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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 4 juin 2024, n° 22/01548

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MDB Cowork (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Graffin

Avocats :

Me Negre, Me Anahory, Me Pepratx Negre, Me Destours

T. com. Montpellier, du 9 mars 2022, n° …

9 mars 2022

FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SAS Bureaux & CO, immatriculée le 22 octobre 2014, exerce une activité de domiciliation des entreprises, prestations de services administratifs de bureaux quotidiens, location d'espaces de travail équipés et mise à disposition d'espaces de travail, à [Localité 3].

La SAS MDB Cowork, immatriculée le 21 août 2018, exerce la même activité.

Le 10 février 2019, la société MDB Cowork a attesté avoir reçu le document d'information précontractuel concernant le concept Bureaux & CO.

Le même jour, la société MDB Cowork, en qualité de franchisé, a conclu un contrat de franchise avec la société Bureaux & CO dans le but d'exploiter une activité de centre d'affaires et espace de coworking, sous l'enseigne Bureaux & CO et le nom commercial Bureaux & CO la Station, au sein d'un local situé au [Adresse 1], et ce, pour une durée de cinq ans, moyennant une redevance initiale de 5'000 euros HT, une redevance mensuelle à hauteur de 5 % du chiffre d'affaires total HT (sans être inférieure à 500 euros HT) et une redevance mensuelle de communication de 1 % du chiffre d'affaire HT du mois écoulé.

Par lettre du 29 juillet 2021, la société MDB Cowork, par l'entremise de son conseil, a informé la société Bureaux & CO qu'elle envisageait de solliciter la nullité du contrat de franchise eu égard aux irrégularités du document d'information précontractuel, au caractère très optimiste des prévisions prévues dans le contrat, au fait que le point de vente était structurellement déficitaire et à la dissimulation de la politique d'implantation dans la zone montpelliéraine.

En réponse, par lettre du 8 septembre 2021, la société Bureaux & CO, par le biais de son conseil, a contesté l'existence de tout vice du consentement et a opposé divers manquements (non-paiement des factures de redevances, non-respect du nom commercial, du savoir-faire et des process du réseau, non-participation aux réunions d'animation du réseau, aux opérations d'animation et non-communication des comptes annuels) justifiant la résolution du contrat, constatant, en tout état de cause, que les parties souhaitent mettre fin à leurs liens contractuels.

Par lettre du 27 octobre 2021, la société MDB Cowork a fait part de ses observations concernant les manquements reprochés, estimant que le franchiseur lui avait vendu un concept inexistant, qu'il ne l'avait pas assistée depuis la signature du contrat et avait fait preuve de déloyauté contractuelle (débauchage et impossibilité de communication directe avec les prospects).

Par acte d'huissier en date du 23 décembre 2021, délivré sur autorisation d'assigner à bref délai, la société MDB Cowork a assigné la société Bureaux & CO en paiement devant le tribunal de commerce de Montpellier.

Par jugement contradictoire du 9 mars 2022, ce tribunal a :

- rejeté toutes les autres demandes des parties ;

- rejeté la demande de nullité du contrat de franchise conclu entre les sociétés Bureaux & CO et MDB Cowork ;

- rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat formulée par la société MDB Cowork ;

- prononcé la résolution judiciaire du contrat en date du 1er janvier 2022 ;

- condamné la société MDB Cowork à verser 27 413,59 euros TTC à la société Bureaux & CO en réparation du préjudice résultant de la résolution du contrat à ses torts exclusifs ;

- condamné la société MDB Cowork à verser 1 000 euros TTC à la société Bureaux & CO en application de la clause pénale ;

- condamné la société MDB Cowork à verser 5 000 euros à la société MDB Cowork (sic) en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société MDB Cowork aux entiers dépens.

Par déclaration du 21 mars 2022, la société MDB Cowork a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 9 avril 2024, elle demande à la cour, au visa des articles L.330-1 et suivants du code de commerce, et des articles 1169, 1131, 1132, 1137, 1112-1, 1224 et 1231-1 du code civil, de :

- écarter des débats la pièce n°40 communiquée le 5 avril 2024,

- la recevoir en ses demandes ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- statuant de nouveau, à titre principal,

- dire que le contrat de franchise conclu le 10 février 2019 est frappé de nullité;

- condamner la société Bureaux & CO à lui verser la somme de 9 390 euros correspondant à la somme des redevances versées depuis sa conclusion ;

- à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise conclu le 10 février 2019 ;

- et, en toute hypothèse,

- débouter la société Bureaux & CO de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société Bureaux & CO à lui verser les sommes de :

- 114 027,21 euros au titre des frais exposés pour les travaux d'aménagement et le mobilier ;

- 32 160 euros au titre des frais à exposer pour modifier l'adresse du siège social des adhérents ;

- 15 000 euros au titre de l'embauche de son salarié ;

- 30 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de franchise;

- 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction.

Au soutien de son appel, elle fait en substance valoir les moyens suivants :

- le document d'information précontractuel ne lui a pas été remis 20 jours avant la signature du contrat de franchise, mais le même jour, cette remise tardive a vicié son consentement, car ce document est incomplet': la zone d'exclusivité est insignifiante (celle-ci n'ayant pas été dévoilée avant), il ne comprend aucune étude sur l'état du marché et le contrat est déséquilibré au profit du franchiseur (clauses relatives à l'indemnisation en cas de débauchage et à l'implantation dans la zone concédée),

- elle a été induite en erreur sur la rentabilité économique du centre'; le prévisionnel, établi par l'expert-comptable du franchiseur (et non l'ancien associé), présentant des chiffres d'affaires deux fois supérieurs aux chiffres d'affaires réalisés en 2019 et 2020,

- le franchiseur n'avait pas testé le concept dans la configuration offerte, et cette configuration ne correspondait pas aux demandes du marché,

- elle a traité les prospects (leads) que lui a adressés le franchiseur, mais sur 247 prospects, seuls 39 ont été concluants en trois ans,

- elle n'a cessé d'alerter le franchiseur sur ses difficultés et ce très rapidement,

- le seuil de rentabilité était de 10'000 euros alors que le chiffre d'affaires était de 6'880 euros en novembre 2019 lorsque le taux d'occupation par poste était complet,

- le loyer a dû être revu à la baisse, les tarifs aussi et le président de la société n'a pas pu être rémunéré,

- le franchiseur a sciemment dissimulé l'ouverture de deux centres supplémentaires concomitamment à la signature du contrat de franchise (outre l'ouverture d'un troisième prévue en 2024 à 650 mètres du sien), ce qui a entraîné un détournement de clientèle à son détriment,

- elle était le premier et seul franchisé face au franchiseur et ses nombreux centres,

- aucun savoir-faire ne lui a, en réalité, été transmis'; les modalités d'exploitation (lieu destiné à une activité artistique choisie par le franchiseur) n'avaient pas été éprouvées, aucun manuel de savoir-faire, ni formation ne lui a été remis, la plateforme Hubspot est un outil généraliste, aucune publicité n'a été réalisée,

- le franchiseur a commis des fautes dans l'exécution du contrat'en débauchant son office manager (responsable administratif) tandis que le projet de location du centre à l'enseigne Frichti était connu du franchiseur et en détournant la clientèle, elle-même n'ayant pas accès aux prospects,

- la domiciliation sur [Localité 4] du président de la société était connue et acceptée, aucun mauvais usage du nom commercial n'a été effectué pendant le contrat, elle a toujours participé aux réunions de formation ou animation du réseau, le franchiseur avait une parfaite connaissance de sa situation financière,

- aucun des reproches tenant à sa malhonnêteté n'est établi,

- elle a engagé des frais pour ouvrir le centre, le débauchage de son salarié doit être indemnisé à hauteur de 15'000 euros comme le prévoit le contrat (au profit du franchiseur) et l'arrêt de son activité a également généré des frais,

- l'exécution déloyale du contrat justifie des dommages-intérêts à hauteur de 30'000 euros et l'indemnisation d'un préjudice moral de 10'000 euros,

- la pièce n°40 est un témoignage mensonger (une plainte pour faux témoignage a été déposée).

Par conclusions du 5 avril 2024, formant appel incident, la société Bureaux & CO demande à la cour, au visa des articles 1112-1, 1132, 1136, 1137, 1139, 1168, 1169, 1199, 1224, 1231-1 et 1231-5 du code civil, et des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce, de :

- rejeter toutes demandes contraires,

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- réduit le montant de la clause pénale à 1 000 euros ;

- rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'image subi par la société Bureaux & CO,

et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société MDB Cowork à lui verser les sommes suivantes :

- 150 000 euros au titre de la clause pénale convenue ;

- 50 000 euros en réparation du préjudice d'image ;

- et, en tout état de cause, 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Elle expose en substance les moyens suivants :

- la remise du document d'information précontractuel le jour de la signature du contrat de franchise ne caractérise pas un vice du consentement (qui n'est pas précisé), les parties étaient en pourparlers depuis 2018,

- le document d'information précontractuel comprend les informations requises sur l'état de marché national et local, la zone d'exclusivité était proportionnée au centre (480 m²), le moyen relatif au déséquilibre du contrat relève des dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce, que la présente juridiction ne peut examiner,

- il appartient au franchisé de se renseigner,

- le budget prévisionnel a été établi par l'expert-comptable de la société Bureaux & CO pour le compte de la société MDB Cowork, sur la base des données communiquées par cette dernière, à savoir par M. [G], associé initial de M. [W] (président de la société MDB Cowork),

- le prévisionnel n'était pas irréalisable, les tableaux d'activité produits montrent qu'un taux d'occupation plus élevé aurait permis de réaliser un chiffre d'affaires approchant du chiffre d'affaires prévu,

- c'est le défaut total d'investissement du franchisé dans son centre qui explique que les objectifs n'ont pas été réalisés,

- l'ouverture de deux autres centres s'est faite hors de la zone d'exclusivité concédée (1/4 d'heure en voiture ou 20 et 40 minutes en tramway environ) ou pour un troisième centre, bien après la signature du contrat'; elles n'avaient donc pas de lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat et ne relevaient pas des informations devant être transmises (bien qu'elles l'aient été en termes généraux),

- elle lui a transmis son savoir-faire éprouvé (même type de locaux que pour les autres centres), seule la société MDB Cowork a souhaité cibler une clientèle artistique'; le contrat prévoyait une contrepartie,

- il n'y a eu aucune débauchage, le responsable administratif est parti compte tenu de la volonté de la société MDB Cowork de signer un contrat de location unique avec une enseigne de dark store,

- aucun détournement de clientèle n'est établi, la plateforme Hubspot opérant une affectation en fonction des indications du prospect,

- la société MDB Cowork a décidé seule de cesser son activité, les préjudices réclamés sont infondés (factures étrangères à l'activité ou aux relations franchiseur-franchisé),

- la société MDB Cowork a cessé brutalement son activité en violation du contrat à compter du 30 décembre 2021,

- la société MDB Cowork n'a pas respecté le nom commercial, le savoir-faire et les process du réseau, elle n'a pas participé aux réunions, elle n'a pas communiqué ses comptes annuels et elle n'a pas payé les redevances 2020 et 2021,

- elle a également usurpé son identité auprès de l'administration fiscale, a manqué à ses obligations au titre des contrats de professionnalisation, a sollicité une aide de l'Etat au titre de la crise sanitaire injustifiée et a divulgué des informations stratégiques à la concurrence,

- le manque à gagner représente la perte de la redevance mensuelle pendant les 2 années restant à courir,

- la clause pénale ne peut être réduite à 1'000 euros eu égard aux préjudices réellement subis (désorganisation du réseau'),

- elle a subi un préjudice d'image, notamment au travers des comportements malhonnêtes.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 10 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- sur le rejet des débats de la pièce n°40

La communication des pièces par les parties doit être effectuée en temps utile, à peine de violation du principe de la contradiction.

La pièce n°40 a été communiquée, par l'intimée, selon un bordereau en date du 5 avril 2024 alors que la clôture intervenait le 10 avril 2024. Toutefois, l'appelant a conclu le 9 avril 2024, produisant lui-même, deux nouvelles pièces (une plainte déposée le 9 avril 2024 et une attestation, datée du 6 avril 2024) visant à répliquer à la pièce litigieuse, même s'il se borne à conclure à son rejet des débats, de sorte qu'eu égard à cette réponse, traduisant le respect du principe de la contradiction, il n'y a pas lieu de l'écarter.

2- sur la nullité du contrat

2.1. Selon les articles 1130 et 1131 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016, le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ; ce vice du consentement est une cause de nullité relative du contrat.

L'article 1137 de ce code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016, précise que le dol est le fait pour un cocontractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Selon l'article 1112-1 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

La société MDB Cowork soutient que son consentement a été vicié du fait de la concomitance de remise du document d'information précontractuel et de la signature du contrat du franchise, car le document d'information précontractuel est incomplet'; en effet, la zone d'exclusivité serait insignifiante, celle-ci n'ayant pas été dévoilée avant, il ne comprendrait aucune étude sur l'état du marché et le contrat serait déséquilibré au profit du franchiseur (clauses relatives à l'indemnisation en cas de débauchage d'un salarié et à l'implantation dans la zone concédée).

Si le délai de vingt jours, prévu par l'article L. 330-3 du code de commerce, n'a pas été respecté, la société MDB Cowork ne rapporte pas la preuve de man'uvres dolosives ou d'une réticence dolosive, qui l'auraient conduite à signer le contrat de franchise sans avoir connaissance d'informations, ayant déterminé son consentement, et ce, sans délai de réflexion.

En effet, la société MDB Cowork reconnaît, elle-même, que les parties étaient en pourparlers depuis 2018 (échange d'information relative au président de la société MDB Cowork en juin 2018) alors que le contrat de franchise a été signé le 10 février 2019.

Le document d'information précontractuel comprend une présentation du marché national et local tandis que le contrat de franchise indique que le franchisé a, comme il lui est loisible d'y procéder, réalisé une étude de marché.

Le document d'information précontractuel mentionne également que la stratégie d'implantation du franchiseur est de couvrir la région de [Localité 3] via l'ouverture de plusieurs sites en nom propre ainsi qu'une première franchise (à savoir la société MDB Cowork), puis de procéder à une couverture régionale et nationale par le biais d'au moins deux sites en nom propre pour un site franchisé.

A ce titre, les deux succursales, ayant ouvert en mars 2019 et janvier 2020, sont situées hors du territoire exclusif du franchisé avec une distance de trajet entre 13 et 16 minutes en voiture ou 23 à 39 minutes en tramway.

Ainsi, aucune des ouvertures de site en nom propre concomitante ou postérieure à celui de la société MDB Cowork ne traduit une dissimulation d'information.

Le caractère prétendument insignifiant de la zone d'exclusivité attribuée n'est pas rapporté. En effet, les locaux de la société MDB Cowork se situent en centre-ville et ne présentent qu'une superficie de 480 mètres carrés alors que le document d'information précontractuel indique que la «'surface cible'» pour les centres est de 1'500 mètres carrés.

La société MDB Cowork soulève un moyen relatif au déséquilibre du contrat de franchise concernant deux clauses contractuelles afin d'en obtenir la nullité, qu'elle ne fonde pas sur les dispositions de l'article L. 442-1 2° du code de commerce, pourtant seules applicables. Toutefois, si la présente juridiction n'est pas compétente pour statuer sur ce fondement, la société Bureaux & CO n'a pas soulevé d'exception de compétence avant toute défense au fond.

L'examen des clauses, que la société MDB Cowork considère comme nulles du fait d'un déséquilibre favorisant le franchiseur, ne permet pas de retenir l'existence d'un tel déséquilibre, s'agissant, pour l'une, de permettre au franchiseur d'ouvrir un centre dans la zone d'exclusivité concédée au franchisé en lui offrant un droit prioritaire sur celui-ci et, pour l'autre, d'une clause de non-concurrence pendant le contrat et durant une année suite à sa rupture, destinée, par essence, au seul franchisé.

2.2. Selon l'article 1132 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du contractant.

La société MDB Cowork soutient avoir été trompée sur la rentabilité économique du projet de franchise en ce que les chiffres prévisionnels étaient exagérément optimistes, puisque deux fois supérieurs au chiffre d'affaires effectivement réalisé.

Toutefois, elle a, elle-même, fait établir en mai 2018 un prévisionnel par M. [F], expert-comptable du franchiseur, qui atteste «avoir établi un budget prévisionnel à partir de l'étude tarifaire et des hypothèses d'activité qui lui ont été fournies lors de sa rencontre avec M. [W] et M. [G]'». A ce titre, le courriel en date du 31 mai 2018 'de M. [K], président de la société Bureaux & CO, n'a fait que transférer le plan financier établi par M. [Y] [G], ancien coassocié au sein de la société MDB Cowork, bien que ce dernier soutienne le contraire dans une attestation en date du 16 janvier 2024, manifestement, de pure complaisance.

Concernant la rentabilité du centre la Station, le taux d'occupation par poste, retenu par la société MDB Cowork, ne représente pas le taux d'occupation total de son centre, puisqu'elle indique, elle-même, qu'elle ne pouvait calculer un taux unique, regroupant l'occupation des places en coworking et des bureaux fermés ou salles de réunion et que le tableau qu'elle produit, mentionne un taux d'occupation Bureau de 58 %. Ce taux d'occupation, par poste ou Bureau, de 58%, qu'elle présente pour le mois de novembre 2019, a donné lieu à un chiffre d'affaires de 6'880 euros, alors que le seuil de rentabilité est fixé à 10'000 euros, sans, toutefois, au regard de son caractère incomplet, pouvoir caractériser une absence de rentabilité du centre. En effet, une occupation à hauteur de 100 % aurait permis un chiffre d'affaires de l'ordre de 11'860 euros, qui correspond au chiffre d'affaires réalisé par la société MDB Cowork sur l'exercice 2019 (115'000 euros, soit 9'580 euros par mois). Il en est de même, notamment, pour les mois de janvier 2020, février 2020 ou août 2020, indépendamment de l'absence de toute proportionnalité entre le taux d'occupation et le chiffre d'affaires réalisé.

La société MDB Cowork ne peut reprocher au franchiseur d'avoir dû aligner les tarifs de location des ateliers d'artiste avec ceux de la concurrence, alors qu'il lui appartenait d'effectuer une étude de marché.

Au demeurant, le franchiseur démontre, en produisant la liste des 230 contacts, transmise à la société MDB Cowork entre janvier 2019 et décembre 2021, que celle-ci ne traitait pas l'ensemble des prospects (ou leads), qui lui étaient adressés par le biais de la plateforme Hubspot (qui est un logiciel de gestion de la relation avec les clients), et ce dès le mois d'octobre 2020 (clients à traiter ou en attente), de sorte que celle-ci- ne démontre pas que le chiffre d'affaires de 10'000 euros mensuel ne pouvait être atteint.

La société Bureaux & CO démontre également que l'implication du dirigeant de la société MDB Cowork était très relative, s'étant séparé de son coassocié, qui devait, selon ses propres explications dans l'attestation citée plus haut, exploiter l'activité sur [Localité 3] (le dirigeant résidant à [Localité 4]), pour le remplacer par deux responsables administratifs (office managers), dont il n'a, pour la première, nullement assuré la formation.

La société MDB Cowork expose qu'elle a proposé son centre à la location les soirs et les week-ends sans le démontrer en l'absence de pièce justificative.

Ainsi, aucune absence de viabilité du centre la Station n'est rapportée.

2.3. Selon l'article 1169 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

La société MDB Cowork soutient que la société Bureaux & CO n'avait pas testé le concept dans l'orientation artistique qu'offrait son centre. S'il est exact que le concept est généraliste offrant des locaux diversifiés à différents clients du secteur tertiaire (auto-entrepreneurs, artisans, freelances, sociétés jeunes ou grands groupes), il est manifeste que l'orientation artistique du centre la Station de la société MDB Cowork résulte du choix de cette dernière, puisque les travaux des locaux (qui étaient d'anciens locaux d'archivage de la Caisse primaire d'assurance maladie, appartenant à une SCI Banote, dont le gérant est le même que celui de la société MDB Cowork), destinés à permettre l'exercice de l'activité franchisée, ont, dès l'origine, créé des ateliers d'artiste.

Au demeurant, l'aménagement du centre la Station offre des espaces destinés à la clientèle cible du concept avec un open space, des bureaux privés, des bureaux partagés ainsi qu'une salle de formation et le ratio d'espaces privatifs dans les succursales du franchiseur est proche de celui des locaux de la société MDB Cowork.

Il en résulte qu'elle ne peut reprocher à son franchiseur l'absence de transfert d'un savoir-faire quant aux modalités d'exploitation liées à l'orientation artistique des lieux loués.

La société MDB Cowork reproche au franchiseur de ne pas lui avoir transmis de manuels du savoir-faire, alors que ceux-ci comprennent (article 4.3 du contrat de franchise), notamment, l'argumentaire commercial, les fiches techniques (agencement, mobilier), la charge graphique, le manuel d'assistance informatique et les systèmes (outils de gestion, planning, planning de travail hebdomadaire), dispositions qu'elle a, manifestement, mis en application au regard de l'aménagement des locaux, avant l'ouverture du centre, conforme à celui des autres membres du réseau tandis que celui-ci a parfaitement fonctionné grâce à l'animation de deux responsables administratifs distincts, ayant disposé d'un accès à la plateforme Hubspot.

La société MDB Cowork reproche au franchiseur de ne pas avoir réalisé de publicité à son profit alors qu'elle produit, elle-même, un article en date du 18 mars 2019, paru dans le quotidien Midi Libre, dans lequel le dirigeant de la société Bureaux & CO présente le nouveau site lors de son ouverture. Au demeurant, le centre la Station est présenté sur le site internet de la société Bureaux & CO au même titre que les autres centres.

De même, elle a, elle-même, communiqué sur les réseaux sociaux l'ensemble de ses coordonnées notamment, téléphoniques, à l'occasion, notamment, de son ouverture.

La société MDB Cowork reproche au franchiseur de ne pas avoir organisé de formation alors que qu'elle reconnaît qu'il existait une animation du réseau par le responsable de la stratégie digitale du franchiseur.

Il en résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun vice du consentement ou absence de contrepartie, susceptibles de justifier la nullité du contrat de franchise, n'est rapporté.

3- sur la résiliation

Selon l'article 1224 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

L'article 1231-1 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°20156-131 du 10 février 2016, précise que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

3.1. Il est établi que la société MDB Cowork avait fait le choix de ne conclure plus qu'un seul contrat de location avec une enseigne de dark store en juin 2021 et que, dans ce cadre, considérant que l'emploi d'un responsable administratif était inutile, elle avait accepté que ce dernier (M. [H]), salarié dans le cadre d'un contrat à durée déterminé arrivant à échéance le 17 janvier 2022, démissionne avec un préavis qu'elle a accepté de réduire, celui-ci ayant trouvé un emploi dans un autre centre Bureaux & CO par le biais d'une annonce postée sur Indeed le 17 juin 2021.

Au demeurant, le courriel du 12 juillet 2021, adressé par le responsable administratif du centre la Station au dirigeant de la société MDB Cowork, était destiné à permettre à ce dernier (qui ne résidait pas sur la région de [Localité 3]) de connaître précisément les tâches devant être effectuées sur place, et les autres, et non d'attester d'un accord entre eux sur la poursuite du contrat de travail à distance.

Ainsi, la preuve d'aucun débauchage par la société Bureaux & CO n'est rapportée.

3.2. Il n'est pas contesté que 80 % des demandes sont traitées par le biais du site internet national du réseau (les 20 % restant l'étant via un appel téléphonique), les personnes intéressées fournissant elles-mêmes les renseignements sur la base desquels la plateforme Hubspot les répartit entre les différents centres, sans autre intervention humaine à cette occasion.

Si le procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 1er décembre 2021 montre que la plateforme de Bureaux & CO, sollicitée par un appel téléphonique, ne propose pas, spontanément, au titre des centres situés en centre-ville, le centre la Station, mais seulement sur une sollicitation, il ne représente qu'un seul contact téléphonique et ne peut, à lui seul, caractériser le détournement de clientèle allégué.

De même, la société MDB Cowork ne peut reprocher à la société Bureaux & CO que la grande majorité des prospects dirigés vers le centre la Station n'avait pas un profil artistique alors que la plateforme Hubspot ne faisait que traiter les demandes reçues.

La société Bureaux & CO a répondu aux demandes de soutien de son franchisé, envisageant, notamment, en collaboration avec ce dernier, une réorientation du centre (locataire unique), de sorte qu'elle a respecté son obligation d'assistance.

Enfin, la société MDB Cowork ne démontre pas que les difficultés rencontrées par son dirigeant pour se connecter à la plateforme à l'automne 2021, après le départ de son second responsable administratif, résulteraient d'une volonté du franchiseur de l'empêcher de traiter les demandes alors qu'elles traduisent, en réalité, la désinvolture de celui-ci dans la gestion de l'activité de la société eu égard aux 199 prospects pendants.

Il en résulte qu'aucun détournement de clientèle n'est établi.

En conséquence, aucune violation par le franchiseur de ses obligations contractuelles n'est démontrée. L'ensemble des demandes en paiement de la société MDB Cowork sera rejeté.

3.3. A l'inverse, la société Bureaux & CO démontre, en s'appuyant sur trois procès-verbaux de constat dressés par un huissier de justice les 6, 11 et 12 janvier 2022, que la société MDB Cowork a cessé son exploitation sans préavis en décembre 2021. Elle a cessé tout paiement des redevances en 2020, violant, ainsi ses propres obligations contractuelles, justifiant eu égard à la gravité de ces manquements, la résiliation (et non la résolution en l'absence de rétroactivité) du contrat de franchise à compter du 1er janvier 2022.

L'article 11-2-1 du contrat de franchise prévoit une redevance mensuelle d'exploitation de 500 euros HT minimum. La société MDB Cowork reconnaît implicitement n'avoir honoré que les redevances de l'année 2019 (dont elle demande la restitution), elle ne conteste pas le montant de redevances impayées à hauteur de 5'813,59 euros pour l'exercice 2020, à hauteur de 7200 euros pour l'exercice 2021, ni le montant de celles qu'elle aurait dû verser jusqu'au terme du contrat à hauteur de 14 400 euros. Elle sera condamnée à verser la somme de 27 413,59 euros.

L'article 13-5 du contrat prévoit une indemnité de 150 000 euros en cas de rupture anticipée du contrat imputable au franchisé. Ayant été privée des redevances sur la durée totale du contrat, le franchiseur a subi un préjudice correspondant, outre cette privation compensée ci-dessus, à la perte subite d'un cocontractant, entraînant une perturbation du réseau, qui sera entièrement réparé par l'octroi de la somme de 10'000 euros, à laquelle la société MDB Cowork sera condamnée.

Le franchiseur ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice d'image, en l'absence de tout élément démontrant que les manquements reprochés, qu'il qualifie de malhonnêtes, auraient entraîné un quelconque dommage. Cette demandes de dommages-intérêts sera rejetée.

3.4. Le jugement déféré sera confirmé, sauf en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat, s'agissant d'une résiliation, et a condamné la société MDB Cowork à payer à la société Bureaux & CO la somme de 1 000 euros au titre de la clause pénale.

Il sera également rectifié d'office concernant l'erreur matérielle affectant son dispositif quant à la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

4- sur les autres demandes

La société MDB Cowork sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros, le surplus des demandes sur ce fondement étant rejeté.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n°40 communiquée par la SAS Bureaux & CO,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat et condamné la société MDB Cowork à payer à la société Bureaux & CO la somme de 1'000 euros en application de la clause pénale,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Prononce la résiliation du contrat de franchise, en date du 10 février 2019, à compter du 1er janvier 2022,

Condamne la SAS MDB Cowork à verser à la SAS Bureaux & CO la somme de 10'000 euros en application de la clause pénale';

Rectifiant d'office l'erreur matérielle affectant le jugement déféré, dit qu'il convient de lire, dans son dispositif, «'condamne la SAS MDB Cowork à verser la somme de 5 000 euros à la SAS Bureaux & CO sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'» en lieu et place de «'condamne la société MDB Cowork à verser 5 000 euros à la société MDB Cowork en vertu de l'article 700 du code de procédure civile'»';

Et ajoutant,

Condamne la SAS MDB Cowork à payer à la SAS Bureaux & CO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Rejette la demande de la SAS MDB Cowork fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS MDB Cowork aux dépens d'appel.