Décisions
CA Rennes, 2e ch., 4 juin 2024, n° 21/07858
RENNES
Arrêt
Autre
2ème Chambre
ARRÊT N°200
N° RG 21/07858
N° Portalis DBVL-V-B7F-SJZU
(Réf 1ère instance : 11-21-0000)
(1)
M. [L] [J]
C/
S.E.L.A.R.L. ATHENA PRISE EN LA PERSONNE DE ME [D]
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me CHAUDET
- Me CASTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUIN 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Mars 2024
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juin 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [L] [J]
né le 03 Février 1981 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Grégory ROULAND, plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. ATHENA prise en la personne de Me [D] es qualité de liquidateur de la société SVH ENERGIE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Assigné par acte d'huissier en date du 21/03/2022, délivré à personne morale, n'ayant pas constitué
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SCP HUGO CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD, plaidant, avocat au barreau de NIMES
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 8 février 2019, M. [L] [J] a commandé à la société SVH énergie la pose et la fourniture d'une installation photovoltaïque et d'une pompe à chaleur pour un coût de 28 881 euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un prêt auprès de la société BNP Paribas personal finance (la banque).
Suivant acte d'huissier du 17 mars 2021, M. [L] [J] a assigné la société SVH énergie et la banque devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Morlaix.
Suivant jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SVH énergie. La société Athéna a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant jugement du 16 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection a :
- Débouté M. [L] [J] de ses demandes.
- Condamné M. [L] [J] aux dépens.
Suivant déclaration du 17 décembre 2021, M. [L] [J] a interjeté appel.
En ses dernières conclusions du 13 mars 2024, M. [L] [J] demande à la cour de :
Vu les articles L. 111-1 et suivants, L. 121-17 1°, L. 312-48 et R. 111-12 du code de la consommation,
Vu les articles 1182, 1217 et suivants et 1225 du code civil,
- Infirmer le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
- Prononcer à titre principal la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit.
- Prononcer à titre subsidiaire leur annulation.
En conséquence,
A titre principal,
- Dire qu'il ne sera pas tenu de rembourser à la banque la somme de 28 881 euros avec intérêts.
- La condamner à lui restituer les sommes prélevées sur son compte bancaire avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
A titre subsidiaire,
- Dire qu'il devra restituer à la banque la somme de 7 220,85 euros, déduction faite des sommes déjà versées, et en cas de trop perçu, dire que la banque devra le rembourser.
En tout état de cause,
- Dire qu'il devra tenir à la disposition de la société Athéna ès qualités les matériels vendus durant un délai de deux mois et que passé ce délai, il pourra en disposer comme bon lui semble.
- Condamner la banque à lui payer la somme de 4 000 euros en application de 700 du code de procédure civile.
- La condamner aux dépens.
En ses dernières conclusions du 13 mars 2024, la société BNP Paribas demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré.
Subsidiairement, en cas d'annulation ou de résolution des contrats,
- Débouter M. [L] [J] de ses demandes visant à la voir privée intégralement ou partiellement de son droit à restitution du capital prêté.
- Le condamner à lui payer la somme de 28 881 euros correspondant au montant du capital prêté outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds.
- Dire qu'elle devra lui restituer les échéances perçues après justification de la restitution au Trésor public des crédits d'impôt perçus.
- Débouter M. [L] [J] de toute autre demande.
- Condamner la société SVH énergie à lui payer la somme de 28 881 euros correspondant au montant du capital prêté à titre de garantie.
- Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie à titre chirographaire à la somme de 28 881 euros.
Plus subsidiairement,
- Condamner la société SVH énergie à lui payer la somme de 28 881 euros correspondant au montant du capital prêté à titre de dommages et intérêts.
- Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie à titre chirographaire à la somme de 28 881 euros.
En tout état de cause,
- Condamner M. [L] [J] à lui payer la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Le condamner aux dépens.
La société Athéna n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de résolution des contrats.
M. [L] [J] demande la résolution du contrat de vente au motif que le vendeur n'a pas livré et installé des matériels conformes à leur destination. Il indique à cet égard que la pompe à chaleur ne fonctionne plus et que le ballon d'eau chaude dysfonctionne. Il ajoute que la société SVH énergie s'était engagée à ce qu'il soit énergétiquement indépendant.
La banque conteste un manquement grave du vendeur à ses obligations. Elle fait valoir que les travaux commandés ont été réalisés et que le constat du 21 février 2014 produit aux débats est insuffisant pour démontrer l'existence d'un désordre suffisamment grave pour entrainer la résolution du contrat de vente. Elle indique par ailleurs que le vendeur n'a pris aucun engagement contractuel en termes d'indépendance énergétique.
Il n'est pas contesté que la livraison des biens et leur mise en service a été effectuée le 16 avril 2019, comme en a attesté M. [L] [J], et que l'installation a fonctionné pendant plusieurs années. Si des non-conformités ont été relevées dans une étude technique du 24 décembre 2020, postérieure à la mise en service, les réparations ont été évaluées à la somme de 896 euros, ce qui leur dénie tout caractère de gravité. Un constat d'un commissaire de justice du 21 février 2024 établit l'existence d'un dysfonctionnement affectant la pompe à chaleur mais plusieurs années après la mise en service. Il n'est pas démontré un manquement suffisamment grave du vendeur à ses obligations contractuelles pouvant justifier la résolution du contrat.
Il ne ressort par ailleurs pas des documents produits aux débats que le vendeur se serait engagé à ce que l'installation garantisse l'indépendance énergétique de M. [L] [J]. Si la présentation des matériels est flatteuse, en ce qu'ils devaient permettre d'emprunter « la voie de l'indépendance énergétique », il est indiqué que l'économie représenterait au mieux 40 % de la consommation d'énergie pour le chauffage. Par ailleurs, s'il est fait état d'un courriel du 23 février 2019, donc postérieur à la signature du contrat de vente, une lecture attentive des données chiffrées du document mettait en évidence le fait que les revenus attendus de l'installation ne permettraient pas son autofinancement.
Dès lors, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a débouté M. [L] [J] de sa demande de résolution du contrat de vente et consécutivement du contrat de prêt.
Sur la demande de nullité des contrats,
M. [L] [J] reproche au premier juge d'avoir considéré que le bon de commande était régulier alors que la marque, le modèle et les caractéristiques techniques de la pompe à chaleur, le rendement ou la puissance en KW/h des panneaux photovoltaïques et le délai d'exécution des services ne sont pas précisés.
La banque prétend que le bon de commande est régulier.
Aux termes des articles L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à l'espèce, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement devaient faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire était remis au client comportant notamment, à peine de nullité, les mentions relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, et, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engageait à livrer le bien ou à exécuter le service.
En l'espèce, le bon de commande précise bien que la pompe à chaleur sera de marque GSE et que le rendement de chacun des huit panneaux photovoltaïques sera de 300 Wc. En revanche, le délai d'exécution n'est pas précisé.
La banque soutient que cette irrégularité, qui n'est sanctionnée que par une nullité relative, a été, conformément à l'article 1182 du code civil, confirmée par M. [L] [J] qui a renoncé en connaissance de cause à l'invoquer en exécutant volontairement le contrat, alors que le bon de commande reproduisait les dispositions du code de la consommation relatives aux mentions obligatoires devant y figurer.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la constatation d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion des contrats, M. [L] [J] a eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que l'ordre donné à la banque de verser les fonds entre les mains du vendeur, ne suffisent pas à caractériser qu'il a, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et manifesté la volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.
Par ailleurs, la seule reproduction des articles du code de la consommation au dos du bon de commande énonçant les conditions générales de vente ne suffit pas à démontrer que l'acheteur avait pleine connaissance de cette réglementation et, de surcroît, que le contrat de vente la méconnaissait.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et de prononcer la nullité du contrat de vente et subséquemment celle du contrat de prêt en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation.
Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
M. [L] [J] soutient qu'il ne peut être tenu à aucune restitution quand la banque ne démontre pas qu'elle a payé le vendeur.
L'historique du compte permet cependant de constater que les fonds ont été remis au vendeur le 24 avril 2019.
M. [L] [J] soutient par ailleurs que la banque a commis une faute en ne vérifiant pas la validité du bon de commande. Il demande qu'elle soit privée de sa créance de restitution.
La banque soutient de son côté qu'elle n'a pas commis de faute de nature à la priver de sa créance de restitution. Elle fait valoir que le bon de commande était régulier ou avait du moins une apparente régularité et qu'elle a débloqué les fonds avec l'autorisation expresse de l'emprunteur qui a signé l'attestation de fin de travaux et qui a reconnu sans réserve la livraison du bien.
La simple lecture du contrat de vente aurait pourtant dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit affecté, à ne libérer les fonds entre les mains du vendeur qu'après avoir, à tout le moins, vérifié auprès de l'emprunteur qu'il entendait confirmer un acte dont la validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation. La banque n'avait certes pas à assister M. [L] [J] lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal mais il lui appartenait néanmoins de relever les irrégularités apparentes du bon de commande avant de se dessaisir du capital prêté. Il en résulte qu'en versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle du contrat principal, la banque a commis une faute.
La faute du prêteur qui se dessaisit des fonds prêtés alors même qu'en sa qualité de professionnel du crédit, il ne pouvait ignorer l'irrégularité du bon de commande et l'existence d'une cause de nullité, ne saurait faire échec à la restitution des sommes prêtées en capital qu'autant que l'emprunteur établisse avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
Or il n'est pas discuté que M. [L] [J] disposait d'une installation fonctionnelle lorsque la banque a débloqué les fonds pour payer le vendeur. Il ne saurait dès lors imputer à la banque, tiers au contrat de vente, un préjudice résultant du fait que l'installation ne réponde pas à ses attentes en termes de performances ou que des pannes soient survenues postérieurement à la mise en service. De l'absence de préjudice en lien avec la faute de la banque, il résulte qu'à la suite de l'annulation du contrat principal emportant celle du contrat de crédit, la banque est fondée à réclamer à l'emprunteur la restitution du capital emprunté.
L'obligation à restitution réciproque résultant de l'annulation du contrat de prêt, la banque sera déboutée de ses demandes tendant à subordonner son obligation à restitution des échéances payées à des justifications de remboursement auquel M. [L] [J] pourrait être tenue envers des tiers.
M. [L] [J] sera condamné à payer à la banque la somme de 28 881 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2021, date à laquelle la demande en paiement a été formulée devant le premier juge, sous déduction du montant des échéances payées.
La demande de M. [L] [J] tendant à être autorisé à disposer des biens vendus après l'expiration d'un délai de deux mois en l'absence de demande particulière de la société Athéna se heurte au droit de propriété du vendeur redevenu propriétaire du matériel après annulation du contrat. Il ne saurait y être fait droit.
Par application de l'article L. 312-56 du code de la consommation, lorsque l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut à la demande du prêteur être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt sans préjudice de dommages-intérêts vis à vis du prêteur et de l'emprunteur.
L'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté étant survenue du fait du vendeur, il convient, puisque la banque en fait la demande expresse, de dire que la société SVH énergie sera tenue de garantir M. [L] [J] de sa condamnation à rembourser le capital emprunté. Il y a lieu de fixer la créance de la banque au passif de la société SVH énergie à hauteur de la somme de 28 881 euros.
La banque sera condamnée à payer à M. [L] [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La banque, partie succombante à titre principal, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement rendu le 16 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Morlaix.
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 8 février 2019 entre la société SVH énergie et M. [L] [J]
Constate la nullité du contrat de prêt conclu le 8 février 2019 entre la société BNP Paribas personal finance et M. [L] [J].
Condamne M. [L] [J] à restituer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 28 881 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2021, sous déduction du montant des échéances payées.
Dit que la société BNP Paribas personal finance est fondée à obtenir la garantie de la société SVH énergie au titre de la restitution des sommes prêtées à M. [L] [J].
Fixe en conséquence à la somme de 28 881 euros la créance de garantie de la société BNP Paribas personal finance devant être inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie.
Condamne la société BNP Paribas personal finance à payer à M. [L] [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens.
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
ARRÊT N°200
N° RG 21/07858
N° Portalis DBVL-V-B7F-SJZU
(Réf 1ère instance : 11-21-0000)
(1)
M. [L] [J]
C/
S.E.L.A.R.L. ATHENA PRISE EN LA PERSONNE DE ME [D]
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me CHAUDET
- Me CASTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUIN 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Mars 2024
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juin 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [L] [J]
né le 03 Février 1981 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Grégory ROULAND, plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. ATHENA prise en la personne de Me [D] es qualité de liquidateur de la société SVH ENERGIE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Assigné par acte d'huissier en date du 21/03/2022, délivré à personne morale, n'ayant pas constitué
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SCP HUGO CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD, plaidant, avocat au barreau de NIMES
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 8 février 2019, M. [L] [J] a commandé à la société SVH énergie la pose et la fourniture d'une installation photovoltaïque et d'une pompe à chaleur pour un coût de 28 881 euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un prêt auprès de la société BNP Paribas personal finance (la banque).
Suivant acte d'huissier du 17 mars 2021, M. [L] [J] a assigné la société SVH énergie et la banque devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Morlaix.
Suivant jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SVH énergie. La société Athéna a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant jugement du 16 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection a :
- Débouté M. [L] [J] de ses demandes.
- Condamné M. [L] [J] aux dépens.
Suivant déclaration du 17 décembre 2021, M. [L] [J] a interjeté appel.
En ses dernières conclusions du 13 mars 2024, M. [L] [J] demande à la cour de :
Vu les articles L. 111-1 et suivants, L. 121-17 1°, L. 312-48 et R. 111-12 du code de la consommation,
Vu les articles 1182, 1217 et suivants et 1225 du code civil,
- Infirmer le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
- Prononcer à titre principal la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit.
- Prononcer à titre subsidiaire leur annulation.
En conséquence,
A titre principal,
- Dire qu'il ne sera pas tenu de rembourser à la banque la somme de 28 881 euros avec intérêts.
- La condamner à lui restituer les sommes prélevées sur son compte bancaire avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
A titre subsidiaire,
- Dire qu'il devra restituer à la banque la somme de 7 220,85 euros, déduction faite des sommes déjà versées, et en cas de trop perçu, dire que la banque devra le rembourser.
En tout état de cause,
- Dire qu'il devra tenir à la disposition de la société Athéna ès qualités les matériels vendus durant un délai de deux mois et que passé ce délai, il pourra en disposer comme bon lui semble.
- Condamner la banque à lui payer la somme de 4 000 euros en application de 700 du code de procédure civile.
- La condamner aux dépens.
En ses dernières conclusions du 13 mars 2024, la société BNP Paribas demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré.
Subsidiairement, en cas d'annulation ou de résolution des contrats,
- Débouter M. [L] [J] de ses demandes visant à la voir privée intégralement ou partiellement de son droit à restitution du capital prêté.
- Le condamner à lui payer la somme de 28 881 euros correspondant au montant du capital prêté outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds.
- Dire qu'elle devra lui restituer les échéances perçues après justification de la restitution au Trésor public des crédits d'impôt perçus.
- Débouter M. [L] [J] de toute autre demande.
- Condamner la société SVH énergie à lui payer la somme de 28 881 euros correspondant au montant du capital prêté à titre de garantie.
- Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie à titre chirographaire à la somme de 28 881 euros.
Plus subsidiairement,
- Condamner la société SVH énergie à lui payer la somme de 28 881 euros correspondant au montant du capital prêté à titre de dommages et intérêts.
- Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie à titre chirographaire à la somme de 28 881 euros.
En tout état de cause,
- Condamner M. [L] [J] à lui payer la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Le condamner aux dépens.
La société Athéna n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de résolution des contrats.
M. [L] [J] demande la résolution du contrat de vente au motif que le vendeur n'a pas livré et installé des matériels conformes à leur destination. Il indique à cet égard que la pompe à chaleur ne fonctionne plus et que le ballon d'eau chaude dysfonctionne. Il ajoute que la société SVH énergie s'était engagée à ce qu'il soit énergétiquement indépendant.
