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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 30 mai 2024, n° 21/01567

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 21/01567

30 mai 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 30 MAI 2024

N° RG 21/01567 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MABN

[S] [Y]

[V] [B] [D]

c/

[I] [E] épouse [C]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 février 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG : 11-19-004093) suivant déclaration d'appel du 16 mars 2021

APPELANTS :

[S] [Y]

né le 01 Janvier 1980 à [Localité 8]

de nationalité Française

Profession : Viticulteur,

demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

[V] [B] [D]

née le 17 Juillet 1982 à [Localité 6]

de nationalité Française

Profession : Chargée de clientèle,

demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

Représentée par Me MARGERIN substituant Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

[I] [E] épouse [C]

née le 30 Décembre 1947 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]

Représentée par Me Edwige HARDOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Jacques BOUDY

Conseiller : Monsieur Alain DESALBRES

Conseiller : Monsieur Rémi FIGEROU

Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte authentique en date du 20 juillet 2017, Monsieur [S] [Y] et Madame [V] [B] [D] ont acquis de Madame [I] [C] une maison à usage d'habitation située [Adresse 5] à [Localité 2] (Gironde).

Quelque temps après cette acquisition les acquéreurs ont été confrontés à des refoulements dans les canalisations de l'habitation, des odeurs nauséabondes et le blocage de l'installation de l'assainissement non collectif de l'immeuble.

Les acquéreurs ont fait intervenir le service public d'assainissement non collectif (SPANC) de [Localité 6] Métropole afin de vérifier l'installation existante. Le rapport de vérification en date du 25 janvier 2018 mentionne 'installation non conforme'.

Par courrier en date du 23 mars 2019, l'assurance protection juridique des acquéreurs a interrogé Mme [C] afin de trouver une solution amiable au litige. Sans réponse, une expertise amiable a été organisée, puis le juge des référés a été saisi aux fins d'ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 3 mai 2019, le juge des référés a désigné M. [K] [H] en qualité d'expert judiciaire.

Le rapport d'expertise a été déposé le 18 octobre 2019.

Dans son rapport, l'expert judiciaire a notamment conclu que la fosse était pleine et qu'il y avait un mauvais écoulement dans le regard de répartition, et que ces non-conformités n'étaient décelables, par un professionnel comme par un profane, que dans des conditions d'habitation de la maison.

Par acte du 31 octobre 2019, les consorts [Y]-[D] ont assigné Mme [C] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d'engager une action estimatoire à son encontre et obtenir des dommages et intérêts.

Par jugement du 22 février 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux, pôle protection et proximité :

- a débouté M. [Y] et Mme [D] de leur demande de condamnation de Mme [C] d'avoir à leur verser la somme de 5 700 euros au titre de l'action estimatoire,

- les a débouté de leur demande de condamnation de Mme [C] d'avoir à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des dommages et intérêts,

- a dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire du jugement,

- a dit que chaque partie gardera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a personnellement engagés pour la présente instance et qu'il en sera de même pour les dépens,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. [Y] et Mme [D] ont relevé appel du jugement le 16 mars 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 28 juin 2021, les consorts [Y]-[D] demandent à la cour de :

- voir déclarer recevable et bien fondé leur appel,

- voir réformer le jugement dont appel en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de condamnation de Mme [C] à leur payer :

- 5 700 euros au titre de l'action estimatoire,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le remboursement des dépens comprenant les frais du référé, de l'expertise et de l'action au fond,

- voir condamner Mme [C] à leur payer la somme principale de 5 700 euros, au titre de l'action estimatoire et, à titre subsidiaire, en réfaction du prix de vente ou à titre de dommages et intérêts,

- voir également condamner Mme [C] à leur payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour compenser leur préjudice immatériel,

- voir débouter Mme [C] de toutes ses demandes contraires et/ou reconventionnelles,

- voir condamner Mme [C] à leur payer la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure de référé, de l'expertise, de la procédure au fond de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Dominique Laplagne, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 juin 2021, Mme [C] demande à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1104 et 1641 du code civil, et 32-1 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement dont appel,

- dire et juger recevable la demande reconventionnelle qu'elle a formée pour procédure abusive,

en conséquence,

- condamner les consorts [Y]-[D] à payer à Mme [C] la somme de 2 500 euros pour procédure abusive,

en tout état de cause,

- les débouler de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- les condamner au paiement de la somme de la 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'appel principal

Le tribunal a débouté M. [Y] et Mme [D] de leurs demandes après avoir relevé que l'acte de vente contenait en faveur du vendeur de l'immeuble, une clause de non garantie des vices cachés et qu'il n'était pas démontré que Mme [C] ait eu connaissance avant la vente d'un dysfonctionnement affectant le système d'assainissement de l'immeuble.

M. [Y] et Mme [D] font notamment valoir que l'immeuble a été vendu sans qu'ils aient été informés de la non-conformité du réseau d'assainissement. Or, cette non-conformité a été sciemment occultée dans le cadre des pourparlers contractuels. Les appelants s'en sont rendu compte après la prise de possession de l'ouvrage. Ils sont donc en droit d'invoquer un vice antérieur à la vente, caché par les vendeurs, et diminuant tellement l'usage du bien qu'ils ne l'auraient pas acquis ou l'auraient fait pour un moindre prix. Ainsi que l'expertise l'a démontrée, les vendeurs connaissant les vices de la chose si bien qu'ils ne sauraient se prévaloir de la clause de non-garantie figurant à l'acte notarié.

Pour sa part Mme [C] rappelle qu'elle n'a jamais habité l'immeuble vendu et qu'elle n'avait pas connaissance des non-conformités consistant en des vices cachés du fonctionnement du système d'assainissement, circonstance qui établit sa bonne foi. De plus, le prix de vente a été convenu compte tenu d'une éventuelle non-conformité et les acquéreurs avaient expressément convenu de prendre à leur charge exclusive toute mise aux normes nécessaires. De plus par le passé, les services de la SPANC ont conclu le 27 avril 2017 à une absence de défaut. De même le 18 juillet 2016, la mairie avait conclu à la conformité des travaux de construction de l'immeuble au permis de construire.

***

Aux termes de l'acte de vente passé entre les parties le 20 juillet 2017 il était expressément stipulé que le vendeur ne serait pas tenu à la garantie des vices apparents ou cachés.

Les acquéreurs soutiennent toutefois que cette clause ne peut recevoir effet dès lors que Mme [C] aurait eu connaissance des désordres affectant le complexe d'assainissement de l'immeuble.

La connaissance par leur vendeur de ce vice caché résulterait d'une part du rapport d'expertise judiciaire et d'autre part du rapport de la SPANC du 25 janvier 2018.

Or, si l'expert judiciaire a démontré l'existence d'un défaut de conformité de l'installation, il n'a nullement démontré la connaissance par Mme [C] de celui-ci, reprochant seulement à cette partie de ne pas lui avoir communiqué les pièces justificatives de l'entretien du système d'assainissement.

Mme [C] a toujours affirmé, sans être utilement démentie, n'avoir jamais habité l'immeuble litigieux alors que l'expert judiciaire a précisé dans son rapport que les désordres n'étaient décelables, par un professionnel, comme par un profane, que dans des conditions d'habitation de la maison.

Par ailleurs, le fait que le système d'assainissement ne soit pas conforme à ce qui était prescrit en 2005 par la réglementation de la commune et qui aurait dû être observé pour les travaux, objet du permis de construire ne signifie pas que le maître de l'ouvrage ou celui qui vient à ses droits, connaissait cette non-conformité.

A titre subsidiaire, les appelants fondent leurs demandes sur le dol, et ainsi d'une réticence dolosive de Mme [C].

Toutefois, ils partent du même postulat non démontré de la connaissance par Mme [C] des désordres avant la vente qui les aurait cachés.

Ils ne démontrent cependant aucune dissimulation, ni aucune man'uvre qu'aurait exercée l'intimée pour leur cacher les désordres afin de les inciter à acheter le bien.

Ils se contentent d'affirmer que cette dissimulation serait «'évidente'», les seules considérations de l'expert judiciaire sur le fondement de sa seule conviction sont insuffisantes pour anéantir la clause de non garantie contenue dans l'acte de vente.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [Y]/ [D] de leurs demandes.

Sur l'appel incident

Mme [C] considére que la procédure entreprise par les appelants serait abusive. Elle fait valoir qu'elle se trouve ainsi dans une situation d'insécurité juridique l'obligeant à engager davantage de frais. En conséquence, elle demande à être indemnisée au titre de cette procédure abusive.

Les appelants considèrent au contraire qu'ils ont exercé une voie de recours sans faute.

***

Si les appelants succombent à nouveau devant la cour d'appel, ils n'est cependant pas démontré que leur recours au juge, y compris à celui du second degré, ait été abusif alors qu'ils ont présenté à chaque fois des demandes fondées et argumentées.

En conséquence, Mme [C] sera déboutée de sa demande au titre d'une procédure abusive.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

M. [Y] et Mme [D] succombant en leur appel seront condamnés aux dépens et à verser à Mme [C] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris, y ajoutant':

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne solidairement M. [S] [Y] et Mme [V] [B] [D] à verser à Mme [I] [E] épouse [C] la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne solidairement M. [S] [Y] et Mme [V] [B] [D] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,