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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 4 juin 2024, n° 24/00179

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

FMC Automobiles-Ford France (SAS)

Défendeur :

Secom (SAS), Maaf Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

Mme Manteaux, Mme Willm

Avocats :

Me Serreuil, Me Huot, Me Braillard, Me Bergelin

TJ Montbéliard, du 17 janv. 2024, n° 22/…

17 janvier 2024

Par contrat de leasing souscrit auprès de la société Natixis Lease le 19 juillet 2018, la SAS Secom a pris en location, auprès du Garage de l'Est, un véhicule utilitaire Ford Custom pour son activité professionnelle d'installation d'équipements de chauffage et de climatisations.

Le 20 février 2019, le véhicule a pris feu alors que M. [B] [H], représentant légal de la société Secom, se rendait sur un chantier.

Le véhicule a été quasiment détruit, le matériel et les équipements qui le garnissaient ont été perdus et M. [H] a été grièvement blessé.

Une expertise judiciaire a donné lieu à un rapport du 20 mai 2022 et par acte du 25 novembre 2022, la société Secom et M. [B] [H] ont fait assigner la SAS FMC Automobiles devant le tribunal judiciaire de Montbéliard aux fins de la voir déclarée entièrement responsable des dommages résultant de l'incendie du véhicule, de la condamner au paiement de préjudices, d'ordonner une expertise médicale avec sursis à statuer pour la liquidation des préjudices, et de la condamner au versement d'une provision.

La SA Maaf Assurances, assureur du véhicule, est intervenue volontairement dans la procédure.

Saisi de conclusions d'incident de la société FMC Automobiles portant sur l'irrecevabilité de l'action engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, le juge de la mise en état, par ordonnance du 17 janvier 2024, a :

- rejeté l'incident formée par la SAS FMC Automobiles,

En conséquence,

- condamné celle-ci à payer à la société Secom et à M. [B] [H] la somme de 600 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné celle-ci à payer à la société Maaf Assurances la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état électronique du 20 mars 2024 pour les conclusions au fond de la SAS FMC Automobiles,

- condamné celle-ci aux dépens de l'incident.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a retenu :

- qu'il était constant que selon contrat de crédit bail du 19 juillet 2018, la société Secom avait pris en location avec option d'achat le véhicule utilitaire Ford Custom auprès de la Caisse d'Epargne, préalablement acquis auprès de la société Garage de l'Est,

- que la SAS FMC Automobiles avait importé en France le véhicule et l'avait vendu à la société Garage de l'Est qui l'avait ensuite vendu à la société Natixis Lease (Caisse d'Epargne) qui l'avait loué en leasing à la société Secom,

- qu'elle ne pouvait en conséquence sérieusement contester sa qualité d'importateur et elle devait être assimilée à un producteur au sens de l'article 1245-5, 2° du code civil dont les dispositions n'étaient pas limitées au seul importeur de produits en provenance de pays tiers à l'Union européenne,

- qu'à ce titre, la facture du 22 septembre 2017 produite par la société FMC Automobiles pour justifier de l'identité du fabricant du véhicule mentionnait qu'il avait été importé de Turquie, donc hors Union européenne,

- qu'en outre, la société FMC Automobiles devait être assimilée à un producteur dès lors qu'elle avait apposé sur le véhicule son nom, sa marque, et tout autre signe distinctif (Ford).

- oOo-

Par déclaration du 7 février 2024, la SAS FMC Automobiles a relevé appel de l'ordonnance en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 mars 2024, elle demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 17 janvier 2024 en toutes ses dispositions, et notamment :

. en ce qu'elle a considéré qu'elle était susceptible d'engager sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux,

. en ce qu'elle a été condamnée à verser certaines sommes aux défenderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- de déclarer irrecevable l'action de M. [H], de la société Secom et de la société Maaf Assurances dirigée à son encontre sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux pour défaut de qualité à agir,

- de débouter M. [H], la société Secom et la société Maaf Assurances de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,

- de la mettre hors de cause,

En toute hypothèse,

- de condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de réserver les dépens.

- oOo-

Aux termes de leurs uniques conclusions transmises le 19 mars 2024, M. [B] [H] et la société Secom demandent à la cour :

- de confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montbéliard le 17 janvier 2024 dans toutes ses dispositions,

- de condamner la société FMC Automobiles à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens.

- oOo-

Aux termes de ses uniques conclusions transmises le 26 mars 2024, la SA Maaf Assurances demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montbéliard du 17 janvier 2024,

- de condamner la société FMC Automobiles à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens.

- oOo-

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 avril 2024 et elle a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

I. Sur l'irrecevabilité de l'action pour défaut de qualité à agir

La société FMC Automobiles fait valoir que l'action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux est mal dirigée. Elle indique qu'elle n'est que fournisseur et explique à ce titre que sa responsabilité ne peut être recherchée que si le producteur n'est pas identifié. Sur ce point, elle mentionne avoir acquis le châssis porteur de la marque Ford neuf auprès du constructeur/producteur, la société de droit anglais Ford Motor Company Limited, le 15 juin 2017 suivant facture n° 4465969 du même jour, que par suite elle a importé ce châssis en France à l'état neuf puis l'a vendu à la société Denney Automobiles le 22 septembre 2017 suivant facture n° 5383780 de la même date. Elle ajoute que le producteur est donc parfaitement identifié, et qu'il est le seul susceptible d'engager sa responsabilité, elle-même n'étant que simple importateur en France de certains véhicules, châssis neufs et pièces détachées de la marque. Elle précise que la Turquie est le pays où se trouve implantée l'usine de fabrication à laquelle la société de droit anglais a fait appel, soutient qu'elle ne peut être assimilée au producteur dès lors qu'elle a la seule qualité d'importateur du véhicule en France et non au sein de la Communauté européenne, et indique que contrairement à l'analyse du premier juge, l'assimilation qui est posée à l'article 1245-5 2° du code civil est limitée aux importateurs qui importent le produit dans la Communauté. Elle souligne que la facture d'achat du véhicule ne démontre pas qu'il avait été importé de Turquie et mentionne que le débat importe peu dès lors qu'elle a importé le véhicule en France et non dans la Communauté et qu'il lui appartenait seulement de désigner son propre fournisseur, ce qu'elle a fait. Elle ajoute qu'elle n'appose rien sur les produits qu'elle commercialise, expliquant que le nom et la marque Ford sont gravés sur le véhicule en usine par le fabricant-producteur.

La société Secom et M. [B] [H] font valoir qu'en sa qualité d'importatrice, la société FMC Automobiles est assimilée au producteur et se trouve en conséquence responsable autant en qualité d'importatrice que de personne se présentant comme le producteur en y apposant son nom, sa marque, ou tout autre signe distinctif. Ils soutiennent que le véhicule a été produit en Angleterre par la société Ford Motor Company puis a été importé en France par la société FMC Automobiles, soit dans la Communauté européenne, et indiquent que cette société demeure également responsable en sa qualité de vendeur à défaut d'identification suffisante du producteur.

La SA Maaf Assurances fait valoir que la société FMC Automobiles est responsable en qualité d'importatrice et en qualité de personne se présentant comme le producteur, en y apposant la marque Ford. Elle soutient en outre que la facture du 22 septembre 2017 mentionne que le véhicule a été importé de Turquie, donc hors Union européenne.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 1245 du code civil : 'Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.'

Selon l'article 1245-5 dudit code : 'Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.

Est assimilée à un producteur pour l'application du présent chapitre toute personne agissant à titre professionnel :

1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ;

2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution.

Ne sont pas considérées comme producteurs, au sens du présent chapitre, les personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792 à 1792-6 et 1646-1.'

L'article 1245-6 dispose que 'Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée. Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l'année suivant la date de sa citation en justice.'

En l'espèce, il est constaté :

- que le véhicule véhicule utilitaire Ford Custom a été cédé à la SAS FMC Automobiles par la société anglaise Ford Motor Company Limited selon facture du 15 juin 2017 (pièce FMC N° 11),

- que cette facture désigne la Turquie comme le pays d'origine du véhicule,

- que la voiture a été cédée par la SAS FMC Automobiles à Denney Automobiles selon facture du 15 juin 2017 (pièce FMC N°12),

- que dans ses conclusions déposées devant le juge des référés pour l'audience du 21 avril 2021, la société FMC Automobiles, alors mise en cause afin de lui rendre les opérations d'expertise ordonnées sur le véhicule lui soient rendues communes et opposables, a indiqué qu'elle n'était pas le constructeur et désigné à ce titre la société anglaise (pièce FMC N° 13),

- qu'elle a fait de même dans son dire à expert du 6 mai 2022 (pièce FMC N°16).

Il résulte de ces éléments que le véhicule en litige n'a donc pas été importé dans la Communauté européenne par la société FMC Automobiles mais par la société anglaise Ford Motor Company Limited.

Il n'est en outre démontré par aucune pièce que la société FMC Automobiles s'est présentée comme le producteur de la voiture, et qu'elle y a apposé son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif.

La société FMC Automobiles ne pouvant dès lors être assimilée à un producteur, l'action engagée à son encontre par M. [B] [H], la SAS Secom et la SA Maaf Assurances sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux est en conséquence irrecevable.

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a rejeté l'incident.

II. Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance entreprise sera infirmée sur les dépens et sur les frais irrépétibles.

M. [B] [H], la SAS Secom et la SA Maaf Assurances seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

M. [B] [H], la SAS Secom et la SA Maaf Assurances seront condamnés à payer à la SAS FMC Automobiles la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et ils seront déboutés de leurs demandes formées de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME l'ordonnance rendue le 17 janvier 2024 par le juge de la mise en état au tribunal judiciaire de Montbéliard en toutes ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT

DECLARE IRRECEVABLE l'action engagée par M. [B] [H], la SAS Secom et la SA Maaf Assurances à l'encontre de la SAS FMC Automobiles ;

CONDAMNE M. [B] [H], la SAS Secom et la SA Maaf Assurances aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE M. [B] [H], la SAS Secom et la SA Maaf Assurances à payer à la SAS FMC Automobiles la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [B] [H], la SAS Secom et la SA Maaf Assurances de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.