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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 4 juin 2024, n° 21/07748

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 21/07748

4 juin 2024

2ème Chambre

ARRÊT N°199

N° RG 21/07748

N° Portalis DBVL-V-B7F-SJH4

(Réf 1ère instance : 20/00508)

(1)

S.A.R.L. DYNAQUAL

C/

M. [M] [L]

Mme [E] [K] [U] [C] épouse [L]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me QUELVEN

- Me YHUEL-LE GARREC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUIN 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juin 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. DYNAQUAL

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurence QUELVEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉS :

Monsieur [M] [L]

né le 09 Août 1968 à [Localité 5] (56)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Madame [E] [C] épouse [L]

née le 09 Janvier 1971 à [Localité 4] (92)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Tous deux représentés par Me Gaëlle YHUEL-LE GARREC de la SELARL YHUEL-LE GARREC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant bon de commande du 15 janvier 2019, M. [M] [L] et Mme [E] [C], son épouse, ont commandé à la société Dynaqual la fourniture et la pose d'une cuisine.

Suivant acte d'huissier du 4 mars 2020, la société Dynaqual a assigné les époux [L] en paiement devant le tribunal judiciaire de Lorient.

Suivant jugement du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Lorient a :

- Débouté la société Dynaqual de ses demandes.

- Condamné la société Dynaqual à payer aux époux [L] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Dynaqual aux dépens.

Suivant déclaration du 13 décembre 2021, la société Dynaqual a interjeté appel.

En ses dernières conclusions du 25 août 2022, la société Dynaqual demande à la cour de :

Vu les articles 1217 et 1104 du code civil,

- Infirmer le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

- Débouter les époux [L] de leurs demandes,

- Les condamner solidairement à exécuter le contrat conclu le 15 janvier 2019 et à lui payer la somme de 19 500 euros outre les intérêts à compter du 1er octobre 2019.

A titre subsidiaire,

- Les condamner solidairement à lui payer la somme de 8 843,55 euros correspondant à la marge brute d'exploitation.

- Les condamner solidairement à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1240 du code civil.

- Les condamner solidairement à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Les condamner solidairement aux dépens.

En leurs conclusions du 3 juin 2022, les époux [L] demandent à la cour de :

Vu l'article 12 du code de procédure civile,

Vu l'article 1188 du code civil,

- Confirmer le jugement déféré.

A titre subsidiaire, au cas de réformation du jugement entrepris,

Vu l'article L. 212-1 du code de la consommation,

- Annuler comme clause abusive le dernier alinéa de l'article 5 des conditions générales du contrat.

- Débouter la société Dynaqual de ses demandes.

Vu l'article L. 111-1 du code de la consommation,

Vu les articles 1103, 1104 et 1224 nouveaux du code civil,

Vu les articles 1583 et 1591 du code civil,

- Prononcer la résolution du contrat.

- Débouter la société Dynaqual de ses demandes.

Vu l'article L. 111-1 du code de la consommation,

Vu l'article 1231-1 nouveau du code civil,

- Condamner la société Dynaqual au paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information et de conseil correspondant au montant des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

- Prononcer la compensation judiciaire des créances respectives des parties.

Vu l'article 1103 nouveau du code civil,

- Débouter la société la société Dynaqual de ses demandes.

En tout état de cause,

- Débouter la société Dynaqual de ses demandes.

- Condamner la société Dynaqual à leur payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Au soutien de son appel, la société Dynaqual fait valoir que les époux [L] ont signé un bon de commande portant sur la fourniture et la pose d'une cuisine équipée. Elle indique qu'ils n'ont pas donné suite et qu'ils ont fait réaliser la cuisine par un concurrent en utilisant le projet et les plans établis par elle. Elle précise que les plans ont été établis sur la base d'un plan d'architecte détaillé. Elle ajoute que si les époux [L] ont prétendu n'avoir pas obtenu le financement leur permettant de réaliser les travaux, ils n'en ont pas justifié.

Les époux [L] soutiennent que le document signé le 15 janvier 2019 constituait un devis en l'absence de réalisation des métrés et de plan technique de nature à confirmer la faisabilité du projet, de fixation d'un prix définitif, de règlement d'un acompte et de toute relance. Ils indiquent notamment que, selon les conditions générales de vente, la vente devait être précédée d'une étude de projet et de conception et de l'établissement d'un devis de fourniture et de pose. Ils font valoir également que le contrat a été conclu sous la condition suspensive de l'octroi d'un crédit pour le financement de l'opération. Ils indiquent qu'ils ont informé le vendeur du refus de prêt.

L'article 1583 du code civil dispose que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Il est établi que Mme [E] [L] a signé le 15 janvier 2019 un bon de commande portant sur la fourniture et la pose d'une cuisine modèle Arcos Supermat 2 pour un coût de 20 640 euros. Le document comprend neuf pages sur les caractéristiques essentielles des biens et des services vendus au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation. Contrairement à ce que prétendent les époux [L], les conditions générales de vente prévoyaient seulement que le bon de commande devait être établi sur la base des plans de conception et du plan technique remis au client à la signature du contrat. Or, Mme [E] [L] a reconnu avoir reçu un exemplaire du plan de conception au sol à la date de signature du bon de commande. Les époux [L] ne sont pas fondés à soutenir que la vente n'était pas parfaite entre les parties.

La vente a été conclue avec la clause suivante : «sous réserve d'acceptation du prêt au 4 février 2019». Les époux [L] expliquent qu'ils ont formalisé en vain une demande de prêt le 22 janvier 2019 pour un montant de 25 000 euros. Ils ne démontrent pas avoir sollicité un prêt conforme aux caractéristiques du contrat de vente de sorte qu'ils ne peuvent se prévaloir du fait que la condition suspensive ne se serait pas, indépendamment de leur faute, réalisée.

Le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

Les époux [L] font valoir que le bon de commande contient une clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation en ce que l'article 5 prévoit que le contrat de vente est conclu à la signature du bon de commande, sans possibilité de résolution en cas de modification substantielle du projet, notamment par le fait de constatations techniques et de métrés réalisés postérieurement.

La société Dynaqual objecte que les époux [L] disposaient de l'ensemble des informations techniques et notamment des plans.

Les époux [L] ne démontrent pas l'existence d'une clause ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat notamment en le privant du droit d'obtenir en application de l'article 1224 du code civil la résolution du contrat en cas d'inexécution grave. Il sera relevé que le bon de commande comprenait un plan détaillé qui a été accepté par Mme [E] [L] de sorte que la critique relative à l'absence de métrés est inopérante.

Les époux [L] font valoir par ailleurs que la société Dynaqual a manqué à son devoir d'information et de conseil en l'absence de réalisation des métrés avant l'engagement définitif. Ils prétendent qu'ils ne disposaient pas des informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens et services vendus et au prix. Ils sollicitent la résolution de la vente ou à tout le moins l'allocation de dommages et intérêts.

La société Dynaqual indique que les époux [L] ont été reçus à trois reprises, pour une durée totale de six heures, et que le bon de commande auquel est annexé un plan est extrêmement détaillé.

Comme il a été dit, le bon de commande signé le 15 janvier 2019 comprend sur neuf pages les caractéristiques essentielles des biens et des services vendus au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation. Il comprend un plan détaillé qui a été accepté par Mme [E] [L].

Les époux [L] ne sont pas fondés à soutenir que la société Dynaqual a manqué à son devoir d'information et de conseil préalablement à la signature du bon de commande.

La société Dynaqual demande à titre principal l'exécution du contrat en application de l'article 1217 du code civil. Si l'exécution était rendue impossible, elle sollicite la somme de 8 843,55 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à sa marge brute d'exploitation.

Les époux [L] font valoir que la société Dynaqual ne peut réclamer le paiement de la somme de 19 500 euros qui inclut le coût de biens qu'elle n'a pas achetés. Elle soutient qu'elle ne justifie pas du préjudice effectivement subi.

La société Dynaqual ne peut solliciter la poursuite du contrat alors qu'elle n'ignore pas que les époux [L] ont fait installer une cuisine par un concurrent. En application de l'article 1217 du code civil, elle est fondée à solliciter la réparation des conséquences de l'inexécution par les époux [L] de leurs obligations.

La société Dynaqual n'a pas donné les éléments permettant d'évaluer son préjudice réel. Elle s'est contentée de communiquer un chiffre correspondant à sa marge habituelle décorrélée des charges effectivement supportées en sus du bénéfice net manqué. La cour est en mesure d'estimer le bénéfice net pour des travaux de cette nature à 25 %. Les époux [L] seront donc condamnés à payer à la société Dynaqual la somme de 4 875 euros, soit 25 % du prix effectivement réclamé.

La société Dynaqual ne démontre pas la réalité d'un préjudice autre. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts complémentaire.

Il n'est pas inéquitable de condamner les époux [L] à payer à la société Dynaqual la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.

Ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lorient.

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [M] [L] et Mme [E] [C], son épouse, à payer à la société Dynaqual la somme de 4 875 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamne solidairement M. [M] [L] et Mme [E] [C], son épouse, à payer à la société Dynaqual la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.

Condamne solidairement M. [M] [L] et Mme [E] [C], son épouse, aux dépens de première instance et d'appel.

Rejette les autres demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT