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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 2, 30 mai 2024, n° 23/01417

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 23/01417

30 mai 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 30/05/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/01417 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U2FM

Ordonnance de référé (N° 22/00122)

rendue le 20 octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire d'Arras

APPELANT

Monsieur [W] [F]

né le 27 janvier 1986 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Jean-Louis Capelle, avocat au barreau de Béthune, avocat plaidant substitué par Me Gautier Lacherie, avocat au barreau de Béthune

INTIMÉS

Monsieur [X] [B]

né le 15 septembre 1955 à [Localité 5]

Madame [C] [A] épouse [B]

née le 12 avril 1956 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentés par Me Céline Pollard, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

Madame [S] [L]

née le 04 septembre 1985 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Monsieur [M] [Z]

né le 13 juillet 1979 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentés par Me Marianne Devaux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 14 mai 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Véronique Galliot, conseiller

Carole Van Goetsenhoven, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 octobre 2023

****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M.[X] [B] et Mme [C] [A] ont, par acte authentique du 19 juillet 2021, acquis de M. [M] [Z] et Mme [S] [L] un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3].

M. [Z] et Mme [L] avaient eux-mêmes acquis de M. [W] [F] et Mme [I] [D] par acte du 17 décembre 2018.

Déclarant avoir constaté par fortes pluies des infiltrations en sous-sol, M. et Mme [B] ont fait réaliser une expertise extra-judiciaire. Le rapport du 22 mai 2022 relevait des traces d'infiltrations et d'humidité.

Par acte du 14 juin 2022, M. et Mme [B] ont fait assigner M. [Z] et Mme [L] ainsi que M. [F] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Arras aux fins de désignation d'un expert

Par ordonnance réputée contradictoire du 2 octobre 202, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Arras a :

- renvoyé les parties à se pourvoir au fond

- ordonné une expertise, confiée à M. [U],

- débouté M . [Z] et Mme [L] de leurs demandes formées à titre principal,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 mars 2023, M. [W] [F] a interjeté appel de cette décision, sollicitant l'annulation ou l'infirmation de l'ordonnance.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2023, M. [F] demande à la cour de :

- Annuler avec l'assignation délivrée le 14 juin 2022 à M. [F], l'ordonnance de référé du 20 octobre 2022,

- subsidiairement, infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné une expertise,

- débouter M. et Mme [B] de leur demande d'expertise,

- condamner M. et Mme [B] à payer à M. [F] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la mention de la constitution d'avocat ne figure pas sur l'assignation qui lui a été délivrée, qu'il s'agit d'une nullité de fond entraînant la nullité de l'ordonnance. À titre subsidiaire, il soutient que la réception tacite de l'immeuble est intervenue avant le 15 juin 2012 et que dès lors l'action en responsabilité décennale est forclose.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2023, M. et Mme [B] demandent à la cour de :

- rejeter l'appel interjeté par M. [F],

- rejeter l'appel incident interjeté par M. [Z] et Mme [L],

- débouter M. [F], M. [Z] et Mme [L] de toutes leurs demandes,

- condamner M. [F] à verser à M. et Mme [B] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

M. et Mme [B] répliquent que l'irrégularité résultant de l'absence de mention du nom de l'avocat constitué est une nullité de forme qui ne peut être prononcée que s'il est démontré qu'elle a causé un grief. Ils font valoir que figure sur l'acte délivré le nom et l'adresse de la SELARL Jean Chroscik, avocat des demandeurs, qu'il était donc identifiable et identifié et que M. [F] ne démontre aucun grief.

Ils ajoutent qu'ils justifient bien d'un motif légitime à ce que soit ordonnée l'expertise, qu'en toute hypothèse la question de la forclusion d'une éventuelle action doit être tranchée au fond en l'absence de réception expresse, qu'au stade du référé M. [F], à qui incombe la preuve de la forclusion, est défaillant à la démontrer.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 juin 2023, M. [Z] et Mme [L] demandent à la cour de :

- réformer l'ordonnance,

débouter M. et Mme [B] de leur demande d'expertise,

si l'ordonnance était confirmée, ils demandent qu'ils leur soit donner acte de ce qu'ils sollicitent que l'expertise soit étendue à M. [F].

Ils opposent à la demande d'expertise, l'absence de motif légitime, dans la mesure où les traces d'humidité étaient apparentes lorsque M. et Mme [B] ont visité l'immeuble, l'action en garantie des vices cachés évoquée par M. et Mme [B] apparaît comme manifestement vouée à l'échec, ils déclarent ne pas avoir entrepris de travaux lorsqu'ils occupaient l'immeuble. Ils demandent à titre subsidiaire que l'expertise soit menée au contradictoire de M. [F].

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2023.

MOTIVATION

Sur la nullité de l'assignation

Selon l'article 752 du code de procédure civile « lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l'assignation contient à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat du demandeur ; (...) »

La nullité encourue en l'absence de mention de l'avocat constitué est une nullité de forme, qui suppose pour que la nullité soit prononcée, la démonstration d'un grief. »

En l'espèce, l'assignation signifiée à M. [F] et délivrée selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile, porte en haut et à gauche la mention suivante :

« ACCEDIT Selarl Jean Chrosik » puis l'adresse et les coordonnées téléphoniques et courrielles de cette société.

L'acte porte également mention de l'étude d'huissier ayant délivré l'acte la SELARL LEXIS.

Outre que ces mentions permettaient d'identifier l'avocat des demandeurs, il ressort des pièces de procédure et notamment de la note d'audience établie le 21 juillet 2022 à laquelle l'affaire était appelée pour la première fois, que bien qu'assigné par procès-verbal de recherches infructueuses, M. [F] s'est présenté le 21 juillet 2022 devant le juge des référés puisqu'il est noté présent et qu'il est indiqué qu'il lui a été recommandé de constituer avocat.

Il résulte de ces observations que M. [F] ne démontre aucun grief qu'aurait pu lui causer l'erreur dans les mentions de l'acte, qu'il était bien en mesure d'assurer sa défense et le moyen sera rejeté.

Sur la demande d'expertise

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

La mesure d'instruction n'est ordonnée que si se trouve établi le motif légitime tenant à l'utilité de la mesure au regard d'une éventuelle action au fond qui ne serait pas manifestement vouée à l'échec.

Le juge du référé, souverain dans l'appréciation du motif légitime, doit considérer la vraisemblance des faits recherchés en preuve et leur influence sur la solution du litige qui pourrait être porté devant les juges du fond. Ainsi, pour caractériser l'existence d'un motif légitime, le juge des référés doit s'assurer que le demandeur établit qu'un procès au fond sera possible entre les parties, que la mesure sera utile et pertinente et que l'action au fond n'est pas d'avance manifestement vouée à l'échec.

En l'espèce, M. et Mme [B] produisent aux débats le rapport de la société Arecas faisant état d'infiltrations en sous-sol de l'immeuble et sollicitent que l'expertise soit ordonnée au contradictoire de M. [Z] et Mme [L], leurs vendeurs et de M. [F] qui a construit l'immeuble.

M. [F] oppose la forclusion de l'action envisagée, il produit pour justifier d'une réception tacite qui serait intervenue au début de l'année 2012, des attestations de proches faisant état d'une pendaison de crémaillère en février 2012.

À défaut de réception expresse, il n'appartient pas au juge des référés de trancher la question d'une réception contestée par les demandeurs, cette question relevant du juge du fond.

L'origine des désordres d'infiltration n'est pas déterminée, si M [Z] et Mme [L] opposent à la demande la mention d'une renonciation à recours figurant à l'acte de vente, il s'observe que seules des traces d'humidité sont visées dans cet acte il apparaît dès lors que les désordres ne consistent pas seulement en humidité mais en infiltrations, la renonciation en recours ne peut être valablement opposées, à tout le moins des investigations sont nécessaires.

Il résulte de ces observations que M. et Mme [B] justifient bien d'un intérêt légitime à la recherche de l'origine des désordres dans la perspective d'un éventuel litige, l'ordonnance sera confirmée.

Sur les frais du procès

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens de première instance.

Succombant en appel, M. [F], qui sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure, sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 000 euros à M. et Mme [B].

PAR CES MOTIFS

La cour

Rejette l'exception de nullité

Confirme l'ordonnance du 20 octobre 2022 en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Déboute M. [W] [F] de sa demande d'indemnité de procédure

Condamne M. [W] [F] aux dépens d'appel,

Condamne M. [W] [F] à payer à M. [X] [B] et Mme [C] [A]- [B], une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Anaïs Millescamps

Le président

Catherine Courteille