Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 30 mai 2024, n° 22/17370
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 30 MAI 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17370 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQVN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 février 2022 - Tribunal de proximité du RAINCY - RG n° 11-21-000968
APPELANTS
Madame [H] [Y] épouse [P]
née le 28 juillet 1979 à [Localité 8] (94)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Aurélie BELGRAND de la SCP MICHEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : 172
Monsieur [B] [P]
né le 16 septembre 1976 à [Localité 7] (75)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Aurélie BELGRAND de la SCP MICHEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : 172
INTIMÉS
Monsieur [K] [F] [Z]
né le 18 septembre 1971 à [Localité 5] (95)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Renaud ALMÉRAS DES ACRES DE L'AIGLE, avocat au barreau de PARIS
Madame [C] [S] [M] épouse [Z]
née le 22 février 1984 à [Localité 6] (77)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Renaud ALMÉRAS DES ACRES DE L'AIGLE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon acte authentique du 12 juillet 2019, M. [B] [P] et Mme [H] [P] ont acquis de M. [K] [F] [Z] et de Mme [C] [S] [M] épouse [Z] une maison d'habitation située au [Adresse 3].
L'acte mentionne qu'il résulte d'un rapport d'analyse du raccordement au réseau collectif d'assainissement établi par l'établissement public territorial Grand Paris Grand Est le 12 juin 2019 et annexé à l'acte, une non-conformité des installations intérieures d'assainissement avec mention des modifications nécessaires pour y remédier.
Les vendeurs ont fait évaluer les coûts des travaux de mise aux normes à la somme de 2 880 euros TTC, somme que les vendeurs se sont engagés à verser à titre forfaitaire et définitif au titre des travaux de mise en conformité du réseau d'assainissement alors que les acquéreurs ont déclaré prendre le bien en l'état sans recours contre les vendeurs et faire leur affaire personnelle des travaux de mise en conformité.
Suivant actes des 3 et 7 juin 2021, M. et Mme [P] ont fait assigner M. et Mme [Z] devant le tribunal de proximité du Raincy aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 6 916 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier, de la somme de 1 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et de la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par un jugement contradictoire rendu le 24 février 2022 auquel il convient de se reporter, le juge a débouté les demandeurs de leur demande au titre d'un dol et sur le fondement de la garantie des vices cachés, au titre du préjudice matériel et moral, et les a condamnés in solidum à verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Le premier juge a relevé qu'un devis de travaux d'un montant de 2 880 euros avait été établi et annexé à l'acte de vente, qu'il était prévu que le jour de la vente, les vendeurs devaient verser cette somme aux acquéreurs qui avaient déclaré prendre le bien en l'état et faire leur affaire personnelle des travaux de mise en conformité. Il ajoute qu'à la suite de débordements et l'intervention de plusieurs entreprises les 12 et 25 novembre 2019, M. et Mme [P] ont découvert la présence d'une fosse septique selon diagnostic de repérage de la société 2M DIAG, laquelle a conclu qu'une partie des eaux usées se rejette au réseau public, l'autre partie dans une fosse septique obstruée. Il précise que la présence de la fosse septique a également été constatée par huissier de justice selon procès-verbal de constat du 29 janvier 2020. Il a considéré qu'il n'était pas démontré que les vendeurs, non professionnels de l'immobilier ou du bâtiment, avaient eu connaissance de la présence de la fosse septique et de son fonctionnement et qu'ils avaient sciemment caché une telle information aux acquéreurs ou qu'ils avaient fait preuve de mauvaise foi.
S'agissant de la garantie des vices cachés, il a relevé que, même si la présence d'une fosse septique n'était pas expressément indiquée, les acquéreurs avaient été informés de la non-conformité de l'assainissement, avaient été indemnisés pour les travaux de mise en conformité et avaient déclaré vouloir en faire une affaire personnelle et que la non-conformité de l'installation ne constituait donc pas un vice caché. Il a noté que si le seul fait que l'assainissement soit réalisé par une fosse septique ne constituait pas en soit un vice caché, il en allait différemment en cas de mauvais fonctionnement de cet équipement, lequel était en l'occurrence mis en évidence par les diverses interventions nécessaires pour le dégorgement mais que la présence d'une fosse septique présentant des dysfonctionnements était un vice qui rendait l'installation d'assainissement impropre à son usage et diminuait donc l'usage attendu du bien immobilier de sorte que l'existence d'un vice caché était établie. Il a retenu cependant que l'acte du 12 juillet 2019 comportait une clause selon laquelle le vendeur n' était pas tenu à la garantie des vices apparents ou cachés provenant du sol, sous-sol ou du bâtiment.
Par une déclaration enregistrée le 10 octobre 2022, M. et Mme [P] ont relevé appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 10 janvier 2023, les appelants demandent à la cour :
- de les recevoir en leur appel et y faisant droit,
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- de dire et juger que le comportement et les man'uvres des époux [Z] sont constitutifs de dol en ce qu'ils ont dissimulé la présence d'une fosse septique lors de la vente conclue le 12 juillet 2019,
- de dire et juger que leur responsabilité est engagée à ce titre,
- de dire et juger que la présence de la fosse septique est un vice caché,
- de dire et juger que leur responsabilité est engagée au titre de la garantie des vices cachés,
- par conséquent, de les condamner à leur verser les sommes de 6 916 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice financier, de 3 000 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice moral et de 2 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
Ils soutiennent que les vendeurs ont vécu de nombreuses années dans le bien immobilier à savoir 12 ans pour M. [Z] puisqu'il l'a acheté en 2007 et 29 années pour Mme [Z] qui y a vécu depuis ses 6 ans et qu'il est donc difficilement concevable de croire que les vendeurs ignoraient l'existence d'une fosse septique qui était en état de fonctionnement et dans laquelle les eaux usées de deux wc et d'une salle de bains étaient rejetées, sauf à croire que les intimés n'aient jamais utilisé leur wc pour leurs besoins personnels et ne se lavaient pas. Ils invoquent une mauvaise foi patente.
Ils indiquent que c'est uniquement par l'intervention de plusieurs entreprises spécialisées qu'ils ont pu prendre connaissance de l'existence d'une fosse septique, que ces interventions ont été demandées en conséquence d'odeurs nauséabondes et de graves et réguliers dégâts des eaux de sorte qu'il apparaît clairement que le dysfonctionnement du système d'évacuation des eaux usées de la propriété était un sujet important dans son acquisition. Ils font valoir qu'il est incontestable que les vendeurs, propriétaires en commun du bien depuis 17 années, avaient connaissance de l'existence de la fosse septique et de son fonctionnement et donc du non-raccordement au réseau collectif d'assainissement public qui sont des éléments déterminants dans la conclusion du contrat de vente. Ils ajoutent que s'ils avaient eu connaissance de ces éléments dès l'origine et/ou préalablement à la vente, cela aurait eu une incidence sur leur consentement et à tout le moins sur le prix de vente. Ils invoquent une réticence dolosive.
Ils font valoir que la jurisprudence admet que l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en nullité pour dol. Ils expliquent que dans les semaines qui ont suivi leur installation, ils ont découvert que le pavillon leur avait été vendu avec une fosse alors que celle-ci n'était pas indiquée sur l'acte de vente, que la fosse était en fonctionnement, qu'elle n'était pas conforme aux réglementations en vigueur et que le certificat de conformité des installations d'assainissement qui leur avait été fourni par Veolia lors de l'achat du bien était erroné. Ils ajoutent que son impossible fonctionnement normal a eu de lourdes conséquences. Ils font état d'un préjudice financier réel en ce qu'ils ont dû faire appel à plusieurs entreprises d'abord pour gérer les dégâts des eaux constatés et finalement pour supprimer la fosse septique découverte, et que cela a engendré un coût de 330 euros pour le pompage, de 140 euros pour le diagnostic assainissement, de 946 euros pour les dégorgements et de 5 500 euros pour la suppression de la fosse.
Ils estiment leur demande bien fondée en ce qu'il ressort clairement des différents documents versés aux débats que les époux [Z] ont tout mis en 'uvre pour dissimuler la présence de la fosse et persistent dans la présente procédure alors que l'utilisation des wc et de la salle de bains ne pouvait se faire qu'avec la fosse septique.
Par ordonnance du 14 mars 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l'irrecevabilité des conclusions des intimés pour défaut d'acquittement du droit de timbre.
Par ordonnance du 11 avril 2023, le conseiller de la mise en état a refusé de rapporter l'ordonnance d'irrecevabilité.
Par arrêt de la cour de céans du 16 novembre 2023, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance d'irrecevabilité.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des appelants, il est renvoyé aux écritures de ceux-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
M. et Mme [P] contestent le rejet de leurs demandes d'indemnisation fondées d'abord sur un dol puis sur un vice caché.
Il doit être rappelé que l'action en responsabilité délictuelle pour dol ou la réticence dolosive commise avant ou lors de la conclusion du contrat, n'est pas exclusive de l'action en garantie des vices cachés.
Sur le moyen tiré du dol
Selon les articles 1130 et 1131 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Aux termes de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
Les appelants reprochent aux époux [Z] une dissimulation intentionnelle de l'existence d'une fosse septique au sein de leur propriété, information non communiquée avant la conclusion de l'acte de vente le 12 juillet 2019.
En vue de la vente, M. et Mme [Z] ont dû faire établir un diagnostic d'assainissement comme le prévoit le code de la construction et de l'habitation. Le rapport d'analyse du raccordement au réseau collectif d'assainissement a été établi par l'établissement public territorial Grand Paris Grand Est le 12 juin 2019 et annexé à l'acte de vente. Il conclut à une non-conformité des installations intérieures d'assainissement et notamment du raccordement au réseau public de collecte et impose pour la délivrance du certificat de conformité, la réalisation sous 1 an d'une séparation des eaux pluviales et des eaux usées en deux réseaux distincts, une déconnexion des eaux pluviales du réseau territorial d'eaux usées, avec gestion à la parcelle d'un dispositif d'infiltration si la nature du sol le permet et un raccordement au réseau d'eaux pluviales, mise en gargouille après autorisation du gestionnaire de la voirie.
Sur la base de cette analyse, les vendeurs ont fait évaluer les coûts des travaux de mise aux normes à la somme de 2 880 euros TTC, somme qu'ils se sont engagés à verser à titre forfaitaire et définitif au titre des travaux de mise en conformité du réseau d'assainissement alors que les acquéreurs ont déclaré prendre le bien en l'état sans recours contre les vendeurs, faire leur affaire personnelle des travaux de mise en conformité et ont reconnu être informés de leur obligation d'effectuer tous les travaux de mise en conformité à leurs seuls frais, sans aucun recours contre le vendeur. Il est indiqué dans l'acte que le vendeur est exonéré de toute responsabilité vis-à-vis de l'acquéreur quant au respect des règles d'assainissement et que l'acquéreur renonce à toute action à l'encontre de son vendeur sur ce point.
Il est constant que dans les 6 mois ayant suivi la vente, les acquéreurs ont dû faire face à de multiples fuites et infiltrations, constatant à trois reprises que leurs canalisations s'étaient engorgées avec intervention d'entreprises de curage et de désengorgement (société A6T Assainissement et société 2M DIAG).
Selon le diagnostic réalisé le 12 novembre 2019 par la société 2M DIAG, les eaux pluviales se rejettent dans le réseau des eaux usées public pour partie et pour l'autre partie dans une fosse septique obstruée avec des regards intermédiaires non étanches aux infiltrations par eaux pluviales, avec la présence d'une pompe de relevage avec un mélange des eaux et un rejet des wc et d'une salle de bains dans la fosse septique. Le rapport d'intervention de la société Les Déboucheurs de France du 25 novembre 2019 fait également état d'une fosse septique nécessitant un pompage.
Le procès-verbal de constat réalisé par huissier le 29 janvier 2020 à la demande des acquéreurs confirme la présence d'une fosse septique de 3 mètres cube, raccordée à un bac à graisse avec une canalisation déboîtée. Le constat est accompagné de 6 photographies.
Selon facture du 31 mars 2020, les acquéreurs ont fait réaliser la suppression de cette fosse septique.
Il résulte de ce qui précède que l'existence d'une fosse septique n'est en rien mentionnée à l'acte de vente et sa présence n'a été découverte par les acheteurs que postérieurement à la vente du bien immobilier.
L'acte de vente précise que la maison d'habitation a été acquise à l'origine par les époux [U] le 21 décembre 1990, que par suite de leur divorce, le bien a été attribué à M. [D] [M] en 2006, que ce dernier est décédé en 2007 et que le bien a été attribué en indivision à sa fille Mme [C] [M] et à son conjoint survivant Mme [G] [A], qu'il a été mis fin à cette indivision le 27 novembre 2007 aux termes d'un acte de licitation par lequel Mme [G] [A] a cédé le bien à Mme [C] [M] et à M. [K] [Z].
Il est donc établi que M. et Mme [Z] étaient propriétaires du bien en commun depuis l'année 2007, soit 12 années au moment de la vente même si rien n'établit comme l'affirment les appelants que Mme [C] [M] épouse [Z] a quant à elle habité cette maison depuis l'âge de 6 ans et durant 29 années.
Cette durée de possession voire d'occupation des lieux interroge, notamment quant aux obligations pesant sur tout propriétaire de la fosse septique de faire effectuer son entretien régulier afin de garantir son bon fonctionnement par une vidange régulière telles que prévues à l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique.
Il est également pour le moins curieux que la société Veolia en charge du diagnostic d'assainissement préalable à la vente, ait indiqué dans un courrier adressé le 27 janvier 2020 à M. [P] en réponse à sa demande, que lors de sa visite en mai 2019, elle n'avait pu accéder à l'ensemble des installations car le vendeur du pavillon avait expressément précisé qu'il n'y avait pas de point d'eau au sous-sol de sorte que le croquis réalisé ne pouvait mentionner la présence de pompes de relevage au sous-sol.
Ces éléments permettent ainsi de douter du fait que les vendeurs n'aient pas eu connaissance au moment de la vente, de l'existence d'une fosse septique en état de fonctionnement et dans laquelle les eaux usées de deux wc et d'une salle de bains de leur maison étaient rejetées, pour autant, rien n'établit qu'ils aient sciemment caché cette information à de potentiels acquéreurs dans une intention dolosive, d'autant qu'ils ont accepté, au vu du diagnostic préalable à la vente établissant une non-conformité de l'assainissement, de prendre en charge le coût des travaux de mise en conformité du raccordement au réseau collectif d'assainissement public.
C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté les demandes formées sur ce fondement.
Sur le moyen tiré de la garantie des vices cachés
Les appelants recherchent également la responsabilité de leurs vendeurs sur le fondement d'un vice caché devant conduire à leur condamnation à des dommages et intérêts.
Il est rappelé que la Cour de cassation admet l'existence d'une action indemnitaire autonome indépendante de toute action rédhibitoire ou de toute action estimatoire seules prévues à l'article 1644 du code civil.
Selon les articles 1641 à 1649 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. Le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
En l'espèce, ce n'est que le 12 novembre 2019, postérieurement à l'acte de vente du 12 juillet 2019, que la société 2M DIAG a diagnostiqué à la demande des acquéreurs, que les eaux pluviales étaient rejetées pour partie dans le réseau public des eaux usées et pour partie dans une fosse septique obstruée avec des regards intermédiaires non étanches aux infiltrations par eaux pluviales, la présence d'une pompe de relevage avec un mélange des eaux et un rejet des wc et d'une salle de bains dans la fosse septique. L'existence d'une fosse est confirmée par le rapport d'intervention de la société Les Déboucheurs de France du 25 novembre 2019.
La présence d'une fosse obstruée n'a donc pas été révélée lors de la réalisation du diagnostic d'assainissement préalable à la vente de mai 2019 ayant conclu à la non-conformité du raccordement au réseau public et à la nécessité d'une mise en conformité, et l'acte de vente ne fait donc mention que de la non-conformité du raccordement au réseau collectif d'assainissement public avec prise en charge par les vendeurs des travaux pour y remédier.
Les dispositions de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique prévoient que le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte.
Aux termes de l'article L. 1331-5 du même code, dès l'établissement du branchement, les fosses et autres installations de même nature sont mises hors d'état de servir ou de créer des nuisances à venir, par les soins et aux frais du propriétaire.
Il résulte de ce qui précède qu'en cas de raccordement au réseau collectif, les fosses septiques ou autres installations de même nature doivent être neutralisées ou supprimées sous peine de rendre le raccordement non conforme.
La préexistence à la vente de la fosse litigieuse tout comme son caractère non apparent au moment de la vente sont établis, ainsi que les dysfonctionnements rendant l'installation d'assainissement impropre à l'usage attendu du bien immobilier. Il est manifeste que si les acquéreurs avaient eu connaissance de l'existence de cette fosse devant être neutralisée dans le cadre des travaux de mise en conformité de l'assainissement, ils auraient sollicité une prise en charge par les vendeurs des frais de suppression de cette fosse dans l'acte de vente, tout comme ils l'ont fait pour les frais de mis en conformité du raccordement au réseau collectif d'assainissement public
Comme l'a à juste titre retenu le premier juge, l'existence d'un vice caché est établie.
L'acte de vente contient une clause aux termes de laquelle le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices apparents ou cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol, ou les bâtiments à l'exception toutefois et le cas échéant de ce qui est dit ci-dessus sous le titre "Environnement-Santé publique". La clause précise que cette exonération de la garantie des vices cachés ne peut s'appliquer aux défauts de la chose vendue dont le vendeur a déjà connaissance.
La clause d'exonération prévoit une exclusion au paragraphe "Environnement-Santé publique". C'est au sein de ce paragraphe que les vendeurs ont prévu un paragraphe relatif à l'assainissement/eaux usées aux termes duquel ils déclarent que l'immeuble est raccordé directement et de manière autonome au réseau collectif d'assainissement public ainsi qu'il résulte d'un rapport établi le 12 juin 2019 et s'engagent à prendre à leur charge des frais de mise en conformité de l'installation pour 2 880 euros.
Au vu de ce qui précède et en particulier de la durée de possession des lieux, l'existence de la fosse septique litigieuse ne pouvait pas être ignorée des vendeurs de sorte que la clause d'exclusion figurant à l'acte ne trouve pas à s'appliquer. M. et Mme [Z] sont donc tenus à garantie. Partant le jugement est infirmé.
M. et Mme [P] justifient avoir exposé différents frais en vue soit de remédier aux dégâts des eaux constatés soit de supprimer la fosse septique litigieuse. Ils justifient ainsi :
- d'une facture relative à un diagnostic d'assainissement pour 140 euros le 12 novembre 2019,
- d'une facture de pompage pour 300 euros le 25 novembre 2019,
- de factures de dégorgements pour 946 euros le 19 mars 2020,
- d'une facture de suppression de la fosse pour 5 500 euros le 31 mars 2020,
soit une somme totale de 6 886 euros.
Il convient donc de condamner M. et Mme [Z] in solidum à verser aux appelants une somme de 6 886 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice financier.
L'existence d'un préjudice moral n'est pas suffisamment démontrée de sorte qu'il convient de confirmer le rejet de la demande d'indemnisation à ce titre.
Sur les autres demandes
M.et Mme [Z] qui succombent doivent supporter les dépens de première instance et d'appel. Le jugement doit donc être infirmé sur ce point et en ce qu'il a condamné M. et Mme [P] à leur verser une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. M. et Mme [Z] devront verser in solidum à M. et Mme [P] une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [P] Mme [H] [P] née [Y] de leur demande au titre d'un dol et de leur demande d'indemnisation au titre d'un préjudice moral ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que M. [K] [F] [Z] et Mme [C] [S] [M] épouse [Z] sont tenus à la garantie des vices cachés ;
Condamne M. [K] [F] [Z] et Mme [C] [S] [M] épouse [Z] in solidum à payer à M. [B] [P] et Mme [H] [P] née [Y] la somme de 6 886 euros ;
Condamne M. [K] [F] [Z] et Mme [C] [S] [M] épouse [Z] in solidum à payer à M. [B] [P] et Mme [H] [P] née [Y] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [K] [F] [Z] et Mme [C] [S] [M] épouse [Z] in solidum aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 30 MAI 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17370 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQVN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 février 2022 - Tribunal de proximité du RAINCY - RG n° 11-21-000968
APPELANTS
Madame [H] [Y] épouse [P]
née le 28 juillet 1979 à [Localité 8] (94)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Aurélie BELGRAND de la SCP MICHEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : 172
Monsieur [B] [P]
né le 16 septembre 1976 à [Localité 7] (75)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Aurélie BELGRAND de la SCP MICHEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : 172
INTIMÉS
Monsieur [K] [F] [Z]
né le 18 septembre 1971 à [Localité 5] (95)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Renaud ALMÉRAS DES ACRES DE L'AIGLE, avocat au barreau de PARIS
Madame [C] [S] [M] épouse [Z]
née le 22 février 1984 à [Localité 6] (77)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Renaud ALMÉRAS DES ACRES DE L'AIGLE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon acte authentique du 12 juillet 2019, M. [B] [P] et Mme [H] [P] ont acquis de M. [K] [F] [Z] et de Mme [C] [S] [M] épouse [Z] une maison d'habitation située au [Adresse 3].
L'acte mentionne qu'il résulte d'un rapport d'analyse du raccordement au réseau collectif d'assainissement établi par l'établissement public territorial Grand Paris Grand Est le 12 juin 2019 et annexé à l'acte, une non-conformité des installations intérieures d'assainissement avec mention des modifications nécessaires pour y remédier.
Les vendeurs ont fait évaluer les coûts des travaux de mise aux normes à la somme de 2 880 euros TTC, somme que les vendeurs se sont engagés à verser à titre forfaitaire et définitif au titre des travaux de mise en conformité du réseau d'assainissement alors que les acquéreurs ont déclaré prendre le bien en l'état sans recours contre les vendeurs et faire leur affaire personnelle des travaux de mise en conformité.
Suivant actes des 3 et 7 juin 2021, M. et Mme [P] ont fait assigner M. et Mme [Z] devant le tribunal de proximité du Raincy aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 6 916 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier, de la somme de 1 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et de la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par un jugement contradictoire rendu le 24 février 2022 auquel il convient de se reporter, le juge a débouté les demandeurs de leur demande au titre d'un dol et sur le fondement de la garantie des vices cachés, au titre du préjudice matériel et moral, et les a condamnés in solidum à verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Le premier juge a relevé qu'un devis de travaux d'un montant de 2 880 euros avait été établi et annexé à l'acte de vente, qu'il était prévu que le jour de la vente, les vendeurs devaient verser cette somme aux acquéreurs qui avaient déclaré prendre le bien en l'état et faire leur affaire personnelle des travaux de mise en conformité. Il ajoute qu'à la suite de débordements et l'intervention de plusieurs entreprises les 12 et 25 novembre 2019, M. et Mme [P] ont découvert la présence d'une fosse septique selon diagnostic de repérage de la société 2M DIAG, laquelle a conclu qu'une partie des eaux usées se rejette au réseau public, l'autre partie dans une fosse septique obstruée. Il précise que la présence de la fosse septique a également été constatée par huissier de justice selon procès-verbal de constat du 29 janvier 2020. Il a considéré qu'il n'était pas démontré que les vendeurs, non professionnels de l'immobilier ou du bâtiment, avaient eu connaissance de la présence de la fosse septique et de son fonctionnement et qu'ils avaient sciemment caché une telle information aux acquéreurs ou qu'ils avaient fait preuve de mauvaise foi.
S'agissant de la garantie des vices cachés, il a relevé que, même si la présence d'une fosse septique n'était pas expressément indiquée, les acquéreurs avaient été informés de la non-conformité de l'assainissement, avaient été indemnisés pour les travaux de mise en conformité et avaient déclaré vouloir en faire une affaire personnelle et que la non-conformité de l'installation ne constituait donc pas un vice caché. Il a noté que si le seul fait que l'assainissement soit réalisé par une fosse septique ne constituait pas en soit un vice caché, il en allait différemment en cas de mauvais fonctionnement de cet équipement, lequel était en l'occurrence mis en évidence par les diverses interventions nécessaires pour le dégorgement mais que la présence d'une fosse septique présentant des dysfonctionnements était un vice qui rendait l'installation d'assainissement impropre à son usage et diminuait donc l'usage attendu du bien immobilier de sorte que l'existence d'un vice caché était établie. Il a retenu cependant que l'acte du 12 juillet 2019 comportait une clause selon laquelle le vendeur n' était pas tenu à la garantie des vices apparents ou cachés provenant du sol, sous-sol ou du bâtiment.
Par une déclaration enregistrée le 10 octobre 2022, M. et Mme [P] ont relevé appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 10 janvier 2023, les appelants demandent à la cour :
- de les recevoir en leur appel et y faisant droit,
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- de dire et juger que le comportement et les man'uvres des époux [Z] sont constitutifs de dol en ce qu'ils ont dissimulé la présence d'une fosse septique lors de la vente conclue le 12 juillet 2019,
- de dire et juger que leur responsabilité est engagée à ce titre,
- de dire et juger que la présence de la fosse septique est un vice caché,
- de dire et juger que leur responsabilité est engagée au titre de la garantie des vices cachés,
- par conséquent, de les condamner à leur verser les sommes de 6 916 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice financier, de 3 000 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice moral et de 2 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
Ils soutiennent que les vendeurs ont vécu de nombreuses années dans le bien immobilier à savoir 12 ans pour M. [Z] puisqu'il l'a acheté en 2007 et 29 années pour Mme [Z] qui y a vécu depuis ses 6 ans et qu'il est donc difficilement concevable de croire que les vendeurs ignoraient l'existence d'une fosse septique qui était en état de fonctionnement et dans laquelle les eaux usées de deux wc et d'une salle de bains étaient rejetées, sauf à croire que les intimés n'aient jamais utilisé leur wc pour leurs besoins personnels et ne se lavaient pas. Ils invoquent une mauvaise foi patente.
Ils indiquent que c'est uniquement par l'intervention de plusieurs entreprises spécialisées qu'ils ont pu prendre connaissance de l'existence d'une fosse septique, que ces interventions ont été demandées en conséquence d'odeurs nauséabondes et de graves et réguliers dégâts des eaux de sorte qu'il apparaît clairement que le dysfonctionnement du système d'évacuation des eaux usées de la propriété était un sujet important dans son acquisition. Ils font valoir qu'il est incontestable que les vendeurs, propriétaires en commun du bien depuis 17 années, avaient connaissance de l'existence de la fosse septique et de son fonctionnement et donc du non-raccordement au réseau collectif d'assainissement public qui sont des éléments déterminants dans la conclusion du contrat de vente. Ils ajoutent que s'ils avaient eu connaissance de ces éléments dès l'origine et/ou préalablement à la vente, cela aurait eu une incidence sur leur consentement et à tout le moins sur le prix de vente. Ils invoquent une réticence dolosive.
Ils font valoir que la jurisprudence admet que l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en nullité pour dol. Ils expliquent que dans les semaines qui ont suivi leur installation, ils ont découvert que le pavillon leur avait été vendu avec une fosse alors que celle-ci n'était pas indiquée sur l'acte de vente, que la fosse était en fonctionnement, qu'elle n'était pas conforme aux réglementations en vigueur et que le certificat de conformité des installations d'assainissement qui leur avait été fourni par Veolia lors de l'achat du bien était erroné. Ils ajoutent que son impossible fonctionnement normal a eu de lourdes conséquences. Ils font état d'un préjudice financier réel en ce qu'ils ont dû faire appel à plusieurs entreprises d'abord pour gérer les dégâts des eaux constatés et finalement pour supprimer la fosse septique découverte, et que cela a engendré un coût de 330 euros pour le pompage, de 140 euros pour le diagnostic assainissement, de 946 euros pour les dégorgements et de 5 500 euros pour la suppression de la fosse.
Ils estiment leur demande bien fondée en ce qu'il ressort clairement des différents documents versés aux débats que les époux [Z] ont tout mis en 'uvre pour dissimuler la présence de la fosse et persistent dans la présente procédure alors que l'utilisation des wc et de la salle de bains ne pouvait se faire qu'avec la fosse septique.
Par ordonnance du 14 mars 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l'irrecevabilité des conclusions des intimés pour défaut d'acquittement du droit de timbre.
Par ordonnance du 11 avril 2023, le conseiller de la mise en état a refusé de rapporter l'ordonnance d'irrecevabilité.
Par arrêt de la cour de céans du 16 novembre 2023, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance d'irrecevabilité.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des appelants, il est renvoyé aux écritures de ceux-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
M. et Mme [P] contestent le rejet de leurs demandes d'indemnisation fondées d'abord sur un dol puis sur un vice caché.
Il doit être rappelé que l'action en responsabilité délictuelle pour dol ou la réticence dolosive commise avant ou lors de la conclusion du contrat, n'est pas exclusive de l'action en garantie des vices cachés.
Sur le moyen tiré du dol
Selon les articles 1130 et 1131 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Aux termes de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
Les appelants reprochent aux époux [Z] une dissimulation intentionnelle de l'existence d'une fosse septique au sein de leur propriété, information non communiquée avant la conclusion de l'acte de vente le 12 juillet 2019.
En vue de la vente, M. et Mme [Z] ont dû faire établir un diagnostic d'assainissement comme le prévoit le code de la construction et de l'habitation. Le rapport d'analyse du raccordement au réseau collectif d'assainissement a été établi par l'établissement public territorial Grand Paris Grand Est le 12 juin 2019 et annexé à l'acte de vente. Il conclut à une non-conformité des installations intérieures d'assainissement et notamment du raccordement au réseau public de collecte et impose pour la délivrance du certificat de conformité, la réalisation sous 1 an d'une séparation des eaux pluviales et des eaux usées en deux réseaux distincts, une déconnexion des eaux pluviales du réseau territorial d'eaux usées, avec gestion à la parcelle d'un dispositif d'infiltration si la nature du sol le permet et un raccordement au réseau d'eaux pluviales, mise en gargouille après autorisation du gestionnaire de la voirie.
Sur la base de cette analyse, les vendeurs ont fait évaluer les coûts des travaux de mise aux normes à la somme de 2 880 euros TTC, somme qu'ils se sont engagés à verser à titre forfaitaire et définitif au titre des travaux de mise en conformité du réseau d'assainissement alors que les acquéreurs ont déclaré prendre le bien en l'état sans recours contre les vendeurs, faire leur affaire personnelle des travaux de mise en conformité et ont reconnu être informés de leur obligation d'effectuer tous les travaux de mise en conformité à leurs seuls frais, sans aucun recours contre le vendeur. Il est indiqué dans l'acte que le vendeur est exonéré de toute responsabilité vis-à-vis de l'acquéreur quant au respect des règles d'assainissement et que l'acquéreur renonce à toute action à l'encontre de son vendeur sur ce point.
Il est constant que dans les 6 mois ayant suivi la vente, les acquéreurs ont dû faire face à de multiples fuites et infiltrations, constatant à trois reprises que leurs canalisations s'étaient engorgées avec intervention d'entreprises de curage et de désengorgement (société A6T Assainissement et société 2M DIAG).
Selon le diagnostic réalisé le 12 novembre 2019 par la société 2M DIAG, les eaux pluviales se rejettent dans le réseau des eaux usées public pour partie et pour l'autre partie dans une fosse septique obstruée avec des regards intermédiaires non étanches aux infiltrations par eaux pluviales, avec la présence d'une pompe de relevage avec un mélange des eaux et un rejet des wc et d'une salle de bains dans la fosse septique. Le rapport d'intervention de la société Les Déboucheurs de France du 25 novembre 2019 fait également état d'une fosse septique nécessitant un pompage.
Le procès-verbal de constat réalisé par huissier le 29 janvier 2020 à la demande des acquéreurs confirme la présence d'une fosse septique de 3 mètres cube, raccordée à un bac à graisse avec une canalisation déboîtée. Le constat est accompagné de 6 photographies.
Selon facture du 31 mars 2020, les acquéreurs ont fait réaliser la suppression de cette fosse septique.
Il résulte de ce qui précède que l'existence d'une fosse septique n'est en rien mentionnée à l'acte de vente et sa présence n'a été découverte par les acheteurs que postérieurement à la vente du bien immobilier.
L'acte de vente précise que la maison d'habitation a été acquise à l'origine par les époux [U] le 21 décembre 1990, que par suite de leur divorce, le bien a été attribué à M. [D] [M] en 2006, que ce dernier est décédé en 2007 et que le bien a été attribué en indivision à sa fille Mme [C] [M] et à son conjoint survivant Mme [G] [A], qu'il a été mis fin à cette indivision le 27 novembre 2007 aux termes d'un acte de licitation par lequel Mme [G] [A] a cédé le bien à Mme [C] [M] et à M. [K] [Z].
Il est donc établi que M. et Mme [Z] étaient propriétaires du bien en commun depuis l'année 2007, soit 12 années au moment de la vente même si rien n'établit comme l'affirment les appelants que Mme [C] [M] épouse [Z] a quant à elle habité cette maison depuis l'âge de 6 ans et durant 29 années.
Cette durée de possession voire d'occupation des lieux interroge, notamment quant aux obligations pesant sur tout propriétaire de la fosse septique de faire effectuer son entretien régulier afin de garantir son bon fonctionnement par une vidange régulière telles que prévues à l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique.
Il est également pour le moins curieux que la société Veolia en charge du diagnostic d'assainissement préalable à la vente, ait indiqué dans un courrier adressé le 27 janvier 2020 à M. [P] en réponse à sa demande, que lors de sa visite en mai 2019, elle n'avait pu accéder à l'ensemble des installations car le vendeur du pavillon avait expressément précisé qu'il n'y avait pas de point d'eau au sous-sol de sorte que le croquis réalisé ne pouvait mentionner la présence de pompes de relevage au sous-sol.
Ces éléments permettent ainsi de douter du fait que les vendeurs n'aient pas eu connaissance au moment de la vente, de l'existence d'une fosse septique en état de fonctionnement et dans laquelle les eaux usées de deux wc et d'une salle de bains de leur maison étaient rejetées, pour autant, rien n'établit qu'ils aient sciemment caché cette information à de potentiels acquéreurs dans une intention dolosive, d'autant qu'ils ont accepté, au vu du diagnostic préalable à la vente établissant une non-conformité de l'assainissement, de prendre en charge le coût des travaux de mise en conformité du raccordement au réseau collectif d'assainissement public.
C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté les demandes formées sur ce fondement.
Sur le moyen tiré de la garantie des vices cachés
Les appelants recherchent également la responsabilité de leurs vendeurs sur le fondement d'un vice caché devant conduire à leur condamnation à des dommages et intérêts.
Il est rappelé que la Cour de cassation admet l'existence d'une action indemnitaire autonome indépendante de toute action rédhibitoire ou de toute action estimatoire seules prévues à l'article 1644 du code civil.
Selon les articles 1641 à 1649 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. Le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
En l'espèce, ce n'est que le 12 novembre 2019, postérieurement à l'acte de vente du 12 juillet 2019, que la société 2M DIAG a diagnostiqué à la demande des acquéreurs, que les eaux pluviales étaient rejetées pour partie dans le réseau public des eaux usées et pour partie dans une fosse septique obstruée avec des regards intermédiaires non étanches aux infiltrations par eaux pluviales, la présence d'une pompe de relevage avec un mélange des eaux et un rejet des wc et d'une salle de bains dans la fosse septique. L'existence d'une fosse est confirmée par le rapport d'intervention de la société Les Déboucheurs de France du 25 novembre 2019.
La présence d'une fosse obstruée n'a donc pas été révélée lors de la réalisation du diagnostic d'assainissement préalable à la vente de mai 2019 ayant conclu à la non-conformité du raccordement au réseau public et à la nécessité d'une mise en conformité, et l'acte de vente ne fait donc mention que de la non-conformité du raccordement au réseau collectif d'assainissement public avec prise en charge par les vendeurs des travaux pour y remédier.
Les dispositions de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique prévoient que le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte.
Aux termes de l'article L. 1331-5 du même code, dès l'établissement du branchement, les fosses et autres installations de même nature sont mises hors d'état de servir ou de créer des nuisances à venir, par les soins et aux frais du propriétaire.
Il résulte de ce qui précède qu'en cas de raccordement au réseau collectif, les fosses septiques ou autres installations de même nature doivent être neutralisées ou supprimées sous peine de rendre le raccordement non conforme.
La préexistence à la vente de la fosse litigieuse tout comme son caractère non apparent au moment de la vente sont établis, ainsi que les dysfonctionnements rendant l'installation d'assainissement impropre à l'usage attendu du bien immobilier. Il est manifeste que si les acquéreurs avaient eu connaissance de l'existence de cette fosse devant être neutralisée dans le cadre des travaux de mise en conformité de l'assainissement, ils auraient sollicité une prise en charge par les vendeurs des frais de suppression de cette fosse dans l'acte de vente, tout comme ils l'ont fait pour les frais de mis en conformité du raccordement au réseau collectif d'assainissement public
Comme l'a à juste titre retenu le premier juge, l'existence d'un vice caché est établie.
L'acte de vente contient une clause aux termes de laquelle le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices apparents ou cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol, ou les bâtiments à l'exception toutefois et le cas échéant de ce qui est dit ci-dessus sous le titre "Environnement-Santé publique". La clause précise que cette exonération de la garantie des vices cachés ne peut s'appliquer aux défauts de la chose vendue dont le vendeur a déjà connaissance.
La clause d'exonération prévoit une exclusion au paragraphe "Environnement-Santé publique". C'est au sein de ce paragraphe que les vendeurs ont prévu un paragraphe relatif à l'assainissement/eaux usées aux termes duquel ils déclarent que l'immeuble est raccordé directement et de manière autonome au réseau collectif d'assainissement public ainsi qu'il résulte d'un rapport établi le 12 juin 2019 et s'engagent à prendre à leur charge des frais de mise en conformité de l'installation pour 2 880 euros.
Au vu de ce qui précède et en particulier de la durée de possession des lieux, l'existence de la fosse septique litigieuse ne pouvait pas être ignorée des vendeurs de sorte que la clause d'exclusion figurant à l'acte ne trouve pas à s'appliquer. M. et Mme [Z] sont donc tenus à garantie. Partant le jugement est infirmé.
M. et Mme [P] justifient avoir exposé différents frais en vue soit de remédier aux dégâts des eaux constatés soit de supprimer la fosse septique litigieuse. Ils justifient ainsi :
- d'une facture relative à un diagnostic d'assainissement pour 140 euros le 12 novembre 2019,
- d'une facture de pompage pour 300 euros le 25 novembre 2019,
- de factures de dégorgements pour 946 euros le 19 mars 2020,
- d'une facture de suppression de la fosse pour 5 500 euros le 31 mars 2020,
soit une somme totale de 6 886 euros.
Il convient donc de condamner M. et Mme [Z] in solidum à verser aux appelants une somme de 6 886 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice financier.
L'existence d'un préjudice moral n'est pas suffisamment démontrée de sorte qu'il convient de confirmer le rejet de la demande d'indemnisation à ce titre.
Sur les autres demandes
M.et Mme [Z] qui succombent doivent supporter les dépens de première instance et d'appel. Le jugement doit donc être infirmé sur ce point et en ce qu'il a condamné M. et Mme [P] à leur verser une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. M. et Mme [Z] devront verser in solidum à M. et Mme [P] une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [P] Mme [H] [P] née [Y] de leur demande au titre d'un dol et de leur demande d'indemnisation au titre d'un préjudice moral ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que M. [K] [F] [Z] et Mme [C] [S] [M] épouse [Z] sont tenus à la garantie des vices cachés ;
Condamne M. [K] [F] [Z] et Mme [C] [S] [M] épouse [Z] in solidum à payer à M. [B] [P] et Mme [H] [P] née [Y] la somme de 6 886 euros ;
Condamne M. [K] [F] [Z] et Mme [C] [S] [M] épouse [Z] in solidum à payer à M. [B] [P] et Mme [H] [P] née [Y] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [K] [F] [Z] et Mme [C] [S] [M] épouse [Z] in solidum aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente