Cass. 1re civ., 9 avril 2013, n° 11-27.071
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Rapporteur :
Mme Guyon-Renard
Avocat général :
M. Chevalier
Avocats :
SCP Delvolvé, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Aoustino X..., né le 7 avril 2009, sans filiation paternelle établie, a fait l'objet d'un placement provisoire à sa naissance, par décision de l'autorité judiciaire ; que suite au décès de la mère survenu le 20 octobre 2009, un procès-verbal de recueil de l'enfant par l'aide sociale à l'enfance en vue de son admission en qualité de pupille de l'Etat a été établi le 30 novembre 2009 ; que par arrêté du même jour, suivi d'un arrêté du 1er décembre 2009 le président du conseil général a admis l'enfant en cette qualité ; que le 15 février 2010, Mme Annie X..., grand-mère maternelle de l'enfant, a confirmé sa volonté de le prendre en charge lors de son audition par le juge des tutelles, qu'elle avait saisi d'une demande de tutelle reçue le 29 janvier 2010 ; que celui-ci a, par ordonnance du même jour, sursis à statuer sur cette demande dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance sur le recours contre l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat en date du 30 novembre 2009 ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 février 2010, Mme X... a sollicité du tribunal de grande instance, sur le fondement de l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, outre l'annulation de l'arrêté en cause, sa désignation en qualité de gardien de l'enfant ; que sa demande a été jugée recevable mais rejetée par jugement du 11 mai 2010, lequel a été infirmé par l'arrêt attaqué qui a déclaré cette demande irrecevable ; que par décision du 27 juillet 2012 (n° 2012-268 QPC), le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité incidente au pourvoi formé contre cet arrêt, a déclaré que le premier alinéa de l'article L. 224-8 précité était contraire à la Constitution et que la déclaration d'inconstitutionnalité prendra effet à compter du 1er janvier 2014 ;
Sur la recevabilité de la troisième branche du moyen, contestée en défense :
Attendu que le président du conseil général oppose l'irrecevabilité du grief fondé sur les dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il serait nouveau ;
Mais attendu que le moyen, dès lors qu'il invoque une atteinte à la substance même du droit d'accès au juge et n'appelle la prise en considération d'aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l'arrêt, est de pur droit, partant recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que si le droit à un tribunal, dont le droit d'accès concret et effectif constitue un aspect, n'est pas absolu, les conditions de recevabilité d'un recours ne peuvent toutefois en restreindre l'exercice au point qu'il se trouve atteint dans sa substance même ; qu'une telle atteinte est caractérisée lorsque le délai de contestation d'une décision, tel que celui prévu par l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n'est pas assurée l'information des personnes admises à la contester ;
Attendu que pour déclarer irrecevable le recours de Mme X..., l'arrêt retient que le président du conseil général a régulièrement admis l'enfant en qualité de pupille de l'Etat suivant un arrêté en date du 1er décembre 2009, que le délai de trente jours courant à compter de cette date, le recours exercé le 18 février 2010 par Mme X... est tardif ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que Mme X... n'avait pas été informée, en temps utile, de l'arrêté et de la faculté de le contester, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.