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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 4 juin 2024, n° 22/02510

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 22/02510

4 juin 2024

ARRET N°205

N° RG 22/02510 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GUWE

F.V / V.D

S.A. FINANCO

C/

[V]

ATI 79

S.A.S. TERRA NOVA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 04 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02510 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GUWE

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 septembre 2022 rendu(e) par le Juge des contentieux de la protection de NIORT.

APPELANTE :

S.A. FINANCO

[Adresse 5]

[Localité 3]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant pour avocat postulant Me Paul BARROUX de la SARL BACLE BARROUX AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie BORDIEC de la SAS MAXWELL-MAILLET-BORIEC, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMES :

Monsieur [C] [V]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 8]

ayant pour avocat plaidant Me Ségolène BARDET, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

ATI 79

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 7]

ès-qualité de tuteur de Monsieur [C] [V], désigné à cette effet suivant jugement du Tribunal Judiciaire de NIORT en date du 13 Juin 2023

Intervenante volontaire

ayant pour avocat plaidant Me Ségolène BARDET, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

S.A.S. TERRA NOVA

[Adresse 4]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux, domicilié ès-qualités audit siège

Intervenante forcée

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant LBVS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**************

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé régularisé le 10 octobre 2018, la société anonyme Financo a consenti à Monsieur [C] [V] un crédit affecté de 18.000 € au taux de 4,80 % sur 161 mois.

Par acte délivré le 1er mars 2021, la société Financo a fait délivrer une assignation à Monsieur [V] à comparaître devant le tribunal judiciaire de Niort, aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 19.912,10 € assortie des intérêts au taux contractuel de 4,80 % l'an sur la somme de 18.291,73 € à compter du 30 septembre 2020, outre la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 30 mars 2022, il a été ordonné la réouverture des débats afin de soumettre au principe du contradictoire le moyen relevé d'office tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts faute de justification de la production de la fiche d'information précontractuelle. Le demandeur a en outre été invité à produire un décompte de créance présentant clairement les sommes prêtées, le cumul des frais et intérêts dans le cadre du crédit et l'ensemble des règlements effectués par le débiteur et ce depuis l'origine du contrat.

Par jugement en date du 07 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Niort a débouté la société Financo de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens.

Par déclaration d'appel en date du 11 octobre 2022, la société Financo a interjeté appel de ladite décision en visant les chefs expressément critiqués.

Par conclusions adressées à la cour en date du 15 mars 2023, Monsieur [V] a formé appel incident aux fins de voir statuer la cour sur le prononcé de la nullité du contrat de crédit affecté et la condamnation de la banque à des dommages et intérêts.

Par conclusions d'incident en date du 04 avril 2023, la SA Financo a demandé au conseiller de la mise en état de :

- juger irrecevables les demandes formées par Monsieur [V], par conclusions notifiées en date du15 mai 2023, tendant à voir prononcer la nullité du contrat principal et celle corrélative du contrat de prêt affecté, au motif de l'irrégularité du contrat de vente et du dol du vendeur,

- condamner Monsieur [V] à payer à la société Financo la somme de 500 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur [V] aux dépens de l'incident.

Par ordonnance en date du 16 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a statué comme suit:

- Se déclare incompétent pour connaître des demandes présentées par la société Financo,

- Rejette toute demande plus ample ou contraire,

- Déboute la société Financo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Financo à payer à Monsieur [C] [V] la somme de 1.000€, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Financo aux dépens de l'incident.

La société Financo a, par dernières conclusions transmises le 12 mai 2023, demandé à la cour de:

Vu les dispositions de l'article L.312-55 du Code de la consommation,

Vu les dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile,

- Juger irrecevables les demandes de Monsieur [V], tendant à voir prononcer la nullité du contrat de vente principal à raison de l'irrégularité du bon de commande, d'une part, et du dol du vendeur, d'autre part, ainsi que des demandes subséquentes tendant à voir, non seulement, prononcer la nullité du contrat de prêt affecté, mais également priver le prêteur de son droit à restitution et condamner le même au paiement de dommages et intérêts, et l'en débouter,

- Débouter en tout état de cause Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes, comme étant parfaitement infondées,

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a déclaré l'action recevable,

Statuant à nouveau sur les autres points,

- Condamner Monsieur [V], sur le fondement de l'article L.312-39 du Code de la Consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, à payer à la Société Financo, au titre du dossier n° 49030080 la somme en principal de 19.912,10 €, actualisée au 24 octobre 2020, assortie des intérêts calculés au taux contractuel de 4.80 % sur la somme de 18.291,73 € à compter du 30 septembre 2020 date d'arrêté des intérêts au décompte, et au taux légal sur le surplus,

Subsidiairement, si la cour confirmait le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la société Financo encourait la déchéance du droit aux intérêts,

- Condamner Monsieur [V], sur le fondement de l'article L.312-39 du Code de la Consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, à payer à la société Financo, au titre du dossier n° 49030080 la somme en principal de 16.500,46 €, actualisée au 15 décembre 2022, assortie des intérêts calculés au taux légal à compter de la mise en demeure du 06 octobre 2020,

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur [V] à payer à la Société Financo la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [V] aux dépens de première instance et d'appel.

L'ATI 79, ès-qualités de tuteur de Monsieur [V] a, par dernières conclusions transmises le 19 juin 2023, sollicite de la cour de :

Vu les articles 1217 et 1231-1 du Code civil,

Vu l'article 1137 du Code civil,

Vu l'article L. 312-55 du code de la consommation,

Vu les articles L. 221-1 et suivants du Code de la Consommation relatifs aux contrats conclus à distance et hors établissement,

Vu les articles L.111-1 et suivants du Code de la Consommation, dans leurs rédactions en vigueur lors de la conclusion des contrats,

Vu les pièces produites,

- Dire la SA Financo mal fondée en son appel,

- Dire et juger que l'intervention volontaire de l'ATI 79 en qualité de tuteur de Monsieur [C] [V] aux termes du jugement du 13 juin 2023 est recevable et bien fondée ;

- Déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par Monsieur [C] [V] ;

A titre principal,

- Infirmer le jugement le jugement rendu le 07 septembre 2022 par le juge des contentieux de la Protection de Niort en ce qu'il a :

- Déclare la SA Financo recevable en son action à l'égard de M. [C] [V] ;

- Déboute la SA Financo de ses demandes;

- Condamne la SA Financo aux entiers dépens.

Statuer à nouveau :

- Ordonner à la société Financo de communiquer le bon de commande émis par la Société Terra Nova, qui constitue le contrat principal au crédit affecté octroyé par la SA Financo,

A défaut de communication de cette pièce contractuelle,

- Dire qu'en l'absence de ce bon de commande, la banque n'aurait pas dû libérer les fonds du crédit affecté, puisqu'elle a l'obligation de vérifier la conformité de celui-ci aux dispositions du code de la consommation,

- Prononcer la nullité du contrat principal conclu par Monsieur [V] auprès de la société Terra Nova pour non-respect des dispositions du code de la consommation, ainsi que l'annulation du contrat de crédit affecté Financo,

- Dire que la banque Financo a commis une faute qui prive le prêteur de réclamer le remboursement du capital,

- Condamner le prêteur à rembourser Monsieur [V] représenté par son tuteur, l'ATI 79, de la totalité des sommes reçues en exécution du contrat annulé,

A titre subsidiaire,

- Confirmer dans son intégralité le jugement rendu le 07 septembre 2022 par le juge des contentieux de la protection de Niort,

- Constater que la banque ne produit pas la fiche d'informations précontractuelles,

- Constater que la banque n'a pas consulté préalablement à l'acceptation de l'offre de crédit du 10 octobre 2018 le Fiche des Incidents de Remboursements des Crédits aux Particuliers (FICP)

- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts si la cour estimait que le contrat principal ne devait pas être annulé,

- Reporter le paiement des échéances de crédit dans les deux années à venir,

En tout état de cause,

- Rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions de l'appelante,

- Condamner la société Financo à verser à Monsieur [V] [C] représenté par son tuteur, l'ATI 79, la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts,

- Condamner la Société Financo à verser à Monsieur [V] [C] représenté par son tuteur, l'ATI 79, la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SAS Terra Nova a, par dernières conclusions transmises le 05 juillet 2023, réclame de la cour de :

Vu l'article 555 du Code de procédure civile,

Vu la Jurisprudence citée,

- Recevoir la SAS Terra Nova en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- Juger irrecevable la demande de mise en cause formulée par Monsieur [V], désormais représenté par son tuteur, à l'encontre de la société Terra Nova,

- Condamner Monsieur [V] représenté par son tuteur au versement au profit de la société Terra Nova de la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner le même aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'instruction de l'affaire a été clôturée suivant ordonnance datée du 05 mars 2024 en vue d'être plaidée à l'audience du 02 avril 2024, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la demande de mise en cause de la SAS Terra Nova

1. La SAS Terra Nova, au visa de l'article 555 du Code de procédure civile, fait valoir qu'il n'est pas possible de déterminer la finalité de sa mise en cause puisqu'aucune demande n'est formulée à son encontre.

Surtout, souligne-t-elle, seule l'évolution de l'intérêt du litige peut justifier un appel en la cause devant la Cour d'appel. Or, selon elle, Monsieur [V] ne justifie d'aucun élément nouveau susceptible de justifier son intervention forcée en cause d'appel.

2. Monsieur [V] ne conclut pas sur cette fin de non-recevoir.

3. La SA Financo, sans conclure expressément sur cette fin de non-recevoir, explique que le contrat de prêt litigieux est un contrat accessoire à un contrat de vente conclu avec la société Terra Nova constituant ainsi un tout indissociable et qu'ainsi, faute d'avoir attrait cette société en première instance ou en appel, la nullité du contrat principal ne peut être soulevée en conformité avec les dispositions de l'article L. 312-55 du Code de la consommation.

4. La cour observe qu'il a été expressément sollicité de Monsieur [V] par l'appelante qu'il mette en cause le vendeur, ce qui a été fait suivant assignation en intervention forcée en date du 16 mai 2023.

5. S'agissant d'une indivisibilité à l'égard du vendeur et du prêteur dans le cas d'un crédit affecté comme le souligne d'ailleurs le prêteur, l'appel formé contre l'une des parties n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance, conformément à l'article 553 du Code de procédure civile.

6. Monsieur [V], désormais représenté par son tuteur, l'ATI 79, s'est donc conformé aux injonctions du prêteur et de la loi dès lors qu'il demande expressément au fond la nullité du contrat principal dans le cadre de son appel incident. Il ne peut donc lui être fait grief d'avoir mis en cause la SAS Terra Nova et celle-ci sera déclarée recevable.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté d'une prétention en appel

7. Au visa de l'article 564 d Code de procédure civile, la SA Financo explique pour la première fois, aux termes de ses conclusions d'intimé, Monsieur [V], pourtant comparant en première instance, sollicite la nullité du contrat de vente principal et celle corrélative du contrat de prêt affecté, outre la privation subséquente du prêteur de son droit à restitution du capital prêté et sa condamnation au paiement de dommages et intérêts de sorte que ses demandes doivent être qualifiées de nouvelles.

8. La SAS Terra Nova ne conclut pas sur ce point.

9. L'ATI 79, en sa qualité de tuteur de Monsieur [V], explique que ce dernier était non comparant en première instance en raison de son incapacité à gérer sa situation administrative et financière (mesure d'ouverture d'une mesure de tutelle précédée d'une mesure de sauvegarde), mais serait désormais parfaitement fondé à présenter les demandes de nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté.

10. Selon l'article 564 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

11. La cour observe que la prétention tendant à la nullité du contrat principal et celle, subséquente, du contrat de crédit affecté sont présentées en cause d'appel en vue de faire écarter la prétention adverse de la SA Sofinco visant à obtenir sa condamnation au paiement d'une somme principale de 19.912,10 € rejetée par le premier juge.

12. Dès lors, cette prétention, formée à titre d'appel incident, est parfaitement recevable et la fin de non-recevoir présentée par le prêteur sera rejetée.

Sur la nullité du contrat principal

13. L'appelante ne conclut pas sur la demande de communication du bon de commande signé entre la SAS Terra Nova et Monsieur [V] et explique que les conséquences d'une éventuelle nullité du contrat de vente ne la prive pas automatiquement de son droit à restitution du capital prêté.

14. La SAS Terra Nova ne conclut pas sur ce point.

15. L'ATI 79, en sa qualité de tuteur de Monsieur [V] fait valoir que ce dernier n'a en sa possession, ni bon de commande, ni facture alors que la banque est astreinte à une vérification du bon de commande avant libération des fonds.

Selon cet organisme tutélaire, l'absence de ce bon de commande entraîne sa nullité dès lors qu'il est impossible de vérifier le respect des dispositions du code de la consommation prévues à ses articles L. 111-1, L. 221-1, L. 221-10.

16. La cour relève que c'est à bon droit que l'ATI 79, en sa qualité de tuteur de Monsieur [V] fait observer qu'il appartient au fournisseur d'un crédit affecté de s'enquérir de la régularité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation avant de débloquer les fonds.

17. Cependant, en amont de cette vérification, la cour indique qu'il appartient à un organisme de crédit de débloquer les fonds en présence d'un bon de commande écrit, qui plus est, signé par la consommateur, cette dernière formalité constituant la preuve de l'acceptation de l'offre.

18. En l'absence de contrat écrit, la cour fera droit à la demande de nullité du bon de commande présentée par l'ATI 79, en sa qualité de tuteur de Monsieur [V] sans qu'il ne soit possible d'examiner les griefs tirés de l'absence des mentions relatives aux modalités d'exécution, au paiement et au droit de rétractation et sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner la nullité de ce même bon de commande au regard des vices du consentement.

Sur les conséquences

Sur la nullité corrélative du contrat de crédit affectés

19. Il résulte de l'article L. 312-55 du Code de la consommation que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Selon les troi derniers alinéas de l'article 1178 du Code civil :

'Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.'

20. En l'espèce, l'annulation du bon de commande a pour effet l'annulation de plein droit du contrat de crédit.

21. La décision entreprise sera infirmée en ce qu'il y a lieu de constater la nullité du contrat de crédit affecté. Il s'ensuit que l'emprunteur doit restitution du capital emprunté, sauf faute du prêteur qui aurait omis de vérifier l'exécution complète du contrat principal ou de s'assurer de sa régularité, notamment, au regard de la législation relative au démarchage à domicile.

Sur le droit à restitution du prêteur

22. Il est établi que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

23. Il s'ensuit que l'absence de préjudice subi par les emprunteurs, en lien avec les fautes alléguées du prêteur, exclut la responsabilité de ce dernier.

Sur l'existence d'une faute

24. La SA Financo explique qu'elle n'a commis aucune faute et indique que la sanction d'une l'éventuelle faute du prêteur, fut-elle démontrée, ne pourrait consister qu'en l'octroi de dommages et intérêts.

25. L'ATI 79, en sa qualité de tuteur de Monsieur [V], appelant incident, objecte que la SA Sofinco, faute de justifier d'un bon de commande accepté, conforme aux exigences des dispositions des articles L. 111-1 (ancien) et suivants du code de la consommation ainsi qu'aux dispositions des articles L. 121-21 (ancien) relatives au démarchage, décrivant notamment avec précision la nature des prestations proposées à Monsieur [V], le prêteur a commis une faute à son égard, ceci, en débloquant abusivement les fonds, serait privé de son droit à réclamer le remboursement du capital.

26. La cour indique que le déblocage des fonds sur foi d'une commande qui n'aurait pas été régularisée par écrit relève indubitablement d'une faute grave du prêteur. Il y a ainsi lieu de dire que la SA Sofinco a commis une faute en s'abstenant de s'assurer de sa régularité.

27. Il appartient désormais à Monsieur [V] de justifier d'un préjudice en lien avec la faute du prêteur.

Sur le préjudice

28. La SA Financo fait valoir que l'indemnisation à laquelle peut prétendre l'emprunteur ne vaut que s'il justifie d'un préjudice et d'un lien de causalité direct entre la prétendue faute du prêteur et son prétendu préjudice, ce qui ne serait pas démontré.

Pour le surplus, le prêteur expose qu'il justifie suffisamment avoir remis la FIPEN prévue à l'article L. 312-12 du Code de la consommation, avoir consulté le fichier national des incidents de remboursement des crédits au particuliers le 08 novembre 2018 et satisfait à son obligation de vérification de la solvabilité de Monsieur [V] et verse un historique comptable de sa créance devant justifier de la preuve de sa créance.

29. La cour constate que l'ATI 79, en sa qualité de tuteur de Monsieur [V], appelant incident, n'allègue l'existence d'aucun préjudice et ne rapporte pas, consécutivement, la preuve d'un préjudice en lien avec la faute retenue précédemment à l'encontre de la SA Sofinco.

29. Dès lors, Monsieur [V] devra rembourser le capital emprunté, déduction faite des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit.

30. Compte tenu des éléments produits au débat, notamment la pièce 11 de la SA Financo, la cour est en mesure d'arrêter la somme résiduelle qui lui est due à celle de 16.500 € (capital de 18.000€ déduction faite des 1.499,54 € réglé par l'emprunteur), étant précisé que cette disposition exclut d'examiner la demande de déchéance aux intérêts contractuels.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

31. L'ATI 79, en sa qualité de tuteur de Monsieur [V], fait valoir qu'au regard du sentiment de tromperie auquel il a dû faire face, ajouté à la pression constante qui l'a impacté et affaibli, il est en droit d'obtenir une somme de 5.000 €.

32. La cour rejettera la demande en paiement de dommages-intérêts formée contre les intimés pour préjudice moral faute de preuve de l'existence d'un tel préjudice et de son lien causal avec la faute du vendeur et du prêteur.

Sur la demande de délai de paiement

33. Il résulte de l'article 1343-5 du Code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

34. Le refus d'octroyer un délai, mesure exceptionnelle en faveur du débiteur, n'a pas à être motivé, puisque relevant du pouvoir discrétionnaire de la cour.

35. En revanche, les juges du fond disposent, en vertu de l'article 510 du Code de procédure civile, d'un pouvoir souverain pour accorder un report de paiement au débiteur, notamment, si ce dernier ne dispose d'aucune capacité de remboursement.

36. Cependant, il est établi que l'octroi d'un tel report est subordonné à la preuve que le débiteur soit malheureux, c'est-à-dire, objectivement confronté à des difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter seul et de bonne foi.

37. Monsieur [V] produit ses avis d'imposition pour les années 2018 à 2022 et indique que son revenu mensuel compris entre 1.041 € et 1.058 € ne lui permettent pas d'assumer ce prêt ni les autres souscrits successivement avec ce mêle type de sociétés de démarchage à domicile. Il conclut dès lors à une suspension des prélèvements pendant deux années.

38. La cour relève que Monsieur [V] ne justifie pas, au regard des éléments qui précèdent, de perspectives particulières de remboursement de la dette dans les deux ans à venir. Cependant, de bonne foi et placé sous tutelle, il justifie de difficultés particulières qu'il ne peut surmonter actuellement.

39. De la sorte, il y a lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre.

Sur les autres demandes

40. Il apparaît équitable de rejeter l'ensemble des demandes adressées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

41. La SAS Terra Nova qui échoue en ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Niort en date du 07 septembre 2022, sauf en ce qu'il a condamné la SA Financo aux dépens d'appel,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat principal entre la SAS Terra Nova et Monsieur [C] [V] pour non respect des dispositions du code de la consommation,

Prononce en conséquence la nullité du contrat de crédit signé le 10 octobre 2018 entre la SA Financo et Monsieur [C] [V],

Rejette la demande de Monsieur [C] [V] aux fins de privation de la SA Financo de son droit à restitution des fonds prêtés,

Condamne Monsieur [C] [V] à restituer à la SA Financo la somme de 16.500 € (seize mille cinq cent euros) augmentéee des intérêts au taux légal à compter de l'expiration du délai de report qui lui est accordé,

Accorde à Monsieur [C] [V] un report de deux années du paiement de sa dette fixée à la somme de 16.500€ à compter de la date de signification du présent arrêt,

Rappelle que les pénalités et majorations de retard cessent d'être dues pendant la période de délai conformément à l'article 1343-5, alinéa 4 du Code civil dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Rappelle que pendant le cours du délai, toutes les procédures d'exécution engagées pour le recouvrement de la dette sont suspendues conformément au même texte,

Rejette les autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la SAS Terra Nova aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,