localité 10] pour et avec ledit lot, le quart indivis de la parcelle cadastrée section CM n° [Cadastre 4] [Localité 10] pour une surface de 04 a et 44 ca.
La vente immobilière devait être réitérée au plus tard le 30 avril 2017. Un permis de construire a été déposé par M. [G] et Mme [A] le 11 octobre 2016. L'autorisation de construire a été donnée par le maire de [Localité 9] suivant arrêté du 17 janvier 2017.
Par acte d'huissier du 19 septembre 2016, les époux [Z] ont fait assigner les sociétés AMF et Brogny Investissement devant le tribunal de grande instance de Chambéry notamment aux fins de voir constater judiciairement la vente, outre l'octroi de dommages et intérêts.
Par acte d'huissier du 11 mai 2017, les époux [Z] ont fait assigner M. [G] et Mme [A] en intervention forcée. Les deux instances ont été jointes.
Par ordonnance du 14 mai 2019, le juge de la mise état du tribunal de grande instance de Chambéry, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :
- Débouté les époux [Z] de leur demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale pour rédaction d'un faux en écriture à l'encontre de Me [M], notaire, qui aurait indiqué avoir reçu les vendeurs et M. [J], agent immobilier, pour la vente d'un lot aux époux [Z] le 30 juin 2016 ;
- Débouté les sociétés AMF et Brogny Investissement de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;
- Condamné in solidum les époux [Z] à verser la somme de 500 euros aux sociétés AMF et Brogny Investissement en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum les époux [Z] à verser la somme de 500 euros à M. [G] et Mme [A] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum les époux [Z] aux dépens de l'incident.
Par jugement du 25 février 2021, le tribunal de grande instance de Chambéry, devenu le tribunal judiciaire, a :
- Constaté que la vente est parfaite entre les époux [Z] d'une part, et les sociétés AMF et Brogny Investissement d'autre part, concernant un terrain à bâtir dénommé « Îlots 2 » portant le n° 2 du lotissement dénommé Le Clos Drivet cadastré section CM, n° [Cadastre 3] Lieudit [Localité 10] d'une surface de 12 a 28 ca et avec ledit lot, la moitié indivise de la parcelle cadastrée section CM, n° [Cadastre 4] Lieudit [Localité 10] à [Localité 9] (Savoie) d'une surface de 12 a 58 ca le tout pour la somme de 160 000 euros ;
- Dit que le présent jugement vaut acte authentique de vente ;
- Dit que les époux [Z] procéderont au paiement du solde du prix de vente entre les mains des sociétés AMF et Brogny Investissement, soit 160 000 euros hors taxes et impôts, dans le délai d'un mois suivant le jour où le présent jugement aura force de la chose jugée ;
- Condamné les époux [Z] au paiement du solde du prix de vente en l'absence de paiement volontaire et spontané dans le délai d'un mois suivant le jour où le présent jugement aura force de la chose jugée ;
- Condamné les sociétés AMF et Brogny Investissement in solidum à délivrer le bien vendu aux époux [Z] à compter de la mise à disposition du prix de vente aux vendeurs ;
- Dit que le présent jugement sera publié à la conservation des hypothèques du lieu de la situation de l'immeuble et fera foi avec force exécutoire ;
- Dit que cette publication sera effectuée à la charge des époux [Z] dans le délai d'un mois suivant le jour où le présent jugement aura force de la chose jugée ;
- Prononcé la nullité de la promesse de vente entre les sociétés AMF et Brogny Investissement d'une part et M. [G] et Mme [A] d'autre part, concernant le terrain à bâtir à [Localité 9], lieudit [Localité 10], un terrain à bâtir qui portera le numéro 4 du lotissement dénommé le Clos Drivet, cadastré section CM [Cadastre 3]p [Adresse 11] pour 06 a et 01ca et avec ledit lot, le quart indivis de la parcelle cadastrée section CM [Cadastre 4] [Adresse 11] pour une surface de 04 a et 44 ca ;
- Condamné in solidum les sociétés AMF et Brogny Investissement à payer aux époux [Z] la somme de 15 000 euros au titre de la résistance abusive ;
- Débouté les époux [Z] de leur demande au titre du préjudice moral ;
- Débouté les sociétés AMF et Brogny Investissement, M. [G] et Mme [A] de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre des époux [Z] ;
- Condamné in solidum les sociétés AMF et Brogny Investissement à payer à M. [G] et Mme [A] la somme de 14 376,06 euros en réparation de leur préjudice matériel ;
- Condamné in solidum les sociétés AMF et Brogny Investissement à payer à M. [G] et Mme [A] la somme de 8 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- Condamné in solidum les sociétés AMF et Brogny Investissement à payer aux époux [Z] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- Condamné in solidum les sociétés AMF et Brogny Investissement à payer à M. [G] et Mme [A] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- Débouté les sociétés AMF et Brogny Investissement de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;
- Condamné in solidum les sociétés AMF et Brogny Investissement aux entiers dépens de l'instance ce y compris les frais d'exécution du présent jugement et ce avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Max Joly, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Au visa principalement des motifs suivants :
' Le projet d'acte de vente expédié aux parties le 24 juin 2016 démontre que les époux [Z] d'une part et les sociétés AMF et Brogny Investissement d'autre part étaient d'accord sur la chose vendue et sur le prix de vente ;
' Les sociétés AMF et Brogny Investissement ne démontrent pas que, selon l'accord exprès des parties, la régularisation devant notaire avant le 30 juin 2016 constituait une condition de la formation de la vente ;
' Les sociétés AMF et Brogny Investissement ne démontrent pas l'existence d'une clause résolutoire ou suspensive opposable aux acquéreurs.
Par déclaration au greffe du 25 mars 2021, les sociétés AMF et Brogny Investissement ont interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 19 novembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les sociétés AMF et Brogny Investissement sollicitent la réformation de la décision et demandent à la cour de :
Statuant de nouveau,
- Constater qu'aucune offre n'a jamais été acceptée concernant la cession des biens litigieux ;
- Constater qu'aucun avant-contrat ni le moindre échange entre les parties justifie d'un accord sur la chose et sur le prix des terrains litigieux ;
- Dire et juger qu'un projet d'acte notarié non accepté et non signé par les parties ne saurait valoir accord sur la chose et sur le prix ;
En conséquence,
- Débouter les époux [Z] de leurs demandes initiales, fins et conclusions ;
- Condamner les époux [Z] solidairement à payer aux appelantes la somme de 10 000 euros en réparation de l'indisponibilité de leur bien depuis septembre 2016 et une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les époux [Z] aux dépens ;
- Dire et juger irrecevable et mal-fondé l'appel incident de M. [G] et Mme [A] en ce qu'il vise à leur condamnation solidaire aux mêmes dispositions financières que celles prévues en cas de condamnation des époux [Z] ;
- Débouter en conséquence M. [G] et Mme [A] de leurs demandes financières formées à leur encontre.
Au soutien de leurs prétentions, les sociétés AMF et Brogny Investissement font valoir notamment que :
' La régularisation de l'acte authentique ne consistait pas en l'espèce en la réitération du consentement des parties mais en la formalisation de la vente du fait d'absence de signature de tout avant contrat ;
' Les époux [Z] étaient en phase de pourparlers avec les concluantes pour l'éventuelle acquisition du bien immobilier.
Par dernières écritures du 10 février 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les époux [Z] sollicitent de la cour de :
- Juger qu'elle n'est pas saisie à défaut d'effet dévolutif ;
- Confirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel ;
Y ajoutant,
- Condamner les sociétés AMF et Brogny Investissement à leur payer la somme de 60 000 euros au titre du préjudice moral ;
- Condamner les mêmes à payer à la somme de 20 000 euros au titre de la résistance abusive ;
- Débouter M. [G] et Mme [A] en leur demande dirigée à leur encontre ;
- Débouter les sociétés AMF et Brogny Investissement de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- Débouter M. [G] et Mme [A] de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Subsidiairement,
- Condamner in solidum les sociétés AMF et Brogny Investissement à les relever et garantir des condamnations qui seraient mise à leur charge afin d'indemniser M. [G] et Mme [A] ;
- Condamner les sociétés AMF et Brogny Investissement à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les appelants aux dépens comprenant les éventuels frais d'exécution avec droit de recouvrement direct et distraction au profit de la SCP Bozon.
Au soutien de leurs prétentions, les époux [Z] font valoir, en substance, que :
' Les sociétés AMF et Brogny Investissement n'ont pas mentionné dans le dispositif de leurs conclusions les chefs de jugement critiqués, dès lors il n'y a pas d'effet dévolutif ;
' L'acte authentique n'est qu'un acte permettant de formaliser la vente entre les parties et non une condition de formation du contrat de vente immobilière ;
' Les différents échanges ne faisaient état d'aucune date butoir entraînant la caducité de ladite vente ;
' La vente est parfaite en ce que les parties se sont accordées sur la chose et le prix ;
' Ils étaient propriétaires de la parcelle au moment où celle-ci a fait l'objet d'une promesse de vente entre les sociétés AMF et Brogny Investissement et M. [G] et Mme [A].
Par dernières écritures du 23 décembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [G] et Mme [A] sollicitent de la cour de :
- Déclarer recevables et bien fondées leurs demandes et défenses ainsi que l'appel incident interjeté ;
A titre incident,
- Réformer le jugement rendu le 25 février 2021 par la chambre civile du tribunal judiciaire de Chambéry ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Rejeter l'intégralité des demandes des époux [Z] ;
- Dire et juger que le compromis qu'ils ont signé n'est pas nul ;
- Condamner solidairement les époux [Z] à la somme de 53 385,06 euros au titre du préjudice financier ;
- Condamner solidairement les époux [Z] à la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral ;
- Condamner solidairement les époux [Z] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Si par extraordinaire, les requêtes des époux [Z] venaient à être accueillies, il y aura lieu alors de condamner solidairement les sociétés AMF et Brogny Investissement aux mêmes dispositions financières que celles prévues en cas de condamnation des époux [Z].
Au soutien de leurs prétentions, M. [G] et Mme [A] font valoir notamment que :
' Les parties au contrat de vente, les époux [Z] d'une part, et les sociétés AMF et Brogny Investissement, d'autre part, ont conditionné l'offre et l'acceptation à la signature de l'acte authentique ;
' Les relations qui unissaient les époux [Z] aux sociétés AMF et Brogny Investissement, n'étaient que de simples pourparlers ;
' Le paiement du prix a été également érigé par les époux [Z] et les sociétés AMF et Brogny Investissement comme une condition de formation de la vente ;
' Le projet d'acte de vente n'a pas été signé par les parties, les époux [Z] et les sociétés AMF et Brogny Investissement ;
' Lorsqu'ils ont signé le compromis de vente en août 2016 avec les sociétés AMF et Brogny Investissement, les biens étaient libres.
' Au moment de la signature du compromis de vente, ils n'étaient pas informés des échanges intervenus entre les époux [Z] et les sociétés AMF et Brogny Investissement.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 15 mai 2023 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 6 février 2024.
Motifs et décision
I - Sur l'absence d'effet dévolutif
Selon l'alinéa 1er de l'article 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l'indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Aux termes des alinéas 2 et 3, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, il résulte du dispositif des conclusions des appelantes que ces dernières ne se bornent pas à demander à la présente cour de réformer la décision entreprise mais formulent plusieurs prétentions et contrairement à ce que soutiennent les époux [Z] elles n'étaient pas tenues de reprendre dans le dispositif, les chefs de dispositif du jugement dont elles demandent l'infirmation (Civ 2ème, 3 mars 2022, n°20-20.017 P).
La cour est ainsi régulièrement saisie de l'ensemble des dispositions du jugement querellé, l'appel ayant porté sur chacune d'entre elles, de sorte que la demande tendant à voir confirmer le jugement sur ce fondement ne peut qu'être rejetée.
II - Sur la formation de la vente entre les époux [Z] et les sociétés AMF et Brogny investissement
Aux termes de l'article 1582 du code civil, « la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé. »
Selon l'article 1583 du même code, « Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. »
Il résulte de cette disposition que la vente est un contrat essentiellement contractuel, exempt de vices et exige un accord de volonté sur la chose et le prix. Il en résulte que la perfection du contrat repose sur la rencontre d'une offre et d'une acceptation. Une offre valable doit avoir été émise, c'est-à-dire qu'elle doit être précise, renfermant les éléments essentiels du contrat projeté, mais également ferme, c'est-à-dire manifestant la volonté d'être lié en cas d'acceptation. A cette offre doit correspondre une acceptation, portant sur les éléments essentiels du contrat projeté, et ne contenant aucun élément de contre-proposition, lequel disqualifierait alors immédiatement l'acceptation en offre. Il est nécessaire que ces deux éléments du consentement se rencontrent et se correspondent exactement.
La signature d'un avant-contrat, si elle permet de garantir les droits du vendeur et de l'acquéreur jusqu'à la réalisation de l'acte authentique, n'est pas une formalité indispensable à la formation d'une vente immobilière.
Lorsque l'accord sur la chose et sur le prix est constaté, il appartient à celui qui conteste la régularité de la vente de démontrer que les parties avaient conditionné la formation de la vente à certaines formalités ou conditions notamment concernant les modalités et la date de paiement du prix.
En l'espèce, le lotissement a fait l'objet d'un permis d'aménager avec une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux en date 30 juin 2015.
Il n'existe aucune difficulté relative à l'accord des parties sur la chose et ainsi qu'il résulte des attestations établies par les gérants des deux sociétés vendeuses les 8 juillet et 13 août 2015, M. [Z] a été autorisé à déposer en son nom un dossier de demande de permis de construire pour le terrain situé dans le lotissement« Le clos Drivet » à [Localité 9], permis de construire que ce dernier a obtenu suivant arrêté en date du 29 mars 2016, le projet ayant fait l'objet d'un avis favorable de l'architecte des bâtiments de France en date du 24 février 2016.
S'agissant du prix, par courriel en date du 24 juin 2016, Me [M] notaire associé en charge de l'établissement de l'acte authentique de vente adressait aux époux [Z] le projet d'acte de vente, avec le décompte des sommes dues (prix de vente 160 000 euros et frais d'achat 12 3000 euros) ainsi que le RIB de l'étude leur demandant de faire établir par leur banque un virement de 172 300 euros à porter au crédit de son compte trois jours avant la date de signature.
Il était précisé que le rendez-vous pour la signature de la vente avait été convenu au jeudi 30 juin à 14 heures à l'office notarial et le notaire confirmait par ailleurs avoir reçu par courrier postal du même jour « la réponse de la communauté de communes à la préemption ».
Il est bien évident que l'établissement de cet acte de vente par le notaire montre que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les époux [Z] n'étaient pas en phase de pourparlers pour l'éventuelle acquisition du bien immobilier et elles ne peuvent sérieusement soutenir, comme elles le font, que le projet adressé aux vendeurs et acquéreurs n'engageait aucune des parties mais les invitait simplement à se rendre à l'Etude notariale « pour envisager une discussion sur la base du projet d'acte et une éventuelle signature conditionnée par le règlement des acquéreurs ».
Il existait bien un accord sur la chose et sur le prix ce que confirme le courrier du 1er septembre 2016 adressé par les sociétés AMF et Brogny investissement au conseil des époux [Z] en réponse à la mise en demeure du 27 juillet 2016 adressée par ce dernier d'avoir à régulariser la vente :
« En réponse à votre courrier du 27 juillet 2016, nous tenions à vous apporter les précisions suivantes :
M. [Z] nous a été présenté par un agent immobilier d'[Localité 5] courant 2014, nous venions d'acquérir une parcelle de terrain à viabiliser sur la commune de [Localité 9]. Un accord pour la vente d'une parcelle de 1 200 m2 au prix de 160 000 euros dès l'achèvement des travaux de viabilité et sans condition d'obtention de permis de construire a été trouvé entres les parties. Ce paiement rapide et à un prix intéressant devait permettre à nos sociétés de retrouver rapidement du financement pour une autre opération immobilière.
Le 07/07/2015 lors de la déclaration d'achèvement des travaux votre client sollicita un délai supplémentaire en nous promettant d'acquérir le bien avant fin 2015.
Constatant début 2016 que M. [Z] ne mettait aucun empressement à demander la réalisation de la vente, nous avons fixé une échéance limite de signature au 30 juin 2016, soit huit jours avant notre acquisition foncière.
Votre client a annulé le rendez-vous auprès de Me [S] notaire à [Localité 8] en lui stipulant qu'il n'avait pas les fonds nécessaires et en lui demandant un report pour fin septembre.
Nous avons donc décidé de remettre en vente la parcelle en la divisant en deux afin d'obtenir un prix supérieur. »
Il est ainsi établi l'accord entre les parties sur la chose et sur le prix et le jugement sera confirmé en ce sens.
Par ailleurs ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge :
- Les appelantes n'apportent pas la preuve qui leur incombe qu'une date limite pour la régularisation de l'acte avait été fixée et qu'à défaut, sans autre formalité, la vente devait être considérée comme résolue, la seule fixation d'un rendez-vous devant un notaire pour signer l'acte authentique ne démontrant pas l'existence d'une condition résolutoire.
- Si les appelantes entendaient solliciter la résolution de la vente après le 30 juin 2016, il leur appartenait, en application de l'article 1184 ancien du code civil applicable aux faits de l'espèce, de mettre en demeure les époux [Z] de régulariser la vente dans un certain délai et d'indiquer qu'à défaut la vente serait résolue.
Or non seulement les sociétés AMF et Borgny investissement se sont abstenues de toute mise en demeure de régulariser l'acte mais elles ont signé le 30 août 2016 un compromis de vente avec les consorts [G] et [A], ce alors que les époux [Z] par l'intermédiaire de leur conseil avaient réitéré leur intention d'acquérir le bien par courrier du 27 juillet 2016.
C'est également à juste titre que le premier juge a relevé que les conditions de l'absence de régularisation de la vente le 30 juin 2016 demeuraient inconnues, chacune des parties soutenant que l'autre est responsable de l'annulation du rendez-vous et il ne peut être déduit de l'absence des acquéreurs à ce rendez-vous et de l'absence de virement des fonds sur le compte bancaire du notaire, quels qu'en soient les motifs, que les époux [Z] avaient expressément renoncé à la régularisation de la vente.
Enfin les sociétés AMF et Brogny investissement ne peuvent se prévaloir de l'absence de paiement du prix de vente pour considérer qu'elles étaient dégagées de leurs obligations contractuelles alors que les modalités de paiement ne constituent pas une condition de formation de la vente en l'absence de stipulation expresse, étant précisé que les appelantes n'apportent pas la preuve que le paiement du prix de vente au plus tard le 30 juin 2016 constituait une condition de formation de la vente acceptée par les parties.
Le jugement qui a retenu que la vente était parfaite avec toutes les conséquences en découlant, sera ainsi confirmé.
III - Sur la promesse de vente conclue avec M. [G] et Mme [A]
Ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge, compte tenu de la constatation judiciaire de la vente du bien immobilier entre les époux [Z] et les sociétés AMF et Brogny investissement, la promesse de vente conclue entre ces dernières d'une part, et M. [G] et Mme [A], d'autre part, ne peut qu'être déclarée nulle et le jugement sera confirmé en ce sens.
IV - Sur les demandes indemnitaires des époux [Z]
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, s'il peut être relevé des manquements de la part des sociétés AMF et Brogny investissement, lesquelles ont considéré à tort qu'elles n'étaient pas engagées du fait de l'absence d'avant-contrat, rien n'établit pour autant qu'elles aient été de mauvaise foi en s'opposant aux demandes des époux [Z].
Dès lors la demande indemnitaire de ces derniers fondée sur l'existence d'une résistance abusive des sociétés AMF et Brogny investissement sera rejetée et le jugement sera infirmé en ce sens.
Il en est de même de la demande indemnitaire des époux [Z] pour préjudice moral dont l'existence n'est en rien établie et le jugement qui a rejeté ce chef de demande sera confirmé.
V - Sur les demandes indemnitaires des consorts [G] et [A]
Le préjudice matériel
Le jugement sera nécessairement confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes
qu'ils forment à l'encontre des époux [Z], ces dernières étant accessoires à leur demande principale de rejet des prétentions de ces derniers.
En revanche, il est établi que les sociétés AMF et Brogny investissement ont
commis une faute en refusant de régulariser la vente avec les époux [Z] et en signant une promesse de vente au profit des consorts [G] et [A] après avoir scindé le bien immobilier en deux lots. Cette faute a contraint ceux-ci à mettre leur projet immobilier en suspens depuis l'engagement de la présente procédure.
Ainsi que l'a retenu le premier juge leur préjudice est constitué par l'acompte de 3 000 euros qu'il justifient avoir versé au titre de la maîtrise d''uvre (dépôt de permis de construire), de la facture de 358,80 euros au titre du diagnostic technique et de l'acompte sur le prix de vente d'un montant de 6 500 euros.
S'agissant des frais bancaires exposés dans le cadre du prêt immobilier qu'ils ont souscrit, et pour lesquels il réclament une somme de 3 054,01 euros de frais de dépôt de garantie et de dossier outre celle de 1 472,25 euros de frais d'assurances de prêt, il convient de se référer au contrat souscrit auprès de la Caisse d'épargne Rhône Alpes, l'offre de prêt étant en date du 28 décembre 2016.
Il est précisé au paragraphe « Annulation du contrat, révision du contrat » :
« Le contrat sera résolu dans les circonstances suivantes :
si l'acte de vente ou le contrat de prestation de service auquel le présent prêt est lié n'est pas signé dans un délai de cinq mois qui suit la date de l'acceptation de cette offre par les emprunteurs. Dans une telle hypothèse le Prêteur conservera des frais d'étude d'un montant de 0,75% du montant du prêt, sans pouvoir excéder 150 euros conformément aux dispositions du code de la consommation. Ces frais d'étude seront perçus par prélèvement ou par chèque libellé à l'ordre du Prêteur.
lorsqu'un acte authentique doit être établi, si cet acte authentique n'est pas signé dans un délai de cinq mois qui suit l'acceptation de l'offre par les emprunteurs. »
En l'espèce, l'acte authentique n'a pas été régularisé dans le délai de cinq mois de sorte que le contrat de prêt a nécessairement été résolu, entraînant le droit pour la banque de percevoir en tout et pour tout une somme de 150 euros.
Dès lors le jugement qui a fait droit à la demande des consorts [G] / [A] au titre de ce poste de préjudice sera infirmé et il leur sera alloué la somme de 150 euros à ce titre.
Enfin, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de prise en charge des loyers, cette dépense de logement étant indispensable et ne constituant pas un coût supplémentaire suite à l'annulation du compromis de vente.
Ainsi leur préjudice matériel s'établit à la somme de 10 008,80 euros (3 000 + 358,8 + 6 500 + 150) que les sociétés AMF et Brogny investissement seront condamnés in solidum à leur payer et le jugement sera infirmé en ce sens.
Le préjudice moral
Ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge les consorts [G]/[A] ont été contraints de suspendre leur projet immobilier pendant plusieurs années avec l'incertitude résultant de la procédure en cours. Par ailleurs, dans la mesure où le jugement qui a fait droit aux demandes principales des époux [Z] est confirmé, leur projet est totalement anéanti.
Ils justifient ainsi d'un préjudice moral qui sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros et le jugement sera infirmé en ce sens.
VI - Sur les mesures accessoires
Les sociétés AMF et Brogny investissement qui échouent en leur appel sont tenues aux dépens exposés devant la cour.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des époux [Z] et des consorts [G]/[A].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Constate l'effet dévolutif de l'appel des sociétés AMF et Brogny investissement,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions concernant la réclamation indemnitaire des époux [Z] pour résistance abusive et en ses dispositions concernant les préjudices subis par M. [G] et Mme [A],
L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau,
Déboute M. [O] [Z] et Mme [C] [P] épouse [Z] de leur demande indemnitaire dirigée contre les sociétés AMF et Brogny investissement pour résistance abusive,
Condamne in solidum la société AMF et la société Brogny investissement à payer à M. [X] [G] et Mme [F] [A] la somme de 10 0008,80 euros en réparation de leur préjudice matériel,
Condamne in solidum la société AMF et la société Brogny investissement à payer à M. [X] [G] et Mme [F] [A] la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société AMF et la société Brogny investissement aux dépens exposés en appel avec distraction de ces derniers au profit de la SCP Saillet et Bozon, avocats,
Condamne in solidum la société AMF et la société Brogny investissement à payer à M. [O] [Z] et Mme [C] [P] épouse [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société AMF et la société Brogny investissement à payer à M. [X] [G] et Mme [F] [A] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.