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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 23 mai 2024, n° 22/04924

LYON

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Airvance Group (SAS)

Défendeur :

Suez International (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Janin Reynaud, Me Moatty, SCP Jacques Aguiraud et Philippe Nouvellet, SAS Tw & Associés

CA Lyon n° 22/04924

22 mai 2024


La société Suez International est titulaire de la marque verbale française suivante :

AirAdvanced

enregistrée sous le n° 19.4.605.539 après avoir été déposée le 6 décembre 2019 par la société Suez Group et publiée au BOPI 2020-13 du 27 mars 2020. Cette marque a fait l'objet d'un transfert de propriété inscrit au registre national des marques le 14 mars 2022 sous le n°0851476 au bénéfice de la société Suez International.

La marque n°19.4.605.539 a été enregistrée pour les produits suivants dans les classes 11, 35, 36, 37, 40, 42 et 45 :

Classe 11 :

Installations de conditionnement d'air ; installations de filtrage d'air ; appareils pour la

purification de l'air ; stérilisateurs d'air ; appareils pour l'épuration du gaz ; équipements

et installations de ventilation et de traitement des gaz, en particulier de l'air, à savoir ventilateurs, aérateurs, conduites d'air et cheminées, réacteurs de traitement ; équipements de désodorisation physique, physico-chimique et/ou biologique par cultures fixées sur substrats naturels ou artificiels. Equipements d'élimination des nuisances olfactives par percolation des gaz sur un lit de matériau filtrant à structure granulaire ou fibreuse, d'origine organique, végétale ou minérale ; équipements et systèmes de désodorisation des gaz produits par les stations d'épuration biologique des eaux résiduaires urbaines et industrielles, les industries agricoles et alimentaires, les élevages, les déchets et résidus de l'activité humaine ou animale et toutes autres sources de nuisances olfactives ;

Classe 35 :

Services de gestion administrative et de traitement de données en rapport avec l'analyse et la surveillance de la qualité de l'air et des niveaux de pollution de l'air ; compilation d'informations dans des bases de données informatiques ;

Classe 36 :

Services d'informations financières et de conseils financiers pour l'obtention de primes financières à la construction, la rénovation et l'isolation de bâtiments ; mise à disposition d'informations financières relatives aux primes financières pour les projets de rénovation énergétique de bâtiments ; estimation financière de primes à la construction, la rénovation et l'isolation de bâtiments ; services de financement et d'aide à la constitution de dossiers de financement en vue de l'obtention de primes financières pour la construction, la rénovation et l'isolation de bâtiments ;

Classe 37 :

Installation, maintenance et réparation d'installations de filtrage d'air, de purification de

l'air, de conditionnement d'air ; services d'informations et de conseils en matière de travaux de construction, de rénovation, d'isolation et d'entretien de bâtiments éligibles à une prime financière ;

Classe 40 :

Traitement, purification et contrôle de la qualité de l'air ; traitement et purification de l'air

pollué par les usines de traitement des eaux et des déchets industriels et domestiques ; désodorisation, ventilation et distribution de l'air ; dépollution de l'air ;

Classe 42 :

Conception par ordinateur de schémas représentatifs de méthodes pour le traitement, la purification et le contrôle de la qualité de l'air ; conception scientifique de méthodes analytiques pour la désodorisation, la ventilation et la distribution de l'air. Services de recherche technique ou scientifique en laboratoire dans les domaines de l'air, du traitement et de la purification de l'air ; services d'analyse chimique, de recherche en chimie, d'étude de projets techniques, de travaux d'ingénieurs et de travaux du génie (pas pour la construction) dans le domaine du traitement de l'air. Conception scientifique de méthodes analytiques pour le traitement et la purification de l'air pollué. Contrôles de la qualité de l'air. Services de prévention des pollutions de l'air ; consultations sur la protection de l'environnement et le développement durable, la mise en valeur des ressources naturelles ; informations en matière de recherche en protection de l'environnement ; développement de plateforme informatique relative à la protection de l'environnement, la prévention de la pollution de l'air et les travaux de rénovation énergétique ;

Classe 45 :

Services de sécurité pour la protection des biens et des individus en cas de détérioration de la qualité de l'air, à savoir services de mesures des paramètres relatifs à la qualité de l'air, services d'analyses de ces paramètres, services de surveillance de la qualité de l'air, services d'alerte à la pollution de l'air.

La marque n° 20.4. 698.378 vise à désigner les produits suivants en classes 7 et 9 :

Classe 7 :

Machines d'aspiration d'air ; machines à filtrer ; filtres en tant que pièces de machines.

Classe 9 :

Appareils pour l'analyse de l'air ; dispositifs de mesurage de la pollution de l'air ; capteurs de qualité de l'air ; dispositifs de test et de contrôle de la qualité de l'air ; moniteurs d'émission de particules ; appareils de diagnostic pour tester l'air à des fins non médicales ; logiciels ; applications logicielles téléchargeables ; applications et plateformes Internet de services pour ordinateurs et dispositifs mobiles et de poche (téléphones, tablettes et/ou appareils dotés de fonctions multimédias et interactives) ; bases de données; logiciels de stockage, réception, analyse, partage, traitement, contrôle et gestion des données ; logiciels de traitement, contrôle et gestion des données, prévision des risques chimiques et génération d'alertes, tous ces logiciels étant en rapport avec la qualité de l'air; logiciel de contrôle et de planification des tâches ; logiciels de réception d'informations et de données d'applications de tiers, de stockage et de traitement des données ; logiciels d'analyse de données et de production de graphiques d'analyse de données.

Cette marque a fait l'objet d'un demande en nullité formée le 9 juin 2021 par la société Airvance Group (anciennement France air management).

Le directeur de l'INPI a rejeté cette demande de nullité par décision du 13 juin 2022 n° NL 21-0118.

Par déclaration du 4 juillet 2022, la société Airvance Group a formé contre cette décision un recours qui a fait l'objet de la procédure n° 22/4924. Elle a déposé ses conclusions au greffe le 3 octobre 2022.

Par conclusions déposées au greffe le 9 février 2024, la société Suez a soulevé la caducité du recours formé par la société Airvance Group, au visa de l'article R.411-29 du code de la propriété intellectuelle.

La société Suez fait valoir que son adversaire a déposé ses conclusions la veille de l'expiration du délai de trois mois prévu par ce texte, et que rien ne permet de déterminer à quelle date elle les a adressées à l'INPI, la copie de sa lettre à l'INPI ayant été déposée au greffe par message RPVA le 11 octobre 2022, soit après l'expiration du délai.

Elle ajoute que la société Airvance n'a pas déféré, en tout état de cause, à l'obligation de justifier auprès du greffe, dans le même délai, de la communication de ses conclusions au directeur général de l'INPI.

Par conclusions déposées au greffe le 16 février 2024, la société Airvance demande à la cour de :

- constater la recevabilité du recours qu'elle a formé le 4 juillet 2022 à l'encontre de la décision du directeur général de l'INPI du 13 juin 2022 en ce qu'elle a rejeté la demande en nullité NL 21-0118 concernant la marque française AirAdvanced n°19.4.605.539 ;

- débouter la société Suez International de sa demande de caducité du recours qu'elle a formé le 4 juillet 2022 ;

- rejeter les demandes de la société Suez International en ce qu'elle ne visent pas la décision du directeur général de l'INPI du 13 juin 2022 relative à la demande en nullité NL 21-0118 concernant la marque française AirAdvanced n°19.4.605.539.

Elle fait valoir que le dispositif des premières conclusions de son adversaire, déposées au greffe le 8 décembre 2022, visent la confirmation d'une décision NL21-0119, laquelle n'est pas l'objet du recours soumis à la cour dans le cadre de la présente instance qui porte sur le recours formé à l'encontre d'une décision NL21-0118 et que c'est à bon droit qu'elle demande à la cour de rejeter les conclusions en réponse de son adversaire.

Elle ajoute que la société Suez a cru pouvoir régulariser ce qu'elle considère être une erreur de plume en rectifiant les références du recours et de la marque dans ses nouvelles conclusions du 23 octobre 2023, et que cette régularisation intervenue bien après l'expiration du délai de trois mois imparti pour conclure est tardive et donc irrecevable. Elle fait valoir que l'irrégularité des premières conclusions de la société Suez la prive de conclure à nouveau, les articles 908 et suivants du code de procédure civile ne se limitant pas aux premiers échanges de conclusions, de sorte que les conclusions adverses en date du 8 décembre 2022 et les conclusions subséquentes du 23 octobre 2023 doivent être rejetées.

La société Suez ne conteste pas que le dispositif de ses conclusions du 8 décembre 2022 comporte une erreur portant sur la référence de la décision querellée et une autre erreur quant au numéro d'enregistrement de la marque concernée par la décision déférée. Elle soutient que ces erreurs sont de simples coquilles matérielles qui n'empêchent pas l'identification de la décision attaquée ni celle de la marque qui en est l'objet.

Elle précise que sur la première page de ses conclusions du 8 décembre 2022 apparaît la mention de la décision critiquée, à savoir le n° NL21-0118, et que d'autre part dans le contenu même des conclusions, il est fait une référence exacte à la décision n°NL21-0118 et à la marque n°19.4.605.539. Elle ajoute que la parfaite identification par la société Airvance de la décision et de la marque visées par le recours est confirmée par le fait que celle-ci a répliqué aux conclusions du 8 décembre 2022 sans exprimer le moindre doute sur le fait qu'elles concernaient bien la décision n° NL21-0118 et la marque n°19.4.605.539, de sorte que son adversaire ne justifie d'aucun grief de nature à entraîner l'irrecevabilité des conclusions du 8 décembre 2022, d'autant qu'elle-même n'était tenue à aucune obligation de mentionner ces références dans le dispositif de ses écritures.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

- sur les conclusions de la société Suez International du 8 décembre 2022

Le dispositif des conclusions déposées par la société Suez le 8 décembre 2022 vise à tort la décision n°NL21-0119 et la marque n°20.4.698.378.

Toutefois, l'en-tête des mêmes conclusions cite la numérotation exacte de la décision qui fait l'objet du recours adverse, à savoir le n° NL21-0118, et les références exactes de la décision et de la marque dont s'agit figurent dans le corps des conclusions, de sorte qu'ainsi que le fait valoir la société Suez, l'auteur du recours n'a pu se méprendre sur la portée des écritures auxquelles il a précisément répondu dans ses écritures postérieures.

De plus, la sanction du défaut de présentation dans les écritures de l'ensemble des prétentions sur le fond consiste, lorsqu'elle est constituée, dans l'irrecevabilité de celles-ci. Or, la société Airvance réclame le rejet des prétentions adverses dans son dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour.

Dès lors, sa demande ne peut qu'être rejetée.

- sur la caducité du recours

L'article R.411-29 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé : à peine de caducité de l'acte de recours, le demandeur dispose d'un délai de trois mois pour remettre ses conclusions au greffe. Sous la même sanction et dans le même délai, il adresse ses conclusions par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au directeur général de l'institut national de la propriété industrielle et en justifie auprès du greffe.

En l'espèce, le délai prévu par le texte précité expirait le 4 octobre 2022. La lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par la société Airvance à M. le directeur de l'INPI pour lui notifier ses conclusions est datée du 3 octobre 2022. Le bordereau d'envoi du recommandé porte le tampon de la poste, lequel indique la date du 3 octobre. La société Airvance a déposé au greffe par RPVA le courrier qu'elle a adressé à M. le directeur de l'INPI ainsi que le bordereau d'envoi en deux transmissions des 10 et 11 octobre 2022

Il résulte sans ambiguïté du texte reproduit ci-dessus que l'auteur du recours doit non seulement adresser ses conclusions à M. le directeur de l'INPI dans le délai de 3 mois de son appel, ce dont il est justifié en l'espèce, mais aussi qu'il est tenu de justifier de l'accomplissement de cette diligence auprès du greffe sous la même sanction et dans le même délai, c'est-à-dire dans les trois mois de sa déclaration d'appel. La rédaction similaire des articles suivants, notamment R.411-30 et 32 confirme l'exigence textuelle de la justification auprès du greffe de l'envoi à l'INPI des conclusions dans le délai prescrit, à peine de sanction. Or, en l'espèce, le recours est du 4 juillet 2022, et la justification de l'envoi des conclusions à M. le directeur de l'INPI n'a pas été remise au greffe avant le 10 octobre 2022, soit après l'expiration du délai de trois mois.

Il en résulte que l'acte de recours est caduc.

La société Airvance sera condamnée à payer à la société Suez la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée, ainsi qu'à rembourser à la société Suez le droit de timbre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe:

Rejette la demande de la société Airvance tendant à obtenir le rejet des demandes adverses;

Constate la caducité du recours formé le 4 juillet 2022 par la société Airvance contre la décision rendue par le directeur général de l'institut national de la propriété industrielle le 13 juin 2022 n°NL21-0118 ;

Condamne la société Airvance au paiement à la société Suez International d'une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

Dit n'y avoir lieu à dépens, la société Airvance, partie perdante, étant cependant condamnée à rembourser le droit de timbre à son adversaire.

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception parles soins du greffier aux parties et à Monsieur le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.