La banque conteste un manquement grave du vendeur à ses obligations. Elle fait valoir que les travaux commandés ont été réalisés et que le constat du 21 février 2014 produit aux débats est insuffisant pour démontrer l'existence d'un désordre suffisamment grave pour entrainer la résolution du contrat de vente. Elle indique par ailleurs que le vendeur n'a pris aucun engagement contractuel en termes d'indépendance énergétique.
Il n'est pas contesté que la livraison des biens et leur mise en service a été effectuée le 16 avril 2019, comme en a attesté M. [L] [J], et que l'installation a fonctionné pendant plusieurs années. Si des non-conformités ont été relevées dans une étude technique du 24 décembre 2020, postérieure à la mise en service, les réparations ont été évaluées à la somme de 896 euros, ce qui leur dénie tout caractère de gravité. Un constat d'un commissaire de justice du 21 février 2024 établit l'existence d'un dysfonctionnement affectant la pompe à chaleur mais plusieurs années après la mise en service. Il n'est pas démontré un manquement suffisamment grave du vendeur à ses obligations contractuelles pouvant justifier la résolution du contrat.
Il ne ressort par ailleurs pas des documents produits aux débats que le vendeur se serait engagé à ce que l'installation garantisse l'indépendance énergétique de M. [L] [J]. Si la présentation des matériels est flatteuse, en ce qu'ils devaient permettre d'emprunter « la voie de l'indépendance énergétique », il est indiqué que l'économie représenterait au mieux 40 % de la consommation d'énergie pour le chauffage. Par ailleurs, s'il est fait état d'un courriel du 23 février 2019, donc postérieur à la signature du contrat de vente, une lecture attentive des données chiffrées du document mettait en évidence le fait que les revenus attendus de l'installation ne permettraient pas son autofinancement.
Dès lors, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a débouté M. [L] [J] de sa demande de résolution du contrat de vente et consécutivement du contrat de prêt.
Sur la demande de nullité des contrats,
M. [L] [J] reproche au premier juge d'avoir considéré que le bon de commande était régulier alors que la marque, le modèle et les caractéristiques techniques de la pompe à chaleur, le rendement ou la puissance en KW/h des panneaux photovoltaïques et le délai d'exécution des services ne sont pas précisés.
La banque prétend que le bon de commande est régulier.
Aux termes des articles L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à l'espèce, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement devaient faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire était remis au client comportant notamment, à peine de nullité, les mentions relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, et, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engageait à livrer le bien ou à exécuter le service.
En l'espèce, le bon de commande précise bien que la pompe à chaleur sera de marque GSE et que le rendement de chacun des huit panneaux photovoltaïques sera de 300 Wc. En revanche, le délai d'exécution n'est pas précisé.
La banque soutient que cette irrégularité, qui n'est sanctionnée que par une nullité relative, a été, conformément à l'article 1182 du code civil, confirmée par M. [L] [J] qui a renoncé en connaissance de cause à l'invoquer en exécutant volontairement le contrat, alors que le bon de commande reproduisait les dispositions du code de la consommation relatives aux mentions obligatoires devant y figurer.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la constatation d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion des contrats, M. [L] [J] a eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que l'ordre donné à la banque de verser les fonds entre les mains du vendeur, ne suffisent pas à caractériser qu'il a, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et manifesté la volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.
Par ailleurs, la seule reproduction des articles du code de la consommation au dos du bon de commande énonçant les conditions générales de vente ne suffit pas à démontrer que l'acheteur avait pleine connaissance de cette réglementation et, de surcroît, que le contrat de vente la méconnaissait.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et de prononcer la nullité du contrat de vente et subséquemment celle du contrat de prêt en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation.
Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
M. [L] [J] soutient qu'il ne peut être tenu à aucune restitution quand la banque ne démontre pas qu'elle a payé le vendeur.
L'historique du compte permet cependant de constater que les fonds ont été remis au vendeur le 24 avril 2019.
