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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 4 juin 2024, n° 21/07830

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Accedons (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Conseillers :

M. Pothier, Mme Barthe-Nari

Avocats :

Me Kermarrec, Me Chevalier, Me Combe

CA Rennes n° 21/07830

3 juin 2024

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant contrat conclu hors établissement le 22 décembre 2020, M. [U] [J] a commandé à la société Accédons la fourniture et l'installation d'un monte-escaliers, moyennant le prix de 7 000 euros TTC.

M. [J] a réglé un acompte de 2 100 euros le jour de la commande.

La société Acorn est intervenue le 14 janvier 2021 pour procéder à l'installation de l'appareil au domicile de M. [J], et s'est de nouveau déplacée le 3 mars 2021 pour modifier le rail et prolonger l'arrivée de l'appareil.

Après refus de M. [J] de régler la facture du 9 mars 2021 d'un montant de 4 700 euros, la société Accédons a fait diligenter une expertise auprès de la société Sedgwick, mandatée par son assureur de protection juridique, laquelle a indiqué dans son rapport du 23 juin 2021 ne pas être en mesure de se prononcer sur les responsabilités des parties faute d'avoir pu tester le bon fonctionnement du monte-escaliers.

Après avoir vainement le 22 avril 2021, par l'intermédiaire de son assureur, mis en demeure M. [J] de régler le solde du marché, la société Accédons l'a, par acte du 3 septembre 2021, fait assigner en paiement devant le tribunal de proximité de Fougères.

Estimant que la société Accédons ne rapportait pas la preuve du bon fonctionnement du monte-escaliers et que M. [J] ne démontrait pas que l'appareil ne pouvait servir à l'usage auquel il était destiné, le tribunal de proximité a, par jugement du 26 novembre 2021 :

débouté la société Accédons de l'ensemble de ses demandes,

débouté M. [J] de sa demande formée à titre reconventionnel,

dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties au litige,

rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire.

La société Accédons a relevé appel de ce jugement le 16 décembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions du 14 mars 2022, elle demande à la cour de :

condamner M. [J] à devoir payer la somme de 4 700 euros à la société Accédons, somme augmentée des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 22 avril 2021,

condamner M. [J] à devoir payer la somme de 900 euros au titre des frais irrépétibles,

condamner M. [J] en tous les dépens de la procédure en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée.

Formant appel incident, M. [J] demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions du 14 juin 2022, de :

Vu les articles 1103,1104,1119 alinéa 1er, 1128,1178 et 1184 du code civil,

Vu les articles L.221-5, L.221-9, L.221-18, L.221-20 du code de la consommation,

Vu l'article L.111-1 du code de la consommation,

Vu les articles L.242-1, L.242-6 et L.242-13 du code de la consommation,

Vu l'article L.441-1 du code de commerce,

le recevoir en son appel incident,

infirmer le jugement attaqué,

Et statuant de nouveau,

A titre principal

prononcer la nullité du contrat du 22 décembre 2020 passé entre la société Accédons et M. [J],

condamner la société Accédons à payer la somme de 2 100 euros à M. [J] au titre de la restitution de l'acompte versé par M. [J] lors de la signature du contrat avec la société Accédons,

condamner la société accédons à retirer l'installation et remettre en état les lieux sous astreinte de 100 euros par jours de retard passé le délai de 30 jours à compter de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

juger que le délai de rétractation au contrat de vente est de douze mois en application de l'article L.221-20 du code de la consommation,

juger que M. [J] s'est rétracté dans les délais prescrits,

ordonner que la rétractation de M. [J] emporte anéantissement du contrat,

condamner la société Accédons à payer la somme de 2 100 euros à M. [J] au titre de la restitution de l'acompte versé par M. [J] lors de la signature du contrat avec la société Accédons,

condamner la société Accédons à retirer l'installation et remettre en état les lieux sous astreinte de 100 euros par jours de retard passé le délai de 30 jours à compter de la décision à intervenir,

A titre infiniment subsidiaire,

juger que la société Accédons n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles,

ordonner la 'résiliation' du contrat de vente ratifié le 22 décembre 2020 aux torts exclusifs de la société Accédons,

condamner la société Accédons à payer la somme de 2 100 euros à M. [J] au titre de la restitution de l'acompte versé par M. [J] lors de la signature du contrat avec la société Accédons,

condamner la société Accédons à retirer l'installation et remettre en état les lieux sous astreinte de 100 euros par jours de retard passé le délai de 30 jours à compter de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

condamner la société Accédons à payer la somme de 5 000 euros à M. [J] au titre des dommages et intérêts,

débouter la société Accédons de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes,

condamner la société Accédons à hauteur de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 25 janvier 2024.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

En l'occurence, il ressort du dispositif de ses dernières conclusions du 14 mars 2022, que la société Accédons ne demande ni l'infirmation ni l'annulation du jugement attaqué.

La cour est toutefois saisie de l'appel incident de M. [J] qui demande à titre principal l'annulation du contrat de vente sur le fondement des dispositions protectrices du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.

Au soutien de son appel, il fait valoir que le contrat ne contient aucun formulaire de rétractation détachable, et que seule une 'annulation de commande' est prévue renvoyant aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation abrogés au moment de la conclusion du contrat, de sorte que les conditions tenant au droit de rétractation du consommateur n'auraient pas été respectées, alors que le contrat aurait dû comporter l'un des modèles type de rétractation figurant à l'article R. 221-1 du code de la consommation.

Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,

son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,

les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

le prix du bien ou du service,

les modalités de paiement,

en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,

le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,

l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.

Il est exact que le contrat de vente ne contient pas de bordereau de rétractation conforme au formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause.

Il ne comporte qu'un formulaire d''annulation de commande', renvoyant de surcroît aux articles L. 121-23 à L. 121-26 abrogés au jour de la conclusion du contrat.

Comme le relève à juste titre l'intimé, ce formulaire d''annulation de commande' ne mentionne pas non plus le nom de la société auprès de laquelle il aurait dû être envoyé.

D'autre part, ce document mentionne que 'l'annulation de la commande' doit être envoyée par lettre recommandée avec avis de réception 'au plus tard le quatorzième jour de la commande.'

Or, le contrat litigieux, qui portait sur la livraison d'un monte-escaliers, ainsi que sur une prestation de service d'installation, doit être assimilé à un contrat de vente en application de l'article L. 221-18 du code de la consommation, de sorte que le droit de rétractation du consommateur courait à compter de la réception du bien par le consommateur ou le tiers désigné par lui, et non à compter de la commande comme il était mentionné à tort dans ce document.

En outre, il résulte de l'article L. 242-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation mentionnées à l'article L. 221-9 dudit code ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat est encourue, de sorte qu'une telle sanction peut être invoquée par le souscripteur du contrat, au même titre que la prolongation du délai de rétractation prévu par l'article L. 221-20 du même code.

Ainsi, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens de nullité invoqués, ni sur la demande de rétractation ou de 'résiliation' du contrat, il convient, après réformation du jugement attaqué, de prononcer la nullité du contrat conclu le 22 décembre 2020 entre M. [J] et la société Accédons.

Cette annulation a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre.

Ces restitutions sont un effet direct et nécessaire de l'anéantissement du contrat, la remise des choses dans le même état étant une conséquence légale de l'annulation du contrat.

Il convient, par conséquent, après réformation du jugement attaqué, de condamner la société Accédons à payer à M. [J] la somme de 2 100 euros au titre de la restitution de l'acompte versé.

Il y a lieu par ailleurs de condamner la société Accédons à reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile de M. [J] et à remettre les lieux en l'état, sans qu'il n'y ait matière à assortir en l'état cette condamnation d'une astreinte.

M. [J] demande par ailleurs la condamnation de la société Accédons au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Toutefois, il ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant des conséquences dommageables de l'opération, lequel est déjà réparé par l'annulation du contrat de vente et la restitution de l'acompte versé.

Cette demande sera rejetée.

La société Accédons, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de M. [J] l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de la procédure de première instance et d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 26 novembre 2021 par le tribunal de proximité de Fougères, sauf en ce qu'il a débouté la société Accédons de l'ensemble de ses demandes ;

Prononce la nullité du contrat de vente conclu entre M. [U] [J] et la société Accédons le 22 décembre 2020 ;

Condamne la société Accédons à payer à M. [U] [J] la somme de 2 100 euros au titre de la restitution de l'acompte versé ;

Condamne la société Accédons à reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile de M. [U] [J] et à remettre les lieux en l'état ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Déboute M. [U] [J] de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Condamne la société Accédons à payer à M. [U] [J] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Accédons aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.