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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 4 juin 2024, n° 21/01417

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 21/01417

4 juin 2024

AFFAIRE : N° RG 21/01417 - N° Portalis DBVC-V-B7F-GYDH

ARRÊT N°

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHERBOURG-EN-COTENTIN du 12 Avril 2021

RG n° 17/00678

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 04 JUIN 2024

APPELANTES :

La S.A.R.L. REGNAULT IMMOBILIER

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 9]

[Localité 10]

La S.A.R.L. PRATEAUX MDB

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentées et assistées de Me David GORAND, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMÉS :

Monsieur [TJ], [XX] [F]

né le 25 Mai 1977 à [Localité 13]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Madame [ML], [A] [F]

née le 27 Février 1980 à [Localité 13]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Monsieur [WW] [F]

né le 03 Avril 1953 à [Localité 19]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

Madame [E], [H] [K] épouse [F]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

Madame [Y] [F] épouse [FM]

née le 18 Février 1955 à [Localité 14]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [V], [RZ] [FM]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [B], [M] [F] épouse [SI]

née le 18 Mars 1959 à [Localité 14]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

Monsieur [XX], [U], [IZ] [SI]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

Monsieur [S], [I] [F]

né le 18 Juin 1946 à [Localité 18]

[Adresse 7]

[Localité 10]

Madame [N], [X], [UK] [LK] épouse [F]

née le 02 Novembre 1950 à [Localité 19]

[Adresse 7]

[Localité 10]

Monsieur [T], [P] [F]

né le 12 Janvier 1949 à [Localité 14]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Madame [GN] [C] épouse [F]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

tous représentés et assisté par Me MARGUERIE, avocat au barreau de CAEN

Monsieur [J] [F]

né le 23 Mars 1950 à [Localité 14]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Madame [G] [R] épouse [F]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentés par Me Ophélie MINOT, avocat au barreau de CAEN, assistés de Me David ATHENOUR, avocat au barreau de TOURS

Maître [EL] [ON]

né le 03 Mai 1963 à [Localité 14]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté et assisté de Me Christophe VALERY, avocat au barreau de CAEN

INTERVENANTE:

La S.A.S. FITECO

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 557 150 067

[Adresse 20]

[Adresse 20]

représentée par Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Christophe LAVERNE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 mars 2024

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 04 Juin 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique du 10 juin 2014, Messieurs [S], [RZ], [T], [J], [WW] [F], Mesdames [Y] et [B] [F] d'une part, et la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb d'autre part, ont conclu un compromis de vente, avec faculté de substitution, portant sur un ensemble immobilier situé au [Adresse 6], composé d'une maison de maître implantée sur la parcelle [Cadastre 12] au prix de 95 000 euros.

Par acte sous seing privé du 27 août 2014, rédigé par la société Fiteco, la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb ont constitué une société dénommée Presqu'Ile Nord Cotentin ayant pour objet l'acquisition de la maison située au [Adresse 6] en vue de sa rénovation puis revente, ainsi que l'achat d'un terrain à [Localité 15] en vue de sa viabilisation et de sa revente.

Suivant acte en date du 19 septembre 2014, dressé par Maître [ON], notaire, les consorts [F] ont vendu le bien immobilier à la société Presqu'Ile Nord Cotentin, société en participation, constituée entre la société dénommée Regnault Immobilier et la société dénommée Prateaux Mdb'.

Une attestation rectificative a été établie le 26 mars 2015 afin de préciser les éléments d'identification de la SEP Presqu'île Nord Cotentin.

Celle-ci a fait réaliser des travaux de rénovation de l'immeuble.

A l'occasion de son projet de vente aux époux [L], que Maître [ON] refusait de régulariser en raison de l'existence d'anomalies, elle apprenait par l'intermédiaire d'un autre notaire, que l'acte d'acquisition du 19 septembre 2014 était entaché de nullité puisqu'elle était dépourvue de personnalité juridique.

Aucun accord n'a pu intervenir entre les parties quant à la régularisation de la vente.