M. [L] [J] soutient par ailleurs que la banque a commis une faute en ne vérifiant pas la validité du bon de commande. Il demande qu'elle soit privée de sa créance de restitution.
La banque soutient de son côté qu'elle n'a pas commis de faute de nature à la priver de sa créance de restitution. Elle fait valoir que le bon de commande était régulier ou avait du moins une apparente régularité et qu'elle a débloqué les fonds avec l'autorisation expresse de l'emprunteur qui a signé l'attestation de fin de travaux et qui a reconnu sans réserve la livraison du bien.
La simple lecture du contrat de vente aurait pourtant dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit affecté, à ne libérer les fonds entre les mains du vendeur qu'après avoir, à tout le moins, vérifié auprès de l'emprunteur qu'il entendait confirmer un acte dont la validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation. La banque n'avait certes pas à assister M. [L] [J] lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal mais il lui appartenait néanmoins de relever les irrégularités apparentes du bon de commande avant de se dessaisir du capital prêté. Il en résulte qu'en versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle du contrat principal, la banque a commis une faute.
La faute du prêteur qui se dessaisit des fonds prêtés alors même qu'en sa qualité de professionnel du crédit, il ne pouvait ignorer l'irrégularité du bon de commande et l'existence d'une cause de nullité, ne saurait faire échec à la restitution des sommes prêtées en capital qu'autant que l'emprunteur établisse avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
Or il n'est pas discuté que M. [L] [J] disposait d'une installation fonctionnelle lorsque la banque a débloqué les fonds pour payer le vendeur. Il ne saurait dès lors imputer à la banque, tiers au contrat de vente, un préjudice résultant du fait que l'installation ne réponde pas à ses attentes en termes de performances ou que des pannes soient survenues postérieurement à la mise en service. De l'absence de préjudice en lien avec la faute de la banque, il résulte qu'à la suite de l'annulation du contrat principal emportant celle du contrat de crédit, la banque est fondée à réclamer à l'emprunteur la restitution du capital emprunté.
L'obligation à restitution réciproque résultant de l'annulation du contrat de prêt, la banque sera déboutée de ses demandes tendant à subordonner son obligation à restitution des échéances payées à des justifications de remboursement auquel M. [L] [J] pourrait être tenue envers des tiers.
M. [L] [J] sera condamné à payer à la banque la somme de 28 881 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2021, date à laquelle la demande en paiement a été formulée devant le premier juge, sous déduction du montant des échéances payées.
La demande de M. [L] [J] tendant à être autorisé à disposer des biens vendus après l'expiration d'un délai de deux mois en l'absence de demande particulière de la société Athéna se heurte au droit de propriété du vendeur redevenu propriétaire du matériel après annulation du contrat. Il ne saurait y être fait droit.
Par application de l'article L. 312-56 du code de la consommation, lorsque l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut à la demande du prêteur être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt sans préjudice de dommages-intérêts vis à vis du prêteur et de l'emprunteur.
L'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté étant survenue du fait du vendeur, il convient, puisque la banque en fait la demande expresse, de dire que la société SVH énergie sera tenue de garantir M. [L] [J] de sa condamnation à rembourser le capital emprunté. Il y a lieu de fixer la créance de la banque au passif de la société SVH énergie à hauteur de la somme de 28 881 euros.
La banque sera condamnée à payer à M. [L] [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La banque, partie succombante à titre principal, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement rendu le 16 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Morlaix.
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 8 février 2019 entre la société SVH énergie et M. [L] [J]
Constate la nullité du contrat de prêt conclu le 8 février 2019 entre la société BNP Paribas personal finance et M. [L] [J].
Condamne M. [L] [J] à restituer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 28 881 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2021, sous déduction du montant des échéances payées.
Dit que la société BNP Paribas personal finance est fondée à obtenir la garantie de la société SVH énergie au titre de la restitution des sommes prêtées à M. [L] [J].
Fixe en conséquence à la somme de 28 881 euros la créance de garantie de la société BNP Paribas personal finance devant être inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie.
Condamne la société BNP Paribas personal finance à payer à M. [L] [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens.
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT