Décisions
CA Rennes, 2e ch., 4 juin 2024, n° 21/01551
RENNES
Arrêt
Autre
2ème Chambre
ARRÊT N° 205
N° RG 21/01551 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RNQZ
(Réf 1ère instance : 1119000925)
(1)
S.A.S. PRESTIGE ECO HABITAT
C/
M. [Z] [R]
Mme [S] [D] épouse [R]
S.A. COFIDIS SA
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Aude NORMANT
- Me Gilles DAUGAN
- Me Christophe LHERMITTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUIN 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Mme Aichat ASSOUMANI, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Janvier 2024
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juin 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe
****
APPELANTE :
S.A.S. PRESTIGE ECO HABITAT
[Adresse 3]
[Localité 6] / FRANCE
Représentée par Me Aude NORMANT,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Harry BENSIMON, Plaidant avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [Z] [R]
né le 19 Novembre 1973 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Thierry PIERRON de la SELARL CABINET TAIEB - PIERRON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Madame [S] [D] épouse [R]
née le 20 Janvier 1975 à [Localité 9] (44)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Thierry PIERRON de la SELARL CABINET TAIEB - PIERRON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
COFIDIS SA
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Xavier HELAIN, Plaidant, avocat au barreau de LILLE
INTERVENANTE FORCÉE :
SELARL [I]-PECOU représentée par Me [P] [I], ès qualité de mandataire liquidateur de la société PRESTIGE ECO HABITAT
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
N'ayant pas constitué avocat, assigné(e) par acte d'huissier le 15 juillet 2023 à personne morale.
3
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 26 avril 2017, M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, ont commandé à la société Prestige éco habitat la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaïques, d'un ballon thermodynamique, d'une isolation et d'un pack GSE air système pour un coût de 34 900 euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un prêt auprès de la société Cofidis (la banque).
Suivant acte d'huissier du 27 février 2019, les époux [R] ont assigné la société Prestige éco habitat et la banque devant le tribunal d'instance de Nantes.
Suivant jugement du 31 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes devenu compétent a :
Prononcé l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit.
Débouté la société Cofidis de sa demande de restitution du capital emprunté.
Condamné la société Cofidis à rembourser aux époux [R] les échéances échues payées en deniers ou quittance.
Condamné la société Prestige éco habitat à payer à la société Cofidis la somme de 17 450 euros.
Dit que la société Prestige éco habitat devrait reprendre à ses frais les matériels posés au domicile des époux [R] et remettre la couverture en son état initial dans les deux mois suivant la signification du jugement, après avoir prévenu ces derniers quinze jours à l'avance.
À défaut d'enlèvement dans le délai susvisé, autorisé les époux [R] à disposer des matériels comme bon leur semblerait.
Condamné in solidum la société Cofidis et la société Prestige éco habitat aux dépens.
Rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Rejeté la demande d'exécution provisoire.
Débouté les parties de leurs autres demandes.
Suivant déclaration du 8 mars 2021, la société Prestige éco habitat a interjeté appel.
Suivant conclusions du 1er septembre 2021, la banque a interjeté appel incident.
Suivant jugement du 23 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Prestige éco habitat et désigné la société [I] Pécou en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant acte d'huissier des 12 juillet et 30 août 2023, les époux [R] ainsi que la banque ont assigné en intervention forcée la société [I] Pécou.
En ses dernières conclusions du 30 novembre 2021, la société Prestige éco habitat demande à la cour de :
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
Prononcé l'annulation du contrat de vente.
Prononcé sa condamnation à payer à la société Cofidis la somme de 17 450 euros.
Prononcé sa condamnation aux dépens.
Rejeté sa demande de remboursement à titre de dommages et intérêts des sommes perçues par les époux [R], soit la somme globale de 10 099 euros.
Rejeté sa demande de condamnation des époux [R] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Confirmer le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,
Constater la validité du contrat de vente.
Débouter les époux [R] de leurs demandes.
Débouter la banque de ses demandes.
Subsidiairement,
Condamner les époux [R] à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 10 099 euros.
Les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
En leurs dernières conclusions du 13 décembre 2023, les époux [R] demandent à la cour de :
Vu les articles L. 111-11, R. 111-11, L. 221-5, L. 221-8, L. 221-9, L. 242-1, L. 311-1, L. 312-48, L.
312-55, L. 314-25 du code de la consommation,
Vu les articles 1130, 1131, 1137, 1224 et suivants, 1240, 1604, 1710, 1792 et suivants du code civil,
Vu les articles L. 241-1 et L.243-3 du code des assurances,
À titre principal,
Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner la banque à leur payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
Condamner la banque à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société « Franfinance » aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Gilles Daugan.
En ses dernières conclusions du 25 août 2023, la banque demande à la cour de :
Réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Débouter les époux [R] de leurs demandes.
Dire la société [I] Pécou mal fondée en ses demandes.
Condamner solidairement les époux [R] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles.
À titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité des conventions,
Condamner solidairement les époux [R] à lui rembourser la somme de 34 900 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision, déduction faite des échéances payées.
À titre plus subsidiaire, si la cour confirmait le jugement sur la nullité et la dispense des emprunteurs de remboursement du capital emprunté,
Condamner la société [I] Pécou ès qualités à lui payer la somme de 42 033,32 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
À titre infiniment subsidiaire,
Condamner la société [I] Pécou à lui payer la somme de 34 900 euros outre les intérêts au taux légal à compter la présente décision.
En tout état de cause,
Condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner tout succombant aux dépens.
La société [I] Pécou n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les époux [R] font valoir que le bon de commande est irrégulier puisque des mentions obligatoires sont absentes à savoir les caractéristiques essentielles du bien ou du service, la marque, le poids, la surface et le rendement des panneaux photovoltaïques, les modalités d'exécution du contrat, le prix unitaire, les modalités de paiement, le délai de livraison. Ils font valoir également que le bordereau de rétractation est irrégulier. Ils font valoir enfin que le bon de commande ne donne aucune information sur les garanties légales ou les possibilités de recours à un médiateur.
La société Prestige éco habitat et la banque concluent à la régularité du bon de commande.
L'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose que, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné, au prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, à la date ou au délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, aux garanties légales et à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.
Le bon de commande du 26 avril 2017 produit par les époux [R] porte sur dix-huit panneaux photovoltaïques d'une puissance de 4 500 Wc avec onduleur, de marque GSE ou équivalent, sans garantie de rendement ou d'autofinancement, sur un ballon de marque Thermor d'une capacité de 270 l, sur une prestation isolation et sur un pack air système de marque GSE. Il est prévu une pose des panneaux avec un kit d'intégration. Les caractéristiques des biens vendus, hormis la prestation isolation comme il sera dit ci-après, et les modalités d'exécution sont suffisamment précisées.
Il faut ajouter :
Concernant le poids et la dimension des panneaux photovoltaïques, il ne résulte pas des dispositions précitées qu'ils doivent être précisés à peine de nullité de la convention et il ne peut être valablement soutenu que ces informations constitueraient, sauf contrainte technique particulière et identifiée, des caractéristiques essentielles du bien vendu à l'instar de la marque d'un équipement.
Concernant le coût des différents biens et prestations, il ne résulte pas des dispositions précitées que le prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert ou du service proposé doive être indiqué en dépit du caractère composite de l'installation qui propose une solution intégrée de chauffage, de production d'eau chaude et d'isolation, les informations communiquées permettant une comparaison avec des offres concurrentes.
Concernant les garanties légales, elles sont rappelées au verso du contrat dans les conditions générales de vente.
En revanche, si le bon de commande précise que les travaux seront financés par un crédit dont les caractéristiques essentielles sont rappelées, il apparaît que le coût total du crédit indiqué dans le bon de commande et dans l'offre de prêt complétée par le vendeur est inexact. La somme de 42 033,32 euros est mentionnée au lieu de la somme de 50 582,89 euros.
Il est exact que le bon de commande ne mentionne pas le type d'isolation qui sera mise en 'uvre.
Il est également exact que les délais de livraison et d'exécution ne sont pas précisés.
Il est encore exact que les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1 du code de la consommation ne sont pas précisées.
Il est enfin exact que le bordereau de rétractation n'est pas conforme au modèle type prévu par l'article L. 221-5 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce en ce qu'il comporte une information erronée. Il indique en effet que le consommateur a la faculté de renoncer au contrat au plus tard le quatorzième jour à partir du jour de la commande, avec prorogation, si ce délai expire un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, au premier jour ouvrable suivant alors que le contrat ayant pour objet à la fois la livraison de biens et la fourniture de prestation de services, il est assimilé à un contrat de vente de sorte que le délai de rétractation commence à courir à compter de la livraison et non de la commande par application des articles L. 221-1 II et L. 221-18.
La reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance.
Aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les époux [R] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux ne suffisent pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat et qu'ils ont manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.
Il convient donc pour les causes de nullité sus-évoquées, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande tendant à voir constater le dol, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente.
La demande de la société Prestige éco habitat tendant à la condamnation des époux [R] à lui payer la somme de 10 099 euros à titre de dommages et intérêts ne peut prospérer en l'absence de faute et de préjudice démontrés.
La liquidation judiciaire interdit de confirmer la condamnation de la société Prestige éco habitat à payer à la société Cofidis la somme de 17 450 euros ou à reprendre à ses frais les matériels posés au domicile des époux [R], à remettre la couverture en son état initial, et de permettre à ces derniers, à défaut d'enlèvement, de disposer des matériels comme bon leur semblerait. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point. Il sera dit que les époux [R] devront tenir les matériels vendus à la disposition du liquidateur judiciaire.
Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de prêt affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Il n'est pas contesté que le contrat de prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Prestige éco habitat emporte annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la banque. Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de prêt.
Les époux [R] soutiennent que la banque a commis une faute la privant de sa créance de restitution en finançant une opération irrégulière. Il lui reproche également d'avoir procédé de manière fautive au déblocage des fonds.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure de sorte qu'elle doit entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre. La banque soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution.
Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'un certificat de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal. En l'occurrence, le certificat de livraison signé le 25 juillet 2017 faisait ressortir que la livraison des biens et les prestations promises avaient été pleinement effectuées à l'exception des démarches de raccordement au réseau qui avaient été seulement engagées. Les emprunteurs demandaient néanmoins à la banque de procéder à la mise à disposition des fonds entre les mains du vendeur. Il apparaît que la banque a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté en libérant les fonds de manière prématurée alors que la prestation accessoire de raccordement au réseau public d'électricité jusqu'à l'obtention du contrat d'achat avec EDF, telle que prévue au contrat, n'avait pas été finalisée.
Il est aussi de principe que le prêteur commet une faute lorsqu'il libère la totalité des fonds alors qu'à la lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile. Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit, à ne pas libérer les fonds entre les mains du vendeur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des époux [R] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier. La banque n'avait pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal mais il lui appartenait de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du vendeur sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle du bon de commande, elle a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.
La banque fait valoir que la dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur. Les époux [R] ne caractérisent aucunement une absence de fonctionnement de l'installation. Il est en effet établi par une lettre de la société EDF que la mise en service est finalement intervenue le 27 septembre 2017. En l'absence de démonstration de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur, la demande de dispense de restitution du capital emprunté ne peut prospérer.
Les époux [R] seront condamnés à payer à la banque la somme de 34 900 euros au titre de la restitution du capital emprunté sous déduction des échéances payées outres les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
La banque n'est pas fondée à solliciter la fixation d'une quelconque créance au passif de la liquidation judiciaire du vendeur alors que l'emprunteur est tenu à la restitution du capital emprunté et que le préjudice lié à la perte des intérêts lui est tout autant imputable en raison de l'absence de vérification de la régularité du bon de commande et de l'annulation consécutive du contrat de vente et du contrat de prêt.
La demande des époux [R] de condamnation de la banque à leur payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ne saurait prospérer en l'absence de préjudice démontré.
Il n'est pas inéquitable de condamner la banque à payer aux époux [R] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a condamné la société Prestige éco habitat aux dépens. La liquidation judiciaire interdit de confirmer cette condamnation. La société [I] Pécou ès qualités et la banque, parties succombantes à titre principal, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Gilles Daugan.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme partiellement le jugement rendu le 31 décembre 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.
Statuant à nouveau sur l'entier litige,
Prononce l'annulation du contrat de vente conclu le 26 avril 2017 entre M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, d'une part, et la société Prestige éco habitat d'autre part.
Constate l'annulation du contrat de prêt conclu le 26 avril 2017 entre M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, d'une part, et la société Cofidis d'autre part.
Dit que M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, devront tenir les matériels vendus à la disposition de la société [I] Pécou en qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige éco habitat.
Condamne M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, à payer à la société Cofidis la somme de 34 900 euros au titre de la restitution du capital emprunté sous déduction des échéances payées, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Condamne la société Cofidis à payer à M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société [I] Pécou en qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige éco habitat et la société Cofidis aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Gilles Daugan.
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
ARRÊT N° 205
N° RG 21/01551 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RNQZ
(Réf 1ère instance : 1119000925)
(1)
S.A.S. PRESTIGE ECO HABITAT
C/
M. [Z] [R]
Mme [S] [D] épouse [R]
S.A. COFIDIS SA
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Aude NORMANT
- Me Gilles DAUGAN
- Me Christophe LHERMITTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUIN 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Mme Aichat ASSOUMANI, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Janvier 2024
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juin 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe
****
APPELANTE :
S.A.S. PRESTIGE ECO HABITAT
[Adresse 3]
[Localité 6] / FRANCE
Représentée par Me Aude NORMANT,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Harry BENSIMON, Plaidant avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [Z] [R]
né le 19 Novembre 1973 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Thierry PIERRON de la SELARL CABINET TAIEB - PIERRON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Madame [S] [D] épouse [R]
née le 20 Janvier 1975 à [Localité 9] (44)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Thierry PIERRON de la SELARL CABINET TAIEB - PIERRON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
COFIDIS SA
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Xavier HELAIN, Plaidant, avocat au barreau de LILLE
INTERVENANTE FORCÉE :
SELARL [I]-PECOU représentée par Me [P] [I], ès qualité de mandataire liquidateur de la société PRESTIGE ECO HABITAT
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
N'ayant pas constitué avocat, assigné(e) par acte d'huissier le 15 juillet 2023 à personne morale.
3
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 26 avril 2017, M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, ont commandé à la société Prestige éco habitat la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaïques, d'un ballon thermodynamique, d'une isolation et d'un pack GSE air système pour un coût de 34 900 euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un prêt auprès de la société Cofidis (la banque).
Suivant acte d'huissier du 27 février 2019, les époux [R] ont assigné la société Prestige éco habitat et la banque devant le tribunal d'instance de Nantes.
Suivant jugement du 31 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes devenu compétent a :
Prononcé l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit.
Débouté la société Cofidis de sa demande de restitution du capital emprunté.
Condamné la société Cofidis à rembourser aux époux [R] les échéances échues payées en deniers ou quittance.
Condamné la société Prestige éco habitat à payer à la société Cofidis la somme de 17 450 euros.
Dit que la société Prestige éco habitat devrait reprendre à ses frais les matériels posés au domicile des époux [R] et remettre la couverture en son état initial dans les deux mois suivant la signification du jugement, après avoir prévenu ces derniers quinze jours à l'avance.
À défaut d'enlèvement dans le délai susvisé, autorisé les époux [R] à disposer des matériels comme bon leur semblerait.
Condamné in solidum la société Cofidis et la société Prestige éco habitat aux dépens.
Rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Rejeté la demande d'exécution provisoire.
Débouté les parties de leurs autres demandes.
Suivant déclaration du 8 mars 2021, la société Prestige éco habitat a interjeté appel.
Suivant conclusions du 1er septembre 2021, la banque a interjeté appel incident.
Suivant jugement du 23 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Prestige éco habitat et désigné la société [I] Pécou en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant acte d'huissier des 12 juillet et 30 août 2023, les époux [R] ainsi que la banque ont assigné en intervention forcée la société [I] Pécou.
En ses dernières conclusions du 30 novembre 2021, la société Prestige éco habitat demande à la cour de :
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
Prononcé l'annulation du contrat de vente.
Prononcé sa condamnation à payer à la société Cofidis la somme de 17 450 euros.
Prononcé sa condamnation aux dépens.
Rejeté sa demande de remboursement à titre de dommages et intérêts des sommes perçues par les époux [R], soit la somme globale de 10 099 euros.
Rejeté sa demande de condamnation des époux [R] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Confirmer le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,
Constater la validité du contrat de vente.
Débouter les époux [R] de leurs demandes.
Débouter la banque de ses demandes.
Subsidiairement,
Condamner les époux [R] à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 10 099 euros.
Les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
En leurs dernières conclusions du 13 décembre 2023, les époux [R] demandent à la cour de :
Vu les articles L. 111-11, R. 111-11, L. 221-5, L. 221-8, L. 221-9, L. 242-1, L. 311-1, L. 312-48, L.
312-55, L. 314-25 du code de la consommation,
Vu les articles 1130, 1131, 1137, 1224 et suivants, 1240, 1604, 1710, 1792 et suivants du code civil,
Vu les articles L. 241-1 et L.243-3 du code des assurances,
À titre principal,
Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner la banque à leur payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
Condamner la banque à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société « Franfinance » aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Gilles Daugan.
En ses dernières conclusions du 25 août 2023, la banque demande à la cour de :
Réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Débouter les époux [R] de leurs demandes.
Dire la société [I] Pécou mal fondée en ses demandes.
Condamner solidairement les époux [R] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles.
À titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité des conventions,
Condamner solidairement les époux [R] à lui rembourser la somme de 34 900 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision, déduction faite des échéances payées.
À titre plus subsidiaire, si la cour confirmait le jugement sur la nullité et la dispense des emprunteurs de remboursement du capital emprunté,
Condamner la société [I] Pécou ès qualités à lui payer la somme de 42 033,32 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
À titre infiniment subsidiaire,
Condamner la société [I] Pécou à lui payer la somme de 34 900 euros outre les intérêts au taux légal à compter la présente décision.
En tout état de cause,
Condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner tout succombant aux dépens.
La société [I] Pécou n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les époux [R] font valoir que le bon de commande est irrégulier puisque des mentions obligatoires sont absentes à savoir les caractéristiques essentielles du bien ou du service, la marque, le poids, la surface et le rendement des panneaux photovoltaïques, les modalités d'exécution du contrat, le prix unitaire, les modalités de paiement, le délai de livraison. Ils font valoir également que le bordereau de rétractation est irrégulier. Ils font valoir enfin que le bon de commande ne donne aucune information sur les garanties légales ou les possibilités de recours à un médiateur.
La société Prestige éco habitat et la banque concluent à la régularité du bon de commande.
L'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose que, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné, au prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, à la date ou au délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, aux garanties légales et à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.
Le bon de commande du 26 avril 2017 produit par les époux [R] porte sur dix-huit panneaux photovoltaïques d'une puissance de 4 500 Wc avec onduleur, de marque GSE ou équivalent, sans garantie de rendement ou d'autofinancement, sur un ballon de marque Thermor d'une capacité de 270 l, sur une prestation isolation et sur un pack air système de marque GSE. Il est prévu une pose des panneaux avec un kit d'intégration. Les caractéristiques des biens vendus, hormis la prestation isolation comme il sera dit ci-après, et les modalités d'exécution sont suffisamment précisées.
Il faut ajouter :
Concernant le poids et la dimension des panneaux photovoltaïques, il ne résulte pas des dispositions précitées qu'ils doivent être précisés à peine de nullité de la convention et il ne peut être valablement soutenu que ces informations constitueraient, sauf contrainte technique particulière et identifiée, des caractéristiques essentielles du bien vendu à l'instar de la marque d'un équipement.
Concernant le coût des différents biens et prestations, il ne résulte pas des dispositions précitées que le prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert ou du service proposé doive être indiqué en dépit du caractère composite de l'installation qui propose une solution intégrée de chauffage, de production d'eau chaude et d'isolation, les informations communiquées permettant une comparaison avec des offres concurrentes.
Concernant les garanties légales, elles sont rappelées au verso du contrat dans les conditions générales de vente.
En revanche, si le bon de commande précise que les travaux seront financés par un crédit dont les caractéristiques essentielles sont rappelées, il apparaît que le coût total du crédit indiqué dans le bon de commande et dans l'offre de prêt complétée par le vendeur est inexact. La somme de 42 033,32 euros est mentionnée au lieu de la somme de 50 582,89 euros.
Il est exact que le bon de commande ne mentionne pas le type d'isolation qui sera mise en 'uvre.
Il est également exact que les délais de livraison et d'exécution ne sont pas précisés.
Il est encore exact que les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1 du code de la consommation ne sont pas précisées.
Il est enfin exact que le bordereau de rétractation n'est pas conforme au modèle type prévu par l'article L. 221-5 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce en ce qu'il comporte une information erronée. Il indique en effet que le consommateur a la faculté de renoncer au contrat au plus tard le quatorzième jour à partir du jour de la commande, avec prorogation, si ce délai expire un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, au premier jour ouvrable suivant alors que le contrat ayant pour objet à la fois la livraison de biens et la fourniture de prestation de services, il est assimilé à un contrat de vente de sorte que le délai de rétractation commence à courir à compter de la livraison et non de la commande par application des articles L. 221-1 II et L. 221-18.
La reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance.
Aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les époux [R] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux ne suffisent pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat et qu'ils ont manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.
Il convient donc pour les causes de nullité sus-évoquées, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande tendant à voir constater le dol, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente.
La demande de la société Prestige éco habitat tendant à la condamnation des époux [R] à lui payer la somme de 10 099 euros à titre de dommages et intérêts ne peut prospérer en l'absence de faute et de préjudice démontrés.
La liquidation judiciaire interdit de confirmer la condamnation de la société Prestige éco habitat à payer à la société Cofidis la somme de 17 450 euros ou à reprendre à ses frais les matériels posés au domicile des époux [R], à remettre la couverture en son état initial, et de permettre à ces derniers, à défaut d'enlèvement, de disposer des matériels comme bon leur semblerait. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point. Il sera dit que les époux [R] devront tenir les matériels vendus à la disposition du liquidateur judiciaire.
Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de prêt affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Il n'est pas contesté que le contrat de prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Prestige éco habitat emporte annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la banque. Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de prêt.
Les époux [R] soutiennent que la banque a commis une faute la privant de sa créance de restitution en finançant une opération irrégulière. Il lui reproche également d'avoir procédé de manière fautive au déblocage des fonds.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure de sorte qu'elle doit entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre. La banque soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution.
Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'un certificat de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal. En l'occurrence, le certificat de livraison signé le 25 juillet 2017 faisait ressortir que la livraison des biens et les prestations promises avaient été pleinement effectuées à l'exception des démarches de raccordement au réseau qui avaient été seulement engagées. Les emprunteurs demandaient néanmoins à la banque de procéder à la mise à disposition des fonds entre les mains du vendeur. Il apparaît que la banque a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté en libérant les fonds de manière prématurée alors que la prestation accessoire de raccordement au réseau public d'électricité jusqu'à l'obtention du contrat d'achat avec EDF, telle que prévue au contrat, n'avait pas été finalisée.
Il est aussi de principe que le prêteur commet une faute lorsqu'il libère la totalité des fonds alors qu'à la lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile. Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit, à ne pas libérer les fonds entre les mains du vendeur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des époux [R] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier. La banque n'avait pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal mais il lui appartenait de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du vendeur sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle du bon de commande, elle a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.
La banque fait valoir que la dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur. Les époux [R] ne caractérisent aucunement une absence de fonctionnement de l'installation. Il est en effet établi par une lettre de la société EDF que la mise en service est finalement intervenue le 27 septembre 2017. En l'absence de démonstration de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur, la demande de dispense de restitution du capital emprunté ne peut prospérer.
Les époux [R] seront condamnés à payer à la banque la somme de 34 900 euros au titre de la restitution du capital emprunté sous déduction des échéances payées outres les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
La banque n'est pas fondée à solliciter la fixation d'une quelconque créance au passif de la liquidation judiciaire du vendeur alors que l'emprunteur est tenu à la restitution du capital emprunté et que le préjudice lié à la perte des intérêts lui est tout autant imputable en raison de l'absence de vérification de la régularité du bon de commande et de l'annulation consécutive du contrat de vente et du contrat de prêt.
La demande des époux [R] de condamnation de la banque à leur payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ne saurait prospérer en l'absence de préjudice démontré.
Il n'est pas inéquitable de condamner la banque à payer aux époux [R] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a condamné la société Prestige éco habitat aux dépens. La liquidation judiciaire interdit de confirmer cette condamnation. La société [I] Pécou ès qualités et la banque, parties succombantes à titre principal, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Gilles Daugan.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme partiellement le jugement rendu le 31 décembre 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.
Statuant à nouveau sur l'entier litige,
Prononce l'annulation du contrat de vente conclu le 26 avril 2017 entre M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, d'une part, et la société Prestige éco habitat d'autre part.
Constate l'annulation du contrat de prêt conclu le 26 avril 2017 entre M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, d'une part, et la société Cofidis d'autre part.
Dit que M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, devront tenir les matériels vendus à la disposition de la société [I] Pécou en qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige éco habitat.
Condamne M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, à payer à la société Cofidis la somme de 34 900 euros au titre de la restitution du capital emprunté sous déduction des échéances payées, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Condamne la société Cofidis à payer à M. [Z] [R] et Mme [S] [D], son épouse, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société [I] Pécou en qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige éco habitat et la société Cofidis aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Gilles Daugan.
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT