CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 30 mai 2024, n° 21/08348
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Papin
Conseillers :
Mme Morlet, Mme Zysman
Avocats :
Me Robatel, Me Abello, Me Dubos
EXPOSE DU LITIGE
A la suite du décès de leur mère, Mme [P] [H] [A] [M], veuve de M. [M] [K], le 28 janvier 2016 à la clinique [9] à [Localité 13], ses enfants, Mme [Z] [P] [A] [M], Mme [P] [N] [M] [K] épouse [U] et M. [E] [M] [K] (les consorts [M] [K]) ont confié à la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] exerçant sous l'enseigne Roc Eclerc (la société PFB), suivant devis accepté n° 20112561 en date du 28 janvier 2016 d'un montant total de 6.749,64 euros TTC, la préparation des obsèques et l'organisation du transport du corps de la défunte au Portugal afin de l'inhumer, le 29 janvier 2016, au cimetière de [Localité 14].
Il était prévu, aux termes de ce devis, la fourniture d'un cercueil « Alexandrie Sena » en chêne massif avec zinc et filtre. L'inhumation au cimetière de [Localité 14] au Portugal a été confiée à des « pompes funèbres extérieures », en l'occurrence la société Rainha dos Anjos, les prestations figurant au devis sous l'intitulé « frais avancés pour le compte de la famille ».
Un bon de commande, conforme au devis, a été émis le 28 janvier 2016 et une facture du même montant, le 29 janvier 2016.
Au mois de mai 2019, les consorts [M] [K] ont été informés par les services du cimetière de [Localité 14] au Portugal que des fluides corporels s'échappaient du cercueil, tâchant les pierres des étagères et du sol de la chapelle.
A la demande de la famille de la défunte, la société Rainha dos Anjos a procédé à l'exhumation du corps et au remplacement du cercueil, suivant facture en date du 14 mai 2019 d'un montant de 4.445 euros.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 mai 2019, les consorts [M] [K] ont informé la société PFB de la défectuosité du cercueil vendu, lui rappelant qu'il était destiné à rejoindre un caveau-chapelle au Portugal et lui indiquant que la gravité des dégradations constatées ne correspondait pas à la dégradation normale et progressive du cercueil, qui n'était pas en terre et ne souffrait pas d'humidité, et ont sollicité la réparation des préjudices subis.
Par courrier du 26 juin 2019, auquel étaient joints une attestation de conformité du cercueil du fournisseur ainsi qu'une attestation du fabricant de zinc hermétique, la société PFB a refusé de prendre en charge le remboursement du cercueil, indiquant que les fournitures utilisées pour celui-ci étaient en conformité avec la loi française et européenne, que les cercueils hermétiques fournis en France étaient destinés à être utilisés pour le transport des corps et biodégradables pour permettre la décomposition normale du corps.
Par courrier de leur conseil en date du 12 juillet 2019, les consorts [M] [K] ont mis en demeure la société PFB de leur payer la somme de 6.721 euros correspondant au prix du cercueil défectueux auquel s'ajoute le prix versé pour remédier aux désordres.
Les parties n'étant pas parvenues à trouver une issue amiable à leur litige, Mme [Z] [M], Mme [P] [U] et M. [E] [K] ont fait assigner la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] sous l'enseigne Roc Eclerc devant le tribunal judiciaire de Paris, par acte du 25 septembre 2020, pour obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 6.721 euros au titre de leur préjudice matériel outre celle de 1.000 euros chacun au titre de leur préjudice moral.
Par jugement du 15 mars 2021, le pôle civil de proximité du tribunal judiciaire de Paris a :
- débouté Mme [Z] [M], Mme [P] [U] et M. [E] [K] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné Mme [Z] [M], Mme [P] [U] et M. [E] [K] à payer in solidum à la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] sous l'enseigne Roc Eclerc la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [Z] [M], Mme [P] [U] et M. [E] [K] in solidum aux entiers dépens.
Par déclaration du 29 avril 2021, Mme [Z] [M], Mme [P] [U] et M. [E] [K] ont interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2021, Mme [Z] [M], Mme [P] [N] [U] et M. [E] [K] demandent à la cour de :
- Juger leur appel formé à l'encontre du jugement du tribunal de proximité du 15 mars 2021 recevable et bien fondé et l'accueillir dans l'ensemble de ses demandes,
Ce faisant,
- Infirmer le jugement du 15 mars 202 rendu par le tribunal de proximité de Paris en ce qu'il a :
' débouté Mme [Z] [M], Mme [P] [U] et M. [E] [K] de l'intégralité de leurs demandes
' condamné Mme [Z] [M], Mme [P] [U] et M. [E] [K] à payer in solidum à la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] sous l'enseigne Roc Eclerc la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
' condamné Mme [Z] [M], Mme [P] [U] et M. [E] [K] in solidum aux entiers dépens
En conséquence, statuant de nouveau :
A titre principal,
- Prononcer la résolution de la vente conclue le 29 janvier 2016 entre la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc et Mme [Z] [M], Mme [N] [U] et M. [E] [K],
A titre subsidiaire,
- Prononcer la nullité de la vente conclue le 29 janvier 2016 entre la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc et Mme [Z] [M], Mme [N] [U] et M. [E] [K],
A titre principal,
- Condamner la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc à payer à Mme [Z] [M], Mme [N] [U] et M. [E] [K] la somme de 6.749,64 euros au titre du préjudice matériel subi,
A titre subsidiaire,
- Condamner la société Pompes funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc à payer à Mme [Z] [M], Mme [N] [U] et M. [E] [K] la somme de 4.445 euros au titre du préjudice matériel subi,
En tout état de cause,
- Condamner la société Pompes funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc à payer à Mme [Z] [M] la somme de 2.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral,
- Condamner la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc à payer à Mme [N] [U] la somme de 2.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral,
- Condamner la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc à payer à M. [E] [K] la somme de 2.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral,
- Condamner la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc à payer à Mme [Z] [M], Mme [N] [U] et M. [E] [K] la somme de 5.000 euros au titre de la résistance abusive,
- Condamner la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc à payer à Mme [Z] [M], Mme [N] [U] et M. [E] [K] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], Roc Eclerc aux entiers dépens de la présente instance, comprenant le coût des deux assignations délivrées le 8 février 2020 et 25 septembre 2020 pour un montant total de 140,34 euros.
Par dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 1er septembre 2021, la société Pompes Funèbres de [Adresse 8], sous l'enseigne Roc Eclerc, demande à la cour de :
- Débouter les appelants de l'ensemble de leurs prétentions,
- Confirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions,
- Condamner solidairement les appelants à verser à la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 17 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Pour débouter les consorts [M] [K] de l'ensemble de leurs demandes, le tribunal a retenu que :
- le cercueil est conforme à la réglementation française et internationale,
- la preuve de l'inadéquation du cercueil vendu avec le mode d'inhumation choisi n'est pas rapportée,
- il ne résulte pas du devis proposé que la famille ait précisé que le cercueil ne serait pas déposé sous terre ou dans un caveau scellé, mais serait simplement déposé à l'air libre à l'intérieur d'un caveau-chapelle, mode d'inhumation particulier au droit portugais et interdit en droit français, que ne connaissait pas la société PFB,
- la société PFB a, à juste titre, conseillé à la famille d'acquérir un cercueil hermétique adapté au transport international, mais qui reste biodégradable et autodestructible conformément à la réglementation en vigueur et adapté à une inhumation en caveau familial au Portugal,
- le cercueil vendu ne présentait aucun vice caché empêchant l'usage auquel il était destiné.
Il a par ailleurs indiqué que l'éventuelle faute de la société Rainha dos Anjos, société portugaise en charge de l'inhumation au Portugal, ne pouvait être imputée à la société PFB.
Au soutien de leur appel, les consorts [M] [K] font valoir que la société Roc Eclerc a manqué :
- à son obligation d'information précontractuelle de renseignement prévue par l'article L. 111-1 du code de la consommation selon lequel le vendeur professionnel doit mettre le consommateur « en mesure de connaître les caractéristiques du bien vendu », celle-ci ayant été informée par la famille de la défunte que le cercueil avait vocation à être installé dans un caveau-chapelle au Portugal et donc à être exposé à l'air libre,
- à son obligation d'information contractuelle, la société Roc Eclerc devant informer la famille des caractéristiques du cercueil vendu, et notamment des contre-indications, des contraintes techniques, des risques encourus et des conséquences de l'achat au regard des normes, tant techniques que juridiques,
- à son devoir de conseil en application des articles 1602 et suivants du code civil, la société Roc Eclerc ayant l'obligation de se renseigner sur les besoins de la famille de la défunte afin d'être en mesure de l'informer que le cercueil qu'elle lui vendait ne pouvait pas être inhumé selon la tradition portugaise.
Ils indiquent par ailleurs que la société Rainha dos Anjos n'a pas été choisie par la famille mais était sous-traitant de la société Roc Eclerc, de sorte que cette dernière est responsable des fautes commises par son sous-traitant ; qu'en outre le cercueil vendu n'était pas en adéquation avec le mode d'inhumation choisi.
Ils demandent, à titre principal, la résolution de la vente et la condamnation de la société PFB à restituer le prix payé d'un montant de 6.749,64 euros sur le fondement de la garantie de conformité prévue par les articles L. 217-4 et suivants du code de la consommation et, subsidiairement, sur le fondement de la garantie des vices cachés.
A titre subsidiaire, ils recherchent la responsabilité de la société PFB et sollicitent l'indemnisation des préjudices subis sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme prévue par l'article 1603 du code civil, soutenant qu'en l'espèce, le cercueil de la défunte était atteint d'un défaut de conformité.
A titre infiniment subsidiaire, ils demandent la nullité du contrat sur le fondement de l'erreur prévue par les articles 1112-1 et 1130 du code civil et la condamnation de la société Roc Eclerc à leur restituer la somme de 6.749,64 euros.
Ils sollicitent en tout état de cause la somme de 2.000 euros chacun au titre leur préjudice moral et celle de 5.000 euros au titre de la résistance abusive.
La société PFB invoque, à titre liminaire, l'obligation légale du caractère biodégradable et autodestructible des cercueils vendus en France et destinés au transport international, notamment vers le Portugal, en faisant valoir que le droit français impose le caractère biodégradable des cercueils et l'inhumation en terre ou sous une dalle scellée afin de permettre la dégradation naturelle tant du corps que du cercueil.
Elle répond que :
- elle a parfaitement respecté son obligation d'information (précontractuelle et contractuelle) et de conseil,
- la société Rainha dos Anjos, qui a récupéré le cercueil à sa descente de l'avion pour l'acheminer au cimetière de [Localité 14] et procéder à son inhumation, n'a pas agi en qualité de sous-traitant,
- la preuve de l'inadéquation du cercueil vendu avec le mode d'inhumation choisi n'est pas rapportée,
- l'action fondée sur le défaut de conformité est prescrite (deux ans à compter de la livraison soit à compter du 29 janvier 2016 alors que l'assignation a été délivrée le 28 février 2020) et en tout état de cause mal fondée,
- le cercueil n'était atteint d'aucun vice caché.
MOTIFS DE LA DECISION
En vertu de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. Le contrat de prestation d'obsèques conclu le 28 janvier 2016 entre les consorts [M] [K] et la société PFB est ainsi soumis aux anciennes dispositions du code civil.
De même, la réglementation française relative aux caractéristiques des cercueils en vue d'une inhumation ou d'une crémation, prévue aux articles R. 2213-25 et suivants du code général des collectivités territoriales, a été modifiée par un décret n° 2018-966 du 8 novembre 2018 qui impose désormais des caractéristiques « de résistance, d'étanchéité, de biodégradabilité du cercueil lorsqu'il est destiné à l'inhumation ou de combustibilité lorsqu'il est destiné à la crémation » et un arrêté du 20 décembre 2018 qui détaille les caractéristiques de résistance, d'étanchéité, de biodégradabilité et de combustibilité du cercueil, dispositions qui ne sont pas applicables au présent litige, le contrat ayant été conclu le 28 janvier 2016.
Sur la responsabilité de la société Pompes Funèbres de [Adresse 8]
Selon l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
L'action fondée sur le défaut de conformité est prévue aux articles 1603 et 1604 du code civil et L. 217-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable à la cause.
Selon l'article L. 217-4 du code de la consommation, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Selon l'article L. 217-7, alinéa 1, de ce code, les défauts de conformité qui apparaissent dans le délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire et les défauts de conformité visés par ce texte sont ceux qui se sont matériellement révélés dans le délai de vingt-quatre mois. En outre, en vertu de l'article L. 217-12 du code de la consommation cette action se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien.
Toutefois, l'article L. 217-13 du même code dispose que cette garantie de conformité ne prive pas l'acheteur du droit d'exercer l'action résultant des vices rédhibitoires telle qu'elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi, ce qui signifie que la garantie du défaut de conformité de droit commun survit à celle du droit de la consommation lorsque ses conditions ne sont pas réunies. Le consommateur peut donc à sa guise agir sur le fondement des dispositions du code de la consommation ou sur celui des règles du code civil.
En l'espèce, l'action résultant du défaut de conformité fondée sur les dispositions du code de la consommation, invoquée à titre principal par les consorts [M] [K], est manifestement prescrite dès lors que, le cercueil ayant été livré le 29 janvier 2016, elle devait être engagée au plus tard le 29 janvier 2018 alors que la première assignation devant le tribunal judiciaire de Bobigny a été délivrée le 28 février 2020.
En revanche, sur le fondement du droit commun de l'article 1603 du code civil, invoqué à titre subsidiaire par les consorts [M] [K], l'action est recevable puisqu'il est admis que la délivrance du bien s'entend du jour où l'acheteur a connaissance de la non-conformité de la chose lorsqu'elle n'est pas apparente. Or, en l'espèce, ce n'est qu'au mois de mai 2019 que les consorts [M] [K] ont été informés du défaut d'étanchéité du cercueil et, partant, de sa non-conformité à l'usage attendu.
Il convient d'ajouter qu'il ne saurait être réclamé la résolution du contrat dans la mesure où la remise des choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé au sens de l'article 1183 du code civil est impossible.
Il y a lieu dès lors d'examiner la conformité du cercueil vendu par la société PFB à l'usage attendu.
L'article R. 2213-25 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable au litige, dispose que « Sauf dans les cas prévus à l'article R. 2213-26, le corps est placé dans un cercueil en bois d'au moins 22 millimètres d'épaisseur avec une garniture étanche fabriquée dans un matériau biodégradable agréé par le ministre de la santé après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Toutefois, un cercueil d'une épaisseur minimale de 18 millimètres après finition, avec garniture étanche fabriquée dans un matériau biodégradable agréé dans les mêmes conditions, est autorisé soit si la durée du transport du corps est inférieure à deux heures, ou à quatre heures lorsque le corps a subi des soins de conservation, soit en cas de crémation. Les garnitures et accessoires posés à l'intérieur ou à l'extérieur des cercueils destinés à la crémation sont composés exclusivement de matériaux combustibles ou sublimables et il ne peut y être fait usage d'un mélange désinfectant comportant de la poudre de tan ou du charbon pulvérisé.
Les cercueils peuvent également être fabriqués dans un matériau ayant fait l'objet d'un agrément par le ministre chargé de la santé, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. »
Selon l'article R. 2213-26 du même code, « le corps est placé dans un cercueil hermétique satisfaisant aux conditions fixées à l'article R. 2213-27 dans les cas ci-après :
1° Si la personne était atteinte au moment du décès de l'une des infections transmissibles dont la liste est fixée au a de l'article R. 2213-2-1 ;
2° En cas de dépôt du corps soit à résidence, soit dans un édifice cultuel ou dans un caveau provisoire, pour une durée excédant six jours ;
3° Dans tous les cas où le préfet le prescrit. »
L'article R. 2213-27 du même code précise que « les cercueils hermétiques doivent être en matériau biodégradable et répondre à des caractéristiques de composition, de résistance et d'étanchéité fixées par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et du Conseil national des opérations funéraires.
Ils doivent ne céder aucun liquide au milieu extérieur, contenir une matière absorbante et être munis d'un dispositif épurateur de gaz répondant à des caractéristiques de composition de débit et de filtration fixées par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et du Conseil national des opérations funéraires.
Lorsque le défunt était atteint de l'une des infections transmissibles dont la liste est fixée au a de l'article R. 2213-2-1, le corps est enveloppé dans un linceul imbibé d'une solution antiseptique. »
Enfin, dans le cas d'un transport international, l'accord de Strasbourg du 26 octobre 1973, ratifié par la France et le Portugal, prévoit en son article 6 que :
« (1) Le cercueil doit être étanche ; il doit également contenir une matière absorbante. Si les autorités compétentes de l'État de départ l'estiment nécessaire, le cercueil doit être muni d'un appareil épurateur destiné à égaliser la pression intérieure et extérieure. Il doit être constitué :
i) soit d'un cercueil extérieur en bois dont l'épaisseur des parois ne doit pas être inférieur à 20 mm et d'un cercueil intérieur en zinc soigneusement soudé ou en toute autre matière autodestructible ;
ii) soit d'un seul cercueil en bois dont l'épaisseur des parois ne doit pas être inférieure à 30 mm, doublé intérieurement d'une feuille de zinc ou de toute autre matière autodestructible.
(2) Si le décès est dû à une maladie contagieuse, le corps lui-même sera enveloppé dans un linceul imbibé d'une solution antiseptique.
(3) Sans préjudice des dispositions des paragraphes 1 et 2 du présent article, le cercueil doit comporter, lorsque le transfert est effectué par la voie aérienne, un appareil épurateur ou, à défaut, présenter des garanties de résistance reconnues comme suffisantes par l'autorité compétente de l'État de départ. »
Il résulte de ces dispositions qu'un cercueil, même hermétique, doit être en matériau biodégradable et équipé d'une garniture étanche pour contenir les fluides corporels.
En outre, s'agissant des modes d'inhumation, les sépultures hors-sol pour les cercueils sont tolérées en France, contrairement à ce que soutient la société PFB, même si elles ne répondent pas complètement aux obligations légales d'inhumation du fait que le corps n'est pas inhumé en pleine terre.
En l'espèce, la société PFB produit la fiche technique du cercueil vendu aux consorts [M] [K], en bois de chêne, d'une épaisseur de 27 mm avec possibilité de zinc et trappe.
Sont également versés aux débats les documents joints au courrier de la société PFB du 26 juin 2019, à savoir :
- l'attestation de conformité du cercueil et de ses accessoires émanant du fournisseur, la société Diffudoc, en date du 20 juin 2019, qui indique que « Tous nos cercueils hermétiques sont utilisés pour le transport des corps et pour les caveaux d'attente. Ils ne sont pas du tout prévus pour une durée de plusieurs années, bien au contraire, ils doivent se dégrader dans le temps afin de permettre une décomposition normale du corps. Cette dégradation est variable dans sa durée en fonction de nombreux paramètres tel l'hygrométrie dans les sépultures, les soins effectués sur les personnes etc' »,
- une attestation du même jour du fabricant de zinc hermétique, la société Sapi Funéraire, qui confirme que « le cercueil hermétique en cause est en tout point conforme aux normes en vigueur et a été fabriqué dans le plus grand respect des règles de l'art » et ajoute que « le sinistre subi par la famille ne peut provenir que des causes extrinsèques au cercueil ».
Il ressort cependant non pas d'une « expertise » de la société Rainha dos Anjos, comme allégué, mais d'une attestation établie le 11 décembre 2019 par M. [G] [E] [V], responsable technique de l'agence funéraire Rainha dos Anjos, à laquelle sont jointes des photographies en couleur du caveau-chapelle de la famille [M] [K] à [Localité 14] (intérieur et extérieur) et du cercueil litigieux, que le 7 mai 2019, celui-ci a constaté que le cercueil constitué de deux cercueils, un en zinc, l'autre en bois, fourni par l'entreprise Roc Eclerc, se trouvait dans la partie métallique (zinc) perforé par corrosion, de par sa faible constitution. Il indique que du fait des perforations, « le cercueil en bois s'est abîmé à cause du liquide qui coulait d'un cercueil vers l'autre, rendant son utilisation/réutilisation impossible ». Il déclare enfin que « M. [L] de l'entreprise Roc Eclerc m'a garanti le 29 de janeiro de 2016, que le cercueil supra-identifié était destiné à être placé dans un tombeau de famille en construction ».
Dans une seconde attestation établie le 22 décembre 2020, M. [G] [E] [V] indique : « j'ai été contacté par M. [L] de l'agence funéraire Pompes Funèbres de [Adresse 8] en janvier 2016 pour le transport du corps de [P] [H] [A] [M] de l'aéroport de [Localité 12] vers le cimetière de [Localité 14], [Localité 11], afin de mettre le corps dans le caveau familial. J'ai réalisé le suivi. Passé trois ans, j'ai été contacté par la famille de la personne décédée afin de remplacer le cercueil une fois qu'il était cassé. Il est alors apparu que le zinc utilisé pour le cercueil était inadéquat à l'usage funéraire. J'ai alors informé en janvier 2016 M. [L] de mon déplacement et de l'état du cercueil de la personne décédée. Les services de remplacement ont été payés par la famille de la personne décédée. Tous les services de janvier 2016 à 2019 ont été réalisés, par le biais de la société que je gère, Funéraire Rainha dos Anjos, Lda. »
En outre, les proches de la défunte (enfants et petits enfants) attestent qu'au mois de mai 2019, lorsqu'ils se sont rendus au caveau-chapelle du cimetière de [Localité 14], ils ont senti une odeur insupportable et nauséabonde provenant du cercueil de la défunte et ont constaté que des fluides corporels s'en échappaient.
Il résulte de ces éléments que le cercueil vendu par la société PFB aux consorts [M] [K], hermétique et biodégradable conformément à la réglementation française et aux dispositions relatives au transport international, n'était manifestement pas étanche malgré l'utilisation d'un zinc (enveloppe intérieure métallique étanche) puisqu'après seulement trois ans, des fluides corporels s'en sont échappés.
L'étanchéité du cercueil hermétique n'étant pas assurée, il y a lieu de retenir que le cercueil vendu n'était pas conforme à l'usage auquel il était destiné, de sorte que la responsabilité de la société PFB est engagée.
En outre, les consorts [M] [K] soutiennent avoir informé la société PFB que le cercueil avait vocation à être installé dans un caveau-chapelle au Portugal et donc à être exposé à l'air libre, ce que cette dernière conteste. S'il ne résulte pas du devis ou du bon de commande que le cercueil ne serait pas déposé sous terre ou dans un caveau scellé mais serait simplement déposé à l'air libre à l'intérieur d'un caveau-chapelle, mode d'inhumation peut-être plus répandu au Portugal mais toléré en France, il appartenait en tout état de cause à la société PFB, professionnelle de l'organisation d'obsèques tenue à ce titre d'un devoir d'information et de conseil, de se renseigner sur les souhaits et les besoins de la famille du défunt et de vérifier que les produits proposés étaient conformes à la réglementation applicable et adaptés à la méthode de sépulture choisie. Le manquement de la société PFB à son devoir d'information et de conseil engage également sa responsabilité contractuelle.
Il convient d'ajouter que la société PFB ayant fourni le cercueil litigieux, elle ne peut, pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité, arguer que l'inhumation du corps a été réalisée par la société Rainha dos Anjos choisie par la famille de la défunte, ce que cette dernière conteste, alors qu'aucune faute n'est démontrée ni même alléguée à l'encontre de la société Rainha dos Anjos. En outre, aucun élément ne permet d'affirmer que cette société portugaise a été choisie par la famille, son gérant affirmant avoir été contacté et payé par M. [L] de la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] et le devis du 28 janvier 2016, s'il fait apparaître des frais de « pompes funèbres extérieures » « avancés pour le compte de la famille », ne précise pas les nom et qualité de l'entreprise tierce comme le prévoit l'article 4 de l'arrêté du 11 janvier 1999 relatif à l'information sur les prix des prestations funéraires. En tout état de cause, les consorts [M] [K] n'ayant aucun lien contractuel avec la société Rainha dos Anjos, elle doit être considérée comme sous-traitante de la société PFB, celle-ci restant responsable, à l'égard de la famille, de l'exécution des prestations ainsi réalisées par son sous-traitant.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté les consorts [M] [K] de l'intégralité de leurs demandes.
Sur l'indemnisation des préjudices
La responsabilité de la société PFB étant engagée, elle sera condamnée à l'indemnisation des préjudices subis.
Les consorts [M] [K] justifient avoir été contraints de procéder au remplacement du cercueil suivant facture du 14 mai 2019 d'un montant de 4.445 euros.
La société PFB sera donc condamnée à leur payer cette somme en réparation de leur préjudice matériel.
En outre, le choc de la découverte du cercueil duquel s'échappaient des fluides corporels et des odeurs nauséabondes en résultant, décrits par la famille du défunt comme particulièrement traumatisant, ainsi que la nécessité de ce fait de procéder à une exhumation du corps et au remplacement du cercueil ont causé un préjudice moral aux consorts [M] [K] dont ils sont fondés à demander réparation. Il leur sera alloué à ce titre la somme de 1.500 euros chacun.
L'octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la résistance abusive et injustifiée suppose que soient caractérisés l'existence d'un abus dans l'exercice du droit de résister, circonstances qui n'apparaissent nullement caractérisées en l'espèce. En outre, les consorts [M] [K] ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct des frais qu'ils ont dû exposer pour la présente instance et qui seront indemnisés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement étant infirmé, il le sera également pour ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Statuant de ce chef pour la première instance et en appel, la société PFB, qui succombe, sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Tenue aux dépens, la société PFB sera également condamnée à payer aux consorts [M] [K] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile et ne peut elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] sous l'enseigne Roc Eclerc à payer à Mme [Z] [M], Mme [P] [M] [K] épouse [U] et M. [E] [K] la somme de 4.445 euros au titre du préjudice matériel,
Condamne la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] sous l'enseigne Roc Eclerc à payer à Mme [Z] [M], Mme [P] [M] [K] épouse [U] et M. [E] [K] la somme de 1.500 euros, chacun, au titre du préjudice moral,
Déboute Mme [Z] [M], Mme [P] [M] [K] épouse [U] et M. [E] [K] du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] sous l'enseigne Roc Eclerc à payer à Mme [Z] [M], Mme [P] [M] [K] épouse [U] et M. [E] [K] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Pompes Funèbres de [Adresse 8] sous l'enseigne Roc Eclerc aux dépens,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.