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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 4 juin 2024, n° 22/01402

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société d'Économie Mixte Seine Ouest Habitat et Patrimoine (SOHP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Javelas

Conseillers :

M. Pinoy, Mme Thivellier

Avocats :

Me Lissarrague, Me Bismuth, Me Guilluy, Me Chabane

TJ Nanterre, du 26 janv. 2022, n° 11-21-…

26 janvier 2022

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 12 août 2014, la société OPH Seine Ouest Habitat, aux droits de laquelle vient désormais la société d'économie mixte Seine Ouest Habitat et Patrimoine, ci-après la société SOHP, a donné à bail à Mme [S] [B] divorcée de M. [N] [F], des locaux à usage d'habitation, sis [Adresse 2] à [Localité 6] moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 221, 43 euros.

Mme [B], divorcée de M. [F], est décédée le 3 juin 2017.

Le 3 octobre 2018, M. [A] [F], fils de la locataire décédée, et lui-même locataire avec son épouse, depuis le 26 mai 2004, d'un logement Hlm de trois pièces à [Localité 6], au [Adresse 1], s'est déclaré, dans le formulaire d'enquête de surloyer, comme étant locataire de l'appartement de sa mère.

Par ordonnance du 12 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Nanterre a désigné la Direction Nationale des Interventions Domaniales, ci-après DNID, comme curateur à la succession vacante de feu Mme [B].

La société SOHP a obtenu, le 1er décembre 2020, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constater les conditions d'occupation de l'appartement qu'occupait feu Mme [B].

Le procès-verbal dressé par cet huissier de justice le 18 janvier 2021 a permis de constater que l'appartement était occupé par M. [A] [F], qui a indiqué à l'huissier instrumentaire qu'il s'agissait d'un logement de fonction annexé à son fonds de commerce de café bar lui appartenant et situé à proximité.

Le 15 février 2021, la société SOHP a fait délivrer une sommation de quitter les lieux à M. [F].

Cette sommation est demeurée vaine.

Par acte de commissaire de justice délivré le 22 février 2021, la société SOHP a assigné le directeur de la DNID en sa qualité de curateur à la succession vacante de Mme [B], ainsi que M. [A] [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nanterre pour, sous le bénéfice de l'exécution provisoire aux fins de voir:

- constater la résiliation judiciaire de plein droit à la date du 3 juin 2017 du contrat de location consenti par la société OPH Seine Ouest Habitat à Mme [B], date de son décès, le dit contrat ayant porté sur un appartement situé [Adresse 2] à [Localité 6], aux droits de laquelle vient la DNID en sa qualité de curateur à la succession vacante de Mme [B] telle que désignée selon ordonnance du président du tribunal judiciaire de Nanterre du 12 octobre 2018,

- déclarer cette résiliation du bail opposable à la DNID, en sa qualité de curateur à la succession vacante de Mme [B],

- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de M. [F] et celle de tous occupants de son chef du logement situé au [Adresse 2], à [Localité 6], et ce au besoin, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- autoriser la SOHP à pénétrer dans le logement et à faire transporter les meubles et objets mobiliers garnissant le dit logement dans tout garde-meuble de son choix aux risques, périls et frais de M. [F],

- dire n'y avoir lieu au délai de deux mois qui suivront le commandement de quitter, les lieux tout comme au délai de la trêve hivernale,

- ordonner une astreinte de 100 euros par jour de retard contre M. [F] à compter du 15ème jour suivant la dernière signification à l'une des parties du jugement à intervenir, jusqu'à la libération effective du logement et la remise des clés,

- condamner M. [F] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation égale au double du montant du loyer mensuel augmenté des charges jusqu'à la libération complète du logement et la remise des clés, M. [F] soit condamné au paiement de la somme de 15 820,35 euros, arrêté au 13 juillet 2020, mois de juin 2020 inclus,

- condamner M. [F] au paiement d'une somme de 1 000 euros pour troubles occasionnés et ce au visa des articles 1240 et 1241 du code civil,

- condamner M. [F] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont le procès-verbal de constat des conditions d'occupation et d'habitation du logement outre le second procès-verbal de constat du 18 janvier 2021,

Par jugement réputé contradictoire du 26 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- débouté la société SOHP de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de plein droit à la date du 3 juin 2017 du contrat de bail consenti par la société OPH Seine Ouest Habitat à Mme [B],

- débouté la société SOHP de toutes ses autres demandes,

- condamné la société SOHP à payer à M. [F] la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SOHP de sa demande formée par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SOHP aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe en date du 9 mars 2022, la société SOHP a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 26 octobre 2023, la société SOHP, appelante, demande à la cour de:

- déclarer recevable et fondé l'appel,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise, et statuant à nouveau,

- rejeter M. [F] en toutes ses demandes, fins et conclusions comme étant dénuées de tout fondement et injustifiées,

- constater, au visa de l'article 14 in fine de la loi du 6 juillet 1989 susvisé, la résiliation de plein droit au 3 juin 2017, du contrat de location consenti à Mme [B], date de son décès, ledit contrat de location ayant porté sur un appartement de deux pièces principales, portant n° 1 au 1er étage de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 6], aux droits de laquelle locataire décédée, vient depuis lors, par suite de son décès, la DNID, en sa qualité de curateur à la succession vacante de ladite locataire décédée, désignée à cet effet, par ordonnance du tribunal judiciaire de Nanterre du 12 octobre 2018 (RG 18/00645),

- déclarer, en conséquence, opposable cette résiliation dudit bail, et de manière générale la décision à intervenir, à la DNID, ès qualités de curateur à la succession vacante de Mme [B],

- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de M. [F] et celle de tout occupant de son chef du logement dont s'agit, à savoir du logement n° 1, de deux pièces principales, au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 6] et ce, au besoin, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- autoriser la société SOHP à pénétrer alors, dès l'expulsion réalisée, dans ledit local d'habitation litigieux, à savoir le logement n° 1, de deux pièces principales, au rez-de- chaussée de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 6] et ce, pour pouvoir ainsi d'urgence, vu la crise incontestable du logement social, le réattribuer à l'un des nombreux candidats à un tel logement social qui attendent leur tour sur des listes notoirement longues,

- autoriser en conséquence, la société SOHP à faire transporter les meubles et objets mobiliers garnissant ledit logement dans tout garde-meuble de son choix, aux risques, périls et frais de M. [F],

Compte tenu du caractère social du logement,

- voir dire n'y avoir lieu au délai de deux mois qui suivra le commandement de quitter les lieux prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution tout comme au délai de la trêve hivernale tel que prévu à l'article L. 412-6 dudit code,

Vu les circonstances de fait,

- voir ordonner qu'une astreinte de 100 euros par jour de retard courra contre M. [F], à compter du quinzième jour qui suivra la dernière signification à l'une des deux parties, du jugement à intervenir, jour après jour, jusqu'à la libération effective du logement et la remise des clés et ce, en sus de l'indemnité d'occupation, comme ci-dessous sollicité,

- condamner M. [F] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation égale au double du montant du loyer mensuel augmenté des charges tel que ledit loyer aurait dû être payé en l'absence d'une décision judiciaire de résiliation du bail qui courra, jour après jour, jusqu'à la libération complète du logement HLM et la remise des clés et qui devra être acquittée entre les mains de l'Office requérant,

- condamner M. [F], en cet état, au paiement de la somme actualisée de 18 424,77 euros arrêtée provisoirement au mois de juillet 2023 inclus, et le voir condamner aux indemnités d'occupation qui auront couru et qui courront ensuite, mois après mois, jusqu'à la libération des lieux et la remise des clés,

- condamner M. [F] au paiement d'une somme de 1 000 euros pour troubles occasionnés dont il est demandé réparation à bon droit et ce, au visa des articles 1240, 1241 du code civil,

- condamner M. [F] à porter et payer à la concluante la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [F] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 29 septembre 2023, M. [F], intimé, demande à la cour de:

- déclarer la société OPH Seine Ouest Habitat mal fondée en son appel,

- déclarer M. [F] recevable et bien fondé en ses demandes,

Au principal

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- rejeter purement et simplement l'intégralité des demandes de la société OPH Seine Ouest Habitat comme étant mal fondées et injustifiées,

- constater que le bail d'habitation est rattaché au bail commercial,

En conséquence,

- juger que le statut des baux commerciaux est applicable au bail d'habitation litigieux,

Subsidiairement,

- juger que M. [F] remplit les conditions de l'article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989,

- rejeter les demandes de la société SOHP,

- rejeter purement et simplement les demandes de paiement formulées par la société SOHP comme étant mal fondées et injustifiées,

En tout état de cause,

- condamner la société SOHP à payer à M. [F] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Victoire Guilluy, avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 7 septembre 2022, la DNID, intimée, prie la cour de:

- la déclarer bien fondée en ses conclusions,

- statuer ce que de droit sur la demande d'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, la DNID, ès qualités, s'en remettant à la sagesse de la cour,

- statuer ce que de droit sur la demande de constatation de la résiliation de plein droit du contrat de location signé le 12 août 2014 par Mme [S] [B] divorcée [F], la DNID, ès qualités, s'en remettant à la sagesse de la cour,

- dire et juger qu'à l'égard de la succession de Mme [S] [B], divorcée [F], le contrat de location a pris fin le 3 juin 2017, jour de son décès,

- dire et juger que la DNID ne s'oppose pas à ce que la résiliation judiciaire lui soit déclarée opposable,

- statuer ce que de droit sur la demande d'expulsion de M. [A] [F] et de tous occupants de son chef, la DNID, ès qualités, s'en remettant à la sagesse de la cour,

- statuer ce que de droit sur les autres demandes, notamment indemnitaires, formées à titre accessoire à l'encontre de M. [A] [F], la DNID, ès qualités, s'en remettant à la sagesse de la cour,

- dire et juger qu'en tout état de cause, la DNID, ès qualités, ne s'oppose pas à ce que l'arrêt à intervenir lui soit déclaré opposable,

- statuer ce que de droit sur la demande formée au titre des dépens de première instance et d'appel,

- statuer ce que de droit sur la demande de distraction des dépens d'appel au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, prise en la personne de Me Martine Dupuis,

- statuer ce que de droit s'agissant de l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir, la DNID, ès qualités, ne s'y opposant pas.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 novembre 2023.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la demande de résiliation du bail consenti à feu Mme [B]

La société SHOP fait grief au premier juge de l'avoir déboutée de sa demande de résiliation du bail consenti à Mme [B], motif pris de ce que ce logement est rattaché à un bar exploité par M. [F] fils de Mme [B], qu'il est nécessaire à l'exploitation de ce fonds de commerce et, partant, soumis au statut des baux commerciaux.

Aux fins d'obtenir l'infirmation du jugement dont appel, la société SHOP fait valoir à hauteur de cour que:

- M. [F] ne remplit pas les conditions fixées par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 pour bénéficier d'un transfert de bail, en raison du fait qu'il ne justifie pas avoir habité avec feu sa mère un an avant la date du décès de cette dernière et qu'il a déclaré une autre adresse au moment du décès de cette dernière,

- M. [F] ne justifie pas avoir conclu un bail séparé concernant le logement litigieux, l'existence d'un tel bail ne pouvant s'inférer du document produit par M. [F] selon lequel il verse, depuis le 10 juillet 2021, une somme mensuelle de 550 euros à la société SHOP, alors même qu'il dispose d'un domicile sis [Adresse 1] à [Localité 6] et que l'acte d'acquisition de son fonds de commerce ne fait pas mention du logement litigieux,

- M. [F] ne justifie pas que la privation de ce logement de deux pièces principales compromettrait l'exploitation de son fonds de commerce, ce qui est une condition sine qua non pour que le local accessoire soit protégé par le statut des baux commerciaux.

M. [F] de répliquer que:

- par acte sous seing privé du 8 janvier 1999, les époux [K] ont cédé à la société Amsaras, représenté par son gérant, M. [A] [F], un fonds de commerce de vin-restaurant sis [Adresse 2] à [Localité 6],

- l'acte de cession prévoit que le logement litigieux, dépendance du fonds de commerce, sera utilisé à usage d'habitation dans le cadre d'un bail séparé d'habitation conclu entre l'Office et l'acquéreur, dès lors que l'office Hlm d'[Localité 6] avait par courrier du 17 décembre 1998, précisé que le logement serait attribué à M. [F], gérant de la société, dès réception du congé donné par les époux [K], titulaires du bail de l'appartement et accord de la commission d'attribution des logements de l'Office,

- M. [F], après avoir occupé cet appartement, destiné à l'habitation du dirigeant, a décidé de faire venir en France sa mère, Mme [B], et le bail a été transféré à cette dernière à compter du 1er août 2014, bien qu'il continuât à occuper l'appartement litigieux en raison de difficultés familiales,

- le logement litigieux, bien qu'ayant fait l'objet d'un bail séparé, est attaché au fonds de commerce et indispensable à l'exploitation de ce commerce qui nécessite l'ouverture des locaux dès 7 heures du matin et leur fermeture entre minuit et deux heures du matin, le restaurant bénéficiant d'une licence IV, et l'établissement d'un bail séparé ne supprime pas le rattachement de cet appartement au bail commercial,

- les locaux d'habitation sont rattachés aux locaux commerciaux dès lors qu'ils sont situés dans la même résidence, que le chauffage est commun aux deux locaux, que les fenêtres de l'appartement donnent directement sur la réserve du restaurant, que le boîtier de mise en marche et d'arrêt des caméras de surveillance du restaurant est fixé à l'intérieur de l'appartement et que ce boîtier est alimenté par l'électricité de l'appartement,

- la commune intention des parties a été de se soumettre au statut des baux commerciaux, le logement étant réservé au dirigeant de la société, acquéreur du fonds de commerce,

- si la cour devait considérer que le statut des baux commerciaux ne peut s'appliquer au bail d'habitation litigieux, elle jugera que M. [F] est en droit de bénéficier du transfert du bail consenti à feu sa mère puisqu'il vivait avec cette dernière, qui était malade et ne pouvait vivre seule, depuis le début du bail.

Réponse de la cour

L'article L. 145-1-I-1du code de commerce précise que le statut des baux commerciaux concerne 'les baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe'.

Il convient par conséquent de distinguer le local principal de l'accessoire car, si le premier est soumis au statut d'office, le second suppose la réunion de deux conditions cumulatives.

L'une des conditions est relative au bailleur. En effet, si le local accessoire doit appartenir au propriétaire du local principal, en cas de propriétaires différents, celui du local accessoire doit être informé de l'utilisation jointe des locaux. Conformément au texte, il faut que les locaux accessoires « aient été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe» (Com. 3juill. 1968,Bullciv.III, no 312) sans qu'un consentement exprès soit requis. Il appartient au preneur de prouver qu'il a informé le propriétaire, par tous moyens. À défaut, le statut ne peut être invoqué pour les locaux accessoires.

L'autre condition tient à la nécessité des locaux accessoires : ceux-ci doivent être nécessaires à l'exploitation du local principal. Cette notion ne renvoie ni à un critère de simple commodité ni à un critère d'utilité. Ainsi, cette condition n'est pas remplie lorsque les conditions d'exploitation sont simplement rendues plus difficiles par la perte de ce local. Cette nécessité du local accessoire est appréciée par rapport à l'exploitation du fonds sans considération des possibilités de remplacement, dès lors que celui-ci s'impose pour ne pas compromettre son exploitation (Civ. 3, 7 février. 1990, Bull. civ. III, no 43). Par ailleurs, la charge de la preuve pèse sur le locataire à qui il appartient de démontrer que la privation du local accessoire serait de nature à compromettre l'exploitation du fonds (Civ. 3e,17 janvier 1969, Bull. civ. III, n°55). Toutefois, les juges du fonds apprécient souverainement si le local remplit la condition évoquée, y compris en se plaçant au jour où ils statuent (Com., 18 octobre1967, pourvoi n°64-13.462).

Au cas d'espèce le local accessoire appartient à la société SOHP, tout comme les murs du local principal, étant relevé que l'office public d'Hlm de la ville d'[Localité 6], aux droits duquel vient désormais l'appelante, était au courant de l'utilisation jointe des locaux, dès lors qu'il avait, par courrier du 17 décembre 1998, donné son accord à la cession du fonds de commerce des époux [K] à la société ' Amsaras', en précisant, concernant le local accessoire ' en ce qui concerne le logement n°1 - type F2 rez-de-chaussée- situé dans la même résidence, il sera attribué à M. [A] [F] gérant de la société (Amsaras), dès réception du congé donné par les époux [K], titulaires du bail de cet appartement et l'accord de la commission d'attribution des logements de l'Office'.

Mais encore faut-il, pour que le statut des baux commerciaux soit applicable au local accessoire que la preuve soit rapportée par M. [F] que la privation du local accessoire serait de nature à compromettre l'exploitation de son fonds de commerce.

Or il échoue à rapporter cette preuve.

En effet, le fait que les locaux d'habitation soient situés dans la même résidence, que, ainsi que l'affirme M. [F] sans même le démontrer, le chauffage soit commun aux deux locaux, que l'une des fenêtres de l'appartement donne directement sur la réserve du restaurant, que le boîtier de mise en marche et d'arrêt des caméras de surveillance du restaurant soit fixé à l'intérieur de l'appartement et que ce boîtier soit alimenté par l'électricité de l'appartement ne suffit pas à démontrer que la privation du local d'habitation compromettrait la bonne exploitation du fonds.

S'il est indéniable que le local accessoire, en ce qu'il jouxte le fonds de commerce, en rend l'exploitation plus commode, en facilitant l'ouverture et la fermeture des locaux, il n'est pas pour autant indispensable à cette exploitation, comme le serait, par exemple, un vestiaire pour une salle de sport, de sorte que la privation de ce local accessoire n'est pas de nature à compromettre l'exploitation du fonds.

Le local accessoire n'est pas situé à l'intérieur du local principal, comme le soutient M. [F] mais jouxte le local principal dont il est matériellement séparé.

Enfin, M. [F] ne saurait soutenir que la commune intention des parties de soumettre le local accessoire au régime des baux commerciaux s'inférerait du seul fait que le local accessoire est le logement de M. [F], dès lors que le gérant d'un bar n'est pas obligé d'habiter sur place, et que, d'une part, l'acte sous seing privé du 8 janvier 1999, par lequel les époux [K] ont cédé à la société Amsaras, le fonds de commerce mentionne ' il est toutefois rappelé que l'appartement de deux pièces, cuisine, wc, sera utilisé à usage d'habitation dans le cadre d'un bail séparé d'habitation entre l'Office et l'acquéreur (souligné par la cour)' et que, d'autre part, l'acte sous seing privé du 11 janvier 2008, par lequel, la société Amsaras a cédé le fonds à la société du Moulin et à son gérant M. [F], ne fait nullement mention du logement litigieux.

Cet acte mentionne, en effet, que les locaux composés de deux salles avec vitrines, cuisine, deux wc, et au sous-sol un local à usage de réserve, seront utilisés par le preneur à usage de local commercial et réserve.

Il résulte de ce qui précède que M. [F] est mal fondé à soutenir que l'appartement litigieux doit être soumis au statut des baux commerciaux.

À titre subsidiaire, M. [F], qui ne justifie pas davantage bénéficier d'un bail séparé de celui consenti à feu sa mère, sollicite un transfert de bail sur le fondement des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, en exposant à la cour avoir toujours occupé l'appartement litigieux avec sa mère.

Il résulte de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 que le bail est résilié de plein droit par le décès du locataire, à moins que le descendant qui vivait avec lui puisse justifier de la cohabitation depuis au moins un an à la date du décès.

Au cas d'espèce, M. [F] ne justifie pas avoir habité avec sa mère dans le logement litigieux durant l'année qui a précédé le décès de cette dernière, étant, en outre, relevé qu'il était marié au moment du décès de sa mère, qu'il a mentionné sur le certificat de décès, l'adresse du logement familial sis [Adresse 1] à [Localité 6], et que ce n'est qu'en 2018, soit postérieurement au décès survenu en 2017, à l'occasion de l'enquête de surloyer, qu'il a déclaré vivre dans l'appartement litigieux.

Il y a lieu d'ajouter que M. [F] précise dans ses écritures que le bail a été transféré au nom de sa mère à compter du 1er août 2014.

M. [F] ne justifie donc pas remplir les conditions pour bénéficier du transfert de bail qu'il sollicite.

Il résulte de ce qui précède que la résiliation du bail litigieux sera prononcée à compter du 3 juin 2017, date du décès de la mère de M. [F].

Subséquemment, l'expulsion de M. [F] et de tous occupants de son chef sera ordonnée, sans qu' il y ait lieu à assortir cette mesure d'une astreinte, puisqu'elle pourra être exercée avec le concours de la force publique, et M. [F] condamné au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation.

Une indemnité d'occupation due au titre de l'occupation illicite d'un bien a pour objet de réparer le préjudice causé au propriétaire par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers.

La bailleresse appelante ne justifie pas que le préjudice causé par l'occupation illicite des locaux nécessiterait que le montant de l'indemnité d'occupation soit porté au double du montant du loyer. Dans ces conditions, cette indemnité d'occupation doit être fixée au montant du loyer contractuel révisé, augmenté des charges, qui aurait été du, si le bail s'était poursuivi.

La société SOHP sollicite, en outre, la suppression du délai de deux mois prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution.

En vertu de l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution , « si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. ['] Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de man'uvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. »

En l'espèce, M. [F] n'a pas pénétré dans les locaux à l'aide de manoeuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte et sa mauvaise foi n'est nullement caractérisée.

Par suite, l'appelante sera déboutée de sa demande.

La société SOHP sera naturellement autorisée à pénétrer dans les lieux lui appartenant, une fois l'expulsion réalisée.

III) Sur la demande de dommages et intérêts pour trouble (1 000 euros)

La société SOHP sollicite le paiement d'une indemnité de 1 000 euros au visa des articles 1240 et 1241 du code civil.

La cour rappelle que les conclusions doivent contenir, en dehors de l'objet de la demande et de la cause juridictionnelle qui lui est donnée, un exposé des moyens sur lesquels les prétentions sont fondées.

En l'espèce, la bailleresse appelante formule une demande indemnitaire dans le dispositif de ses conclusions, sans la motiver dans le corps de ses écritures.

Aussi sera-t-elle déboutée de cette demande.

IV) Sur l'arriéré locatif

Moyens des parties

La société SOHP sollicite la condamnation de M. [F] à lui payer une somme de 18 424,77 euros représentant le montant de l'arriéré locatif arrêté au mois de juillet 2023, terme du mois de juillet 2023 inclus.

M. [F] s'oppose à cette demande, en contestant le décompte produit par la bailleresse.

Il soutient que les pièces justificatives de l'intimée sont contradictoires, le solde débiteur qui s'élevait au 30 juin 2020 à la somme de 132, 02 euros, ayant été porté à celle de 15 820, 35 euros. Il dénonce les variations inexpliquées d'un mois sur l'autre du montant du loyer. Il rappelle à la cour que, depuis le 1er juillet 2021, il a commencé à régler par virements mensuels une somme de 550 euros.

Réponse de la cour

Il convient de rappeler à titre liminaire que M. [F] qui est occupant sans droit ni titre depuis le décès de sa mère survenu le 3 juin 2017, ne peut être condamné qu'au paiement d'indemnités d'occupation et non de loyers.

La société SOHP verse aux débats plusieurs décomptes retraçant l'évolution du compte de 2007 à juillet 2023, dont il ressort que le compte de M. [F] présente, au mois de juillet 2023, un solde débiteur de 18424, 77 euros.

Toutefois, ce décompte des variations très importantes et erratiques des sommes portées mensuellement au débit du compte qui vont de 302, 05 euros à 2 185, 77 euros.

M. [F] dénonce ces variations à propos desquelles la société SOHP ne fournit aucune explication à la cour dans ses écritures.

Dès lors, la cour, constatant que la créance de la société SOHP n'est point justifiée dans son montant, déboutera la société SHOP de sa demande en paiement.

IV) Sur les demandes accessoires

M. [F], qui succombe pour l'essentiel, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, l'article R. 2331-11 du code général de la propriété des personnes publiques dispose: " Devant la cour d'appel, la procédure est sans représentation obligatoire. Toutefois, l'instruction des instances mentionnées aux articles R.2331-1 à R. 2331-3 et R. 4111-11 auxquelles l'Etat est partie se fait par simple mémoire. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. Les parties peuvent présenter des observations orales".

Il résulte de ce texte que le ministère d'avocat n'est pas obligatoire dans les instances où le service du Domaine est partie, de sorte qu'il n 'y a pas lieu d'ordonner à son encontre au profit des avocats de la partie adverse le recouvrement direct des dépens dont ils ont fait l'avance.

En conséquence, il ne saurait y avoir distraction au profit de la société Lexavoué Paris-Versailles, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe de la chambre 1/2

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Constate la résiliation de plein droit, à compter du 3 juin 2017 du bail consenti par la société Seine-Ouest Habitat à Mme [S] [B], divorcée [F] ;

A défaut de départ volontaire, ordonne, en conséquence, l' expulsion de M. [A] [F], ainsi que celle de tous occupants de son chef, des lieux sis [Adresse 2] à [Localité 6], avec le cas échéant, le concours de la force publique ;

Dit n'y avoir lieu d'assortir cette mesure d'expulsion d'une astreinte ;

Autorise la société SOHP à pénétrer dans les lieux une fois l'expulsion réalisée ;

Rappelle que, par application de l'article 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, cette expulsion ne pourra être poursuivie qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, et déboute par suite, la société SOHP de sa demande de suppression de ce délai de deux mois ;

Déboute la société SOHP de sa demande visant à voir fixer l'indemnité mensuelle d'occupation au double du montant du loyer et fixe l'indemnité mensuelle d'occupation à une somme égale au montant du loyer contractualisé qui aurait été dû en cas de poursuite du bail, outre les charges ;

Condamne M. [A] [F] à son paiement, à compter du 3 juin 2017 et jusqu'à la libération effective des lieux se matérialisant soit par la remise des clés, soit par l'expulsion ;

Dit que le sort des meubles sera réglé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Déboute M. [A] [F] de ses demandes ;

Déboute la société SOHP de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute la société SOHP de sa demande en paiement de la somme de 18 424, 77 euros ;

Déclare le présent arrêt opposable à la Direction nationale des interventions domaniales ès qualités de curateur à la succession vacante de Mme [S] [B] ;

Condamne M. [A] [F] à verser à la société SOHP la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [A] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.