Par actes des 7, 11, , 21 et 30 août, 1er septembre et 10 octobre 2017, la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb ont fait assigner M. [S] [F], Mme [N] [LK] épouse [F], M. [RZ] [F], M. [T] [F], Mme [ML] [D] [C] épouse [F], M. [J] [F], Mme [G] [R] épouse [F], M. [WW] [F], Mme [E] [K] épouse [F], Mme [W] [F], M. [V] [FM], Mme [B] [F], M. [XX] [SI] ainsi que Maître [ON] devant le tribunal de grande instance de Cherbourg afin de voir prononcer la nullité de la vente du 19 septembre 2014 avec restitution du prix de vente et remboursement du coût des travaux mis en oeuvre et obtenir la condamnation de Maître [ON] à les indemniser de leurs préjudices.

Monsieur [RZ] [F] est décédé le 15 août 2016, la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb ont, par acte du 12 novembre 2018, fait assigner en intervention forcée Monsieur [TJ] [F] et Madame [ML] [F] ses héritiers.

Par acte du 12 novembre 2018, Maître [ON] a fait assigner en intervention forcée la société Fiteco.

Les instances ont été jointes.

Par jugement du 12 avril 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Cherbourg a :

- rejeté les demandes tendant à la rectification de l'acte authentique du 19 septembre 2014,

- prononcé la nullité de l'acte authentique du 19 septembre 2014 portant réitération de la vente de l'ensemble immobilier situé [Adresse 6];

- constaté le caractère parfait de la vente de l'ensemble immobilier situé [Adresse 6] et cadastré [Cadastre 12] pour une contenance de 02a 78ca, intervenue au prix de 95 000 euros, selon promesse synallagmatique de vente du 10 juin 2014 entre M. [S] [F] marié sous le régime de la communauté universelle avec Mme [N] [LK] épouse [F], M. [RZ] [F] aux droits duquel interviennent M. [TJ] [F] et Mme [ML] [F], M. [T] [F], M. [J] [F], M. [WW] [F], Mme [Y] [F] et Mme [B] [F] vendeurs d'une part et la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb acquéreurs à concurrence de la moitié indivise chacun d'autre part;

- dit que M. [S] [F] marié sous le régime de la communauté universelle avec Mme [N] [LK] épouse [F], M. [TJ] [F] et Mme [ML] [F], M. [T] [F], M. [J] [F], M. [WW] [F], Mme [Y] [F] et Mme [B] [F] d'une part et la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb d'autre part devront procéder à la signature de l'acte authentique de vente en l'étude de la SCP Jean-Baptiste Fontanet et Marie-Lise Dupont-Manquet, notaires, au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement ;

- dit qu'à défaut de signature d'un acte authentique dans le délai ainsi fixé, un procès-verbal de carence sera établi et le présent jugement vaudra réitération de la vente intervenue par promesse du 10 juin 2014 et sera publié au service de la publicité foncière ;

- débouté la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb du surplus de leurs demandes, notamment les demandes tendant à la restitution du prix de vente et au remboursement des dépenses de conservation et d'amélioration ainsi que les demandes de dommages et intérêts formées à l'encontre de M. [ON] ;

- rejeté les demandes plus amples contraires, notamment la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [S] [F], Mme [N] [LK] épouse [F], M. [T] [F], M. [J] [F], M. [WW] [F], Mme [Y] [F] épouse [FM], Mme [B] [F] épouse [SI], M. [TJ] [F] et Mme [ML] [F] ;

- condamné in solidum la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb aux dépens;

- accordé aux avocats de la cause le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile;

- condamné in solidum la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb à verser la somme de 750 euros à Mme [G] [R] épouse [F] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb à verser la somme de 400 euros chacun à Mme [E] [K] épouse [F], Mme [ML] [D] [C] épouse [F], M. [V] [FM], M. [XX] [SI] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb à verser la somme de 2 000 euros à M. [J] [F] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb à verser la somme globale de 4 000 euros à M. [S] [F], Mme [N] [LK] épouse [F], M. [J] [F], M. [WW] [F], Mme [Y] [F] épouse [FM], Mme [B] [F] épouse [SI], M. [TJ] [F] et Mme [ML] [F], unis d'intérêts, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Maître [ON] à verser à la société Fiteco la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb d'une part et Maître [ON] d'autre part ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre M. [S] [F], Mme [N] [LK] épouse [F], M. [T] [F], M. [WW] [F], Mme [Y] [F] épouse [FM], Mme [B] [F] épouse [SI], M. [TJ] [F] et Mme [ML] [F] d'une part et Maître [ON] d'autre part ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 19 mai 2021, la société Regnault Immobilier et la société Prateaux Mdb ont formé un appel partiel de ce jugement.

