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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 30 mai 2024, n° 22/01488

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MC Motors (SAS)

Défendeur :

K

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Defarge

Conseillers :

Mme Duprat, Mme Gentilini

Avocats :

Me Vajou, Me Reche, Me Tournier Barnier, Me Le Sagere, Me Mayol

TJ Nîmes, du 31 mars 2022, n° 22/00452

31 mars 2022

Le 15 novembre 2017, M.[S] [W] a vendu à la Sas MC Motors un véhicule Peugeot 308 SW 1.2 Pure Tech 110 immatriculé [Immatriculation 10] que cette société a revendu le 06 décembre 2017 alors qu'il totalisait 28 823 kms, à M.[U] [B] moyennant le prix de 14 490 euros financé partiellement au moyen d'un crédit affecté de 7 000 euros souscrit le 30 novembre 2017 par l'acheteur et sa compagne Mme [T] [K].

A la suite d'une panne mécanique survenue en janvier 2020, une expertise amiable a été réalisée en février 2021.Les deux experts missionnés par l'assureur de protection juridique de M.[B] et par la Sas MC Motors ont conclu à la nécessité de remplacer le moteur.

Aucun accord amiable n'ayant été trouvé, M.[B] et Mme [K] ont par acte délivré le 19 janvier 2022 assigné la Sas MC Motors devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui, par jugement réputé contradictoire du 31 mars 2022 :

- a prononcé la résolution de la vente du véhicule,

- a condamné la Sas MC Motors :

- à restituer à M.[B] la somme de 14 490 euros,

- à récupérer le véhicule à ses frais, au lieu indiqué par celui-ci et Mme [K] dans le délai d'un mois suivant le paiement de l'intégralité des condamnations mises à sa charge et dit qu'à défaut, ceux-ci seront fondés, à l'expiration de ce délai, à procéder à sa destruction dont le coût sera supporté par la Sas MC Motors,

- à payer à M.[B] et Mme [K] les sommes de :

- 1500 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux dépens.

La Sas MC Motors a interjeté appel du jugement le 25 avril 2022.

Par actes des 18 et 19 juillet 2022, elle a appelé M.[W] et la Sa Automobiles Peugeot en intervention forcée.

Par ordonnance du 23 mars 2023, le conseiller de la mise en état :

- s'est déclaré incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachées soulevée par la Sa Automobiles Peugeot,

- s'est déclaré compétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des appels en interventions forcées,

- a déclaré irrecevables les assignations en intervention forcée de la Sa Automobiles Peugeot et de M.[W] aux fins de garantir la Sas MC Motors des condamnations éventuelles prononcées à son encontre,

- a condamné cette société à supporter la charge des dépens de l'incident et l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée à payer à M.[W] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté la Sa Automobiles Peugeot de sa demande à ce même titre.

Par arrêt rendu le 19 octobre 2023, la cour, statuant sur déféré :

- a infirmé cette ordonnance,

- a déclaré le conseiller de la mise en état incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'évolution du litige soulevée par la Sa Automobiles Peugeot et M.[W], assignés en intervention forcée en cause d'appel, au profit de la cour d'appel statuant au fond,

- a condamné la Sa Automobiles Peugeot et M.[W] à payer à la Sas MC Motors la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance du 26 janvier 2024, la procédure a été clôturée au 11 avril 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 25 avril 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées le 4 décembre 2023, la Sas MC Motors demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau

A titre principal

- de déclarer irrecevables les demandes de Mme [K] et M.[B],

- de rejeter leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ainsi que celles de la Sa Automobiles Peugeot,

- de déclarer recevable l'assignation en intervention forcée de la Sa Automobiles Peugeot et de M.[W],

A titre subsidiaire, s'il est fait droit aux demandes de Mme [K] et M.[B] :

- de déclarer recevables et bien fondées ses demandes :

- à l'encontre de M.[W] :

- à titre principal : de prononcer la résolution de la vente du véhicule Peugeot 308 SW intervenue le 15 novembre 2017 et de condamner M.[W] à lui restituer le prix de vente soit 14 500 euros,

- à titre subsidiaire : de condamner M.[W] à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre,

- à l'encontre de la Sa Automobiles Peugeot :

- de condamner cette société

- à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre,

- à l'indemniser à hauteur de 14 490 euros au titre de son préjudice matériel et de 5000 euros au titre de son préjudice moral pour perte d'image,

En tout état de cause

- de rejeter toutes les demandes, fins prétentions plus amples ou contraires de Mme [K] et M.[B], de la Sa Automobiles Peugeot et de M.[W],

- de condamner chaque succombant à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient que le tribunal n'a pas vérifié la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés introduite par M.[B] et Mme [K] en application de l'article 1648 du Code civil, que cette recevabilité n'est pas davantage justifiée en cause d'appel et que l'action est prescrite ; que l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance n'est pas justifiée, les conditions de l'article 1645 du même code n'étant pas remplies. Subsidiairement, elle fait état de l'évolution du litige au sens de l'article 555 du code de procédure civile, rendant selon elle recevables ses demandes à l'encontre des appelés en intervention forcée, dès lors que le tribunal n'a pas expressément vérifié la recevabilité de l'action introduite par M.[B] et Mme [K], ce qui a motivé son appel, et qu'une modification de jurisprudence est survenue depuis le jugement, constituant un élément nouveau.

Elle considère que si la vente entre elle et les intimés est résolue, elle doit l'être également son vendeur M.[W] et elle, dès lors que la présomption irréfragable de connaissance du vice ne joue pas entre un acquéreur professionnel et un vendeur particulier. A titre subsidiaire, elle précise que la qualité de profane de M.[W] n'est pas de nature à exonérer celui-ci de ses obligations, et d'empêcher la subrogation.

Elle prétend que la Sa Automobiles Peugeot a commis un manquement en ne délivrant pas un véhicule exempt de vices, dès lors que les rapports d'expertise amiable ont mis en évidence un défaut de conception à l'origine du sinistre, qu'il est constant que le moteur équipant le véhicule litigieux présente des dysfonctionnements affectant les moteurs de cette catégorie et que plusieurs pièces démontrent l'existence d'un vice caché.

Elle se prévaut d'un préjudice matériel lié à la nécessité de rembourser le prix du véhicule aux consorts [B]-[K], et d'un préjudice moral eu égard à l'atteinte à son image qu'elle subit.

Enfin, elle considère que les intimés ne justifient pas du quantum de leur préjudice de jouissance, au mépris de l'article 9 du code de procédure civile, et que M. [W] ne caractérise pas l'abus dans l'exercice de son droit d'appel.

Par conclusions notifiées le 07 décembre 2023, Mme [K] et M.[B] sollicitent la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le montant alloué au titre du préjudice de jouissance, qu'ils demandent de porter à 5000 euros.

Ils sollicitent également la condamnation de l'appelante à leur payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Ils exposent que leur action est recevable, dès lors que la panne est survenue le 22 janvier 2020, et que le point de départ de l'action est le jour de la connaissance du vice affectant la chose, soit en l'occurrence le jour du dépôt du rapport d'expertise amiable le 12 février 2021.

Ils considèrent que les conditions nécessaires à la mise en 'uvre de la garantie des vices cachés sont réunies, les deux experts étant d'accord sur l'origine de la panne et que l'appelante, en sa qualité de professionnel de l'automobile, est réputée avoir eu connaissance du vice.

Ils font valoir que celle-ci n'a pas exécuté le jugement de première instance, ce qui justifie l'octroi d'une somme supérieure au titre de leur préjudice de jouissance, puisqu'ils sont toujours privés de l'utilisation de leur véhicule et ne peuvent en racheter un nouveau.

Par conclusions notifiées le 27 février 2024, la Sa Automobiles Peugeot demande à la cour :

A titre liminaire

- de déclarer irrecevable l'action en intervention forcée, en cause d'appel, de la Sas MC Motors à son encontre et de débouter cette société de l'intégralité de ses demandes,

A titre principal

- de débouter la Sas MC Motors de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à son encontre,

A titre subsidiaire

- de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à son encontre,

En tout état de cause

- de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que les conclusions du rapport d'expertise amiable sur lesquelles l'appelante se fonde pour rechercher sa responsabilité étaient déjà connues en première instance et ne constituent pas un élément nouveau susceptible de caractériser l'évolution du litige ; que le fait que le premier juge n'ait pas vérifié la recevabilité de l'action de M.[B] et Mme [K] est relatif au bien-fondé de l'appel et non à sa recevabilité ; que la jurisprudence sur laquelle se fonde l'appelante est postérieure à la délivrance de l'assignation en intervention forcée et qu'en tout état de cause, elle ne constitue pas une évolution du litige ou un fait nouveau au sens de l'article 555 du code de procédure civile.

Subsidiairement, si l'action était déclarée recevable, elle prétend que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un vice caché, le rapport de l'expertise amiable, auquel elle n'a pas participé ne pouvant suffire.

Elle ajoute que les conclusions des deux experts sont contestables en l'absence d'analyse détaillée et circonstanciée du véhicule, et que la preuve du vice ne saurait être rapportée par un article de presse.

Dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, elle expose qu'elle ne saurait être tenue à la restitution du prix de vente, prix qu'elle n'a pas perçu et qui ne constitue pas un préjudice indemnisable ; que le prononcé de la résolution de la vente empêche l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, les deux actions ne pouvant se cumuler ; que ce préjudice n'est pas justifié et subsidiairement, que la demande à ce titre résulte du manquement de l'appelante à son obligation d'exécuter provisoirement le jugement, carence dont elle n'est pas responsable.

Elle prétend enfin que l'appelante n'établit pas l'existence de son préjudice d'image et de notoriété.

Par conclusions notifiées le 18 octobre 2022, M.[W] demande à la cour :

- de déclarer irrecevable l'assignation en intervention forcée délivrée à son encontre par la Sas MC Motors,

- de confirmer le jugement,

- de débouter la Sas MC Motors de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

En tout état de cause

- de condamner la Sas MC Motors à lui payer la somme de 4 000 euros au titre d'une procédure abusive et la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il fait valoir que pour engager sa responsabilité, l'appelante se fonde exclusivement sur une expertise amiable à laquelle il n'était pas partie, réalisée en 2021, soit avant l'introduction de l'instance par M.[B] et Mme [K], de sorte qu'elle ne justifie pas d'une évolution du litige au sens de l'article 555 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicite la confirmation du jugement mais prétend que l'appel en garantie ne peut aboutir, dès lors qu'il a la qualité de profane et l'appelante la qualité de professionnel, comme telle réputée avoir connaissance des vices de la chose vendue.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité des appels en intervention forcée

En application des articles 554 et 555 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

L'évolution du litige permettant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

Le défaut de comparution en première instance suivi d'une comparution en cause d'appel n'implique pas en tant que tel une évolution du litige. I

l est nécessaire de rechercher si dès la première instance, le tribunal ne disposait pas des éléments nécessaires et suffisants parmi les pièces produites, pour mettre en cause les parties appelées en cause d'appel.

Les interventions forcées ne doivent pas être engagées pour réparer un oubli ou une mauvaise appréciation du droit.

Il ne peut être prétendu à une évolution du litige lorsque la mise en cause est fondée sur un rapport d'expertise amiable versé aux débats devant le premier juge.

.Aux termes de ses assignations en intervention forcée, la Sas MC Motors se fonde sur le rapport d'expertise amiable de M.[M] du cabinet OneExpert, concluant que le dysfonctionnement du moteur est imputable à un jeu anormal au niveau du piston n°1, défaut de cette motorisation connu du constructeur, que le problème n'est imputable ni à un défaut d'utilisation ni à un défaut d'entretien mais consécutif à un défaut de conception et que Peugeot France doit prendre en charge sa remise en état.

Les conclusions de cette expertise, qui étaient connues en première instance, permettaient à la Sas MC Motors de mettre en cause dès ce stade le constructeur et le vendeur initial.

Aucune circonstance de fait de nature à caractériser l'évolution du litige n'est par conséquent démontrée.

.La Sas MC Motors excipe subsidiairement de l'intervention d'une circonstance de droit née du jugement, dans lequel n'a pas été expressément vérifiée la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés initialement introduite par M.[B] et Mme [K].

En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Selon l'article 1648 du Code civile l'action en garantie des vices cachés doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la connaissance du vice.

Toutefois, selon l'article 2247 du même code, les juges ne peuvent pas suppléer d'office au moyen résultant de la prescription, même lorsque celle-ci est d'ordre public.

Il en résulte que quand bien même l'action introduite par M.[B] et Mme [K] aurait été prescrite, le juge n'avait pas le pouvoir, même en l'absence de défendeur constitué, de soulever d'office ce moyen et de la déclarer irrecevable.

Ainsi, aucune circonstance de droit née du jugement ne modifie ici les données juridiques du litige ni ne caractérise une évolution de celui-ci permettant de déroger au principe du double degré de juridiction.

.La Sas MC Motors soutient également qu'un revirement de jurisprudence intervenu postérieurement au jugement a modifié l'appréciation du point de départ du délai de forclusion de la garantie des vices cachés.

Une modification de la jurisprudence survenue depuis la décision des premiers juges peut effectivement entraîner une évolution du litige.

Il était précédemment jugé par la chambre commerciale de la Cour de cassation que l'action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce qui court à compter de la vente initiale (Com. 16/01/2019 n° 17-21.477).

Par arrêt du 25 mai 2022 n° 21-18.218, la 3ème chambre civile de la Cour a jugé que le délai de cinq ans de cet article ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l'action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale.

Depuis quatre arrêts rendus en Chambre mixte le 21 juillet 2023 (n° 21-15.809, 21-17.789, 21-19.936 et 20-10.763), le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du Code civil et L.110-4, I du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648 du Code civil, à savoir la découverte du vice.

Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 et L. 110-4 ne peuvent plus être analysés comme des délais butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés.

Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés n'est plus désormais assuré que par l'article 2232 du Code civil, de sorte qu'elle doit être formée dans le bref délai, devenu un délai de deux ans, à compter de la découverte du vice, ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

La Sas MC Motors ne peut toutefois se prévaloir de ce revirement pour justifier à posteriori une assignation en intervention forcée délivrée un an auparavant.

En outre, il s'avère que la 3ème chambre civile avait déjà opéré un changement dans l'appréciation du point de départ du délai de l'action récursoire avant l'arrêt susvisé, puisqu'elle avait jugé le 16 février 2022 (n°20-19.047) que sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, le constructeur dont la responsabilité est retenue en raison des vices affectant les matériaux qu'il a mis en 'uvre pour la réalisation de l'ouvrage doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale ; qu'il s'ensuit que, l'entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d'avoir été lui-même assigné par le maître de l'ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l'article1648 alinéa 1 du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l'ouvrage.

Etant rappelé que l'évolution du litige s'apprécie à la date de la clôture des débats de première instance, il ressort de ce qui précède que la question du point de départ du délai de l'action récursoire en garantie des vices cachés du vendeur contre le fabricant n'est pas une question qui s'est révélée et n'a pas été tranchée postérieurement à la décision de première instance.

Il en résulte qu'aucune circonstance de droit née postérieurement au jugement ne justifie non plus qu'il soit fait dérogation au principe du double degré de juridiction.

.Enfin, en ce qui concerne le recours de la Sas MC Motors à l'encontre de son propre vendeur M.[W], il est constant que lorsque l'acquéreur n'agit contre son propre vendeur que parce que lui-même a été attrait en garantie par le sous-acquéreur, le délai d'action court à compter de l'assignation qui lui est délivrée de sorte que là encore, aucune circonstance de droit née postérieurement au jugement ne permet de déroger au principe du double degré de juridiction.

Le litige n'ayant pas évolué depuis le jugement de première instance, les appels en intervention forcée délivrés par la Sas MC Motors à l'encontre de M.[W] et de la Sa Automobiles Peugeot seront déclarés irrecevables par voie d'infirmation du jugement.

Sur l'action en garantie des vices cachés

Sur la prescription

Selon l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Il incombe au vendeur qui en excipe de prouver que ce délai a expiré.

En l'espèce, les intimés qui évoquent dans leurs conclusions que le véhicule aurait présenté un bruit de claquement lors d'une opération d'entretien le 18 janvier 2019, n'allèguent nullement que ce claquement serait constitutif du vice sur lequel ils fondent leur action.

En effet, le véhicule a continué à rouler sans problème pendant un an et il ressort de la propre documentation produite par l'appelante issue d'une recherche effectuée sur le site internet pagesjaunes.fr (pièce 7) que les claquements moteur peuvent avoir plusieurs causes.

Or, la cause du claquement survenu le 18 janvier 2019 n'a pas été déterminée.

Ce n'est qu'à la suite de la panne survenue le 20 janvier 2020, à la suite de laquelle le garage Peugeot a diagnostiqué une perte de puissance moteur après activation du régulateur de vitesse et préconisé des réparations d'un montant de plus de 8 000 euros, que les intimés et l'appelante ont fait réaliser une expertise contradictoire, chacun étant assisté de son propre expert, dont le rapport aboutit à la même conclusion, savoir la nécessité du remplacement du moteur.

Le rapport de l'expert des intimés, en date du 11 février 2021, qui fait état d'une faiblesse de la motorisation, affectée de nombreuses défaillances chroniques, et permet ainsi de déterminer la nature exacte et la gravité du vice, en fixe la date de la découverte et par voie de conséquence le point de départ du délai de l'action en garantie des vices rédhibitoires.

Les intimés ont assigné leur vendeur par acte délivré le 19 janvier 2022, soit moins de deux ans après la découverte du vice dont ils se prévalent.

Leur action n'est pas prescrite et par conséquent recevable.

Sur la résolution de la vente

L'expert [V] du cabinet Idea indique dans son rapport « le véhicule acheté le 06/12/2017 est affecté d'un grave dysfonctionnement moteur », le piston n° un présentant un jeu très important en latéral, les deux autres pistons présentant également un jeu anormal.

Il évoque « une faiblesse de la motorisation TYPE EB2DT qui équipe ce véhicule, en effet cette motorisation est affectée de nombreuses défaillances chroniques (ovalisation des cylindres-courroie de distribution-ratées d'allumage etc') » et conclut que le moteur est à remplacer.

L'expert [M] du cabinet OneExpert indique « le désordre moteur est imputable à un jeu latéral anormal présent au niveau du piston n° 1 », «ce défaut est connu sur cette motorisation et connu du constructeur », et « le problème n'est ni imputable à un défaut d'utilisation ni à un défaut d'entretien mais consécutif à un défaut de conception », qu'il n'y a aucun lien de causalité entre le désordre et les interventions de la Sas MC Motors et que « la remise en état du véhicule consiste au remplacement du moteur ».

Les deux experts ont dressé un procès-verbal d'examen contradictoire le 11 février 2021 mentionnant « le piston numéro un présente un jeu anormal en latéral », « le moteur est à remplacer » et « les dommages ne résultent pas d'un défaut d'entretien ou de défaut d'utilisation ».

L'appelante conclut au débouté des intimés de leurs demandes au titre du vice caché, sans toutefois contester que le tribunal a caractérisé les quatre conditions nécessaires pour fonder l'action, telles qu'énumérées à l'article 1641 du Code civil.

Au contraire, elle verse aux débats un article publié sur le site internet www.quechoisir.org intitulé « un problème d'ampleur pour Stellantis » duquel il ressort notamment que « certaines déclinaisons du bloc à essence Pueretech font face à de gros soucis qui peuvent aller jusqu'à la rupture du moteur », qu'une campagne de rappel a été réalisée pour tous les véhicules Peugeot 308 fabriqués entre mars 2013 et avril 2017 et que le constructeur est au fait des défauts inhérents à ce moteur.

Ainsi, c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal, considérant que le véhicule était bien affecté d'un défaut, dont la gravité le rend manifestement impropre à l'usage auquel il était destiné, que s'agissant d'un vice de fabrication, il préexistait à la vente, et que M.[B], non professionnel, ne pouvait s'en rendre compte lors de l'achat, a retenu l'existence d'un vice caché, prononcé la résolution de la vente intervenue le 06 décembre 2017 et ordonné la restitution du véhicule et du prix de vente.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

Sur le préjudice de jouissance

Pour accorder aux demandeurs des dommages et intérêts à hauteur de 1500 euros, le premier juge a retenu qu'ils n'avaient pu utiliser leur véhicule depuis le 22 janvier 2020.

En cause d'appel, les intimés sollicitent la somme de 5 000 euros, exposant qu'ils sont toujours privés de la jouissance de leur véhicule et que l'appelante n'a pas exécuté le jugement, pourtant assorti de l'exécution provisoire.

L'appelante sollicite la réformation du jugement sur ce point, faute pour le tribunal d'avoir caractérisé en quoi les conditions de l'article 1645 du Code civil étaient remplies.

En application de cet article, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Le garagiste, vendeur professionnel, est réputé avoir connaissance des défauts affectant la chose vendue et peut être tenu au versement de dommages et intérêts pour réparer un préjudice de jouissance, si la réalité de celui-ci est établie.

En l'espèce, les intimés ne versent aux débats aucune pièce démontrant la réalité du préjudice de jouissance dont ils excipent.

En outre, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire, ils avaient la possibilité de mettre en 'uvre les voies de droit mises à leur disposition pour en obtenir l'exécution forcée, ou de solliciter la radiation de l'appel sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, ce qu'ils n'ont pas fait.

Le jugement sera infirmé de ce chef et ils seront déboutés de leur demande.

Sur la demande de dommages et intérêts

Selon l'article 559 du code de procédure civile en cas d'appel dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.

Le seul fait que l'appel en intervention forcée diligenté par la Sas MC Motors à l'encontre de M.[W] soit déclaré irrecevable n'établit pas le caractère abusif de l'appel interjeté.

M.[W] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La Sas MC Motors, qui succombe en appel et dont les demandes en intervention forcée sont déclarées irrecevables, devra supporter les dépens de la procédure d'appel.

Elle sera en outre condamnée à payer aux intimés la somme de 2 000 euros, et à M.[W] et à la Sa Peugeot Automobiles chacun la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevable l'appel en intervention forcée délivré par la Sas MC Motors à l'encontre de M.[S] [W] et de la Sa Peugeot Automobiles,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachées introduite par M.[U] [B] et Mme [T] [K] à l'encontre de la Sas MC Motors,

Confirme le jugement du 31 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes, sauf en ce qu'il a condamné la Sas MC Motors à payer à M. [U] [B] et Mme [T] [K] la somme de 1 500 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau

Déboute M.[U] [B] et Mme [T] [K] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

Y ajoutant,

Déboute M.[S] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la Sas MC Motors aux dépens d'appel,

Condamne la Sas MC Motors à payer à M.[U] [B] et Mme [T] [K] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas MC Motors à payer à M.[S] [W] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas MC Motors à payer à la Sa Automobiles Peugeot la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par le présidente et par la greffière.