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Décisions

CA Reims, 1re ch. sect..civ., 21 mai 2024, n° 23/01526

REIMS

Arrêt

Autre

CA Reims n° 23/01526

21 mai 2024

ARRET N°

du 21 mai 2024

N° RG 23/01526 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMO3

S.A.R.L. VISTA AUTOMOBILES

c/

S.A.R.L. COMPAGNIE EUROPEENNE DES EAUX

Formule exécutoire le :

à :

Me Arnaud GERVAIS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 21 MAI 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 05 septembre 2023 par le tribunal de commerce de REIMS

S.A.R.L. Vista Automobiles

Société par actions simplifiée au capital de 250.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de REIMS sous le n° 479 337 107, dont le siège social est sis à [Localité 4], [Adresse 1], prise en la personne de son président en exercice domicilié de droit audit siège

Représentée par Me Vincent NICOLAS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A.R.L. COMPAGNIE EUROPEENNE DES EAUX

Société à responsabilité limitée à associé unique au capital de 750 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 493 719 066, dont le siège social est sis à [Localité 3], [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de son président en exercice, Monsieur [W] [I], domicilié es qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud GERVAIS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MATHIEU, conseillère, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors des débats et de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 09 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 mai 2024

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société COMPAGNIE EUROPEENNE DES EAUX (ci-après nommée CEE) exerce une activité de distribution et maintenance d'appareils liés au traitement de l'eau.

La SAS VISTA AUTOMOBILES exploite une concession automobile sous l'enseigne KIA à [Localité 4].

Par contrat du 21 avril 2022, la société CEE a acquis auprès de la société VISTA AUTOMOBILES un véhicule d'occasion de marque AUDI modèle A4 immatriculé CH 761 NT pour un montant total de 11.973,20 euros ttc moyennant la reprise d'un véhicule PEUGEOT 508 RXH et le versement de la somme de 5973.20 euros.

La société VISTA AUTOMOBILES a remis à la société CEE :

- la carte grise du véhicule AUDI CH 761 NT

- le procès-verbal de contrôle technique daté du 20 avril 2022,

- la déclaration d'achat du véhicule PEUGEOT 508 RXH.

Le lendemain de la vente, soit le 22 avril 2022, Monsieur [I], gérant de la société CEE et utilisateur du véhicule à titre privé et professionnel, constatant plusieurs défauts sur le véhicule, a rapporté le véhicule à la concession KIA.

Un véhicule de remplacement a été mis à la disposition de la société CEE par la société VISTA AUTOMOBILES à compter du 29 avril 2022, puis celle-ci a proposé en mai 2022 la restitution des 11.973,20 euros à la société CEE en échange de la reprise du véhicule AUDI en l'état.

La société CEE a refusé cette proposition, souhaitant faire établir des devis de réparations dans d'autres garages.

Le société VISTA AUTOMOBILES ne restituant pas le véhicule malgré plusieurs sommations, la société CEE a fait récupérer le véhicule sur le parking de la concession KIA en janvier 2023 par voie d'huissier.

Se plaignant de multiples dégradations intervenues sur le véhicule, la société CEE a demandé à la société VISTA AUTOMOBILES le règlement de la somme de 24.134.01 euros au titre des frais de réparation du véhicule, d'assurance durant la période de privation du véhicule et location d'un véhicule de substitution.

Par acte d'huissier en date du 28 avril 2023, la SARLU COMPAGNIE EUROPEENNE DES EAUX a fait assigner la SARL VISTA AUTO MOBILES devant le tribunal de commerce de Reims aux fins d'obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de cette dernière à lui payer les sommes de :

- 24.134,01 euros à titre de dommages et intérêts, arrêtée au 11 avril 2023 pour réparation des préjudices matériels nés des manquements commis dans le cadre du contrat de vente et du contrat de dépôt, en vertu des articles 1927 et suivants du code civil, avec intérêts à compter de la délivrance de l'assignation,

- 5.000 euros au titre des préjudices matériels, 3.000 euros au titre des préjudices immatériels, avec intérêts à compter de la délivrance de l'assignation,

- 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 5 septembre 2023, le tribunal de commerce de Reims a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la société VISTA AUTOMOBILES à régler à la société COMPAGNIE EUROPEENNE DES EAUX les sommes de :

- 7.486,85 euros ttc pour les sept mois de location du véhicule de substitution,

- 564,38 euros pour les divers frais de récupération du véhicule,

- 1.477,00 euros ttc pour les sept mois d'assurance du véhicule non-restitué,

- 1.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

Et rejeté les autres demandes en paiement.

Par un acte en date du 18 septembre 2023, la Sarl VISTA AUTOMOBILES a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 18 décembre 2023, la Sarl VISTA AUTOMOBILES conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de condamner la société CEE à lui payer la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle explique qu'elle est de bonne foi et a prêté à titre gratuit un véhicule du 29 avril au 25 mai 2022.

Elle soutient que la SARLU CEE pouvait à tout moment récupérer son véhicule et qu'elle n'a pas manqué à son obligation de délivrance conforme.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 17 mars 2024, la société CEE conclut à l'infirmation partielle du jugement déféré et demande à la cour de condamner la SARL VISTA AUTOMOBILES à lui payer les sommes de :

- 26.210,69 euros ttc au titre des frais de location d'un véhicule du 25 mai 2022 au 26 février 2024,

- 564,38 euros au titre des frais d'huissier,

- 5.329,85 euros au titre des frais d'assurance,

- 9.619,70 ttc euros au titre des frais de remise en état,

- 7.590 euros ttc au titre des frais de gardiennage à compter du 15 octobre 2023,

- 5.000 euros au titre des préjudices matériels,

- 3.000 euros au titre des préjudices immatériels,

- 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle invoque la responsabilité de la SARL VISTA AUTOMOBILES sur le fondement des articles 1604 et subsidiairement 1640 du code civil.

Elle soutient que c'est face au refus de la Sarl VISTA AUTOMOBILES de lui restituer la voiture qu'à compter de juin 2022, elle a effectué des démarches judiciaires pour récupérer ladite voiture.

Elle précise qu'elle a constaté que la voiture avait parcouru plus de 500 km sans son autorisation et était accidentée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l'acheteur.

Il est constant que l'acquéreur ne peut être tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandée et que les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation pour fixer les modalités de réparation du préjudice résultant d'un défaut de conformité.

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation,

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation,

- obtenir une réduction du prix,

- provoquer la résolution du contrat,

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

En l'espèce, la société CEE établit que lors de l'acquisition du véhicule litigieux, elle bénéficiait d'une garantie de 12 mois prenant fin le 20 avril 2023.

Il résulte de l'historique de l'affaire que :

- la société VISTA AUTOMOBILES a reconnu que sa prestation dans le cadre de la cession du véhicule AUDI était imparfaite, puisqu'elle a accepté de reprendre ledit véhicule pour lequel la société CEE se plaignait d'un problème d'huile (voyant moteur allumé) pour réparation dès le 22 avril, soit le lendemain de la cession,

- la société VISTA AUTOMOBILES a mis gratuitement à disposition de la société CEE un véhicule de remplacement à compter du 29 avril 2022,

- la société VISTA AUTOMOBILES, par courriel du 18 mai 2022, a sollicité la restitution de la voiture de prêt au 25 mai 2022 et a informé la société CEE qu'elle lui proposait le remboursement total de l'achat du véhicule AUDI A4 sous la condition d'une offre sur nouveau véhicule,

- la société CEE a rendu le 25 mai 2022 la voiture de remplacement en parfait état, ce qui a été confirmé par le responsable des ventes de véhicules d'occasion de la société VISTA AUTOMOBILES suivant récépissé du même jour.

En réponse à la proposition de remplacement de la voiture litigieuse, par courrier en recommandé du 28 juin 2022 avec avis de réception, le conseil de la société CEE a mis en demeure la société VISTA AUTOMOBILES de procéder à la réparation du véhicule AUDI A4, de l'indemniser des frais de location engagés en l'absence de mise à disposition d'un véhicule de prêt depuis le 25 mai 2022, et l'a enjoint à lui rendre le véhicule afin qu'elle puisse faire expertiser le véhicule et chiffrer le montant des réparations.

Après plusieurs sommations, la société CEE a fait appréhender le véhicule AUDI A4, par voie de commissaire de justice, le 23 janvier 2023 sur le parking de la concession KIA (la société VISTA AUTOMOBILES). L'auxiliaire de justice a notamment constaté que le véhicule présentait 150375 kilomètres au compteur, qu'il était ouvert et présentait des rayures sur l'avant à droite et à gauche, des impacts sur le pare-brise ainsi qu'une oxydation au niveau des quatre disques de frein.

La cour relève que le procès-verbal de contrôle technique établi le 20 avril 2022 faisait état d'un kilométrage de 149709 kilomètres, soit une différence de plus de 500 kilomètres avec le constat précité ce qui démontre qu'alors que le véhicule a été remis à la société VISTA AUTOMOBILES pour réparation, ce dernier a parcouru une distance non négligeable et présente au surplus des traces de choc sur la carrosserie qui n'ont pas été listées lors de la cession réalisée le 20 avril 2022.

Il résulte des éléments ci-dessus développés que la société VISTA AUTOMOBILES a manqué à l'exécution des obligations lui incombant dans le cadre de la cession du véhicule AUDI A4 puisqu'elle n'a pas réparé le véhicule qui lui a été confié malgré la garantie d'un an comprise dans le contrat de vente, et ne l'a restitué que par le biais d'une mesure coercitive (saisie-appréhension) avec au surplus des dégâts matériels supplémentaires.

La société CEE est donc fondée à obtenir sur le principe la réparation de son véhicule ainsi que l'indemnisation des conséquences de l'inexécution de cette obligation par la société VISTA AUTOMOBILES relatives à la vente. Toutefois, le principe de la réparation intégrale des préjudices subis implique qu'il incombe à la société CEE de démontrer l'engagement des dépenses.

Or, devant la cour comme devant les premiers juges, la société CEE ne produit que des devis de réparation pour un montant de 9.619,70 euros ttc, et ne justifie ni d'une expertise listant précisément les travaux à effectuer, ni de la réalisation desdits travaux, ni de la nécessité de frais de gardiennage.

L'intimée est également défaillante dans l'administration de la preuve s'agissant des préjudices matériel et immatériel (préjudice économique, perte de temps).

En revanche, la société CEE prouve avoir loué un véhicule de remplacement au prix de 1.069,55 euros ttc par mois, comprenant l'assurance du véhicule de remplacement, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société VISTA AUTOMOBILES à régler à la société CEE la somme de 7.436.85 euros pour les sept mois durant lesquels la concession KIA a retenu sans juste motif la voiture litigieuse.

La société CEE justifie également avoir réglé les frais d'assurance du véhicule AUDI A4 pendant les 7 mois de sa privation de jouissance pour un montant de 1.477 euros ttc et avoir engagé des frais d'huissier à hauteur de 564,38 euros pour récupérer son véhicule.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à la société CEE ces deux dernières sommes.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société VISTA AUTOMOBILES succombant, elle sera tenue aux dépens d'appel.

La nature de l'affaire et les circonstances de l'espèce commandent de condamner la société VISTA AUTOMOBILES à payer à la société CEE la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 5 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Reims, en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la société VISTA AUTOMOBILES à payer à la société CEE la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

La déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.

Condamne la société VISTA AUTOMOBILES aux dépens d'appel et autorise Maître Arnaud Gervais, avocat, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente