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Décisions

TUE, 6e ch., 5 juin 2024, n° T-58/23

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Annulation

PARTIES

Demandeur :

Supermac’s (Holdings) Ltd

Défendeur :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Costeira

Juges :

M. Kancheva, M. Öberg

Avocats :

Me Von Bomhard, Me Fuhrmann, Me Eckhartt, Me Von Mühlendahl, Me Thanbichler-Brandl

TUE n° T-58/23

4 juin 2024

1   Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Supermac’s (Holdings) Ltd, demande l’annulation partielle et la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 décembre 2022 (affaire R 543/2019-4) (ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige

2   Le 11 avril 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de déchéance de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée sous le numéro 62638 à la suite d’une demande déposée le 1er avril 1996 pour le signe verbal BIG MAC.

3   Les produits et services couverts par la marque contestée pour lesquels la déchéance était demandée relevaient des classes 29, 30 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–   classe 29 : « Aliments à base de viande, porc, poisson et volaille, sandwiches à la viande, sandwiches au poisson, sandwiches au porc, sandwiches au poulet, fruits et légumes conservés et cuits, œufs, fromage, lait, produits à base de lait, pickles, desserts » ;

–   classe 30 : « Sandwiches comestibles, sandwiches à la viande, sandwiches au porc, sandwiches au poisson, sandwiches au poulet, biscuits, pain, gâteaux, biscuiterie, chocolat, café, succédanés du café, thé, moutarde, gruau d’avoine, pâtisserie, sauces, assaisonnements, sucre » ;

–   classe 42 : « Services fournis ou liés à l’exploitation et à la franchise de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter ; conception pour le compte de tiers de ce type de restaurants, établissements et autres infrastructures ; planification et conseils en matière de construction de restaurants, pour le compte de tiers ».

4   La cause invoquée à l’appui de la demande en déchéance était celle visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

5   Le 11 janvier 2019, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance et a déclaré l’intervenante, McDonald’s International Property Co. Ltd, déchue de ses droits, à compter du 11 avril 2017, pour l’ensemble des produits et services visés au point 3 ci-dessus. Plus précisément, la division d’annulation a considéré que les éléments de preuve produits par l’intervenante ne prouvaient pas l’importance de l’usage de la marque contestée.

6   Le 8 mars 2019, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7   Par la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait déchu l’intervenante de ses droits pour les produits et services suivants :

–   classe 29 : « Aliments à base de viande et de volaille, sandwiches à la viande, sandwiches au poulet » ;

–   classe 30 : « Sandwiches comestibles, sandwiches à la viande, sandwiches au poulet » ;

–   classe 42 : « Services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter ».

8   La chambre de recours a, en revanche, rejeté le recours pour les produits et services restants.

II. Conclusions des parties

9   La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–   annuler la décision attaquée sauf en ce qu’elle concerne les « sandwiches à la viande » relevant de la classe 30 et la réformer en ce sens que le recours formé par l’intervenante soit rejeté pour l’ensemble des produits et services concernés à l’exception des « sandwiches à la viande » relevant de la classe 30 ;

–   condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

10 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–   rejeter le recours ;

–   condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

11 L’intervenante conclut à ce qui plaise au Tribunal :

–   rejeter le recours ;

–   condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A. Sur la portée du recours

12 L’intervenante soutient que la demande en annulation est irrecevable en ce qu’elle concerne les « sandwiches au poulet », étant donné que la requérante a indiqué, dans la requête, qu’elle ne portait pas sur les « sandwiches à la viande ». Or, il serait évident que cette dernière spécification couvrirait les « sandwiches au poulet ».

13 À cet égard, la requérante a, certes, indiqué dans la requête qu’elle ne contestait pas la décision attaquée en ce qui concernait l’appréciation de la chambre de recours relative à l’usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches à la viande » relevant de la classe 30.

14 Toutefois, contrairement à ce que soutient l’intervenante, cette renonciation ne saurait être interprétée, au regard des griefs exposés par la requérante dans ses écritures, comme couvrant également les « sandwiches au poulet ».

15 En effet, aux points 18 à 38 de la requête, la requérante a indiqué, en substance, que la décision attaquée devait être annulée dans la mesure où il avait été considéré dans celle-ci qu’un usage sérieux avait été démontré pour les « sandwiches au poulet » compris dans les classes 29 et 30. En particulier, la requérante a précisé que les éléments de preuve ne permettaient pas de conclure à un usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet », puisque la marque contestée était seulement utilisée pour désigner un « sandwich à base de viande de bœuf », et rien d’autre.

16 Ainsi, l’interprétation proposée par l’intervenante de cette renonciation, qui couvrirait également les « sandwiches au poulet », ne ressort pas des écritures de la requérante et doit donc être écartée.

17 Par suite, l’irrecevabilité soulevée doit être rejetée comme non fondée.

B. Sur le fond

18 À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

19 Ce moyen est composé de cinq branches, relatives, la première, aux « sandwiches à la viande » et aux « sandwiches au poulet » relevant de la classe 29, la deuxième, aux « sandwiches au poulet » relevant des classes 29 et 30, la troisième, aux « aliments à base de viande et de volaille » relevant de la classe 29, la quatrième, aux « sandwiches comestibles » relevant de la classe 30 et, la cinquième, aux services relevant de la classe 42.

20 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 207/2009 (devenu article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2017/1001), lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, dans le cadre d’une procédure de déchéance, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de juste motif pour le non-usage.

21 Selon l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

22 Aux termes de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], les indications et les preuves de l’usage doivent établir le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 (devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001).

23 Il ressort de la jurisprudence qu’une marque fait l’objet d’un « usage sérieux » lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, points 29 et 31 et jurisprudence citée).

24 En outre, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28 et jurisprudence citée].

25 Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part. Une telle appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits ou de services commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement [voir arrêt du 7 septembre 2022, Peace United/EUIPO – 1906 Collins (bâoli), T‑754/21, non publié, EU:T:2022:529, point 33 et jurisprudence citée].

26 En l’espèce, la demande de déchéance de la marque contestée a été déposée le 11 avril 2017. La période de cinq années visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 s’étend, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 44 de la décision attaquée, du 11 avril 2012 au 10 avril 2017.

27 La requérante ne conteste pas les conclusions de la chambre de recours tenant à l’usage de la marque contestée pour les « sandwiches à la viande » relevant de la classe 30. La demande en annulation, en ce qui concerne les produits de cette classe, se limite ainsi aux « sandwiches comestibles » et aux « sandwiches au poulet ».

1. Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

a) Sur la première branche, relative à l’enregistrement de la marque contestée pour les « sandwiches à la viande » et les « sandwiches au poulet » relevant de la classe 29

28 La requérante soutient, en substance, que les « sandwiches à la viande » et les « sandwiches au poulet » sont enregistrés à tort dans les classes 29 et 30, puisque, selon la classification de Nice, tout type de sandwiches comestibles, y compris ceux à la viande ou au poulet, relève de la classe 30. Par suite, l’enregistrement de la marque contestée pour ces produits devrait être supprimé de la classe 29.

29 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

30 À cet égard, il importe de rappeler que la classification des produits et des services au titre de l’arrangement de Nice n’est effectuée qu’à des fins administratives. Elle ne vise en effet qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marque, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services. En revanche, les intitulés des classes ne constituent pas un système dans lequel il serait exclu qu’un produit ou un service contenu dans une classe ou une catégorie puisse également faire partie d’une autre classe ou catégorie [arrêt du 21 octobre 2014, Szajner/OHMI – Forge de Laguiole (LAGUIOLE), T‑453/11, EU:T:2014:901, point 88].

31 Par ailleurs, il a été jugé que, compte tenu des fins exclusivement administratives poursuivies par la classification de Nice, la seule circonstance qu’une marque contestée avait été enregistrée pour des produits désignés de manière erronée en tant que produits relevant d’une classe en particulier ne saurait avoir pour conséquence la déchéance de ladite marque pour de tels produits dès lors que cette marque avait été effectivement utilisée pour ces produits [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Dermavita Company/EUIPO – Allergan Holdings France (JUVEDERM), T‑372/20, non publié, EU:T:2021:652, points 55 et 62].

32 Il en résulte que l’erreur alléguée par la requérante, même à la supposer établie, ne saurait en tout état de cause constituer un motif ou une cause de déchéance de la marque contestée pour ces produits, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

33 Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir accueilli pour ce motif la demande en déchéance pour ces produits.

34 La présente branche doit donc être écartée comme non fondée.

b) Sur la deuxième branche, relative à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet »

35 La requérante soutient, en substance, que les éléments de preuve produits par l’intervenante au cours de la procédure administrative étaient insuffisants pour étayer un usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet ». Lesdits éléments se limiteraient, en effet, pour l’essentiel aux « sandwiches à la viande ».

36 L’EUIPO et l’intervenante soutiennent, en substance, que les éléments de preuve présentés, à savoir les annexes 2, 10d et 12c, font une référence explicite aux « sandwiches au poulet ». En particulier, ces annexes démontreraient un usage de la marque contestée pour ces produits, en France, de 2015 à 2016.

37 Aux fins d’étayer cet usage, l’intervenante a produit, au cours de la procédure administrative, les éléments suivants :

–   des impressions d’affiches publicitaires, sur lesquelles figurent notamment l’inscription manuscrite « septembre-novembre 2016 », et de panneaux de menu relatives au « Grand Big Mac Chicken », (annexe 2 du dossier de l’EUIPO) :

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–   des captures d’écran d’une publicité télévisée diffusée en France en 2016 relatives au « BIG MAC + Grand BIG MAC Chicken » (annexe 10d du dossier de l’EUIPO) :

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–   des captures d’écran du compte Facebook de McDonald’s France, relatives à l’offre de « Grand Big Mac Chicken » en 2016 (annexe 12c du dossier de l’EUIPO) :

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38 Aux points 120 et 121 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que ces éléments, pris ensemble, démontraient l’existence d’un usage de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet », en France, de 2015 à 2016.

39 En l’espèce, il convient de relever que, si les preuves produites par l’intervenante et prises en compte par la chambre de recours montrent effectivement les produits en cause représentés sous la marque contestée dans le cadre de publicités en France au cours de la période pertinente, ces preuves ne fournissent, toutefois, aucune indication sur l’importance de l’usage de la marque pour ces produits au sens de la jurisprudence rappelée au point 25 ci-dessus, et notamment en ce qui concerne le volume des ventes, la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis et leur fréquence.

40 En effet, lesdites preuves, qui se résument à des impressions d’affiches publicitaires, à des captures d’écran d’une publicité télévisée diffusée en France en 2016 et à des captures d’écran du compte Facebook de McDonald’s France en 2016, ne permettent pas de déterminer dans quelles quantités, ni avec quelle régularité et récurrence, les produits concernés ont été distribués. Ces preuves ne sauraient donc suffire à elles seules à démontrer la réalité de l’exploitation commerciale de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet ».

41 En outre, contrairement à ce que soutiennent l’EUIPO et l’intervenante dans leurs écritures, ces documents ne contiennent aucune indication quant aux prix auxquels ces produits ont été commercialisés.

42 De même, la déclaration sous serment d’un des employés de l’intervenante (annexe 17 du dossier de l’EUIPO) ne contient aucune information précise quant aux chiffres de vente réalisés par la marque contestée pour les « sandwiches au poulet ». Les données présentées ne sont, en effet, que des données brutes, non ventilées en fonction des produits, sur les ventes de « Big Mac » en France entre 2013 et 2017.

43 Enfin, s’il est vrai, comme le souligne l’intervenante dans ses écritures, que l’une des particularités du secteur de la restauration rapide est de proposer des produits qui ne sont pas toujours disponibles, mais qui reviennent avec une certaine régularité, pour autant, les documents pris en compte par la chambre de recours ne permettent pas d’établir l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet », conformément à la jurisprudence rappelée au point 25 ci-dessus. Ces documents démontrent seulement de manière certaine un usage non important de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet » pour l’année 2016, comme cela ressort des captures d’écran produites (annexes 10d et 12c du dossier de l’EUIPO).

44 En effet, premièrement, la date à laquelle les affiches publicitaires et les panneaux de menu présentés (annexe 2 du dossier de l’EUIPO) ont été diffusés auprès du public ou la date à laquelle les produits en cause ont été commercialisés ne ressort pas clairement de ces affiches et panneaux. Ainsi, ces documents, qui au demeurant semblent être des projets compte tenu de la mention « confidentielle » y figurant, ne comportent, à l’exception de la mention « durée limitée », aucune information concernant leur diffusion ou la commercialisation des produits en cause auprès du public. Les inscriptions « novembre-décembre 2015 » et « septembre-novembre 2016 », ajoutées à la main et situées en dehors du cadre des affiches publicitaires, ne sauraient constituer, compte tenu de leur caractère manuscrit et de leur localisation, une indication fiable et certaine concernant la date de leur diffusion auprès du public ou concernant la date de commercialisation des produits.

45 Deuxièmement, contrairement à ce qu’allègue l’intervenante dans ses écritures, les captures d’écran du compte Facebook de McDonald’s France en lien avec les produits concernés ne concernent que l’année 2016 (29 septembre et 8 octobre). La capture d’écran portant la date du 28 décembre 2015 concerne uniquement le « sandwich à la viande ».

46 Troisièmement, certes, le rapport analytique de Google relatif aux données d’accès aux sites web de l’intervenante produit devant la chambre de recours (annexe 15b du dossier de l’EUIPO) contient effectivement deux entrées qui concernent le « grand Big Mac chicken ». Toutefois, ces données ne sont pas ventilées par année, mais portent sur une période allant du 1er avril 2012 au 1er avril 2017, de sorte qu’elles ne permettent pas d’établir avec précision et certitude la fréquence et la régularité avec laquelle les actes d’usage de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet » ont été accomplis. En tout état de cause, ce document ne corrobore pas l’existence d’un usage de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet » pour l’année 2015. En effet, ce document semble uniquement indiquer un léger pic d’usage de la marque contestée pour la fin de l’année 2013 et pour l’année 2016.

47 Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a considéré à tort que les éléments de preuve fournis par l’intervenante étaient suffisants pour démontrer un usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet » en France de 2015 à 2016.

48 Le grief de la requérante doit donc être accueilli, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les autres arguments des parties.

c) Sur la troisième branche, relative à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée pour les « aliments à base de viande et de volaille » relevant de la classe 29

49 La requérante soutient, en substance, que la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle la marque contestée devait être maintenue pour la catégorie plus large des produits à base de viande et de volaille, au seul motif que l’usage de la marque contestée pour les « sandwiches à la viande » et les « sandwiches au poulet » avait été démontré, ne repose sur aucun fondement juridique. La référence faite aux déclarations abstraites contenues aux points 109 à 111 de la décision attaquée ne saurait remplacer une motivation effective. La chambre de recours n’aurait pas examiné si les produits en cause constituaient une catégorie homogène, au sens de la jurisprudence. L’usage de la marque contestée pour ces sandwiches ne signifierait pas que la marque serait utilisée pour la catégorie plus large des « aliments à base de viande et de volaille ». Ces termes larges ne constitueraient pas une catégorie de produits homogène. En l’espèce, les sandwiches formeraient une catégorie à part entière.

50 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

1) Sur la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les « aliments à base de volaille »

51 La chambre de recours a considéré, au point 122 de la décision attaquée, que, étant donné que les « sandwiches au poulet » étaient inclus dans la catégorie plus large des « aliments à base de volaille », l’usage de la marque contestée était également démontré pour ces derniers, conformément à la jurisprudence citée aux points 109 à 111 de cette décision.

52 La chambre de recours a ainsi considéré que l’usage de la marque contestée pour les produits concernés avait été rapporté, en raison de l’usage de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet ».

53 Or, il a été conclu au point 47 ci-dessus que la chambre de recours avait considéré à tort que les éléments de preuve fournis par l’intervenante étaient suffisants pour démontrer un usage de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet ».

54 Par suite, et dès lors que l’usage de la marque contestée pour les « aliments à base de volaille » a été établi sur la base d’une prémisse erronée, la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne ces produits, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les arguments des parties.

2) Sur la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les « aliments à base de viande »

55 La chambre de recours a considéré, au point 119 de la décision attaquée, que, étant donné que les « sandwiches à la viande » étaient inclus dans la catégorie plus large des « aliments à base de viande », l’usage de la marque contestée était également démontré pour ces derniers, conformément à la jurisprudence citée aux points 109 à 111 de la décision.

56 L’argumentation de la requérante vise, sans réelle distinction, l’obligation de motivation de la chambre de recours et son bien-fondé.

57 D’une part, en ce qui concerne l’obligation de motivation, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle consacrée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours qu’elles fournissent un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 13 juin 2017, Ball Beverage Packaging Europe/EUIPO – Crown Hellas Can (Canettes), T‑9/15, EU:T:2017:386, point 26 et jurisprudence citée].

58 Or, en se référant expressément à la jurisprudence citée aux points 109 à 111 de la décision attaquée, qui concernait la preuve de l’usage sérieux de produits ou services relevant d’une catégorie large, susceptible d’être subdivisée en sous-catégories autonomes, pour conclure que l’usage de la marque contestée avait été rapporté pour les « aliments à base de viande », la chambre de recours a implicitement, mais nécessairement, considéré que ces produits constituaient une catégorie homogène.

59 Par suite, bien que la motivation soit succincte, pour autant, elle fait apparaître, comme l’exige la jurisprudence mentionnée au point 57 ci-dessus, le raisonnement de la chambre de recours de manière à permettre à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles la décision attaquée a été adoptée et au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle.

60 Le grief de la requérante doit donc être écarté comme non fondé.

61 D’autre part, en ce qui concerne le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours, il convient de constater que la marque contestée a été enregistrée pour les « aliments à base de viande » relevant de la classe 29 et pour les « sandwiches à la viande » relevant des classes 29 et 30. Il convient également de constater que l’intervenante a rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches à la viande ».

62 La requérante conteste l’appréciation selon laquelle les « sandwiches à la viande » sont inclus dans la catégorie plus large des « aliments à base de viande ». Elle soutient que les « sandwiches à la viande » constituent, parmi les produits relevant de la classe 29, une sous-catégorie autonome.

63 À cet égard, il convient de rappeler que, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou des services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 23 et jurisprudence citée].

64 En effet, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque concernée de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie des produits ou services » ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou des sous-catégories cohérentes (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2007, RESPICUR, T‑256/04, EU:T:2007:46, point 24 et jurisprudence citée).

65 S’agissant de la question de savoir si des produits font partie d’une sous-catégorie cohérente susceptible d’être envisagée de manière autonome, il découle de la jurisprudence que, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous‑catégorie de produits ou de services (arrêt du 13 février 2007, RESPICUR, T‑256/04, EU:T:2007:46, point 29). En revanche, la nature des produits en cause ainsi que leurs caractéristiques ne sont pas, en tant que telles, déterminantes pour la définition de sous-catégories de produits ou de services.

66 En l’espèce, il y a lieu de constater, à l’instar de l’EUIPO, que les « sandwiches à la viande » et les « aliments à base de viande » présentent la même destination ou la même finalité, puisqu’il s’agit de produits alimentaires contenant de la viande, destinés à être consommés et visant à répondre à des besoins nutritionnels spécifiques. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la requérante, ils ne peuvent être considérés comme « essentiellement différents » au sens de la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus.

67 Par ailleurs, le fait que les « aliments à base de viande » couvrent une gamme large de produits d’une grande variété de consistance, puisqu’il peut notamment s’agir de bouillons, de farce de viande, de boulettes de viande, de steaks hachés, ou que les « sandwiches à la viande » commercialisés par l’intervenante sont plus communément appelés des « hamburgers » est, en principe, sans incidence, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence rappelée au point 65 ci-dessus, la nature des produits n’est pas, en tant que telle, pertinente pour la définition de sous-catégorie de produits.

68 Il en va de même de la classification de Nice qui, comme cela a été rappelé au point 31 ci-dessus, n’a que des fins administratives.

69 Par suite et contrairement à ce que fait valoir la requérante, les « aliments à base de viande » ne constituent pas une catégorie suffisamment large de produits pour qu’il faille y distinguer des sous-catégories, comme les « sandwiches », par rapport auxquelles une utilisation effective devait spécifiquement être prouvée. Il y a plutôt lieu de considérer qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de cette catégorie de produits, conformément à la jurisprudence.

70 Il s’ensuit que la chambre de recours a considéré à juste titre que la requérante, en rapportant la preuve non contestée de l’usage sérieux de la marque pour les « sandwiches à la viande », avait également rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque pour les « aliments à base de viande ».

71 Le grief de la requérante doit donc être écarté comme non fondé.

d) Sur la quatrième branche, relative à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches comestibles » relevant de la classe 30

72 La requérante soutient que la chambre de recours a considéré à tort que l’usage de la marque contestée pour les « sandwiches à la viande et au poulet » était suffisant pour maintenir l’enregistrement de la marque pour la catégorie légèrement plus large des « sandwiches comestibles ». Or, cette dernière catégorie de produits couvrirait une très grande variété de produits, tels que les sandwiches froids ou chauds, chauffés, grillés ou cuits à la vapeur ou végétariens, de sorte que l’usage d’une marque pour un seul type de sandwich ne signifierait pas que celle-ci soit utilisée pour tout type de sandwich comestible.

73 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

74 Au point 123 de la décision attaquée, la chambre de recours fait remarquer que le terme « comestible » signifie, par exemple, « consommable, apte à être mangé ». Elle en a ainsi conclu que, dès lors que l’usage de la marque contestée était démontré pour les « sandwiches à la viande » et les « sandwiches au poulet », qui étaient à la fois des sandwiches consommables et des sandwiches comestibles, l’usage de la marque contestée était également démontré pour les « sandwiches comestibles », conformément à la jurisprudence citée aux points 109 à 111 de la décision.

75 Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 63 à 70 ci-dessus, qui s’appliquent mutatis mutandis, le grief de la requérante doit être écarté comme non fondé.

e) Sur la cinquième branche, relative à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée pour les services relevant de la classe 42

76 La requérante soutient, en substance, que les services en cause ne sont pas des « services de restaurant », mais des services de « préparation d’aliments à emporter » et des services « liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de ce type ». Ces services seraient des services interentreprises, liés à l’exploitation de restaurants. En tout état de cause, aucun des éléments de preuve présentés ne ferait référence à des services de « préparation de plats à emporter » et à des « services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ».

77 L’EUIPO et l’intervenante soutiennent que l’argumentation de la requérante selon laquelle les services concernés ne sont pas des « services de restauration », mais des services d’entreprise à entreprise est erronée. Un service fourni dans le cadre de l’exploitation d’un restaurant serait un service de restauration, sans qu’il soit besoin de procéder à une interprétation plus approfondie. L’usage de la marque aurait été établi, à juste titre, par la chambre de recours sur la base des éléments de preuve produits. Cette argumentation serait également irrecevable, selon l’intervenante, dans la mesure où elle serait présentée pour la première fois devant le Tribunal.

1) Sur la recevabilité de l’argument de la requérante prétendument présenté pour la première fois devant le Tribunal

78 L’intervenante soutient que l’argument de la requérante, selon lequel les services concernés sont des services rendus non à des personnes se rendant dans des restaurants ou dans d’autres établissements ou infrastructures de restauration, mais à des entreprises, est irrecevable.

79 Lors de l’audience, l’EUIPO et la requérante ont contesté cette irrecevabilité.

80 À cet égard, il convient de rappeler que les moyens introduits pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarés irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

81 Toutefois, l’argument de la requérante, qui a trait au non-usage de la marque contestée pour les services concernés, ne saurait en l’espèce être considéré comme constituant un moyen introduit pour la première fois devant le Tribunal, dès lors que, tant devant la division d’annulation que devant la chambre de recours, la requérante a soutenu qu’aucun des éléments de preuve produits par l’intervenante ne démontrait un usage de la marque contestée pour ces services.

82 Par ailleurs, par la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation, qui avait accueilli la demande en déchéance de la requérante et qui avait déclaré l’intervenante déchue de ses droits pour l’ensemble des produits et services pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée. La division d’annulation avait en effet considéré que les éléments de preuve produits ne prouvaient pas l’importance de l’usage de la marque contestée pour les services concernés notamment. Ainsi, la chambre de recours a procédé, dans la décision attaquée, à un réexamen complet de la demande en déchéance. Dans ces conditions, la requérante ne saurait être empêchée de critiquer les appréciations de la chambre de recours dans le cadre de son recours devant le Tribunal, lequel vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO.

83 L’irrecevabilité soulevée par l’intervenante doit donc être écartée comme non fondée.

2) Sur l’interprétation retenue par la chambre de recours des services concernés

84 La marque contestée a été enregistrée notamment pour les « services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter ».

85 Aux points 147 et 148 de la décision attaquée, la chambre de recours a interprété ces services comme étant des services de restauration (rapide), dans le cadre desquels des produits alimentaires et des boissons seraient fournis aux clients, ce que conteste la requérante.

86 À cet égard, il convient de rappeler qu’il y a lieu d’interpréter la liste des produits et des services pour lesquels une marque est enregistrée et dont la preuve de l’usage sérieux a été demandée, afin de déterminer l’étendue de la protection de ladite marque et de régler la question de son usage sérieux, de la manière la plus cohérente qui soit, compte tenu de sa signification littérale et de sa construction grammaticale, mais également, en cas de risque de résultat absurde, de son contexte et de la volonté effective du titulaire de cette marque quant à sa portée [arrêt du 17 octobre 2019, Alliance Pharmaceuticals/EUIPO – AxiCorp (AXICORP ALLIANCE), T‑279/18, EU:T:2019:752, point 50].

87 Par ailleurs, s’il est vrai que la classification de Nice n’a qu’un caractère administratif, il y a toutefois lieu d’y recourir pour déterminer, si besoin est, la portée, voire la signification des produits et des services pour lesquels une marque a été enregistrée [voir arrêt du 30 novembre 2022, Hasco TM/EUIPO – Esi (NATURCAPS), T‑12/22, non publié, EU:T:2022:733, point 23 et jurisprudence citée].

88 En l’espèce, premièrement, il convient de relever que la chambre de recours a interprété de manière différente, et ce sans aucune explication, les « services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le drive-in » et les services de « franchise de restaurants », alors qu’ils figurent dans la même expression et qu’ils ont été enregistrés en l’absence de ponctuation, en particulier de point-virgule, si bien qu’ils devraient, selon toute logique, avoir la même nature et s’adresser au même public. Or, les services de « franchise de restaurants » ont été interprétés par la chambre de recours, ainsi qu’il ressort du point 151 de la décision attaquée, comme des services permettant au franchisé « d’ouvrir un restaurant avec un modèle commercial et des procédures d’exploitation préexistants ainsi que de bénéficier d’un soutien et d’une formation en matière de gestion ». En d’autres termes, ils ont été interprétés comme des services destinés à des professionnels (les franchisés), dans le but de leur fournir des conseils en matière de gestion et d’exploitation de leur franchise.

89 Deuxièmement, il convient de constater que, contrairement à ce que soutiennent l’EUIPO et l’intervenante dans leurs écritures, la signification littérale des termes composant les services concernés ne renvoie pas à l’idée de services de restauration dans le cadre desquels des produits alimentaires et des boissons seraient fournis aux clients, mais à des services de soutien destinés à des professionnels de la restauration, tels que des services relatifs à la manière de gérer ou d’exploiter un restaurant, puisqu’il est question, en l’espèce, d’une part, de services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de ce type et, d’autre part, de services liés à la préparation d’aliments à emporter.

90 Troisièmement, il convient de souligner que si l’intention réelle de l’intervenante était effectivement l’enregistrement de la marque contestée pour des services de restauration rapide, la classification de Nice en vigueur à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir la sixième édition, comprenait déjà, parmi les catégories de services composant la classe 42, les catégories : « restaurants à service rapide et permanent [snack-bars] » et « restauration [repas] ».

91 Quatrièmement, il convient de noter que les autres services de la classe 42 pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée, à savoir les services de « conception pour le compte de tiers de ce type de restaurants, établissements et autres infrastructures ; planification et conseils en matière de construction de restaurants, pour le compte de tiers », concernent des services de conseils destinés à des professionnels en lien avec la restauration et non des services de restauration rapide, dans le cadre desquels des produits alimentaires et des boissons seraient fournis aux clients.

92 Il résulte de ce qui précède que, en assimilant les services concernés à des services de restauration (rapide), la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation qui entache la décision attaquée, en ce qui concerne l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée pour lesdits services.

93 Le grief de la requérante doit donc être accueilli.

3) Sur la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services concernés

94 Au point 149 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux pour « les services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter ».

95 À cet égard, premièrement, la chambre de recours a rappelé, au point 145 de la décision attaquée, que, d’une part, la marque MCDONALD’S de l’intervenante jouissait d’une renommée pour les services de restauration rapide ainsi que pour les produits de restauration rapide figurant au menu des établissements de restauration rapide et, d’autre part, le « BIG MAC », en tant que sous-marque de l’intervenante, était bien connu du grand public, étant donné qu’il était répertorié comme un produit exclusif de l’intervenante.

96 Deuxièmement, la chambre de recours a constaté, au point 147 de la décision attaquée, que les éléments de preuve produits par l’intervenante montraient que la marque contestée était utilisée non seulement pour désigner un sandwich spécifique, mais aussi pour promouvoir le fournisseur de denrées alimentaires. Le grand nombre d’éléments de preuve montrerait que le « sandwich à la viande » commercialisé par l’intervenante était un produit « phare », iconique, inextricablement lié à elle depuis plus de 40 ans. Il ne pourrait être acheté dans aucun autre restaurant que les établissements de l’intervenante. Il ressortirait donc des éléments de preuve que la marque contestée avait été utilisée de telle sorte qu’elle identifiait non seulement le sandwich spécifique fourni par l’intervenante, mais aussi que l’usage de la marque contestée avait pour finalité de distinguer les services de restauration fournis par l’intervenante des services similaires de tiers, au sens du point 32 de l’arrêt du 13 mai 2009, Schuhpark Fascies/OHMI – Leder & Schuh (jello SCHUHPARK) (T‑183/08, non publié, EU:T:2009:156).

97 Troisièmement, la chambre de recours a relevé, au point 148 de la décision attaquée, que les éléments de preuve montraient clairement que l’intervenante utilisait la marque contestée de manière à établir un lien entre celle-ci et les services de restaurations fournis et a cité, par analogie, l’arrêt du 13 mai 2009, jello SCHUHPARK (T‑183/08, non publié, EU:T:2009:156).

98 Il ressort de ce qui précède que l’usage sérieux de la marque contestée pour les services concernés a été reconnu par la chambre de recours, d’une part, en raison du lien existant auprès du public entre ces services et le « sandwich à la viande » commercialisé par l’intervenante et couvert par la marque contestée, pour lequel un usage sérieux a été démontré, et, d’autre part, en raison du fait que les services de restauration rapide de l’intervenante sous la marque MCDONALD’S jouissaient d’une grande renommée.

99 Cette approche de la chambre de recours ne saurait être entérinée, dès lors qu’il est contraire à la jurisprudence de considérer que, d’une part, un usage pour des produits pourrait également démontrer un usage pour des services particuliers et, d’autre part, la renommée d’une marque pour certains produits ou services pourrait avoir une incidence sur l’étendue de l’usage d’une autre marque, sous prétexte qu’un lien pourrait être établi entre ces marques par le public. Ainsi qu’il a été rappelé au point 24 ci-dessus, l’usage d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.

100 En l’espèce, les éléments de preuve fournis par l’intervenante et pris en compte par la chambre de recours étaient les suivants :

–   des photographies de l’emballage utilisé pour le « sandwich à la viande » commercialisé par l’intervenante (annexes 8a, 8b et 8c du dossier de l’EUIPO) ;

–   des photographies de brochures promotionnelles (annexes 1, 2 et 12b du dossier de l’EUIPO) ;

–   des impressions des sites Internet de l’intervenante (annexes 4a, 4b et 4c du dossier de l’EUIPO) et de son compte Facebook (annexe 12c du dossier de l’EUIPO) ;

–   des captures d’écran de publicités télévisées (annexes 10a, 10b et 10c du dossier de l’EUIPO) et de vidéos YouTube (annexe 14a du dossier de l’EUIPO) ;

–   des photographies de menus utilisés dans des restaurants McDonald’s (annexes 13a et 13b du dossier de l’EUIPO) ;

–   des enquêtes (annexes 6a, 6b et 6c du dossier de l’EUIPO) ;

–   des articles de journaux et de magazines (annexe 7 du dossier de l’EUIPO) ;

–   des extraits d’articles de l’encyclopédie en ligne Wikipédia (annexes 5 et 7 du dossier de l’EUIPO) ;

–   une lettre du directeur général d’une association allemande d’employeurs et de professionnels du secteur des chaînes de restauration (annexe 19 du dossier de l’EUIPO).

101 Or, aucun de ces éléments de preuve ne renvoie aux services concernés, même entendus comme des services de restauration rapide. Ils ne contiennent aucune indication de l’existence de ces services couverts par la marque contestée. En effet, la marque contestée y est seulement utilisée en lien avec les « sandwiches à la viande ».

102 Par ailleurs, l’arrêt du 13 mai 2009, jello SCHUHPARK (T‑183/08, non publié, EU:T:2009:156), mentionné par la chambre de recours aux points 147 et 148 de la décision attaquée et par l’intervenante dans son mémoire en réponse, ne saurait justifier, même par analogie, l’approche retenue par la chambre de recours dans la décision attaquée, dès lors qu’aucun élément concret et objectif ne prouve, en l’espèce, une utilisation effective de la marque contestée pour les services concernés.

103 Il en va de même de l’analogie que semble vouloir opérer l’intervenante dans son mémoire en réponse avec la notion de complémentarité dans le cadre de l’appréciation de la similitude entre les produits ou services au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001]. En effet, il serait contraire à l’article 15 du règlement no 207/2009 de considérer qu’un usage pour des produits pourrait également démontrer un usage pour des services particuliers.

104 Il résulte de ce qui précède que, même entendus comme des services de restauration rapide, les éléments de preuve produits par l’intervenante et pris en compte par la chambre de recours ne permettent pas, en tout état de cause, de démontrer que la marque contestée a été utilisée pour les « services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter ».

105 Le grief de la requérante doit donc être accueilli et la décision attaquée annulée en ce qui concerne ces services.

106 Au regard de tout ce qui précède, la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne « les sandwiches au poulet », les « aliments à base de volaille » et « les services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter ».

107 Pour le surplus, le présent recours doit être rejeté.

2. Sur la demande de réformation de la décision attaquée

108 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

109 En l’espèce, il convient de relever que la chambre de recours a examiné, dans la décision attaquée, tous les éléments de preuve présentés par l’intervenante aux fins d’étayer l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits et services pour lesquelles elle avait été enregistrée, de sorte que le Tribunal dispose du pouvoir de réformer ladite décision sur ce point.

110 Or, ainsi qu’il ressort des points 47, 54 et 104 ci-dessus, la chambre de recours était tenue de considérer, à l’issue d’une appréciation globale des éléments de preuves fournis par l’intervenante, que ceux-ci étaient insuffisants pour démontrer un usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet », les « aliments à base de volaille » et les « services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter ».

111 Dans ces conditions, il y a lieu, par réformation de la décision attaquée, de considérer, à l’issue d’une appréciation globale des éléments de preuves fournis par l’intervenante, que ceux-ci étaient insuffisants pour démontrer un usage sérieux de la marque contestée pour les « sandwiches au poulet », les « aliments à base de volaille » et les « services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter » et que le recours formé auprès de la chambre de recours de l’EUIPO par l’intervenante contre la décision de la division d’annulation n’était donc pas fondé en ce qui concernait ces produits et services.

IV. Sur les dépens

112 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

113 Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

114 En l’espèce, toutes les parties ayant succombé en partie, il y a lieu de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1) La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 décembre 2022 (affaire R 543/2019-4) est partiellement annulée et réformée dans le sens que le recours formé auprès de ladite chambre de recours de l’EUIPO par McDonald’s International Property Co. Ltd contre la décision de la division d’annulation du 11 janvier 2019 est rejeté en ce qui concerne les produits « sandwiches au poulet » relevant des classes 29 et 30, les produits « aliments à base de volaille » relevant de la classe 29 et les « services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter » relevant de la classe 42, pour lesquels la déchéance de la marque contestée avait été prononcée.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chaque partie supportera ses propres dépens.