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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 17 mai 2024, n° 22/05082

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Leasecom (SAS), Réseaux Bureautique (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Charbonnier, Me Rasle, Me Cauwel, Me Havet, Me Joffroy

TJ Paris, du 30 nov. 2021, n° 19/13613

30 novembre 2021

FAITS ET PROCEDURE

M. [P] [Z] est entrepreneur individuel et exerce l'activité d'agent d'assurance en tant qu'affilié AXA Assurances.

La société Réseaux Bureautique commercialise des machines et équipements de bureau. La société Leasecom est une société spécialisée dans le financement de matériels technologiques (équipements informatique, bureautique, télécom).

Le 24 février 2017, M. [P] [Z] a signé avec la société Réseaux Bureautique un bon de commande portant sur la location de divers matériels informatiques et de téléphonie.

Le 06 mars 2017, M. [P] [Z] et la société Leasecom ont conclu un contrat de location financière. Ce dernier était conclu pour une durée de 21 trimestres et moyennant un loyer trimestriel HT de 1.995 euros.

La société Réseaux Bureautique a émis deux bons de livraison les 15 et 24 mars 2017 pour « Resotel Pro Retail Solution de téléphonie Pro » Alcatel et « Synology NAS » et « contrat de service pour NAS » de marque Synology. Seul le bon du 15 mars comporte une signature et un cachet Axa France.

Le 03 mai 2017, la société Réseaux Bureautique a adressé à la société Leasecom une facture du matériel pour un montant total de 44.664,18 euros.

Un « procès-verbal de réception de l'équipement » à en-tête Leasecom et visant le contrat de location n° 217L70228 a été établi le 4 mai 2017 et signé par M. [Z] avec apposition du cachet Axa France.

Le contrat a pris effet le 1er juillet 2017.

A compter de l'échéance du 1er avril 2019, M. [P] [Z] a cessé le paiement des loyers contractuels.

Le 04 juin 2019, par l'intermédiaire de son conseil, M. [P] [Z] a adressé un courrier à la société Réseaux Bureautique pour lui reprocher divers manquements à ses obligations, notamment à son devoir d'information et de conseil, dans le cadre de différents bons de commande dont celui du 24 février 2017, se prévalant de leur nullité ou de leur résolution.

Le 12 juin 2019, toujours par l'intermédiaire de son conseil, il a adressé un courrier à la société Leasecom lui notifiant que son contrat de location financière était caduc compte tenu de la nullité du contrat conclu avec la société Réseaux Bureautique.

Par lettre recommandée du 31 octobre 2019, la société Leasecom a mis M. [P] [Z] en demeure de lui payer la somme de 7.546 euros au titre des loyers impayés en le prévenant que, le cas échéant, le contrat de location serait automatiquement résilié dans un délai de huit jours.

Suivant exploit du 18 mars 2019, la société Leasecom a fait assigner M. [P] [Z] et la société Réseaux Bureautique devant le tribunal judiciaire de Paris.

Le 11 mars 2020, M. [P] [Z] a restitué le matériel litigieux à la société Leasecom.

Par jugement du 30 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- constaté la résiliation à effet du 8 novembre 2019 du contrat de location longue durée conclu le 6 mars 2017 entre la société Leasecom et M. [P] [Z],

- condamné M. [P] [Z] à payer à la société Leasecom la somme de 7.546,76 euros TTC au titre des loyers et factures impayées, chaque échéance de loyer étant majorée des intérêts au taux conventionnel égal à 3 fois le taux légal à compter de son exigibilité,

- condamné M. [P] [Z] à payer à la société Leasecom la somme de 24.139,50 euros au titre de l'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- condamné M. [P] [Z] à payer à la société Leasecom la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [P] [Z] à payer à la société Réseaux Bureautique la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [P] [Z] aux dépens

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire.

M. [P] [Z] a formé appel du jugement par déclaration du 8 mars 2022 enregistrée le 22 mars 2022.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 06 février 2024, M. [P] [Z] demande à la cour, au visa des articles 12 et 700 du code de procédure civile, des articles 1129, 1130, 1131, 1138, 1139, 1169, 1186, 1187, 1194, 1199, 1217, 1224, 1231-1, 1231-5 et 1367 du code civil et de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier :

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- Y faisant droit,

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. [P] [Z] et rejeté ses demandes,

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

- de juger que le bon de commande de la société Réseaux Bureautique n° 34788 daté du 24 février 2017 et le contrat de location de la société Leasecom n° 217L70228 daté du 6 mars 2017 ne portent pas la signature de M. [P] [Z],

- de juger que le consentement de M. [P] [Z] fait défaut au bon de commande de la société Réseaux bureautique et au contrat de location produit par la société Leasecom,

- de prononcer en conséquence, la nullité du bon de commande de la société Réseaux Bureautique et le contrat de location produit par la société Leasecom,

A défaut,

- de déclarer que M. [P] [Z] a été victime de man'uvres dolosives pour tromper son consentement relativement au bon de commande de la société Réseaux Bureautique et au contrat de location produit par la société Leasecom,

- de prononcer, en conséquence, la nullité du bon de commande de la société Réseaux Bureautique et du contrat de location produit par la société Leasecom,

A défaut,

- de juger que, pour le bon de commande de la société Réseaux Bureautique et le contrat de location produit par la société Leasecom, en raison de l'absence de déterminabilité des matériels, les engagements sont privés d'objet,

- de juger que, pour le bon de commande de la société Réseaux Bureautique et le contrat de location produit par la société Leasecom, en raison de l'absence d'utilité et d'intérêt des matériels pour M. [P] [Z], les matériels en cause constituent une contrepartie plus qu'illusoire et dérisoire et/ou que les engagements sont privés de cause,

- de prononcer, en conséquence, la nullité du bon de commande de la société Réseaux Bureautique et du contrat de location produit par la société Leasecom,

A défaut,

- de juger que, dans le cadre du bon de commande de la société Réseaux Bureautique et du contrat de location produit par la société Leasecom, il y a eu un manquement aux obligations de conseil et d'information,

- de juger que ces manquements aux obligations de conseil et d'information entraînent la nullité des engagements et prononcer la nullité des engagements de location,

Si jamais, il n'était pas retenu la nullité des engagements de location,

- de juger que sont interdépendants et indivisibles le bon de commande de la société Réseaux Bureautique et le contrat de location produit par la société Leasecom,

- de prononcer la caducité, ou à défaut la nullité du contrat de location en raison de la nullité du bon de commande de la société Réseaux Bureautique,

À titre subsidiaire,

- de déclarer que l'article 8.3 des conditions générales de location de la société Leasecom est une clause pénale,

- de diminuer considérablement l'indemnité manifestement excessive prévue par la clause pénale,

- de la ramener à la somme d'1 euro,

À titre très subsidiaire,

- de condamner la société Réseaux Bureautique à garantir M. [P] [Z] des sommes réclamées à M. [P] [Z] par la société Leasecom,

- de condamner la société Réseaux Bureautique au paiement des sommes demandées à M. [P] [Z] par la société Leasecom,

En toute hypothèse,

- de déclarer la société Leasecom mal fondée en toutes ses demandes,

- de débouter la société Leasecom de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner la société Leasecom à verser à M. [P] [Z] la somme de 18.624,07 euros en restitution des sommes qu'elle a indûment prélevées,

- de déclarer la société Réseaux Bureautique mal fondée en toutes ses demandes ;

- de débouter la société Réseaux Bureautique de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- de condamner la société Leasecom à verser à M. [P] [Z] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Réseaux Bureautique à verser à M. [P] [Z] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Leasecom aux entiers frais et dépens ;

- de condamner la société Leasecom au paiement des éventuels honoraires d'huissier nécessaires à l'exécution de la décision à intervenir.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 août 2022, la société Leasecom demande à la cour, au visa des articles 1103, 1112-1, 1231-1 et 2224 du code civil et des articles 564 et suivants du code de procédure civile :

A titre principal,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'action en nullité engagée sur le fondement du défaut d'objet du contrat de location,

- de constater que la demande de M. [P] [Z] tendant à obtenir la nullité du contrat de location pour défaut de signature est nouvelle en cause d'appel,

- de dire et juger sa demande irrecevable,

- de constater que la demande de M. [P] [Z] tendant à obtenir la nullité du contrat de location pour défaut de signature n'a pas été engagé dans le délai de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil,

- de dire et juger prescrite la demande de M. [P] [Z],

En tout état de cause,

- de constater que M. [P] [Z] n'établit le défaut de signature du contrat de location,

- de rejeter sa demande de nullité,

- de constater que la demande de M. [P] [Z] tendant à obtenir la nullité du contrat de location pour dol est nouvelle en cause d'appel,

- de dire et juger sa demande irrecevable,

- de constater que la demande de M. [P] [Z] tendant à obtenir la nullité du contrat de location pour dol n'a pas été engagé dans le délai de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil,

- de dire et juger prescrite l'action en nullité pour dol de M. [P] [Z],

En tout état de cause,

- de dire et juger que M. [P] [Z] n'établit pas le dol allégué et rejeter sa demande de nullité du contrat de location,

- de constater que l'action exercée par M. [P] [Z] sur le fondement des articles 1231-1 et 1112-1 du code civil par M. [P] [Z] est une action en nullité pour dol,

- de constater que la demande de M. [P] [Z] tendant à obtenir la nullité du contrat de location est nouvelle en cause d'appel,

- de dire et juger sa demande irrecevable,

- de constater que la demande de M. [P] [Z] tendant à obtenir la nullité du contrat de location n'a pas été engagé dans le délai de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil,

- de dire et juger prescrite l'action en nullité pour dol de M. [P] [Z],

En tout état de cause,

- de dire et juger que M. [P] [Z] n'établit pas le manquement de la société Réseaux Bureautique à son obligation d'information et de conseil,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [P] [Z] sur le fondement de l'article 1186 du code civil,

- de constater le défaut de paiement par M. [P] [Z] des loyers du contrat de location et la résiliation du contrat de location à effet du 1er avril 2019,

En conséquence,

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une annulation ou d'une résolution du bon de commande et/ou du contrat de location

- de condamner la société Réseaux Bureautique à restituer à la société Leasecom le prix de l'équipement, soit la somme de 44.664,18 euros,

En tout état de cause

- de condamner tout succombant à payer à la société Leasecom la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner tout succombant aux entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 09 janvier 2024, la société Réseaux Bureautique demande à la cour :

- d'écarter purement et simplement les demandes de 'juger' formulées par M. [P] [Z] en cause d'appel,

A titre principal,

- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 30 novembre 2021,

En conséquence,

- de débouter M. [P] [Z] de sa demande en nullité des bons de commande n°24788 du 24 février 2017 et contrat de location n°217L70228 du 6 mars 2017,

- de condamner M. [P] [Z] à payer à la société Réseaux Bureautique la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

Si la Cour devait prononcer la nullité du contrat de vente et la caducité du contrat de location financière,

- de condamner M. [P] [Z] à payer à la société Réseaux Bureautique une somme de 20.343,20 euros,

- de condamner M. [P] [Z] à payer à la société Réseaux Bureautique une somme de 29.925 euros au titre de l'utilisation du matériel,

A défaut,

- de condamner M. [P] [Z] à payer à la société Réseaux Bureautique une somme de 18.624,07 euros au titre de l'utilisation du matériel,

Compte tenu de la somme de 20.343,20 euros due par M. [P] [Z] à la société Réseaux Bureautique,

- de condamner par voie de conséquence la société Leasecom à payer directement la somme de 18.624,07 euros entre les mains de la société Réseaux Bureautique, cette correspondant à minima aux loyers perçus par la société Leasecom,

Y ajoutant,

- de débouter chaque partie de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

- de condamner en cause d'appel M. [P] [Z] à payer à la société Réseaux Bureautique la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [P] [Z] aux entiers dépens dont distraction pour ceux là concernant au profit de Me Havet, avocat aux offres de droit qui pourra les recouvrer directement.

* La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 08 février 2024.

* SUR CE, LA COUR,

Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles

La société Leasecom fait valoir que la demande au titre de l'absence de consentement pour défaut de signature est irrecevable en appel comme étant nouvelle, M. [Z] n'ayant jamais prétendu en première instance que le contrat de location conclu avec Leasecom serait entaché d'une fausse signature. Elle soutient également que l'action en nullité du contrat de location pour dol est nouvelle, sans aucun lien avec les demandes présentées en première instance, de même que l'action en nullité pour manquement à l'obligation d'information et de conseil.

L'appelant fait valoir que la demande qualifiée d'exception de nullité tendant à l'annulation d'un contrat dont l'adversaire demande l'exécution est recevable pour la première fois en cause d'appel.

La société Réseaux Bureautique ne conclut pas sur ce point.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile : « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. ».

En vertu de l'article 565 du même code : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. ».

Aux termes de l'article 566 du même code : « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. ».

En vertu de l'article 567 du même code : « Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel. ».

Dans ses dernières conclusions devant le tribunal judiciaire de Paris, transmises par voie électronique le 28 janvier 2021, M. [P] [Z] demandait au tribunal à titre principal de « prononcer la nullité du contrat de vente de la SA Réseaux Bureautique n° 34788 daté du 24 février 2017 » et de « prononcer la caducité subséquente du contrat de financement n° 217L70228 daté du 6 mars 2017 ».

Devant la cour, M. [Z] recherche encore la nullité du bon de commande de la société Réseaux Bureautique mais en soulevant de nouveaux moyens. Ainsi cette demande ne peut être considérée comme nouvelle. Quant à la présente demande de nullité du contrat de location Leasecom, il était demandé en première instance sa caducité en conséquence de la nullité du contrat conclu avec Réseaux Bureautique. Il en résulte que cette demande tend aux mêmes fins, à savoir l'anéantissement du contrat de location Leasecom, que la demande formée devant les premiers juges. Elle n'est pas considérée comme nouvelle et est donc recevable, peu important que les fondements dont se prévaut M. [Z] soient désormais différents.

Sur la prescription de l'action en nullité du contrat de location

La société Leasecom soutient que l'action en nullité pour défaut de signature du contrat de location financière est prescrite dans la mesure où un délai supérieur à cinq ans s'est écoulé entre le 6 mars 2017 et les conclusions d'appel régularisées le 3 juin 2022. Quant à l'action en nullité pour dol, la société Leasecom fait valoir que M. [Z] avait connaissance dès la signature du bon de commande avec Réseaux Bureautique, le 24 février 2017 et au plus tard le 19 mai 2017, date du courriel de Réseaux Bureautique, de la remise d'un chèque de 6.800 euros qu'il considère comme étant une man'uvre dolosive. L'action en manquement à l'obligation de conseil et d'information est de la même façon tardive car atteinte par la prescription selon la société Leasecom.

M. [P] [Z] fait valoir que la nullité des engagements a été opposée dans le cadre de la première instance de sorte qu'aucune prescription n'est encourue. Il soutient encore n'avoir remarqué les prélèvements de sommes par Leasecom que fin 2018 début 2019. Enfin dans la mesure où les prélèvements n'ont débuté que le 1er juillet 2017, il pouvait formuler une demande en nullité pour défaut de signature jusqu'à la date du 1er juillet 2022.

Aux termes de l'article 2224 du code civil :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Il est établi que malgré la signature, au demeurant contestée, des contrats litigieux ' bon de commande et contrat de location ' les 24 février et 6 mars 2017, les échéances n'ont été effectivement prélevées qu'à compter du 1er juillet 2017 de sorte que M. [Z] n'a pu avoir connaissance des causes fondant sa demande de nullité qu'à partir de cette date. Son action en nullité est donc recevable comme n'étant pas prescrite.

Sur la demande tendant à l'annulation du bon de commande Réseaux Bureautique et du contrat de location Leasecom

M. [P] [Z] recherche la nullité du bon de commande et du contrat de location, pour différentes causes. Il soutient en premier lieu qu'il n'a pas signé le bon de commande de Réseaux Bureautique et le contrat de location Leasecom datés respectivement des 24 février 2017 et 6 mars 2017. Il fait valoir en deuxième lieu qu'il a été victime de man'uvres dolosives, s'appuyant en cela sur les nombreux autres bons de commandes signés auprès de la société Réseaux Bureautique et comportant des remises de chèques pour solde des précédents contrats. Il met en cause le comportement de M. [F] [S], commercial de Réseaux Bureautique, qui a quitté cette société début 2019, dont les man'uvres incessantes pour lui fournir des matériels non sollicités et inadaptés à ses besoins l'ont conduit à contracter. Il explique ainsi que la société Réseaux Bureautique, par l'intermédiaire de M. [S], lui a fourni quatre photocopieurs en deux ans et sept ordinateurs en treize mois. Il expose que c'est dans ce contexte que M. [S] lui a proposé l'installation d'une solution de téléphonie qui a donné lieu au contrat de location Leasecom du 6 mars 2017, et ce alors que le téléphone de l'agence fonctionnait sans problème. Il insiste aussi sur l'imprécision de la désignation des matériels dans les bons de commande et soulève la nullité de ses engagements pour défaut d'objet déterminable et défaut de contrepartie et/ou de cause. Il reproche en outre à la société Réseaux Bureautique d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, certains matériels livrés étant incompatibles avec son activité. A défaut d'annulation du contrat de location, il en sollicite la caducité comme conséquence de la nullité du bon de commande Réseaux Bureautique, compte tenu de l'interdépendance des contrats en application de l'article 1186 du code civil.

La société Réseaux Bureautique remet en cause le rapport graphologique privé produit par M. [Z], établi non contradictoirement et tardivement. Elle s'interroge sur le fait que le tampon de l'entreprise figure bien sur le bon de commande que l'appelant n'aurait prétendument pas signé. En outre, la société Réseaux Bureautique fait valoir que le bon de commande a été négocié, que M. [Z] ne conteste pas la réception du matériel et qu'il a régulièrement réglé plusieurs échéances. Elle expose que les prélèvements des loyers constituent une exécution volontaire de M. [Z] et une renonciation à se prévaloir de la nullité sur le fondement de l'article 1182 du code civil. Elle appelle à ne faire de confusion entre le bon de commande litigieux engageant M. [Z] et tous les autres contrats dont celui-ci fait état dont certains ont été souscrits auprès de concurrents de la société Réseaux Bureautique. Elle constate ensuite que les mentions apposées sur le bon de commande sont claires et n'ont pu tromper M. [Z]. Il en est de même de la désignation des équipements loués, précisément mentionnés.

La société Leasecom fait valoir que le rapport d'expertise produit par M. [Z] est dépourvu de valeur probante dans la mesure où l'expert n'a travaillé que sur des copies. Elle soutient que le travail de l'expert est lacunaire et s'interroge sur cette contestation tardive ' 3 juin 2022 ' de sa signature par M. [Z]. Elle relève que les courriers adressés à Leasecom et Réseaux Bureautique le 12 juin 2019 ne font aucunement état d'une contestation quant à l'authenticité de la signature de M. [Z]. La société Leasecom soutient encore que M. [Z] n'établit pas que des éléments lui auraient été dissimulés par la société Réseaux Bureautique lors de la conclusion du contrat ou qu'un mensonge aurait été commis par cette dernière. Sur le manquement aux obligations de conseil et d'information, la société Leasecom soutient que la demande fondée sur l'article 1112-1 du code civil ne constitue qu'une modalité pour M. [Z] d'invoquer un dol qui aurait été commis par la société Réseaux Bureautique. Enfin la société Leasecom conteste l'application de l'article 1186 du code civil dans la mesure où M. [Z] n'établit pas que l'interruption d'un contrat de service empêcherait l'exécution du contrat de location.

En vertu de l'article 1137 du même code, dans sa version en vigueur du 1er octobre 2016 au 1er octobre 2018 :

« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. »

Aux termes de l'article 1139 du code civil :

« L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat. »

De très nombreux bons de commande et contrats de financement sont produits par M. [Z] :

bon de commande n° 33053 Réseaux Bureautique du 19 avril 2016

contrat de financement n° 001377027-00 Franfinance du 19 avril 2016

bon de commande n° 34186 Réseaux Bureautique du 27 décembre 2016

contrat de financement n° 001439045-00 Franfinance du 27 décembre 2016

bon de commande n° 34779 Réseaux Bureautique du 19 avril 2017

contrat de financement n° 259766FI0 Lixxbail du 26 juin 2018

contrat de financement n° 279190FH0 Lixxbail du 25 septembre 2017

bon de commande n° 35359 Réseaux Bureautique du 30 octobre 2018

contrat de financement n° 341154FI0 Lixxbail du 30 octobre 2018

bon de commande n° 0055 AB Solutions

contrat de location n° 85040047954 De Lage Landen Leasing du 3 avril 2018.

Or seuls intéressent le présent litige les contrats suivants :

bon de commande n° 34788 Réseaux Bureautique du 24 février 2017

contrat de financement n° 217L70228 Leasecom du 6 mars 2017.

Le bon de commande ' dont la case « location » est cochée - n° 34788 signé le 24 février 2017 par M. [Z], agent d'assurance Axa France, et le 20 avril 2017 par Réseaux Bureautique comporte la désignation suivante du matériel fourni et loué :

« Canon My PBX

Fax bis

Pack 1000 pages

pack 5000 pages

Opt Port 1 fax

NAS série DS ' 216

extension de garantie

Canon Formule DRC 130 »

La catégorie « Observations » est ainsi renseignée, de façon manuscrite :

« Remise d'un chèque de 6.800 euros à titre d'aide au solde

solde intégral de votre contrat BPLG n° 702 7096 par nos soins »

La durée du contrat est de 21 trimestres de 1.995 euros HT chacun.

Le contrat de location n° 217L70228 signé avec Leasecom le 6 mars 2017 reprend le montant des loyers, soit 1.995 euros HT.

Le matériel est ainsi désigné dans les conditions particulières :

« 1 solution de télécom

1 Fax Bis

1 NAS Synology »

Son annexe donne une description un peu plus détaillée de l'équipement :

« Leas222249 5 licence Access Faxbis

Leas222248 1 NAS Synology DS215 // 2TO

Leas141492 1 Resotel Pro Retail Solution de téléphonie »

Pour soutenir qu'il n'a pas signé le bon de commande n°34788 et le contrat de location n°217L70228, M. [Z] produit le rapport d'un expert graphologue daté du 21 avril 2022, réalisé à sa demande. Mme [O] [M] a utilisé quinze « pièces de question » transmises en copie par M. [Z] et neuf « pièces de comparaison » également communiquées en copie.

L'examen à l''il nu par un profane des signatures de M. [Z] laisse apparaître de façon assez évidente des différences flagrantes. L'expert privé note d'ailleurs en page 23 de son rapport « les signatures de comparaison de M. [P] [Z] présentent des variations, nous devrons en tenir compte lors de nos examens comparatifs. »

Si l'expert en conclut que M. [P] [Z] n'est pas l'auteur des signatures apposées sur le bon de commande et le contrat de location, il forme également cette conclusion pour d'autres documents signés en 2018.

Cependant, cette unique pièce, soumise à la contradiction des parties mais réalisée de façon non contradictoire à la demande de l'appelant en 2022, est insuffisante à démontrer que M. [Z] n'aurait pas signé de sa main les documents litigieux, en l'absence d'autres éléments et au regard de sa contestation tardive, sa première dénégation étant évoquée dans la lettre de son avocat du 4 juin 2019.

L'appelant sera par conséquent débouté de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du bon de commande Réseaux Bureautique et du contrat de location Leasecom pour défaut de signature et donc de consentement de M. [Z].

S'agissant de l'action en nullité pour dol initiée par M. [Z], si la cour relève le foisonnement de contrats successivement conclus par ce dernier, qui exerçait pourtant seul, et le matériel sophistiqué qu'il a décidé de louer, il échoue à caractériser l'existence de man'uvres dolosives consistant d'une part en une participation financière et d'autre part au solde du précédent contrat de location souscrit. En effet, le matériel dont disposait M. [Z] a été changé puisqu'il a reçu un standard téléphonique My PBX et Fax Bis lui permettant de gérer la réception de ses télécopies. M. [Z] ne conteste pas le solde du précédent contrat BPLG et la participation financière au contrat nouvellement souscrit mais soutient que ces avantages l'ont incité à conclure les deux contrats ' bon de commande et contrat de location ' litigieux. Si ces avantages commerciaux ont pu décider M. [Z] à souscrire à ces nouvelles offres, il ne s'en déduit pas pour autant qu'elles constitueraient des man'uvres dolosives ayant vicié son consentement. Le fait que, destinataire d'un nouvel équipement, M. [Z] ait dû acquitter des loyers supérieurs aux montants résultant des précédents contrats ne constitue pas non plus une man'uvre dolosive, le bon de commande et le contrat de location étant clairs, en leur recto, sur le montant et la périodicité du loyer ainsi que la durée du contrat. En outre, s'agissant de la désignation des matériels fournis et faisant l'objet de la location financière, si des sigles sont employés, M. [Z] ne peut prétendre, alors que le mot « Fax » et l'expression « solution de télécom » figurant sur le contrat de location sont claires, n'avoir pas compris la portée de son engagement et ne pas avoir bénéficié des conseils appropriés pour l'obtention d'un matériel adapté à son activité. Il ne démontre au demeurant pas que le matériel livré ne pouvait être utilisé pour son activité d'agent d'assurances Axa.

Les précédents contrats conclus, s'ils illustrent les relations de M. [Z] avec d'autres bailleurs financiers et les autres types d'équipements qui lui ont été livrés (copieurs, matériels informatiques), ne sont pas l'objet du présent litige.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat conclu avec la société Réseaux Bureautique le 24 février 2017 et la caducité subséquente du contrat de location financière conclu avec la société Leasecom le 6 mars 2017. Il convient également de débouter M. [Z] de ses demandes de nullité du bon de commande et du contrat de location.

Sur la résiliation du contrat de location et ses conséquences

La société Leasecom sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de location et condamné M. [Z] au paiement des loyers échus et de l'indemnité de résiliation, outre les intérêts. Elle considère que l'indemnité de résiliation, qu'elle admet être une clause pénale, ne requiert pas de minoration, n'étant pas manifestement excessive au regard du préjudice subi. Elle fait valoir qu'elle a réglé à la société Réseaux Bureautique la facture relative à la fourniture de l'équipement pour un montant de 44.664,18 euros TTC et qu'en contrepartie de ce paiement elle devait percevoir les loyers sur toute la durée du contrat soit la somme de 50.274 euros TTC.

M. [Z] ne conteste pas, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où aucune nullité ou caducité des contrats conclus n'est prononcée, la résiliation du contrat de location longue durée constatée par le tribunal à effet au 8 novembre 2019 et sa condamnation aux loyers et factures impayées à hauteur de 7.546,76 euros TTC, outre les intérêts. Le jugement sera donc confirmé sur ces points. M. [Z] se contente de critiquer la clause pénale réclamée et son caractère excessif et en sollicite la réduction à la somme d'un euro.

M. [Z] ayant cessé le paiement des loyers à compter du 1er avril 2019 et la résiliation du contrat ayant pris effet huit jours après la mise en demeure adressée le 30 octobre 2019, le contrat de location a été résilié au 8 novembre 2019. Le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que sur la condamnation au paiement de la somme de 7.546,76 euros TTC, au titre des trois échéances trimestrielles impayées (2.394 x 3) ainsi qu'au titre d'une facture de frais d'assurance de l'équipement pour un montant de 364,76 euros.

S'agissant de l'indemnité de résiliation réclamée, l'article 8.3 des conditions générales du contrat de location Leasecom prévoit les dispositions suivantes :

« La résiliation du contrat de location entraîne de plein droit le paiement par le locataire au profit du bailleur d'une indemnité immédiatement exigible égale au montant des loyers restant à échoir à compter de la date de résiliation, augmentée d'une somme forfaitaire de 10 % de ladite indemnité et des loyers échus. »

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil :

« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. ».

La société Leasecom réclame la somme de 24.139,50 euros correspondant à onze loyers de 1.995 euros à échoir augmentés de la majoration de 10 % soit 2.194,50 euros.

L'appelant devait régler un loyer trimestriel de 1.995 euros HT soit 2.394 euros TTC à partir du 1er juillet 2017 jusqu'au 1er juillet 2022, soit 21 trimestres, pour un montant total de 50.274 euros TTC. Il a réglé sept trimestres à Leasecom soit 16.758 euros TTC. Il est en outre condamné à régler les trois échéances échues pour un montant de 7.182 euros TTC ce qui porte le montant total acquitté au titre des échéances à 23.940 euros TTC.

Selon bon Leasecom du 11 mars 2020 les matériels Nas Synology et Resotel Pro Retail solution de téléphonie ont été restitués à la société Leasecom. La société Leasecom en avait fait la demande par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 février 2020. La société Leasecom, qui en est propriétaire, a donc eu tout loisir, plus de deux ans avant la fin du contrat, de les affecter à une nouvelle location. Entre la résiliation du contrat et la restitution effective, cinq mois se sont écoulés, soit moins de deux trimestres durant lesquels la société Leasecom n'était pas en possession des équipements loués à M. [Z]. Compte tenu de la durée de l'engagement, des échéances déjà réglées, de la nature du matériel loué, de sa restitution avant le terme du contrat et de la possibilité pour le bailleur financier d'en tirer de nouveau profit, l'indemnité de résiliation destinée à compenser le préjudice subi par le bailleur financier sera raisonnablement fixée à la somme de 4.000 euros. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité de résiliation à la somme de 24.139,50 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [Z] succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, il sera aussi condamné aux dépens, dont distraction au profit de Maître Havet, qui en a fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, mais il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

DECLARE recevables les demandes de M. [P] [Z] en nullité du contrat de location pour défaut de signature et pour dol ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité de résiliation due par M. [P] [Z] à la société Leasecom à la somme de 24.139,50 euros ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE M. [P] [Z] de ses demandes en nullité du bon de commande et du contrat de location pour défaut de signature et pour dol ;

CONDAMNE M. [P] [Z] à payer à la société Leasecom la somme de 4.000 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;

CONDAMNE M. [P] [Z] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Havet ;

LAISSE à chacune des parties, la charge de ses propres frais engagés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.