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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 4 juin 2024, n° 23/01096

ANGERS

Autre

Autre

PARTIES

Demandeur :

Groupe Française de Gastronomie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

M. Chappert, Mme Gandais

Avocats :

Me Dufourgburg, Me Le Pen, Me de Mascureau, Me Papin, Me Geniteau, Me Geniteau

T. com. Quimper, du 30 mars 2018, n° 16/…

30 mars 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société [S] est spécialisée dans l'élaboration de plats cuisinés en conserve, qu'elle commercialise.

La SASU Vectora était sa société-mère et son associée unique.

Par acte du 14 décembre 2004, la société Vectora, d'une part, et les sociétés (SA) Groupe Française de Gastronomie (FDG) et sa filiale UGMA, d'autre part, ont conclu un protocole d'accord prévoyant le rapprochement des sociétés [S] et FDG au moyen, d'abord, de l'augmentation du capital social de la société [S] réservée à la société UGMA par voie d'apport en nature de son fonds de commerce consistant spécialement en un fonds de fabrication et vente de conserves d'escargots et, ensuite à la société FDG par voie d'apport en numéraire et également par l'acquisition par la société FDG de 53 289 actions Larzul à Vectora, de sorte qu'à l'issue de ces opérations, la société FDG détiendrait 38,24 % du capital de la société [S] et sa filiale, UGMA, en détiendrait 11,76 %, Vectora conservant 50 % de Larzul.

Ce protocole prévoyait que la cession des 53 289 actions Larzul était consentie sous diverses conditions suspensives tenant, notamment à l'augmentation du capital réservé à la société UGMA et réalisée par apport de son fonds de commerce, et qu'elle interviendrait entre le 3 janvier 2005 et le 31 janvier 2005.

Il prévoyait, également, des opérations concomitantes telles qu'un contrat de distribution du 31 janvier 2005 aux termes duquel la société [S] confiait à la société FDG la distribution exclusive à l'exportation de ses conserves d'escargots, un contrat d'agent commercial du 31 janvier 2005 par lequel la société FDG intervenait comme agent sur la France pour le compte de la société [S], et un contrat d'approvisionnement avec la société Camargo, autre filiale de la société FDG.

L'apport en nature du fonds de commerce a été évalué à 800 000 euros.

Suivant procès-verbal de délibérations du 30 décembre 2004, la SASU Vectora a approuvé l'apport du fonds de commerce et son évaluation, ainsi que l'augmentation du capital de la SASU [S] de 586 667 euros pour le porter de 3 300 000 euros à 3 886 667 euros, par la création de 38 756 actions nouvelles, entièrement libérées, et attribuées à la société UGMA, agréée en qualité de nouvelle associé, en rémunération de son apport. Elle convenait de procéder à une refonte complète des statuts afin d'adopter la formule de société par actions simplifiée pluripersonnelle.

Par acte du 31 janvier 2005, la SAS Vectora a cédé à la SA FDG, 53 289 actions de la SASU Arzul, moyennant un prix de 1 100 002 euros.

De nouveaux statuts auraient été adoptés le 31 janvier 2005.

Le 20 septembre 2005, la SA FDG, associée unique de la société UGMA, a décidé, sur le fondement de l'article 1844-5 du code civil, la dissolution anticipée de cette dernière par confusion de patrimoine.

Plusieurs procédures ont opposé les parties.

Invoquant une surestimation de la valeur de l'apport fait par la société UGMA apparu à travers un rapport obtenu le 20 juin 2007, la SASU Vectora a fait assigner, devant le tribunal de commerce de Paris, la société [S], la SA FDG et la société IEA ayant procédé à l'attribution d'une valeur audit apport en tant que commissaire aux apports, notamment, en annulation des délibérations de l'assemblée générale du 30 décembre 2004. Au terme de cette procédure et par arrêt devenu irrévocable du 24 janvier 2012 après double cassation et double renvoi, la cour d'appel d'Angers a annulé les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et a constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004.

Par délibération du 24 mars 2012, la société Vectora, en qualité d'associé de la société [S], prenant 'acte' de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012, a décidé de constater que la société [S] n'a jamais cessé d'être une société par actions simplifiée unipersonnel au capital de 3 300 000 euros divisé en actions appartenant toutes à l'associée unique Vectora et que l'absence de transformation de la société [S] de SAS unipersonnelle en SAS'pluripersonnelle atteint également l'augmentation de capital en numéraire souscrite par la société FDG ; en conséquence, a décidé de modifier les statuts afin de ré-adopter la forme de la SASU.

Le 3 avril 2012, à la demande de la 'SASU' [S], le greffier du tribunal de commerce de Quimper a procédé à la modification des mentions au registre du commerce et des sociétés de cette société en y mentionnant l'arrêt du 24 janvier 2012 et en précisant un ensemble de 'modifications suite à cet arrêt, comme suit :

'Transformation de la société : arrêt exécutoire de la cour d'appel d'Angers du 24/01/2012 annulant les délibérations prises le 30/12/2004 par la société Vectora, associée unique de la société [S] et constatant la caducité du contrat d'apport du fonds de la société UGMA en date du 14/12/2004. Modifications suite à cet arrêt : transformation de la société à compter du 30/12/2004. Ancienne forme : société par actions simplifiée (SASS) à associé unique Réduction de capital à compter du 30/12/2004 : partants : Larzul Michel, président ; Boonen Philippe, administrateur ; [R] [G], administrateur et [S] [F] [D], administrateur Nouveau : SA Vectora, président Suppression partielle d'activité de l'établissement principal situé [Adresse 4] à compter du 30/12/2004 Activité supprimée : fabrication, achat, échange, vente de toutes marchandises rentrant dans le commerce de l'alimentation et articles de consommation de toute nature, Fabrication et vente de conserves d'escargots. Date d'effet : 30/12/2004.

Complément d'information/forme juridique et capital : Associé unique.'

Par ordonnance du 6 juillet 2012, au visa de l'article R. 123-84 alinéa 3 du code de commerce, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, saisi par la société FDG, a enjoint à son greffe de procéder à l'annulation des modifications inscrites à l'extrait K-bis de la société [S] le 3 avril 2012 et de remettre les inscriptions en l'état antérieur à ces modifications. Il a considéré que l'arrêt invoqué au soutien des modifications annulées devait simplement être porté en observations du même extrait K-bis dans les termes : 'Par arrêt du 24 janvier 2012, la cour d'appel d'Angers a annulé les délibérations de l'associé unique de la société [S] du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004.' Il a enjoint à la société [S] de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique actuelle telle qu'elle résultait de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012.

S'en sont suivies plusieurs procédures ayant pour objet la contestation de cette ordonnance par la société [S] et ayant conduit à trois arrêts de la Cour de cassation. L'ordonnance attaquée a été confirmée sauf en ce qu'elle enjoignait à la société [S] de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique telle qu'elle résultait de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012, disposition qui excède les pouvoirs du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés.

Parallèlement, à partir du mois d'octobre 2007, des litiges sont nés entre la société FDG et la société [S] pour l'exécution du contrat de distribution et du contrat d'agent commercial, et a notamment donné lieu, le 2 octobre 2013, à un arrêt de la cour d'appel de Paris, aux termes duquel il a été retenu que 'considérant que la cour d'appel d'Angers a, selon arrêt du 24 Janvier 2012, annulé les délibérations de l' associé unique de la société [S] du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004 ; que le rapprochement économique opéré par les sociétés Vectora et [S] s'est traduit par la signature de plusieurs contrats mais n'avait pas pour effet de lier ces contrats de manière indivisible de sorte que, comme le soutient à tort la société [S], la caducité du contrat d'apport ait pour effet de rendre nul ipso facto le contrat d'agent commercial '.

Par jugement du 26 avril 2015, la SASU [S] a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société EP & Associés, prise en la personne de M.'[K], désignée en qualité de mandataire judiciaire, et M. [O], en qualité d'administrateur judiciaire, sont intervenus à l'instance.

Par jugement du 25 octobre 2015, un plan de sauvegarde de la SASU [S] a été arrêté.

Le 19 janvier 2016, pour obtenir réparation d'une prétendue privation de ses droits d'associée, la SA FDG a fait assigner la société [S] devant le tribunal de commerce de Quimper aux fins de voir, en application des articles 1834 et suivants du code civil, L. 227-9 du code de commerce, et 14 du code de procédure civile, déclarer nulles toutes les assemblées générales ordinaires ou assemblées générales extraordinaires et toutes décisions collectives en résultant de la société [S] à compter du 3 avril 2012, déclarer nulles toutes décisions ou délibérations irrégulières prises par la direction irrégulière de la société [S] résultant de ces assemblées générales, déclarer nulles toutes décisions prises en violation ou contradiction des statuts de la société [S] déposés en décembre 2004, et ce, depuis le 3 avril 2012, constater que la société Vectora, représentée par Mme [C], n'était pas régulièrement présidente de la société [S], fonction qu'elle a exercée de manière irrégulière, dire et juger en conséquence que la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde est nulle ainsi que toutes les formalités relatives aux procédures collectives qui sont d'ordre public, en conséquence, dire et juger que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde est irrégulière, prononcer la nullité du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 25 avril 2015 et du jugement arrêtant le plan de sauvegarde le 25'octobre 2015.

En défense, la société [S] a sollicité du tribunal, au vu des articles 31, 122, 125, 460, 515, 546 et 700 du code de procédure civile, L. 210-7, L. 235-9, L. 661-1, R. 210-12 et R. 661-2 du code de commerce, 1382 et 2224 du code civil, qu'il constate que la SA FDG n'est pas son associée, et est, de ce fait, dépourvue de toute qualité et de tout intérêt à agir ; s'agissant des demandes de la SA FDG relatives aux jugements des 26 avril et 25 octobre 2015 portant ouverture puis arrêté du plan de sauvegarde ayant bénéficié à la SASU [S], les déclare irrecevables, subsidiairement forcloses, plus subsidiairement prescrites et, plus subsidiairement encore, infondées ; qu'il déboute la société FDG de toutes ses demandes, qu'il la condamne à lui régler la somme de 100.000 euros pour procédure manifestement abusive.

Par jugement du 30 mars 2018, le tribunal de commerce de Quimper a :

- en conséquence de la prescription de la demande principale tendant à l'annulation des délibérations de la société [S] depuis le 30'décembre 2004, jugé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur les autres demandes de la société FDG, notamment l'annulation de la procédure de sauvegarde, en raison de leur lien et de leur caractère subséquent,

- considéré la SA FDG comme recevable en ses demandes,

- déclaré prescrite l'action de la SA FDG à l'encontre de la société [S],

- débouté la société [S] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société FDG à payer à la société [S] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société FDG en tous les dépens de l'instance, lesquels comprennent notamment les frais de greffe,

- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions.

Par arrêt du 15 juin 2021, sur l'appel de ce dernier jugement interjeté par la SA FDG, la cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande d'annulation de la délibération du 24 mars 2012 de l'assemblée générale de la société [S], l'a infirmé pour le surplus, statuant à nouveau, a déclaré recevables les demandes d'annulation de délibérations de l'assemblée générale de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013 ainsi que le surplus des demandes de la FDG, a prononcé l'annulation des délibérations de l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013, a accordé à la société [S] un délai de six mois courant à compter de la signification du présent arrêt pour procéder à la régularisation des décisions annulées, selon des modalités conformes aux droits statutaires d'associée de la SA FDG, débouté la société FDG du surplus des demandes, a débouté la société [S] de ses prétentions, condamné la société [S] aux dépens de première instance et d'appel, a condamné la société [S] à payer à la SA FDG la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon la société [S], les décisions concernées étaient :

- des décisions de nature ordinaire (i.e. ne modifiant pas les statuts), soit, les décisions d'approbation des comptes annuels de [S] depuis 2010 et d'affectation des résultats (toujours en report à nouveau ou en réserves), les décisions de renouvellement des mandats des commissaires aux comptes ;

- des décisions de nature extraordinaire (i.e de nature à modifier les statuts), soit, les décisions de rejet d'augmentations de capital réservées aux salariés et une décision de prorogation de durée de la société.

En exécution de cet arrêt de la cour d'appel de Rennes, sous réserve du pourvoi qui était en cours, une assemblée générale mixte réunie le 20'janvier 2022, à laquelle la société FDG a été convoquée et a participé, s'est prononcée sur la régularisation de toutes les décisions annulées, à l'exception de la décision de prorogation de la durée de la société [S]. La société Vectora a voté « pour » toutes les résolutions proposées, à l'exception de celles proposant des augmentations de capital réservées aux salariés pour lesquelles elle a voté « contre » ; FDG a voté « contre » toutes les résolutions proposées. A l'issue de l'assemblée, un procès-verbal a été établi indiquant que « quand bien même la qualité d'associé de la société FDG serait irrévocablement reconnue, la société Vectora détiendrait à tout le moins la majorité du capital » en raison de l'annulation de l'augmentation de capital en nature. En conséquence, compte tenu du vote favorable de Vectora, les décisions de nature ordinaire ont été réputées adoptées. De même, compte tenu des votes défavorables de Vectora et de FDG, les décisions de nature extraordinaire relatives aux augmentations de capital réservées aux salariés ont également été réputées rejetées. Le procès-verbal a été signé par le président de Larzul. Contestant la qualité d'actionnaire majoritaire de Vectora mentionnée au procès-verbal, FDG a refusé de le signer.

Par arrêt du 15 mars 2023, sur le pourvoi formé par la société [S], la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il prononce l'annulation des délibérations de l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013, en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts de la société [S], en ce qu'il accorde à la société [S] un délai de 6 mois courant à compter de la signification de l'arrêt pour procéder à la régularisation des décisions annulées, selon des modalités conformes aux droits statutaires d'associé de la société FDG et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; a remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers, a condamné la société FDG aux dépens.

La Cour de cassation a jugé qu'en retenant, pour annuler les délibérations de l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013, que la qualité d'associée de la société FDG n'a pas disparu et qu'ont été prises des décisions selon des mécanismes violant les dispositions d'ordre public des articles L. 223-28 et L.'223-29 du code de commerce, notamment, celle établissant que chaque associé a le droit de participer aux décisions et dispose d'un nombre de voix égal à celui des parts qu'il possède, alors que les articles L. 223-28 et L. 223-29 du code de commerce ne sont pas applicables aux sociétés par actions simplifiées, la cour d'appel a violé les articles L.235-1 alinéa 2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, et L.'223-28 et L. 223-29 du code de commerce, les deux derniers par fausse application.

Par déclaration du 4 juillet 2023, la SA FDG a saisi la cour d'appel d'Angers sur le renvoi opéré par la Cour de cassation, en son arrêt du 15 mars 2023l.

Les parties ont conclu.

Une ordonnance du 25 mars 2024 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Groupe Française de Gastronomie demande à la cour de :

vu l'article 1844 du code civil,

vu l'article L. 227-9 du code de commerce,

- la déclarer recevable et bien fondée,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Quimper en date du 30 mars 2018, en ce qu'il a déclaré prescrite son action à l'encontre de la société [S], en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société [S] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- confirmer le jugement du 30 mars 2018 en ce qu'il a débouté la société [S] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouter la société [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

en conséquence,

- juger nulles toutes les assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013,

- ordonner à la société [S] la régularisation immédiate des assemblées générales ordinaires et extraordinaires postérieures à la date du 19'janvier 2013 sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société [S] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société FDG demande au visa de l'article 1844 du code civil et de l'article L. 227-9 du code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiées, que soit prononcée la nullité des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société [S], postérieures au 19 janvier 2013, prises sans sa participation du fait de son exclusion illégitime.

Elle écarte toute prescription de son action visant les délibérations prises après le 19 janvier 2013, estimant que la prescription de l'action en annulation des délibérations de la société Vectora, prises en qualité d'associée unique de la société [S], le 24 mars 2012, après l'arrêt du 24 janvier 2012, ne peut être étendue à son action concernant des assemblées postérieures au 19'janvier 2013.

Elle invoque son intérêt légitime, en tant qu'associée, pour contester des votes intervenus en fraude de ses droits. Elle fait valoir que de par la décision unilatérale et délibérée de la société [S] ayant conduit à l'inscription irrégulière au registre du commerce du 3 avril 2012 et à une modification de ses statuts, elle a été purement et simplement privée de tous ses droits élémentaires et fondamentaux d'associée depuis cette date ; qu'elle n'a pu, au mépris de l'article 1844 du code civil, disposition d'ordre public, participer aux décisions collectives et disposer des informations prévues pour tout actionnaire ; qu'elle n'a pas pu se prononcer ainsi sur diverses décisions, en particulier sur certaines devant être obligatoirement prises collectivement par tous les associés. Reprochant à la société [S] de minimiser la violation de ses droits d'associée, elle estime qu'il importe peu que les décisions prises depuis le 19 janvier 2013 n'aient pas modifié les statuts, dès lors qu'elles devaient être prises collectivement.

Elle affirme être associée égalitaire avec la société [S] et prétend que sa qualité d'associée a été reconnue par les cours d'appel et la Cour de cassation, en soulignant qu'elle figure au K-bis de la société [S], qu'elle ne l'a jamais perdue à la suite de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 juin 2012 qui, selon elle, ne s'est prononcé que sur l'irrégularité de l'apport mais pas sur les conséquences de l'annulation de la décision de l'assemblée générale constatant cet apport. En tous les cas, elle soutient que la cour n'est pas saisie de cette question au vu de la délimitation de l'objet du litige opérée par la déclaration de saisine, en invoquant l'article 631 du code de procédure civile.

Elle fait grief à la société [S] de faire preuve de mauvaise foi en multipliant et prolongeant les contentieux, en usant de diverses manoeuvres (nouvelle modification de l'extrait K-bis le 27 septembre 2023, un mois après sa régularisation), de vouloir faire rejuger ce qui l'a été définitivement et réécrire des procédures ; de vouloir remettre en cause toute l'opération de rapprochement quand chaque acte et opération qui la constituait a été jugé divisible par l'arrêt définitif du 2 octobre 2013 de la cour d'appel de Paris.

Considérant que dans le procès-verbal d'assemblée générale mixte du 20 janvier 2022, la société [S] lui a dénié à tort la qualité d'associée égalitaire et argué arbitrairement que son vote était prépondérant au sien du fait de la prétendue annulation de l'augmentation de capital en nature, elle précise avoir sollicité en référé la désignation d'un administrateur ad'hoc aux fins de régulariser ce procès-verbal qui reprenait toutes les assemblées générales postérieures au 19 janvier 2013, en vertu de l'arrêt du 15 juin 2021 mais que le juge saisi s'est déclaré incompétent et l'a invitée à mieux se pourvoir devant le juge du fond. Elle ajoute qu'elle a dû engager une procédure devant le juge de l'exécution pour enjoindre à la société [S] de régulariser l'assemblée du 2 mars 2016 prévoyant la prolongation de la vie de la société [S]. Elle estime qu'en soutenant que cette dernière décision n'est plus régularisable et que son annulation conduirait à une liquidation sans délai de la société [S], la société [S] fait l'aveu des graves conséquences que pourraient avoir ses propres manoeuvres depuis dix-sept ans.

Elle considère qu'aucun délai ne saurait être octroyé à la société Arzul pour régulariser les décisions qu'elle entend voir annuler.

La société [S] demande à la cour de :

vu les articles 31, 699 et 700 du code de procédure civile,

vu les articles L. 227-9, L. 235-1, L. 235-4, L. 235-5 et L. 235-9 du code de commerce,

à titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

subsidiairement (en cas d'infirmation partielle ou totale des chefs du jugement statuant sur les demandes de la SA FDG),

- déclarer irrecevables les demandes de la SA FDG,

plus subsidiairement,

- débouter la SA FDG de toutes ses demandes, fins et prétentions,

infiniment subsidiairement,

- lui accorder un délai d'au moins six mois pour convoquer une nouvelle assemblée pour couvrir les nullités éventuelles,

- surseoir à statuer pendant le cours de ce délai,

- dire qu'à l'issue de ce délai, il appartiendra à la partie intéressée de saisir à nouveau la cour d'appel,

- dire que le délai pourra être prorogé en cas de difficultés,

en toute hypothèse,

- condamner la société FDG à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des frais prévus à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société FDG aux entiers dépens, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société [S] soulève l'irrecevabilité des demandes de la SA'FDG, d'abord, pour être prescrites du fait qu'elle n'a pas contesté son éviction en s'opposant à l'interprétation faite par la société Vectora de l'arrêt du 24 janvier 2012 à travers sa décision du 24 mars 2012 ainsi qu'elle pouvait pourtant le faire et aurait dû le faire dans le délai de trois ans imparti par l'article L. 235-9 alinéa 1er du code de commerce. Elle en déduit que tant les décisions de la société Vectora du 24 mars 2012 prises à la suite à l'arrêt du 24 janvier 2012, que les décisions postérieures ne peuvent plus être remises en cause au seul motif que la société FDG n'y a pas participé.

Ensuite, elle dénie tout intérêt légitime à la SA FDG à solliciter l'annulation de décisions d'une société dont elle n'est pas associée, demandant par-là même que la cour de céans se prononce sur la perte rétroactive de la qualité d'associée de la société FDG déclarant qu'aucune décision n'a reconnu à la SA FDG la qualité d'associée de la société [S], à l'exception de l'arrêt du 15 juin 2021 qui a été cassé.

Sur ce point, elle soutient que la prise de participation de la SA FDG au capital de la société [S] était subordonnée à la réalisation de l'augmentation de capital en nature, laquelle constituait la condition sine qua non de l'augmentation de capital en numéraire et de la cession d'actions qui devaient aboutir à une prise de participation de 50% de FDG et d'UGMA, de sorte que ces trois opérations prévues au protocole d'accord du 14 décembre 2004 participaient d'une même opération globale et indivisible. Elle souligne que le protocole d'accord prévoyait l'adoption de nouveaux statuts pour organiser les rapports entre les deux associés égalitaires. Elle en déduit que l'annulation des décisions du 30 décembre 2004 par l'arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 a emporté annulation de l'augmentation de capital en nature et des nouveaux statuts, et, par l'effet de l'indivisibilité, anéantissement de plein droit de l'augmentation de capital en numéraire et de la cession d'actions, faisant perdre à la SA FDG non seulement sa qualité d'associée égalitaire mais plus encore sa qualité d'associée de la société [S] et ce, d'autant plus que la réalisation de l'augmentation de capital en nature constituait une condition suspensive de la réalisation de l'augmentation de capital en numéraire et de la cession d'actions et que la défaillance d'une condition suspensive prévue dans un contrat emporte, de plein droit, la caducité du contrat, lequel est réputé n'être jamais intervenu.

Affirmant que les motifs de l'arrêt du 2 octobre 2013 de la cour d'appel de Paris, même soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas autorité de chose jugée, elle ajoute que cet arrêt ne porte que sur le lien entre l'augmentation de capital en nature et le contrat d'agent commercial et qu'il n'a pas statué sur la divisibilité des trois opérations en cause dans le protocole d'accord.

Elle soutient que même si la SA FDG n'avait pas perdu sa qualité d'associée du fait de l'arrêt du 24 janvier 2012, elle l'a, à tout le moins, perdu du fait des décisions de Vectora du 24 mars 2012 valant exclusion de la SA FDG du capital de la société [S], désormais définitives par l'effet de la prescription, reprenant au fond ce moyen qu'elle invoque au titre de la prescription.

Sur le fond, elle s'oppose à l'annulation des décisions attaquées.

Partant de l'arrêt de la Cour de cassation opérant le renvoi, au visa des articles L. 235-1 et L. 227-9 du code de commerce, elle fait valoir que la nullité d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du livre II du code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats ; la nullité d'un acte ou de délibérations ne modifiant pas les statuts ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du Livre II du code de commerce ou des lois qui régissent les contrats, étant précisé que constituent une disposition impérative les clauses des statuts qui déterminent les décisions collectives et leurs formes et conditions ; la nullité ne peut être prononcée que si la violation est de nature à influer sur le processus de décision ; le prononcé de la nullité reste une faculté pour le juge qui «peut » (ou non) la prononcer.

Elle fait valoir que l'article 1844 du code civil ne peut pas constituer 'une disposition impérative du Livre II du code de commerce' et ne peut donc pas permettre d'annuler les décisions non modificatives des statuts qui ont été prises par Vectora en qualité d'associée de Larzul et que, par ailleurs, aucune disposition expresse du Livre II du code de commerce ne prévoit que la violation de l'article 1844 du code civil soit sanctionnée par la nullité, de sorte que ce texte ne peut servir de fondement à l'annulation de la décision de prorogation de la durée de la société potentiellement modificative des statuts prise le 2 mars 2016.

Elle souligne qu'aucune clause des statuts de [S] n'est invoquée par la société FDG, ce qui s'explique par le fait que les statuts ne contiennent aucune stipulation relative au fonctionnement de la société en cas de pluralité d'associés.

De plus, elle fait valoir que l'assemblée générale mixte de régularisation du 20 janvier 2022 et l'assemblée générale ordinaire du 28'décembre 2022, ne peuvent pas être annulées au visa de l'article 1844 du code civil, dès lors que la SA FDG y a été dûment convoquée.

Par ailleurs, elle soutient que le vote de la SA FDG n'était pas de nature à influer l'adoption des décisions litigieuses puisqu'à supposer même que l'augmentation de capital en numéraire et la cession d'actions n'aient pas été anéanties, elle serait associée minoritaire de la société [S] du fait de l'annulation de l'apport en nature et la société Vectora aurait la majorité pour adopter toutes les décisions de nature ordinaire prises à la majorité simple. Elle ajoute que l'annulation des décisions litigieuses n'est pas opportune au regard de la nature ordinaire de la plupart d'entre elles, qui ne font pas grief à la SA FDG et qui ont été régularisées par l'assemblée générale mixte du 20 janvier 2022. Elle constate que la SA FDG ne conteste pas sur le fond les décisions de nature extraordinaire. Elle souligne que la décision de prorogation de durée n'est plus régularisable.

Subsidiairement, elle sollicite un délai pour régulariser les décisions litigieuses ; que la cour sursoit à statuer jusqu'à son terme ; qu'il soit déclaré renouvelable pour se prémunir de vote contre la prorogation de la durée de la société qui constituerait un abus de minorité de la SA FDG.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe':

- le 20 mars 2024 pour la SA FDG,

- le 11 mars 2024 pour la société [S].

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action de la société FDG

Sur la prescription de l'action

L'arrêt de la Cour de cassation qui renvoie l'affaire à la cour de céans n'a pas cassé l'arrêt de la cour d'appel de Rennes rendu le 15 juin 2021 en ce qu'il a déclaré recevables les demandes d'annulation de délibérations de l'assemblée générale de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013.

Il en résulte que la société [S] est irrecevable à soulever la prescription des demandes d'annulation de délibérations de l'assemblée générale de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013, cette fin de non-recevoir ayant été définitivement rejetée.

La société [S] ne peut pas contourner la chose jugée sur ce point en partant de ce qu'ayant été jugé de façon irrévocable que la société FDG ne pouvait plus demander l'annulation de la décision de l'assemblée générale du 240mars 2012 qui a décidé de constater que la société [S] n'avait jamais cessé d'être une société par actions simplifiée unipersonnel au capital de 3 300' 000 euros divisé en actions appartenant toutes à l'associée unique Vectora et que l'absence de transformation de la société [S] de SAS unipersonnelle en SAS'pluripersonnelle atteignait également l'augmentation de capital en numéraire souscrite par la société FDG, en conséquence, a décidé de modifier les statuts afin de ré-adopter la forme de la SASU, qu'elle ne pourrait plus contester la perte de sa qualité d'associée qui résulte de cette décision.

Déterminer les conséquences à tirer de l'impossibilité pour la société FDG de contester la décision précitée du 24 mars 2012 sur son droit de contester les décisions prises après le 19 janvier 2013 est une question de fond.

La société [S] n'est donc pas fondée à demander la confirmation du jugement entrepris qui a déclaré irrecevables comme prescrites toutes les demandes de la société FDG.

Sur l'intérêt de la société FDG à agir

Partant du postulat que la société FDG n'est pas associée de la société [S], celle-ci en déduit qu'elle est irrecevable à solliciter l'annulation des décisions de la société.

Mais l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action. Dans le présent litige, l'existence de la qualité d'associée de la société FDG est une condition du succès de l'action ainsi qu'il sera vu plus loin.

Pas davantage, la société [S] ne peut se prévaloir de ce que les décisions litigieuses n'auraient pas causé de grief à la société FDG en ce que n'étant pas majoritaire, sa participation au vote n'aurait rien changé ou se prévaloir de la régularisation de ces décisions par une assemblée générale du 20 janvier 2022, pour s'opposer au droit de la société FDG, qui conteste de surcroît ne pas être associée à égalité avec Vectora, de demander en justice leur annulation.

Enfin, la société [S], constatant, d'une part, que la société FDG a voté lors de cette assemblée du 20 janvier 2022 contre la demande d'augmentation de capital qui a été rejetée par le vote de la société Vectora et, d'autre part, qu'elle demande la régularisation de la décision prise en assemblée générale du 2 mars 2016 ayant prorogé la durée de la société dont elle demande néanmoins l'annulation, invoque un défaut d'intérêt légitime à agir ainsi que le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, en ajoutant que maintenir une demande d'annulation de la décision prorogeant la durée de la société revient à poursuivre un but illégitime et illicite, contraire aux intérêts de la société [S] puisque s'il devait être jugé que les statuts du 31 janvier 2005, qui prévoient que la durée de la société expirait le 10 mars 2017, sont applicables, cela entraînerait la dissolution de plein droit de la société par l'arrivée du terme.

Mais dès lors que la demande d'annulation des décisions dont le fondement repose sur la violation de dispositions sanctionnée par une nullité que la société FDG est en droit d'invoquer si sa qualité d'associée lui est reconnue, la circonstance que la société FDG a émis par la suite un vote favorable à certaines des résolutions (refus d'augmentations de capital réservées aux salariés) dont elle demande l'annulation ou qu'elle ne conteste pas le principe de la décision prise (de prorogation de la durée de la société) ne la rend pas, de ce seul fait, dépourvue d'intérêt à en poursuivre l'annulation et sans que puisse lui être opposé le grief de se contredire au détriment d'autrui.

Enfin, la poursuite d'un intérêt contraire à l'intérêt de la société auquel serait susceptible d'aboutir l'annulation de la délibération ayant prorogé la durée de la société est une question de fond.

Sur le fond

Sur la recevabilité de la société [S] à opposer aux demandes de la société FDG l'absence de qualité d'associée

Pour s'opposer à l'examen pas la cour de sa qualité d'associée, la société FDG invoque les dispositions de l'article 631 du code de procédure civile aux termes desquelles devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

Mais ce texte ne fait pas obstacle au droit d'une partie de soulever des moyens de défense, d'autant moins que l'article 632 autorise même les parties à invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions.

Or, la société [S], pour faire obstacle à la prétention adverse d'annulation des assemblées générales postérieures au 19 janvier 2013, soulève le moyen tenant à l'absence de qualité d'actionnaire de la société FDG. Il s'agit-là d'un moyen de défense qu'elle avait d'ailleurs déjà soulevé devant la cour d'appel de Rennes et qui est recevable puisqu'une partie est recevable à reprendre devant la juridiction de renvoi les moyens rejetés par la décision cassée.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société FDG, aucune décision irrévocable n'a jugé qu'elle était toujours associée de la société [S], encore moins à 50 %. Le fait que l'arrêt de la cour de céans du 13 juillet 2021 a reconnu à la société FDG l'intérêt à saisir le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés pour faire procéder à la rectification des déclarations de la société [S] assujettie à l'obligation d'immatriculation tant qu'aucune décision n'avait constaté la perte de sa qualité d'associée, ne vaut pas reconnaissance de cette qualité.

La société FDG fonde sa demande d'annulation des délibérations sur la violation des dispositions de l'article 1844 du code civil. Le succès de ses prétentions dépend donc, d'abord, de sa qualité d'associée

Sur la qualité d'associée de la société FDG

L'arrêt irrévocable de la cour d'appel d'Angers rendu le 24 janvier 2012, d'une part, a annulé les délibérations de l'associé unique de la société [S] du 30 décembre 2004 qui approuvaient les opérations d'apport ainsi que l'augmentation du capital et les modifications statutaires qui en résultaient, d'autre part, a constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004, lequel prévoyait qu'il ne produisait effet qu'à compter de son approbation par l'associé unique et qu'à défaut d'une telle approbation avant le 31 mars 2005, il serait considéré comme non avenu sans indemnité de part et, enfin, a débouté la société FDG de toutes ses demandes.

Dans cette décision, la cour a jugé que le défaut d'indépendance du commissaire aux apports était une cause de nullité absolue de l'apport, qui s'étendait aux délibérations prises au vu du rapport du commissaire aux apports et que ce vice n'était pas régularisable. Elle a donc rejeté la prétention de la société FDG tendant à ordonner à la partie adverse de régulariser les opérations d'apport du fonds de commerce par la désignation d'un nouveau commissaire aux apports pour réinitialiser le processus et se conformer aux engagements pris dans le protocole d'accord. Ainsi, la société FDG ne peut, sans méconnaître la portée de cet arrêt et son autorité de chose jugée, persister à prétendre que le vice en cause n'est qu'une irrégularité qui peut être couverte parce que l'opération d'apport du fonds de commerce, même irrégulière, n'a jamais été annulée.

Il s'ensuit que l'augmentation du capital résultant de l'apport du fonds de commerce est réputée n'être jamais intervenue de même que la création de 38 756 actions nouvelles attribuées à la société UGMA en contrepartie de cet apport. La prétention de la société FDG d'être associée égalitaire est donc contraire à cet arrêt pourtant irrévocable.

Le protocole d'accord du 14 décembre 2004 qui prévoit en son article 7 que la société UGMA faisait apport de son fonds de commerce, stipule également en son article 1er une cession de 53 289 actions Larzul à la société FDG, laquelle était consentie et acceptée sous les conditions suspensives stipulées à l'article 6, parmi lesquelles, à l'article 6.1.3, l'augmentation du capital de la société réservée à la société UGMA, et réalisée par apport de son fonds de commerce. Toutefois, l'article 6.2 précise que 'dans l'hypothèse où l'une ou l'autre des conditions suspensives ne serait pas réunie le 20 janvier 2005 au plus tard, les présentes seraient nulles et non avenues sans indemnité de part et d'autre à moins que la société FDG ne préfère demander la réalisation de la cession nonobstant le défaut d'accomplissement de l'une ou l'autre des conditions suspensives.'

De cette clause dont la société [S] omet de mentionner la dernière partie, il s'infère, en premier lieu, que la condition suspensive est stipulée au profit de la seule société FDG qui pouvait y renoncer de sorte que la société [S] ne peut s'en prévaloir. La société FDG peut donc faire le choix d'être minoritaire.

En second lieu, il s'en déduit qu'il n'y a pas d'indivisibilité entre l'opération d'apport du fonds de commerce et la cession des 53 289 actions. Ni le fait que la première devait précéder la seconde, ni la circonstance selon laquelle toutes les opérations prévues au dit protocole tendaient au rapprochement des sociétés Vectora et FDG/UGMA avec pour résultat une participation égale des deux sociétés dans le capital social de la société [S] ne suffisent pour juger de leur caractère indivisible au vu de l'article 6-2 précité qui, explicitement, reconnaît à la société FDG la possibilité de procéder à la cession des titres sans l'apport par sa filiale de son fonds de commerce.

De ce fait, il ne résulte pas non plus des stipulations du protocole d'accord que l'opération de l'augmentation du capital social de la société [S] par apport en numéraire de la société FDG prévue comme devant avoir lieu concomitamment à la cession serait indivisible de l'opération d'augmentation du capital social par apport du fonds de commerce.

Il s'ensuit que le moyen de défense de la société [S] tenant à l'absence de qualité d'actionnaire minoritaire de la société FDG est écarté.

Sur la demande d'annulation des délibérations

Devant la cour de céans, la société FDG ne sollicite plus que l'annulation de toutes les assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013 et leur régularisation immédiate.

Il a été définitivement jugé que la prescription faisait obstacle à la remise en cause par la société FDG de la délibération du 24 mars 2012 de la société Vectora qui, s'étant considérée associée unique, a décidé de constater que la société [S] n'avait jamais cessé d'être une société par actions simplifiée unipersonnel au capital de 3 300 000 euros divisé en actions appartenant toutes à l'associée unique Vectora et que l'absence de transformation de la société [S] de SAS unipersonnelle en SAS pluripersonnelle atteignait également l'augmentation de capital en numéraire souscrite par la société FDG ; en conséquence, a décidé de modifier les statuts afin de ré-adopter la forme de la SASU.

Pour autant, cette délibération n'est pas de nature à faire obstacle aux droits de la société FDG de faire annuler les délibérations, qu'elle tient du droit de propriété de nature imprescriptible et qui ne peut avoir été éteint par une simple délibération méconnaissant ce droit, fût-elle non annulable.

Aux termes de l'article 1844, alinéa 1er, du code civil, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.

Les statuts d'une société par actions simplifiée, qui réservent la prise de certaines décisions à la collectivité des associés, ne peuvent déroger à cette disposition.

Pour ces sociétés, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 227-9 du code de commerce :

'Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.

Toutefois, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d'augmentation, d'amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés.'

Le dernier et 4ème alinéa de ce texte précise que les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.

L'alinéa 4 de l'article L. 227-9 précité, institué afin de compléter, pour les sociétés par actions simplifiées, le régime de droit commun des nullités des actes ou délibérations des sociétés, tel qu'il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce, doit être lu comme visant les décisions prises en violation de clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa et permettant, lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, à tout intéressé d'en poursuivre l'annulation.

L'article L. 235-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 22 mai 2019, prévoit, en son premier alinéa, que la nullité d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du livre deuxième du code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats et en son second alinéa dispose que la nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'alinéa précédent (à savoir nullité d'une société ou d'un acte modifiant les statuts) ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats.

Dans le cas présent, ne sont produits devant la cour que les statuts antérieurs aux opérations de rapprochement ainsi que les statuts mis à jour le 30'septembre 2004 qui ont été invalidés par l'effet de l'arrêt du 24 janvier 2012 et les statuts adoptés par la société Vectora le 24 mars 2012 revenant à une SASU. Si la société [S] évoque des statuts du 31 janvier 2005, ils ne sont pas produits. La société FDG, en demande de l'annulation des délibérations de la société, ne s'appuie sur aucun statut pouvant déterminer les règles de participation des associés, les décisions qui seraient de la compétence des assemblées générales ordinaire et extraordinaire ainsi que les règles de majorité et ne se prononce d'ailleurs pas sur les statuts qui seraient en vigueur, se retranchant derrière la seule exigence de devoir participer aux décisions collectives en rappelant que les décisions qui sont impérativement collectives comme celles annoncées à l'alinéa 2 de l'article L. 227-9 ou qui sont collectives en l'absence de stipulation contraire dans les statuts comme la nomination ou révocation d'un dirigeant, sont soumises à la règle fondamentale édictée à l'article 1844 du code civil.

Il y a lieu de considérer au vu de l'arrêt du 24 janvier 2012 ayant annulé la délibération qui avait approuvé les statuts établis en conséquence de l'entrée au capital des sociétés UGMA et FDG, et en l'état des délibérations de l'assemblée générale du 24 mars 2012 qui a décidé de modifier les statuts afin de ré-adopter la forme de la SASU, que les statuts en vigueur de la société [S] ne déterminent pas les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés. L'action en nullité ne peut donc reposer sur la violation de clauses statutaires.

Il en résulte que seules les décisions visées au deuxième alinéa de l'article L. 227-9 et celles qui modifient les statuts devaient être prises collectivement ainsi que celles portant sur les conventions intervenues entre la société et ses dirigeants sauf si elles portent sur des opérations courantes et sont conclues à des conditions normales et ce, en application des articles L. 227-10 et L. 227-11 du code de commerce.

La société [S] a établi la liste des décisions sociales prises depuis le 19 janvier 2013 et portant, pour l'essentiel, sur des décisions d'approbation des comptes annuels et l'affectation des bénéfices mais aussi sur les mandants donnés aux commissaires aux comptes et les augmentations de capital, outre celle qui prolonge la durée de la société. Cette liste n'est pas contestée par la société FDG qui demande l'annulation de toutes les délibérations sans en préciser la nature ni en donner elle-même la liste.

Toutes ces délibérations entrent dans la catégorie de celles visées au deuxième alinéa de l'article L. 227-9 et auraient dues être impérativement prises collectivement dans le cas d'une société qui n'était pas unipersonnelle, ainsi que celle qui prolonge la durée de la société qui est modificative des statuts.

La société FDG ayant été convoquée et ayant participé à l'assemblée générale mixte du 20 janvier 2022, celle-ci ne peut être annulée sur le fondement de l'article 1844 du code civil.

Mais pour toutes les autres délibérations attaquées prises sans que la société FDG ait été invitée à y participer, la gravité de l'atteinte portée aux droits de la société FDG justifie l'annulation de ces décisions, étant rappelé qu'il s'agit d'une nullité absolue. En tout état de cause, l'irrégularité était bien de nature à influer sur le résultat du processus de décision puisqu'il n'y a pas eu confrontation de points de vue entre les associés avant de prendre les résolutions.

A défaut de statuts en vigueur, les décisions collectives des associés devaient être adoptées à la simple majorité des voix des associés disposant d'un droit de vote, présents ou représentés.

Il y a lieu de constater que toutes les résolutions sur lesquelles l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire s'est prononcée le 20 janvier 2022, ont été soient adoptées soit rejetées à la majorité des voix et ont, ainsi, régularisé toutes les délibérations prises après le 19 janvier 2013 sauf celle du 2'mars 2016 prorogeant la durée de vie sur laquelle elle ne s'est pas prononcée.

Pour ces délibérations, la demande d'annulation est accueillie mais la demande de régularisation, devenue sans objet, est rejetée.

Ne reste que la délibération du 2 mars 2016 qui n'a pas été régularisée, qui a prorogé la durée de la société de 50 années, pour expirer le 10'mars 2067, après avoir constaté que la durée de la société arrivait à expiration le 10 mars 2017. La société [S] explique, sans être contredite sur ces points, que par la délibération du 24 mars 2012, ont été adoptés à nouveau les statuts de Larzul du 16 octobre 2000 fixant la durée de la société à 99 ans à compter de son immatriculation, soit jusqu'au 10 mars 2066, que la société FDG ayant contesté la délibération du 24 mars 2012 et revendiqué l'application des statuts antérieurs du 31 janvier 2005 qui fixaient le terme de la société [S] au 10 mars 2017, la société Vectora a, à titre conservatoire, pris, le 2 mars 2016, une décision de prorogation de la durée de Larzul jusqu'au 10 mars 2067 dans l'hypothèse où les décisions prises par Vectora le 24 mars 2012 seraient annulées et où il serait jugé que les statuts applicables ne seraient pas ceux adoptés le 24 mars 2012.

Or, la délibération du 24 mars 2012 n'est pas remise en cause sur ce point puisque la demande d'annulation de cette délibération a été jugée prescrite. Il en résulte qu'en l'état des statuts en vigueur, la durée de la société va jusqu'au 10 mars 2066, de sorte que la collectivité des associés n'avait pas à se prononcer sur ce point. Il s'ensuit que si la délibération du 2 mars 2016 prise par un seul associé sans que la société FDG ait été mise en mesure d'y participer en violation des dispositions impératives de l'article 1844 du code civil, doit être annulée, il n'y a pas là à ordonner sa régularisation.

Sur les frais et dépens

La société [S], partie perdante sur l'annulation des délibérations, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société FDG la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant publiquement et contradictoirement par mise à disposition au greffe

Statuant dans la limite de la cassation,

Déclare recevable la demande d'annulation des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société [S] postérieures à la date du 19 janvier 2013 et de régularisation de ces assemblées générales.

Annule les décisions suivantes :

- décisions du 17 mai 2013 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2010, l'affectation du résultat, les conventions réglementées, l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2011, affectation du résultat, les conventions réglementées, la nomination de nouveaux commissaires aux comptes ;

- décisions du 5 juin 2013 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2012, l'affectation du résultat, les conventions réglementées ;

- décisions du 24 avril 2014 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2013, l'affectation du résultat, les conventions réglementées ;

- décisions du 3 avril 2015 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2014, l'affectation du résultat, les conventions réglementées ;

- décisions du 30 juin 2016 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2015, l'affectation du résultat, les conventions réglementées ;

- décisions du 20 octobre 2016 relative à la mise en place d'une convention de trésorerie entre les sociétés SARL 16 et Vectora ;

- décisions du 29 mai 2017 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016, l'affectation du résultat, les conventions réglementées ;

- décisions du 1 er juin 2018 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017, l'affectation du résultat, les conventions réglementées ;

- décisions du 20 mai 2019 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31décembre 2018, l'affectation du résultat, les conventions réglementées, nomination d'un nouveau commissaire aux comptes ;

- décisions du 30 septembre 2020 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2019, l'affectation du résultat, les conventions réglementées ;

- décisions du 7 mai 2021 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2020, l'affectation du résultat, les conventions réglementées ;

- décision du 3 avril 2015 relative à une augmentation de capital réservée aux salariés en application de l'article L. 225-129-6 du code de commerce ;

- décision du 2 mars 2016 relative à la prorogation de la durée de la société ;

- décision du 1 er juin 2018 relative à une augmentation de capital réservée aux salariés en application de l'article L. 225-129-6 du code de commerce.

Dit qu'il n'y a pas lieu à régulariser la délibération du 2 mars 2016 relative à la prorogation de la durée de la société.

Constate que toutes les autres délibérations ont été régularisées par l'assemblée générale du 20 janvier 2022.

Déboute, en conséquence, la société FDG de sa demande de régularisation.

Condamne la société [S] à payer à la société FDG la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société [S] aux dépens de première instance et d'appel.