Par assignation du 4 novembre 2021, Maître [ON] a formé un appel provoqué à l'encontre de la société Fiteco.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 20 février 2024, elles concluent à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il les a déboutées du surplus de leurs demandes, notamment des demandes de dommages et intérêts formées à l'encontre de Maître [ON], les a condamnées in solidum aux dépens et au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre elles d'une part, et Maître [ON] d'autre part. Elles sollicitent sa confirmation pour le surplus.

Elles demandent à la cour de :

- condamner Maître [ON] à leur verser la somme de 68 907 euros sauf à parfaire, à titre de réparation de leur préjudice financier;

- condamner Maître [ON] à leur verser, unies d'intérêts, la somme de 5 000 euros sauf à parfaire, à titre de réparation de leur préjudice moral ;

- condamner Maître [ON] à leur verser une somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Maître [ON] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Gorand Avocat au barreau de Coutances-Avranches représentant la Selarl Juriadis, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 18 novembre 2021, M. [J] [F] et Mme [G] [F] concluent à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation in solidum des sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb au paiement d'une indemnité de 750 euros à Mme [G] [F] et de 2.250 euros à Monsieur [J] [F] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 27 janvier 2022, M. [TJ] [F], Mme [ML] [F], M. [WW] [F], Mme [E] [K] épouse [F], Mme [Y] [F] épouse [FM], M. [V] [FM], Mme [B] [F], M. [XX] [SI], M. [S] [F], Mme [LK] [N] épouse [F], M. [T] [F] et Mme [GN] [C] épouse [F] concluent à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et à la condamnation in solidum des sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb, à leur payer, unis d'intérêts, une indemnité de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 mars 2024, Maître [ON] conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris et au rejet des demandes des appelantes.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de :

- dire que seul le manque à gagner causé par le retard jusqu'au 26 février 2018 peut lui être imputé et débouter les appelantes de leur demande au titre du manque à gagner pour la période postérieure ;

- en l'état, les débouter de toute demande au titre du manque à gagner faute de justificatifs ;

- condamner la société Fiteco à le garantir de l'intégralité des condamnations prononcées contre lui ;

En toute hypothèse

- condamner in solidum les sociétés Regnault Immobilier la société Prateaux Mdb et la société Fiteco à lui payer une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 février 2024, la société Fiteco conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'appeI en garantie de Maître [ON] à son encontre et sollicite la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'articIe 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de Maître [ON]

Il est constant qu'en tant que rédacteur d'acte, le notaire doit prendre toutes dispositions utiles pour en assurer la validité et l'efficacité. A défaut, sa responsabilité se trouve engagée sur un fondement délictuel.

En l'espèce, Maître [ON] ne conteste pas l'erreur commise dans l'acte de vente du 19 septembre 2014, indiquant que ce n'est que quelques jours avant sa signature, qu'il a été informé de la décision des sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb de se substituer une société en participation, ce qui ne lui aurait pas permis de déceler la difficulté juridique avant la signature de la vente.

Cette explication n'est toutefois pas de nature à excuser la faute qu'il a commise en ne s'assurant pas de la capacité de contracter de l'acquéreur dont il était mentionné dans l'acte de vente qu'il s'agissait d'une société en participation, de fait, dépourvue de personnalité juridique.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu sa responsabilité sur le fondement délictuel.

Sur les préjudices des appelantes

Les sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb contestent le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts au titre des frais de signature d'un nouvel acte authentique et d'un manque à gagner résultant du retard dans la réalisation de leur projet immobilier.

Maître [ON] s'en rapporte à justice s'agissant de la demande formée au titre des frais supplémentaires d'acte, mais soutient que n'est pas rapportée la preuve d'un préjudice au titre d'un manque à gagner, que les appelantes ont aggravé leur préjudice en n'acceptant pas sa proposition de signer un acte rectificatif compte tenu de l'erreur matérielle affectant l'acte du 19 septembre 2014, et que la vente étant parfaite aux termes du compromis de vente du 10 juin 2014, une simple annulation conventionnelle qu'elles ont refusée de signer, aurait permis de régler la difficulté.

Sur les frais d'acte

Il n'est pas contestable que les sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb ont dû régler de nouveaux frais pour régulariser la vente en exécution du jugement du 12 avril 2021.

Elle sollicitent la somme de 4.837,00 € à ce titre, correspondant à la différence entre le montant des droits liés à la vente du 10 décembre 2021 (5.611,00 €) et les droits réglés pour la vente du 19 septembre 2014 ( 774,00 €).

Cette demande n'étant pas contestée par Maître [ON], il convient d'y faire droit.

Sur le préjudice lié à un manque à gagner

Les appelantes soutiennent que la faute commise par Maître [ON] a fait obstacle à l'aboutissement de leur projet dans les délais prévus puisqu'après rénovation, la revente des appartements aurait due intervenir à partir de septembre 2017, ce qui a nécessairement réduit le bénéfice financier attendu.

Elles font état notamment du désistement des époux [L] en février 2018 compte tenu des difficultés juridiques rencontrées et affirment que le prix du marché immobilier à Cherbourg a baissé.

Elle sollicitent la condamnation de Maître [ON] à leur payer la somme de 151.201,00 € HT en réparation de leur préjudice financier et celle de 5.000,00 € en réparation de leur préjudice moral subi du fait des tracasseries administratives liées à la présente procédure et aux démarches accomplies préalablement afin de tenter de trouver une solution.

Maître [ON] réplique que la caractère certain du préjudice dont elles se prévalent n'est pas démontré, que le prix des appartements à Cherbourg a augmenté et que s'agissant de deux sociétés, elles ne peuvent prétendre avoir subi une douleur morale puisqu'il s'agit d'être fictifs.

Il ajoute qu'il n'a pas été donné de suite car les appelantes en refusant ses propositions de règlement amiable du litige par le biais de l'établissement d'un acte rectificatif, ont aggravé leur préjudice et qu'en tout état de cause, l'annulation conventionnelle de la vente du 19 septembre 2014, aurait permis de réitérer rapidement la promesse synallagmatique du 10 juin 2014 valant vente.

Il estime que par leur refus de ses propositions de règlement amiable du litige par le biais de l'établissement d'un acte rectificatif qui aurait régularisé la vente, ou d'une annulation conventionnelle de la vente du 19 septembre 2014, qui aurait permis de réitérer rapidement la promesse synallagmatique du 10 juin 2014 valant vente, ls appelantes ont contribué à leur préjudice.

Enfin, il relève que ces dernières ne fournissent aucune explication sur le calcul du manque à gagner dont elles demandent réparation.

Il sera relevé tout d'abord qu'il ne saurait être reproché aux sociétés en cause, de ne pas avoir accepté la proposition de Maître [ON] tendant à l'établissement d'un simple acte rectificatif alors que l'acte de vente du 19 septembre 2014 était entaché d'une nullité absolue.

Quant à l'annulation conventionnelle de l'acte outre qu'elle requérait l'accord de l'ensemble des parties, il résulte de l'avis du CRIDON versé aux débats, qu'elle n'était pas sans risque d'un point de vue fiscal.

Il ne peut donc être reproché aux sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb d'avoir participé au préjudice qu'elles invoquent.

En tout état de cause, s'agissant de leur préjudice financier, force est de constater que dès lors qu'il n'est pas justifié de la vente de l'ensemble des appartements et donc d'une éventuelle perte financière par rapport au bénéfice attendu, l'existence d'un tel préjudice ne peut être retenu, celui-ci n'ayant pas de caractère certain.

Il n'est notamment pas établi que la différence de prix entre ceux initialement envisagés et ceux correspondant aux montants de vente, est la conséquence certaine et exclusive de la faute imputable à Maître [ON].

La seule vente dont il est justifié, est celle de l'appartement du 2ème étage, vendu le 19 janvier 2022 à Mesdames [O] et [Z] au prix de 259.000,00 € pour 100,43 m², alors que les époux [L], qui ont renoncé à son acquisition, avaient signé un contrat de réservation pour une superficie de 80,27 m² hors combles, au prix de 258.000,00 €.

Un éventuel préjudice financier doit s'apprécier au regard de l'ensemble du projet et non au regard de la vente d'un seul appartement, dont on ignore d'ailleurs la raison pour laquelle il a été vendu à un prix au m² inférieur au prix moyen existant en 2015.

Enfin, il n'est pas démontré que le montant final des travaux de rénovation de l'immeuble en ce qu'il est supérieur au montant initialement prévu, est la conséquence de la faute imputable à Maître [ON].

Par ailleurs, s'il est acquis que le préjudice moral d'une personne morale peut être indemnisé dans certains cas, des tracasseries administratives et les démarches accomplies par les appelantes, ne caractérisent pas un tel préjudice.

Les sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb seront donc déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts autres que le remboursement des frais d'acte.

Le jugement qui les a déboutées de la totalité de leurs demandes de dommages-intérêts sera donc infirmé, seuls étant retenus les frais d'acte.

Sur le recours en garantie de Maître [ON] à l'encontre de la société FITECO

Les appelantes n'ayant pas intimé la société FITECO, Maître [ON] l'a assignée en appel provoqué par acte d'huissier du 4 novembre 2021. Il sollicite sa garantie en cas de condamnation prononcée à son encontre.

La société Fiteco relève à titre principal l'absence de demande d'infirmation ou d'annulation contenue dans le dispositif de l'appel provoqué de Maître [ON], subsidiairement, elle invoque le défaut d'intérêt à agir de celui-ci et à titre infiniment subsidiaire le mal fondé de sa demande de garantie.

Maître [ON] conclut qu'étant intimé, il ne pouvait que solliciter la confirmation du jugement. Il soutient que le tribunal n'a pas statué sur son recours à l'encontre de la société Fiteco, de telle sorte qu'il ne pouvait solliciter de réformation, et que ce n'est qu'à titre subsidiaire dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à son encontre qu'il demande à être garanti par la société Fiteco.

Le dispositif des conclusions de Maître [ON] à la suite de son appel provoqué est ainsi libellé :

' A titre principal,

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions

Débouter les sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb de l'intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

Dire que seul le manque à gagner causé par le retard jusqu'au 26 février 2018 peut être imputé à Maître [ON] et débouter les appelants de leur demande au titre du manque à gagner pour la période postérieure,

En l'état, les débouter de toute demande au titre du manque gagner faute de justificatifs,

Condamner la société Fiteco à garantir Maître [ON] de l'intégralité des condamnations prononcées contre lui,

En toute hypothèse,

Condamner in solidum les sociétés Regnault Immobilier et SARL Prateaux Mdb et la SAS Fiteco à payer une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamner aux dépens.'

Il résulte de ce dispositif que si Maître [ON] sollicite à titre principal la confirmation du jugement, c'est uniquement en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation à son encontre.

Ce n'est qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes des sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb, qu'il réclame à être garanti par la société Fiteco, ce qui était déjà le cas en première instance, étant ici rappelé que c'est parce qu'il n'a pas prononcé de condamnation à l'encontre de Maître [ON], que le tribunal n'a pas donné suite à l'appel en garantie formé par Maître [ON] à l'encontre de la socité Fiteco.

Sa demande de garantie, qui est aux débats, cette dernière sollicitant la confirmation du jugement qui l'a rejetée, est donc recevable.

Il est constant par ailleurs que l'appel provoqué suppose pour être recevable, de justifier notamment de l'intérêt à agir de celui qui l'interjette.

Dès lors que la condamnation de Maître [ON] était sollicitée par les appelantes principales, il avait bien un intérêt à agir à l'encontre de la société Fiteco qui a établi les statuts de la SEP Presqu'île Nord Cotentin et dont il réclame la garantie.

Le moyen soutenu par cette dernière, tendant à voir déclarer irrecevable l'appel provoqué de Maître [ON] sera donc rejeté sur ce fondement.

Au soutien de son recours en garantie, ce dernier soutient que le cabinet comptable Fiteco a commis une faute en prenant l'initiative de rédiger des statuts d'une société en participation en vue d'acquérir des immeubles et de faire une opération de promotion immobilière, alors que ce n'était juridiquement pas possible, engageant ainsi sa responsabilité délictuelle à son égard.

Il estime que l'intervention de la société Fiteco a été déterminante dans la réalisation du dommage et qu'existe donc un lien de causalité avec le préjudice allégué par les appelantes.

La société Fiteco réplique qu'en sa qualité d'expert-comptable, sa responsabilité doit s'apprécier à l'aune de la mission qui était confiée, pour faute prouvée, et qu'elle n'est tenue que d'une obligation de moyens.

Elle conclut donc au rejet de la demande en garantie de Maître [ON] formée à son encontre.

Aucune pièce relative à la mission de la société Fiteco n'étant versée aux débats, la cour ne peut vérifier qu'elle était l'étendue de sa mission.

En tout état de cause, la création d'une société en participation ayant pour objet social l'acquisition d'un immeuble, ce qui est le cas en l'espèce, n'est nullement interdite, dès lors que la vente se fait au profit de ses associés.

Maître [ON] qui a commis une faute manifeste, en mentionnant dans l'acte de vente du 19 septembre 2014, la SEP Presqu'île du Cotentin comme acquéreur, sans attirer l'attention des sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb sur l'impossibilité de passer une vente avec une telle société, ce qu'il ne pouvait ignorer, ne saurait, au demeurant sur la base de ses seules affirmations, se prévaloir d'un manquement de la société Fiteco à son devoir de conseil et d'efficacité, dès lors qu'un tel manquement à supposer qu'il soit établi, ne serait de toute façon pas de nature à l'exonérer de sa propre faute qui est seule à l'origine du dommage.

Il sera donc débouté de sa demande en garantie à l'encontre de la société Fiteco, le jugement étant confirmé en ce qu'il l'a incidemment débouté de cette demande, en déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de condamner Maître [ON] à payer aux appelantes unies d'intérêts, une somme de 3.500,00 € et à la société Fiteco, une somme de 2.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Regnault Immobilier et Prateaux Mdb qui ont intimé les consorts [F] sans formuler de demandes à leur encontre, seront condamnées in solidum à payer au titre des frais irrépétibles d'appel, les sommes de 1.500,00 € à Madame [G] [R] épouse [F] et Monsieur [J] [F], unis d'intérêts, et de 2.000,00 € à Messieurs [S], [T], [TJ] et [WW] [F], Mesdames [N] [F] née [LK], [Y] [FM] née [F], [B] [SI] née [F], [ML] [F], [E] [F] née [K], [GN] [F] née [C], Messieurs [V] [FM] et [XX] [SI], unis d'intérêts.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il les a condamnées in solidum au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux mêmes.

Succombant à titre principal, Maître [ON] sera condamné aux dépens d'appel dont distraction sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile, au profit des avocats qui peuvent y prétendre et en ont fait la demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

DÉCLARE recevable le recours en garantie de Maître [EL] [ON] à l'encontre de la SAS Fiteco,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Cherbourg du 12 avril 2021 dans la limite des chefs dont elle est saisie sauf en ce qu'il a débouté les sociétés Regnault Immobilier et Prateaux MDB de leur demandes de dommages-intérêts à l'encontre de Maître [EL] [ON],

L'INFIRME de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE Maître [EL] [ON] à payer aux sociétés Regnault Immobilier et Prateaux MDB, une somme de 4.837,00 € à titre de dommages-intérêts,

DÉBOUTE Maître [EL] [ON] de son recours en garantie à l'encontre de la SAS Fiteco,

CONDAMNE Maître [EL] [ON] à payer aux SARL Regnault Immobilier et Prateaux Mdb unies d'intérêts, une somme de 3.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Maître [EL] [ON] à payer la SAS Fiteco, une somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les SARL Regnault Immobilier et Prateaux Mdb à payer au titre des frais irrépétibles d'appel, la somme de 1.500,00 € à Madame [G] [R] épouse [F] et Monsieur [J] [F], unis d'intérêts,

CONDAMNE in solidum les SARL Regnault Immobilier et Prateaux Mdb, à payer au titre des frais irrépétibles d'appel, la somme de 2.000,00 € à Messieurs [S], [T], [TJ] et [WW] [F], Mesdames [N] [F] née [LK], [Y] [FM] née [F], [B] [SI] née [F], [ML] [F], [E] [F] née [K], [GN] [F] née [C], Messieurs [V] [FM] et [XX] [SI], unis d'intérêts,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, en ce compris les demandes formées par les SARL Regnault Immobilier et Prateaux Mdb d'une part et Maître [EL] [ON], d'autre part, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Maître [EL] [ON] aux dépens dont distraction sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile, au profit des avocats qui peuvent y prétendre et en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON