Décisions
CA Bordeaux, 2e ch. civ., 30 mai 2024, n° 21/01728
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 30 MAI 2024
N° RG 21/01728 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAOR
[E] [F]
c/
[O] [R]
[Y] [J]
[L] [V]
[B] [P]
S.A.S. SAUR
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 janvier 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LIBOURNE (RG : 17/00941) suivant déclaration d'appel du 23 mars 2021
APPELANTE :
[E] [F]
née le 29 Novembre 1961 à [Localité 7] (95)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE
et assistée de Me Jacques DEMAY, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
INTIMÉS :
[O] [R]
né le 20 Février 1979 à [Localité 9]
de nationalité Française
Profession : Ambulancier,
demeurant [Adresse 2]
[Y] [J]
née le 07 Juillet 1979 à [Localité 9]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Isabelle LECOQ, avocat au barreau de LIBOURNE
[L] [V]
né le 02 Mai 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
Profession : Notaire,
demeurant [Adresse 4]
[B] [P]
né le 12 Mai 1951 à [Localité 5]
de nationalité Française
Profession : Notaire,
demeurant [Adresse 4]
Représentés par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.S. SAUR
inscrite au RCS de NANTERRE sous le n°339 379 984, dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 8]
Représentée par Me Marjorie GARY LAFOSSE de la SELARL GARDACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée de Me GOBÉ substituant Me Grégoire TERTRAIS de la SELARL ATLANTIC-JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 02 avril 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par un acte reçu le 28 août 2014 par Me [B] [P], notaire, Mme [E] [I] [M] [F] vendait aux consorts [O] [R] et [Y] [J], un immeuble à usage d'habitation sis au [Adresse 2] (33).
Afin de préparer l'acte de cession de l'immeuble, conformément à l'article L.1331-11-1 du code de la santé publique, Maître [B] [P] avait demandé à la société Saur, délégataire du Service Public de l'Assainissement Communal (SPANC) de [Localité 6], d'établir un diagnostic du système d'assainissement de l'immeuble.
Ce document ne révélant aucun dysfonctionnement était annexé au compromis de vente et à l'acte de vente dans lequel il était mentionné au sujet de l'assainissement.
Pourtant, dès leur prise de possession des lieux, les consorts [R] et [J] se sont rendus compte des dysfonctionnements du système dl'assainissement individuel et des odeurs nauséabondes en provenant.
Ayant sollicité une société de vidange pour vider la fosse septique le 17 novembre 2015, ils apprenaient à cette occasion que celle-ci était hors d'usage pour avoir été condamnée, et que c'était le puisard, non conforme, qui en faisait office.
Les consorts [O] [R] et [Y] [J] devaient faire appel le 16 mars, puis le 15 juin 2016, au vidangeur qui indiquait que seul un puisard était en fonctionnement puisque la fosse septique n'était plus opérationnelle, envahie par les matières lorsque le puisard ne peut plus les contenir.
Après avoir vainement tenté de résoudre cette difficulté en s'adressant au notaire instrumentaire et à Mme [E] [F], les consorts [R] et [J] se tournaient vers la Saur, dont le technicien leur affirmait qu'il n'avait pas visité l'installation, se fiant, comme le mentionnait son rapport, aux déclarations de conformité de Mme [F].
Les requérants faisaient alors à deux reprises, les 13 et 15 juin 2016, constater par ministère d'huissiers de justice, le dysfonctionnement de l'installation sanitaire : débordement du puisard à l'extérieur, des eaux usées du bac dégraisseur sur le sol de la véranda, odeurs nauséabondes, non fonctionnalité de la fosse septique.
Ils saisissaient dans ces conditions d'une demande d'expertise le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux , qui par ordonnance rendue le ler septembre 2016, désignait M. [H] pour y procéder.
L'expert déposait son rapport le 15 juin 2017, dont il ressortait une non-conformité des ouvrages présentant notamment une anomalie dans le raccordement des toilettes que Mme [F] avait fait réaliser.
Il mettait également en cause la Saur pour son rapport de contrôle de 2014.
Par jugement en date du 29 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Libourne a :
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur à verser aux consorts [O] [R] et [Y] [J] la somme de 1.078 euros au titre de leur préjudice économique,
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur à verser aux consorts [O] [R] et [Y] [J] la somme de 12.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur à verser aux consorts [O] [R] et [Y] [J] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur à verser à Me [P] et Me [V] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur aux entiers dépens, en ce compris les frais des constats établis par la SCP Goursaud-Proveux et les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration électronique en date du 23 mars 2021, Madame [E] [F] a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 16 décembre 2021, Madame [E] [F] demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions,
- débouter Monsieur [R] et Mademoiselle [J], la Saur et Maîtres [P] et [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées à son encontre,
À titre subsidiaire,
- condamner la Saur à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner Monsieur [R] et Mademoiselle [J] à lui rembourser la somme de 14 402,66 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021 sur la somme de 7 000 euros et du 8 novembre 2021 sur la somme de 7 402,66 euros
- condamner Monsieur [R] et Mademoiselle [J] et à défaut la Saur à lui verser une indemnité d'un montant de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure, y compris les frais d'expertise.
Dans leurs dernières conclusions du 22 novembre 2021, Monsieur [O] [R] et Madame [Y] [J] demandent à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Mme [F] contre le jugement incriminé,
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel incident interjeté par la Saur contre le jugement incriminé,
- confirmer purement et simplement le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions,
- y ajoutant, condamner solidairement Mme [F] et la Saur à leur verser la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel,
Dans leurs dernières conclusions du 19 octobre 2021, Maître [B] [P] et Maître [L] [V] demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne le 29 janvier 2021,
- débouter la société Saur de l'ensemble de ses demandes formulées à leur encontre, Y ajoutant,
- condamner le ou les succombants à régler une somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner le ou les succombants aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 23 septembre 2021, la SAS Saur demande à la cour de :
Sur l'appel principal,
- débouter Madame [E] [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Sur l'appel incident de la Saur,
A titre principal,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il retenu sa responsabilité vis-à-vis de Monsieur [R] et Madame [J] et l'a condamnée à les indemniser au titre des différents postes de préjudices retenus, au visa de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance en cela y compris les frais de constats,
- débouter Monsieur [R] et Madame [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées contre elle,
- les condamner à lui rembourser l'intégralité des sommes versées en exécution provisoire des décisions prises par le tribunal judiciaire de Libourne (incident et fond), majorées des intérêts légaux depuis l'intervention de ces règlements outre capitalisation annuelle des intérêts échus,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il l'a condamnée au profit de Maître [P] et Maître [V] au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Maître [P] et Maître [V] à lui rembourser les sommes versées à leur profit (article 700 et dépens) en exécution du jugement majorées des intérêts légaux depuis l'intervention de ces règlements outre capitalisation annuelle des intérêts échus,
- débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées à son encontre,
- condamner Monsieur [R] et Madame [J] à lui verser une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel,
À titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, la cour retenait une part de sa responsabilité,
- constater que le tribunal a omis de statuer sur les demandes de garanties présentées par elle à l'encontre de Madame [F] et de Maîtres [P] et [V] et infirmer, autant que nécessaire, le jugement à ce titre,
- condamner conjointement et solidairement Madame [F] et Maîtres [B] [P] et [L] [V] à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, accessoire, frais et intérêts,
- condamner Madame [F] et Maîtres [B] [P] et [L] [V], à lui verser une somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est constant que Mme [F] avait procédé à l'acquisition de la maison en question le 18 novembre 2011.
Antérieurement, la société Saur, délégataire du service public d'assainissement de [Localité 6] (SPANC), avait réalisé, le 5 avril 2011, une visite de contrôle qui relevait que 'le dispositif possède tous les éléments requis pour fonctionner', qu'il fonctionnait correctement et sous la rubrique destiné à l'avis du service sur le degré de conformité : 'la réhabilitation n'est pas indispensable'.
Ce rapport comportait néanmoins une remarque du technicien :
'Les données sont recueillies auprès du propriétaire. Leur exactitude en dépend.
Installation sous mentionnée (lire selon toute probabilité sous-dimensionnée) par rapport à la capacité d'accueil de la maison mais suffisante pour le nombre d'occupants actuels. Un système d'assainissement des eaux usées correctement dimensionné et adapté au type de sol doit être mis en place'.
Il était également précisé qu'il manquait une ventilation secondaire pour limiter la corrosion des éléments en béton.
Lors de la revente, le 28 août 2014, avait été annexé un 'compte-rendu de bon fonctionnement' réalisé le 20 mai 2014 également par un technicien de la société Saur qui mentionnait au titre du descriptif de la filière : 'filière complète sans irrégularité' et au titre des conditions de fonctionnement : 'bon état de fonctionnement'.
La conclusion en était : 'installation satisfaisante en bon état de fonctionnement, sans impact et sans risque'.
Dans son rapport, l'expert judiciaire conclut pourtant ainsi :
'Le réseau d'assainissement présente une anomalie. Ce dysfonctionnement provient d'une mauvaise évacuation des effluents qui entraîne un remplissage prématuré des ouvrages et le colmatage des toilettes.
Les causes de ce dysfonctionnement proviennent d'une anomalie dans le raccordement des toilettes que Madame [F] a fait réaliser.
En effet, ces toilettes sont directement raccordées dans le puisard sans passer par la fosse septique. Le drain d'épandage doit être complètement obturé à cause des flottants qui, n'étant pas retenus par la fosse septique, se déversent directement dans le puisard et donc dans le drain qui se colmate puisque les fentes prévues pour l'épandage d'un drain ne peuvent laisser passer les flottants. Il est donc inévitable que le drain d'épandage soit complètement obturé.
Nous avons également observé l'absence de ventilation secondaire. Ceci explique les mauvaises odeurs et pose un problème important car, comme les ouvrages sont en béton, s'il n'y a pas d'aération secondaire située en sortie de fosse, l'altération des bétons par le H2S peut être importante et il y a risque d'écroulement des ouvrages »
« Il y a effectivement un dysfonctionnement de la fosse septique.
L'anomalie qui crée le dysfonctionnement préexistait le jour de la vente mais les effets ne devaient pas être aussi évidents. Madame [F] étant à l'époque la seule occupante de la maison, la quantité d'effluents était bien moindre qu'aujourd'hui avec quatre occupants et on peut donc considérer qu'il y avait moins de problèmes. De plus, au fil des années, le
colmatage du drain d'épandage ne peut que s'accentuer »
I-Sur la responsabilité de Mme [F]
L'acte notarié du 28 août 2014 comporte une clause de non-garantie des vices cachés au profit du vendeur et par ailleurs, le notaire instrumentaire avait annexé le 'compte-rendu de bon fonctionnement' du 20 mai 2014 en application de l'article 271-4 du code de la construction et de l'habitation qui, dans son 8 °, impose de joindre au dossier de diagnostic technique prévu en cas de vente d'un immeuble bâti, 'le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif mentionné à l'article L. 1331-11-1 du code de la santé publique.'
Les acquéreurs et la société Saur considèrent que Mme [F] ne saurait se retrancher derrière la clause d'exonération de garantie des vices cachés, au motif qu'elle était à l'origine des travaux qui ont conduit à l'apparition des désordres et qu'elle ne pouvait ignorer l'existence de ces derniers.
Qu'en effet, elle avait eu connaissance du rapport précédent, du 5 avril 2011, dont il résultait déjà qu'il existait un défaut de conformité et que surtout, l'installation d'assainissement n'était en état de fonctionner correctement que dans la seule mesure où l'immeuble n'était occupé que par une seule personne.
Cependant, il n'est nullement établi que Mme [F] avait connaissance de l'état non conforme du système d'assainissement individuel, ne serait-ce que parce que le document réalisé le 20 mai 2014 par le technicien de la Saur était de nature à la conforter dans l'opinion contraire, quand bien même, à en croire la Saur, celui-ci ne serait pas le document exigé par la réglementation.
De la même manière, contrairement à ce qui est soutenu, le rapport du 5 avril 2011 annexé à son acte d'achat, à supposer qu'elle en ait gardé le souvenir au moment de la revente, garantissait au contraire la conformité du système malgré quelques réserves.
S'il est exact que ce sont avant tout les travaux qu'elle a fait réaliser par la suite, mais avant la rédaction du rapport du 20 mai 2014, qui ont modifié profondément le dispositif, rien ne permet de penser que, profane en la matière et ne les ayant pas réalisés elle-même, elle avait eu connaissance de cette situation.
À cet égard, il importe peu qu'elle se soit avérée incapable d'indiquer quel était l'artisan qui avait réalisé les travaux, ou même qu'elle ait été réticente à le faire, et le tribunal ne pouvait s'appuyer sur ce seul fait pour en déduire sa responsabilité.
Vivant seule de sorte que l'installation était nettement moins mise à contribution, il n'est pas établi non plus qu'elle aurait pu, ou dû, être alertée par des émanations nauséabondes.
Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a retenu sa responsabilité.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement des sommes versées par Mme [F] en exécution du jugement infirmé puisqu'il s'agit d'un effet nécessaire et opérant de plein droit de l'infirmation.
II- Sur la responsabilité de la société Saur
Pour conclure à son exonération, la société Saur rappelle que les textes qui régissent la question et qui imposent donc un contrôle des installations d'assainissement individuelles en cas de vente énumèrent précisément toutes les vérifications qui doivent être opérées.
Selon elle, celles-ci sont sans rapport aucun avec ce qui figure sur le document dont se prévalent la venderesse et le notaire instrumentaire qui ne peuvent se retrancher derrière lui pour se considérer comme exempts de toute faute.
Elle ajoute qu'au demeurant, ce document ne faisait que reprendre les propres déclarations de la propriétaire.
Mais, outre le fait que, comme le font remarquer Mes [P] et [V], il est assez étrange que la Saur se prévale elle-même de la totale inutilité et même du caractère erroné d'un document qu'elle a délivré, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas contesté qu'il fait état d'une situation inexacte.
S'il se bornait, comme elle le prétend, à reprendre les déclarations de la propriétaire qui, par définition, n'a pas les compétences nécessaires, il s'agissait alors d'un document à la fois inutile, fautif et de nature à induire en erreur toute personne amenée à le consulter.
En réalité, la Saur n'explique nullement à quelle fin, selon elle, ce document était censé parvenir si ce n'est précisément celle envisagée par les textes applicables en cas de vente alors de surcroît, qu'il a été établi en un temps proche de la vente et lui était donc manifestement destinée.
Par conséquent, sa responsabilité est parfaitement établie et sera retenue.
III- Sur les recours en garantie formés par la Saur
Dans la mesure où la responsabilité de Mme [F] a été écartée en l'absence de faute de sa part, le recours dirigé contre elle par la Saur le sera également.
S'agissant du notaire instrumentaire, la Saur soutient que celui-ci ne pouvait se méprendre sur la nature du document annexé à l'acte et qui était impropre à caractériser celui qui devait être joint au dossier de diagnostic.
Que par conséquent, en s'en contentant sans l'analyser, il aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Mais s'il est exact que le notaire ne peut pas se borner à annexer les différentes pièces justificatives du dossier de diagnostic sans un examen de leur contenu, et notamment de leurs conclusions, il n'est pas pour autant juge de la méthode employée par leurs auteurs.
En l'espèce, le notaire n'avait donc pas à vérifier le respect de la procédure suivie par le technicien et au demeurant, si en effet le rapport du 20 mai 2014 apparaissait comme assez succinct, il ne l'était guère plus que celui du 5 avril 2011 dont il n'est pas contesté qu'il répondait bien à la procédure exigée.
Aucune faute ne sera donc retenue à la charge du notaire.
IV- Sur le préjudice
Les consorts [R] et [J] sollicitent la confirmation pure et simple du jugement qui a évalué leur préjudice de la manière suivante :
- mise en conformité de l'installation sanitaire : 10 151,90 €
- préjudice économique : 1 078 € correspondant aux frais des vidanges fréquentes
- préjudice de jouissance : 12 000 €
Sur le premier point, la Saur considère que puisque l'existence d'un système d'assainissement individuel est subordonné à l'absence de possibilité de raccordement
au réseau public, il appartient aux demandeurs d'en rapporter la preuve.
Mais dès lors que l'acte de vente avait constaté l'absence de réseau public, c'est en réalité à la Saur de faire la preuve inverse, celle-ci disposant d'ailleurs, par hypothèse, de toutes les informations nécessaires à ce sujet.
Elle affirme aussi que la réparation susceptible d'être allouée ne saurait s'analyser que comme destinée à compenser une perte de chance de faire supporter au vendeur le coût des travaux nécessaires ou d'obtenir un prix de vente plus bas.
Mais il est de principe qu'en cas de diagnostic erroné, le diagnostiqueur responsable est tenu de réparer les dommages matériels et de jouissance subis par l'acquéreur dans leur intégralité, s'agissant d'un préjudice certain.(Ch. Mixte, 8 juil. 2015, n°13-26.686).
En l'espèce, le coût des travaux de remise en état n'est pas contesté et sera donc avalisé.
Sur le second point, la Saur soutient que de toute façon, indépendamment de tout dysfonctionnement, les consorts [R] et [J] auraient dû faire des vidanges et sur le troisième point, elle affirme que le préjudice invoqué n'est absolument pas justifié.
Cependant, la demande relative à des coûts de vidange révèle que celles-ci ont été réalisées les 17 novembre 2015, 16 mars, 15 juin et 2 décembre 2016, 6 juin et 14 août 2017 soit 6 fois en moins de trois ans alors qu'il n'est pas démontré ni même soutenu qu'au cours de la même période, une vidange normale aurait été nécessaire.
Le préjudice de jouissance subi est incontestable compte tenu de la gêne occasionnée par les odeurs pestilentielles dégagées par le système, les refoulements et débordements de liquides issus des toilettes etc. et ce, de manière répétée pendant plusieurs années.
Cependant, ce préjudice sera évalué à la somme de 8000 € et le tribunal qui l'a arrêté à celle de 12 000 € sera donc réformé.
Il le sera nécessairement en ce qui concerne les dépens qui pèseront exclusivement sur la société Saur de même qu'en ce qui concerne les allocations décidées par application de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, celle-ci supportera également la charge des dépens et versera la somme de 2000 € à Maîtres [P] et [V] ainsi qu'une somme semblable aux consorts [R] et [J], par application du texte susvisé.
Il ne sera pas fait application de ces dispositions au profit de Mme [F] et au préjudice de M. [R] et de Mme [J].
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la SAS Saur à payer à M. [O] [R] et à Mme [Y] [J] les sommes de :
- 10 151,90 € au titre des frais réparatoires
- 1 078 € au titre des dépense de vidange
- 8000 € au titre du préjudice de jouissance
Déboute M. [O] [R] et Mme [Y] [J] de leurs demandes dirigées contre Mme [F] et la société Saur de ses appels en garantie dirigés contre Mme [F] et maîtres [B] [P] et [L] [V].
Condamne la Sas Saur aux entiers dépens de première instance ainsi qu'à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 2500 € à M. [O] [R] et Mme [Y] [J], pris ensemble, et de 1500 € à maîtres [P] et [V], pris ensemble.
Y ajoutant,
Condamne la Sas Saur aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 2000 € à M. [O] [R] et Mme [Y] [J], pris ensemble et de 2000 € à maîtres [P] et [V], pris ensemble.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 30 MAI 2024
N° RG 21/01728 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAOR
[E] [F]
c/
[O] [R]
[Y] [J]
[L] [V]
[B] [P]
S.A.S. SAUR
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 janvier 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LIBOURNE (RG : 17/00941) suivant déclaration d'appel du 23 mars 2021
APPELANTE :
[E] [F]
née le 29 Novembre 1961 à [Localité 7] (95)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE
et assistée de Me Jacques DEMAY, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
INTIMÉS :
[O] [R]
né le 20 Février 1979 à [Localité 9]
de nationalité Française
Profession : Ambulancier,
demeurant [Adresse 2]
[Y] [J]
née le 07 Juillet 1979 à [Localité 9]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Isabelle LECOQ, avocat au barreau de LIBOURNE
[L] [V]
né le 02 Mai 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
Profession : Notaire,
demeurant [Adresse 4]
[B] [P]
né le 12 Mai 1951 à [Localité 5]
de nationalité Française
Profession : Notaire,
demeurant [Adresse 4]
Représentés par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.S. SAUR
inscrite au RCS de NANTERRE sous le n°339 379 984, dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 8]
Représentée par Me Marjorie GARY LAFOSSE de la SELARL GARDACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée de Me GOBÉ substituant Me Grégoire TERTRAIS de la SELARL ATLANTIC-JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 02 avril 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par un acte reçu le 28 août 2014 par Me [B] [P], notaire, Mme [E] [I] [M] [F] vendait aux consorts [O] [R] et [Y] [J], un immeuble à usage d'habitation sis au [Adresse 2] (33).
Afin de préparer l'acte de cession de l'immeuble, conformément à l'article L.1331-11-1 du code de la santé publique, Maître [B] [P] avait demandé à la société Saur, délégataire du Service Public de l'Assainissement Communal (SPANC) de [Localité 6], d'établir un diagnostic du système d'assainissement de l'immeuble.
Ce document ne révélant aucun dysfonctionnement était annexé au compromis de vente et à l'acte de vente dans lequel il était mentionné au sujet de l'assainissement.
Pourtant, dès leur prise de possession des lieux, les consorts [R] et [J] se sont rendus compte des dysfonctionnements du système dl'assainissement individuel et des odeurs nauséabondes en provenant.
Ayant sollicité une société de vidange pour vider la fosse septique le 17 novembre 2015, ils apprenaient à cette occasion que celle-ci était hors d'usage pour avoir été condamnée, et que c'était le puisard, non conforme, qui en faisait office.
Les consorts [O] [R] et [Y] [J] devaient faire appel le 16 mars, puis le 15 juin 2016, au vidangeur qui indiquait que seul un puisard était en fonctionnement puisque la fosse septique n'était plus opérationnelle, envahie par les matières lorsque le puisard ne peut plus les contenir.
Après avoir vainement tenté de résoudre cette difficulté en s'adressant au notaire instrumentaire et à Mme [E] [F], les consorts [R] et [J] se tournaient vers la Saur, dont le technicien leur affirmait qu'il n'avait pas visité l'installation, se fiant, comme le mentionnait son rapport, aux déclarations de conformité de Mme [F].
Les requérants faisaient alors à deux reprises, les 13 et 15 juin 2016, constater par ministère d'huissiers de justice, le dysfonctionnement de l'installation sanitaire : débordement du puisard à l'extérieur, des eaux usées du bac dégraisseur sur le sol de la véranda, odeurs nauséabondes, non fonctionnalité de la fosse septique.
Ils saisissaient dans ces conditions d'une demande d'expertise le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux , qui par ordonnance rendue le ler septembre 2016, désignait M. [H] pour y procéder.
L'expert déposait son rapport le 15 juin 2017, dont il ressortait une non-conformité des ouvrages présentant notamment une anomalie dans le raccordement des toilettes que Mme [F] avait fait réaliser.
Il mettait également en cause la Saur pour son rapport de contrôle de 2014.
Par jugement en date du 29 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Libourne a :
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur à verser aux consorts [O] [R] et [Y] [J] la somme de 1.078 euros au titre de leur préjudice économique,
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur à verser aux consorts [O] [R] et [Y] [J] la somme de 12.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur à verser aux consorts [O] [R] et [Y] [J] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur à verser à Me [P] et Me [V] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
- condamné solidairement Mme [E] [F] et la société Saur aux entiers dépens, en ce compris les frais des constats établis par la SCP Goursaud-Proveux et les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration électronique en date du 23 mars 2021, Madame [E] [F] a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 16 décembre 2021, Madame [E] [F] demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions,
- débouter Monsieur [R] et Mademoiselle [J], la Saur et Maîtres [P] et [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées à son encontre,
À titre subsidiaire,
- condamner la Saur à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner Monsieur [R] et Mademoiselle [J] à lui rembourser la somme de 14 402,66 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021 sur la somme de 7 000 euros et du 8 novembre 2021 sur la somme de 7 402,66 euros
- condamner Monsieur [R] et Mademoiselle [J] et à défaut la Saur à lui verser une indemnité d'un montant de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure, y compris les frais d'expertise.
Dans leurs dernières conclusions du 22 novembre 2021, Monsieur [O] [R] et Madame [Y] [J] demandent à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Mme [F] contre le jugement incriminé,
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel incident interjeté par la Saur contre le jugement incriminé,
- confirmer purement et simplement le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions,
- y ajoutant, condamner solidairement Mme [F] et la Saur à leur verser la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel,
Dans leurs dernières conclusions du 19 octobre 2021, Maître [B] [P] et Maître [L] [V] demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne le 29 janvier 2021,
- débouter la société Saur de l'ensemble de ses demandes formulées à leur encontre, Y ajoutant,
- condamner le ou les succombants à régler une somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner le ou les succombants aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 23 septembre 2021, la SAS Saur demande à la cour de :
Sur l'appel principal,
- débouter Madame [E] [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Sur l'appel incident de la Saur,
A titre principal,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il retenu sa responsabilité vis-à-vis de Monsieur [R] et Madame [J] et l'a condamnée à les indemniser au titre des différents postes de préjudices retenus, au visa de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance en cela y compris les frais de constats,
- débouter Monsieur [R] et Madame [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées contre elle,
- les condamner à lui rembourser l'intégralité des sommes versées en exécution provisoire des décisions prises par le tribunal judiciaire de Libourne (incident et fond), majorées des intérêts légaux depuis l'intervention de ces règlements outre capitalisation annuelle des intérêts échus,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il l'a condamnée au profit de Maître [P] et Maître [V] au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Maître [P] et Maître [V] à lui rembourser les sommes versées à leur profit (article 700 et dépens) en exécution du jugement majorées des intérêts légaux depuis l'intervention de ces règlements outre capitalisation annuelle des intérêts échus,
- débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées à son encontre,
- condamner Monsieur [R] et Madame [J] à lui verser une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel,
À titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, la cour retenait une part de sa responsabilité,
- constater que le tribunal a omis de statuer sur les demandes de garanties présentées par elle à l'encontre de Madame [F] et de Maîtres [P] et [V] et infirmer, autant que nécessaire, le jugement à ce titre,
- condamner conjointement et solidairement Madame [F] et Maîtres [B] [P] et [L] [V] à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, accessoire, frais et intérêts,
- condamner Madame [F] et Maîtres [B] [P] et [L] [V], à lui verser une somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est constant que Mme [F] avait procédé à l'acquisition de la maison en question le 18 novembre 2011.
Antérieurement, la société Saur, délégataire du service public d'assainissement de [Localité 6] (SPANC), avait réalisé, le 5 avril 2011, une visite de contrôle qui relevait que 'le dispositif possède tous les éléments requis pour fonctionner', qu'il fonctionnait correctement et sous la rubrique destiné à l'avis du service sur le degré de conformité : 'la réhabilitation n'est pas indispensable'.
Ce rapport comportait néanmoins une remarque du technicien :
'Les données sont recueillies auprès du propriétaire. Leur exactitude en dépend.
Installation sous mentionnée (lire selon toute probabilité sous-dimensionnée) par rapport à la capacité d'accueil de la maison mais suffisante pour le nombre d'occupants actuels. Un système d'assainissement des eaux usées correctement dimensionné et adapté au type de sol doit être mis en place'.
Il était également précisé qu'il manquait une ventilation secondaire pour limiter la corrosion des éléments en béton.
Lors de la revente, le 28 août 2014, avait été annexé un 'compte-rendu de bon fonctionnement' réalisé le 20 mai 2014 également par un technicien de la société Saur qui mentionnait au titre du descriptif de la filière : 'filière complète sans irrégularité' et au titre des conditions de fonctionnement : 'bon état de fonctionnement'.
La conclusion en était : 'installation satisfaisante en bon état de fonctionnement, sans impact et sans risque'.
Dans son rapport, l'expert judiciaire conclut pourtant ainsi :
'Le réseau d'assainissement présente une anomalie. Ce dysfonctionnement provient d'une mauvaise évacuation des effluents qui entraîne un remplissage prématuré des ouvrages et le colmatage des toilettes.
Les causes de ce dysfonctionnement proviennent d'une anomalie dans le raccordement des toilettes que Madame [F] a fait réaliser.
En effet, ces toilettes sont directement raccordées dans le puisard sans passer par la fosse septique. Le drain d'épandage doit être complètement obturé à cause des flottants qui, n'étant pas retenus par la fosse septique, se déversent directement dans le puisard et donc dans le drain qui se colmate puisque les fentes prévues pour l'épandage d'un drain ne peuvent laisser passer les flottants. Il est donc inévitable que le drain d'épandage soit complètement obturé.
Nous avons également observé l'absence de ventilation secondaire. Ceci explique les mauvaises odeurs et pose un problème important car, comme les ouvrages sont en béton, s'il n'y a pas d'aération secondaire située en sortie de fosse, l'altération des bétons par le H2S peut être importante et il y a risque d'écroulement des ouvrages »
« Il y a effectivement un dysfonctionnement de la fosse septique.
L'anomalie qui crée le dysfonctionnement préexistait le jour de la vente mais les effets ne devaient pas être aussi évidents. Madame [F] étant à l'époque la seule occupante de la maison, la quantité d'effluents était bien moindre qu'aujourd'hui avec quatre occupants et on peut donc considérer qu'il y avait moins de problèmes. De plus, au fil des années, le
colmatage du drain d'épandage ne peut que s'accentuer »
I-Sur la responsabilité de Mme [F]
L'acte notarié du 28 août 2014 comporte une clause de non-garantie des vices cachés au profit du vendeur et par ailleurs, le notaire instrumentaire avait annexé le 'compte-rendu de bon fonctionnement' du 20 mai 2014 en application de l'article 271-4 du code de la construction et de l'habitation qui, dans son 8 °, impose de joindre au dossier de diagnostic technique prévu en cas de vente d'un immeuble bâti, 'le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif mentionné à l'article L. 1331-11-1 du code de la santé publique.'
Les acquéreurs et la société Saur considèrent que Mme [F] ne saurait se retrancher derrière la clause d'exonération de garantie des vices cachés, au motif qu'elle était à l'origine des travaux qui ont conduit à l'apparition des désordres et qu'elle ne pouvait ignorer l'existence de ces derniers.
Qu'en effet, elle avait eu connaissance du rapport précédent, du 5 avril 2011, dont il résultait déjà qu'il existait un défaut de conformité et que surtout, l'installation d'assainissement n'était en état de fonctionner correctement que dans la seule mesure où l'immeuble n'était occupé que par une seule personne.
Cependant, il n'est nullement établi que Mme [F] avait connaissance de l'état non conforme du système d'assainissement individuel, ne serait-ce que parce que le document réalisé le 20 mai 2014 par le technicien de la Saur était de nature à la conforter dans l'opinion contraire, quand bien même, à en croire la Saur, celui-ci ne serait pas le document exigé par la réglementation.
De la même manière, contrairement à ce qui est soutenu, le rapport du 5 avril 2011 annexé à son acte d'achat, à supposer qu'elle en ait gardé le souvenir au moment de la revente, garantissait au contraire la conformité du système malgré quelques réserves.
S'il est exact que ce sont avant tout les travaux qu'elle a fait réaliser par la suite, mais avant la rédaction du rapport du 20 mai 2014, qui ont modifié profondément le dispositif, rien ne permet de penser que, profane en la matière et ne les ayant pas réalisés elle-même, elle avait eu connaissance de cette situation.
À cet égard, il importe peu qu'elle se soit avérée incapable d'indiquer quel était l'artisan qui avait réalisé les travaux, ou même qu'elle ait été réticente à le faire, et le tribunal ne pouvait s'appuyer sur ce seul fait pour en déduire sa responsabilité.
Vivant seule de sorte que l'installation était nettement moins mise à contribution, il n'est pas établi non plus qu'elle aurait pu, ou dû, être alertée par des émanations nauséabondes.
Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a retenu sa responsabilité.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement des sommes versées par Mme [F] en exécution du jugement infirmé puisqu'il s'agit d'un effet nécessaire et opérant de plein droit de l'infirmation.
II- Sur la responsabilité de la société Saur
Pour conclure à son exonération, la société Saur rappelle que les textes qui régissent la question et qui imposent donc un contrôle des installations d'assainissement individuelles en cas de vente énumèrent précisément toutes les vérifications qui doivent être opérées.
Selon elle, celles-ci sont sans rapport aucun avec ce qui figure sur le document dont se prévalent la venderesse et le notaire instrumentaire qui ne peuvent se retrancher derrière lui pour se considérer comme exempts de toute faute.
Elle ajoute qu'au demeurant, ce document ne faisait que reprendre les propres déclarations de la propriétaire.
Mais, outre le fait que, comme le font remarquer Mes [P] et [V], il est assez étrange que la Saur se prévale elle-même de la totale inutilité et même du caractère erroné d'un document qu'elle a délivré, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas contesté qu'il fait état d'une situation inexacte.
S'il se bornait, comme elle le prétend, à reprendre les déclarations de la propriétaire qui, par définition, n'a pas les compétences nécessaires, il s'agissait alors d'un document à la fois inutile, fautif et de nature à induire en erreur toute personne amenée à le consulter.
En réalité, la Saur n'explique nullement à quelle fin, selon elle, ce document était censé parvenir si ce n'est précisément celle envisagée par les textes applicables en cas de vente alors de surcroît, qu'il a été établi en un temps proche de la vente et lui était donc manifestement destinée.
Par conséquent, sa responsabilité est parfaitement établie et sera retenue.
III- Sur les recours en garantie formés par la Saur
Dans la mesure où la responsabilité de Mme [F] a été écartée en l'absence de faute de sa part, le recours dirigé contre elle par la Saur le sera également.
S'agissant du notaire instrumentaire, la Saur soutient que celui-ci ne pouvait se méprendre sur la nature du document annexé à l'acte et qui était impropre à caractériser celui qui devait être joint au dossier de diagnostic.
Que par conséquent, en s'en contentant sans l'analyser, il aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Mais s'il est exact que le notaire ne peut pas se borner à annexer les différentes pièces justificatives du dossier de diagnostic sans un examen de leur contenu, et notamment de leurs conclusions, il n'est pas pour autant juge de la méthode employée par leurs auteurs.
En l'espèce, le notaire n'avait donc pas à vérifier le respect de la procédure suivie par le technicien et au demeurant, si en effet le rapport du 20 mai 2014 apparaissait comme assez succinct, il ne l'était guère plus que celui du 5 avril 2011 dont il n'est pas contesté qu'il répondait bien à la procédure exigée.
Aucune faute ne sera donc retenue à la charge du notaire.
IV- Sur le préjudice
Les consorts [R] et [J] sollicitent la confirmation pure et simple du jugement qui a évalué leur préjudice de la manière suivante :
- mise en conformité de l'installation sanitaire : 10 151,90 €
- préjudice économique : 1 078 € correspondant aux frais des vidanges fréquentes
- préjudice de jouissance : 12 000 €
Sur le premier point, la Saur considère que puisque l'existence d'un système d'assainissement individuel est subordonné à l'absence de possibilité de raccordement
au réseau public, il appartient aux demandeurs d'en rapporter la preuve.
Mais dès lors que l'acte de vente avait constaté l'absence de réseau public, c'est en réalité à la Saur de faire la preuve inverse, celle-ci disposant d'ailleurs, par hypothèse, de toutes les informations nécessaires à ce sujet.
Elle affirme aussi que la réparation susceptible d'être allouée ne saurait s'analyser que comme destinée à compenser une perte de chance de faire supporter au vendeur le coût des travaux nécessaires ou d'obtenir un prix de vente plus bas.
Mais il est de principe qu'en cas de diagnostic erroné, le diagnostiqueur responsable est tenu de réparer les dommages matériels et de jouissance subis par l'acquéreur dans leur intégralité, s'agissant d'un préjudice certain.(Ch. Mixte, 8 juil. 2015, n°13-26.686).
En l'espèce, le coût des travaux de remise en état n'est pas contesté et sera donc avalisé.
Sur le second point, la Saur soutient que de toute façon, indépendamment de tout dysfonctionnement, les consorts [R] et [J] auraient dû faire des vidanges et sur le troisième point, elle affirme que le préjudice invoqué n'est absolument pas justifié.
Cependant, la demande relative à des coûts de vidange révèle que celles-ci ont été réalisées les 17 novembre 2015, 16 mars, 15 juin et 2 décembre 2016, 6 juin et 14 août 2017 soit 6 fois en moins de trois ans alors qu'il n'est pas démontré ni même soutenu qu'au cours de la même période, une vidange normale aurait été nécessaire.
Le préjudice de jouissance subi est incontestable compte tenu de la gêne occasionnée par les odeurs pestilentielles dégagées par le système, les refoulements et débordements de liquides issus des toilettes etc. et ce, de manière répétée pendant plusieurs années.
Cependant, ce préjudice sera évalué à la somme de 8000 € et le tribunal qui l'a arrêté à celle de 12 000 € sera donc réformé.
Il le sera nécessairement en ce qui concerne les dépens qui pèseront exclusivement sur la société Saur de même qu'en ce qui concerne les allocations décidées par application de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, celle-ci supportera également la charge des dépens et versera la somme de 2000 € à Maîtres [P] et [V] ainsi qu'une somme semblable aux consorts [R] et [J], par application du texte susvisé.
Il ne sera pas fait application de ces dispositions au profit de Mme [F] et au préjudice de M. [R] et de Mme [J].
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la SAS Saur à payer à M. [O] [R] et à Mme [Y] [J] les sommes de :
- 10 151,90 € au titre des frais réparatoires
- 1 078 € au titre des dépense de vidange
- 8000 € au titre du préjudice de jouissance
Déboute M. [O] [R] et Mme [Y] [J] de leurs demandes dirigées contre Mme [F] et la société Saur de ses appels en garantie dirigés contre Mme [F] et maîtres [B] [P] et [L] [V].
Condamne la Sas Saur aux entiers dépens de première instance ainsi qu'à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 2500 € à M. [O] [R] et Mme [Y] [J], pris ensemble, et de 1500 € à maîtres [P] et [V], pris ensemble.
Y ajoutant,
Condamne la Sas Saur aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 2000 € à M. [O] [R] et Mme [Y] [J], pris ensemble et de 2000 € à maîtres [P] et [V], pris ensemble.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,