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Décisions

Cass. com., 26 mars 1996, n° 94-14.320

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Nicot

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Boré et Xavier, SCP Gatineau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 2 mars 1994

2 mars 1994

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que Mlle Y..., qui était à bord du voilier de plaisance Zeus-Oléanis 350, pris en location par M. X... qui en était le " skipper ", a été gravement blessée par l'écoute de la grande voile qui l'a frappée à la tempe lors d'un empannage ; que Mlle Y... a assigné en réparation M. X..., ainsi que la compagnie Les Mutuelles du Mans assurances IARD (l'assureur), en sa qualité d'assureur à la fois du voilier et de la Fédération française de voile à laquelle étaient affiliés les participants à la croisière ; que sont intervenus dans la procédure, M. Y..., père de la personne accidentée, en qualité de curateur, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la Caisse) ; que M. X..., de même que l'assureur, s'est prévalu de la limitation de sa responsabilité à la suite de la constitution d'un fonds de garantie autorisée sur sa requête par le président du tribunal de commerce ;

Sur la seconde branche du premier moyen, qui est préalable :

Vu l'article 58 de la loi du 3 janvier 1967 portant statut des navires, ensemble l'article L. 171-5 du Code des assurances ;

Attendu que la limitation de responsabilité prévue par l'article 58 de la loi susvisée est applicable aux navires de plaisance ;

Attendu qu'en déclarant que cette loi ne bénéficiait qu'aux " gens de mer " pour limiter les conséquences des risques qu'ils affrontaient et préserver leur instrument de travail, la cour d'appel a violé les dispositions légales susvisées ;

Sur la première branche du premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée par la défense :

Attendu que Mlle Y... et M. Y..., ès qualités, ainsi que la Caisse soutiennent que le moyen tiré de ce que M. X... avait loué un voilier dont il avait la totale maîtrise, en étant le capitaine, et en l'exploitant dans un but d'agrément est irrecevable comme proposé pour la première fois devant la Cour de Cassation ;

Mais attendu que le moyen, par lequel il est prétendu que le locataire du navire peut limiter sa responsabilité, ne repose sur aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond et est donc de pur droit ; qu'il est recevable ;

Sur le fond :

Vu les articles 58 et 69 de la loi du 3 janvier 1967, ensemble l'article L. 171-5 du Code des assurances ;

Attendu que, pour rejeter sa demande en limitation de responsabilité, l'arrêt retient que M. X... n'était pas l'armateur du navire et qu'il n'engageait que sa responsabilité de " capitaine " dès lors qu'il n'avait aucun lien de subordination avec le propriétaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le locataire d'un navire de plaisance peut limiter sa responsabilité, la cour d'appel, qui avait constaté que M. X... avait pris en location le navire litigieux, a violé par refus d'application les textes susvisés ;

Mais sur le second moyen :

Attendu que les règles concernant l'application à l'assureur du bénéfice de la limitation de responsabilité en matière de navigation de plaisance ne sont pas nécessairement invocables de plein droit par lui du seul fait d'une décision rendue à l'égard de l'assuré ; qu'il appartenait donc à l'assureur de formuler ses critiques propres à l'encontre de l'arrêt attaqué ; que le moyen est en conséquence mal fondé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. Franck X... en limitation de sa responsabilité, l'arrêt rendu le 2 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.