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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 4 juin 2024, n° 23/00946

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Calvend (SCI)

Défendeur :

Cemaro (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pascot

Conseillers :

M. Vetu, M. Lecler

Avocats :

Me Chalopin, Me Bolte

CA Poitiers n° 23/00946

3 juin 2024

EXPOSÉ DU LITIGE:

La société Cemaro exploite depuis le 1er septembre 2012 un fonds de commerce d'hôtel-restaurant au sein d'un immeuble sis [Adresse 2] sur la commune de [Localité 4], propriété de la SCI Calvend, en vertu d'un bail commercial mixte à destination de commerce et d'habitation en date du 1er juin 2012.

Le 16 juillet 2019, la société Calvend a, par acte d'huissier, fait délivrer à la société Cemaro, un commandement de payer visant la clause résolutoire au motif d'un arriéré locatif.

Le 30 octobre 2019, la société Calvend a attrait la société Cemaro devant le juge des référés du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne.

Par ordonnance en date du 04 octobre 2021, le juge des référés a constaté l'incompétence du juge des référés au profit du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne statuant au fond et ordonné la transmission du dossier à son greffe.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Calvend a demandé au tribunal à titre principal de :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 16 août 2019, un mois après la signification du commandement,

- constater la résiliation du bail à compter du 16 août 2019,

- ordonner l'expulsion de la SARL Cemaro,

- Fixer l'indemnité d'occupation due par la SARL Cemaro à la somme de 2.640€ TTC par mois à compter du 1er septembre 2019 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux,

- Donner acte à la société Cemaro de ce qu'elle s'est acquittée des taxes foncières directement entre les mains de l'administration fiscale,

- Condamner à titre provisionnel, la SARL Cemaro à payer à la SCI Calvend, la somme de 2.883€ au titre des loyers et charges restant dus par rapport au commandement outre 2.640 € TTC au titre du loyer dû pour le mois d'août 2019,

- Condamner, à titre provisionnel, la SARL Cemaro à payer à la SCI Calvend, une indemnité d'occupation mensuelle de 2640 € TTC, à compter du 1er septembre 2019 chaque mois et ce jusqu'à la libération complète des lieux.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Cemaro a demandé au tribunal à titre principal de :

- prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée au bail liant les parties, signifié à la requête de la société Calvend à la société Cemaro le 16 juillet 2019,

En tout état de cause,

- Condamner la société Calvend à payer à la société Cemaro la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'abus du droit d'agir en justice,

Par jugement en date du 11 avril 2023, le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne a statué ainsi :

- Prononce la nullité des commandements visant la clause résolutoire délivrés par la SCI Calvend à la société Cemaro par actes d'huissier en date des 16 juillet 2019 et 02 décembre 2021,

- Déboute la SCI Calvend de l'ensemble de ses demandes présentées tant à titre principal que subsidiaire,

- Condamne la SCI Calvend à verser à la société Cemaro la somme de :

- 8.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SCI Calvend aux dépens de l'instance,

- Autorise l'avocat de la cause qui en a fait la demande, et qui peut y prétendre, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu de provision,

- Rappelle que le jugement est exécutoire de plein droit.

Par déclaration en date du 21 avril 2023, la société Calvend a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués.

La société Calvend, par dernières conclusions transmises le 04 mars 2024, demande à la cour de:

Vu les articles L. 145-41 et suivants du Code de commerce,

Vu les articles 1193 et suivants du Code civil,

Vu le bail en date du 1 er juin 2012,

Vu le jugement du 11 avril 2023

- Lui donner acte de son changement de siège social,

- Voir réformer le jugement du 11 avril 2023, en toutes ses dispositions et notamment en ce

qu'il a:

Prononcé la nullité des commandements visant la clause résolutoire délivrés par la SCI Calvend à la société Cemaro par actes d'huissier en date des 16 juillet 2019 et 02 décembre 2021,

Débouté la SCI Calevend de l'ensemble de ses demandes présentées tant à titre principal que subsidiaire,

Condamné la SCI Calvend à verser à la société Cemaro la somme de:

- 8 000 € à titre de dommage et intérêts pour procédure abusive,

- 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SCI Calvend aux dépens de l'instance,

Et statuer à nouveau,

Vu le commandement de payer les loyers rappelant la clause résolutoire en date du 16 juillet 2019,

A titre principal,

- Constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 16 août 2019, soit un mois après la signification du commandement.

- Constater la résiliation du bail à compter du 16 août 2019,

- Ordonner l'expulsion de la SARL Cemaro,

- Ordonner, en conséquence, au besoin avec l'assistance de la force publique, l'expulsion de la SARL Cemaro et de tous occupants de son chef et de tous ses meubles et effets mobiliers garnissant les lieux et ce, dans les 48 heures de l'ordonnance à intervenir, sous peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard pendant un délai de 3 mois, passé lequel délai, il sera à nouveau fait droit jusqu'au départ effectif de la SARL Cemaro et la remise des clefs,

- Voir fixer l'indemnité d'occupation due par la SARL Cemaro à la somme de 2.640.00 € TTC par mois à compter du 1er septembre 2019 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux,

- Donner acte à la société Cemaro de ce qu'elle s'est acquittée des taxes foncières directement entre les mains de l'administration fiscale,

- Condamner, à titre provisionnel, la SARL Cemaro à payer à la SCI Calvend, la somme de 2.883,00 € au titre des loyers et charges restant dus par rapport au commandement outre 2.640€ TTC au titre du loyer dû pour le mois d'août 2019,

- Condamner, à titre provisionnel, la SARL Cemaro à payer à la SCI Calvend, une indemnité d'occupation mensuelle de 2.640.00 € TTC, à compter du 1er septembre 2019 chaque mois et ce jusqu'à la libération complète des lieux,

A titre subsidiaire,

Vu le commandement de payer les loyers rappelant la clause résolutoire en date du 02 décembre 2021 portant sur la somme de 48 012,08 €,

Vu l'absence de paiement de la somme de 48.012,08 € dans le délai d'un mois,

- Constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 02 janvier 2022, soit un mois après la signification du commandement,

- Constater la résiliation du bail à compter du 02 janvier 2022,

- Ordonner l'expulsion de la SARL Cemaro,

- Ordonner, en conséquence, au besoin avec l'assistance de la force publique, l'expulsion de la SARL Cemaro et de tous occupants de son chef et de tous ses meubles et effets mobiliers garnissant les lieux et ce, dans les 48 heures de l'ordonnance à intervenir, sous peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard pendant un délai de 3 mois, passé lequel délai, il sera à nouveau fait droit jusqu'au départ effectif de la SARL Cemaro et la remise des clefs,

- Voir fixer l'indemnité d'occupation due par la SARL Cemaro à la somme de 2.640.00 € TTC par mois à compter du 02 janvier 2022 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux,

- Donner acte à la société Cemaro de ce qu'elle s'est acquittée des taxes foncières directement entre les mains de l'administration fiscale.

- Condamner, à titre provisionnel, la SARL Cemaro à payer à la SCI Calvend, la somme de 48.012,08 € au titre des loyers et charges restant dus par rapport au commandement du 02 décembre 2021,

- Condamner, à titre provisionnel, la SARL Cemaro à payer à la SCI Calvend, une indemnité d'occupation mensuelle de 2.640.00 € TTC, à compter du 02 janvier 2022 chaque mois et ce jusqu'à la libération complète des lieux,

Sur la demande d'expertise formulée par la société Cemaro,

- Donner acte à la société Calvend de ce qu'elle s'en rapporte,

Dans cette hypothèse, il y aura lieu par un arrêt avant dire droit de condamner, à titre de provision, la société Cemaro à payer à la société Calvend la somme de 15.035,82 € actuellement consignée et non réglée à ce jour,

En tout état de cause,

- Condamner la SARL Cemaro à payer à la SCI Calvend une indemnité 5.095,96 € au titre du préjudice financier,

- Condamner la SARL Cemaro à payer à la SCI Calvend une indemnité 10.000€ à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

- Condamner la SARL Cemaro à verser à la SCI Calvend une indemnité de 6.000 € sur le fondement de l'Article 700 du Code de procédure civile,

- Dire et juger que toutes les sommes dues emporteront intérêts au taux légal majoré à compter de la signification de l'assignation introductive,

- Condamner la SARL Cemaro aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel qui comprendront tous les frais d'exécution en ce compris le coût du commandement de payer du 16 juillet 2019,

La société Cemaro a, par dernières conclusions transmises le 11 octobre 2023, demandé à la cour de :

Vu les articles 1134 anciens, al. 3, devenu 1104, 1347 et suivants du Code civil et L. 145-41 du Code de commerce,

Vu la jurisprudence d'application,

Vu les pièces communiquées,

- Déclarer la société Cemaro recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions,

- Débouter la société Calvend de son appel et de toutes ses demandes, fins et prétentions,

En conséquence, à titre principal,

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Les Sables d'Olonne le 11 avril 2023 (No RG 21/01467) uniquement en ce qu'il a jugé que le vice de forme affectant le commandement de payer du 16 juillet 2019 ne faisait pas grief à la société Cemaro,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Les Sables d'Olonne le 11 avril 2023 (No RG : 21/01467), c'est-à-dire en ce qu'il a :

prononcé la nullité des commandements visant la clause résolutoire délivrés par la SCI Calvend à la société Cemaro par actes d'huissiers en dates des 16 juillet 2019 et 02 décembre 2021 ;

débouté la SCI Calvend de l'ensemble de ses demandes présentées tant à titre principal que subsidiaire ;

condamné la SCI Calvend à verser à la société Cemaro les sommes de:

- 8 000 € à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive ;

- 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SCI CALVEND aux dépens de l'instance ;

autorisé l'avocat qui en a fait la demande, et qui peut y prétendre, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.

À titre infiniment subsidiaire,

- Ordonner une mesure d'expertise, confiée à un expert-comptable, avec pour mission d'apurer l'intégralité des comptes entre les parties, en tenant compte notamment du jugement définitif du tribunal de grande instance de Les Sables d'Olonne du 08 mars 2019, des saisies-attributions, des avis à tiers détenteurs, des travaux effectuées, ainsi que des éventuelles compensations à opérer entre les créances réciproque,

- Ordonner la suspension de la réalisation et des effets de la clause résolutoire et accorder à la société Cemaro tous les délais qui s'imposent pour lui permettre d'apurer la situation,

En tout état de cause, y ajoutant,

- Condamner la société Calvend à payer à la société Cemaro la somme de 8.000€ à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'appel abusif,

- Condamner la société Calvend à payer à la société Cemaro la somme de 8.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Calvend aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Olivier Bolte, avocat postulant, pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux articles 695 et 699 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'instruction de l'affaire a été clôturée suivant ordonnance datée du 05 mars 2024 en vue d'être plaidée à l'audience du 02 avril 2024, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré au 21 mai 2024 puis, prorogée à ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de la signification à domicile par dépôt en l'étude du commissaire de justice datée du 16 juillet 2019

1. Il résulte des articles 655 et 656 du code de procédure civile que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré à domicile, l'huissier de justice devant relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances qui l'en ont empêché, ainsi que les vérifications effectuées pour s'assurer que le destinataire de l'acte demeure bien à l'adresse indiquée.

2. La SARL Cemaro indique que :

- l'établissement comporte, à son entrée, de manière visible, le numéro de téléphone de permanence, comme c'est la règle en présence d'une obligation de sécurité pesant sur l'hôtelier vis-à-vis de sa clientèle et souligne qu'il était donc tout à fait possible de joindre directement son gérant ;

- de manière plus générale, le clerc n'a pas recherché le gardien, ni interrogé un voisin ou un commerçant, n'a pas recherché de boîte aux lettres, ni même simplement sonné à la porte de sorte que les énonciations contenues dans le procès-verbal du commandement de payer litigieux ne permettent donc nullement, à l'évidence, de démontrer que l'huissier se serait trouvé confronté à des circonstances rendant impossible sa signification à personne ou, à défaut, sa remise à domicile ou à résidence.

3. La SCI Calvend réplique que les arguments ainsi invoqués reviennent purement et simplement à accuser le clerc d'avoir commis des faux en écritures publiques et précise :

- rien n'obligeait l'huissier instrumentaire à appeler le numéro de permanence, ni à se rendre au domicile du gérant qui, maintenant, n'habite plus sur place et c'est bien là la nouvelle difficulté puisque l'appartenant attenant à l'hôtel n'était plus habitable ;

- toutes les mentions sont portées dans l'acte et aucune critique ne peut être élevée par l'intimée et on ne voit pas ce qui interdirait une signification à étude dès lors que l'établissement est fermé, que personne ne peut recevoir l'acte mais que la certitude du siège est avérée ;

4. La cour observe que l'intimée ne discute pas la certitude de l'adresse à laquelle s'est rendu le commissaire de justice mais principalement la réalité de la fermeture de son établissement en période estivale situé à cette adresse au regard, notamment, du fait que l'heure de passage n'est pas renseignée.

5. Dès lors que les intimés ne remettent pas en cause l'accomplissement par le commissaire de justice de l'ensemble des diligences requises par la loi, celui-ci s'étant rendu en effet au siège social de leur entreprise et ayant constaté à cette occasion que l'établissement était fermé, c'est de manière inopérante qu'ils soutiennent que ce commissaire de justice aurait insuffisamment démontré l'impossibilité d'une remise à personne.

6. La décision sera réformée de ce chef et la cour déclarera valide la signification du commandement de payer en date du 16 juillet 2019.

Sur la validité des causes du commandement daté du 16 juillet 2019

7. Selon les dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce dans sa version applicable au contrat de bail commercial signé entre les parties :

8. Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

9. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil [désormais 1343-5 de ce code) peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

10. Il est constant que la mise en oeuvre de la clause résolutoire prévue à l'article L. 145-41 suppose une mise en demeure préalable qui en rappelle les termes, le constat de l'existence d'un manquement aux règles du bail conditionnant la mise en oeuvre de la clause contemporain à la délivrance de la mise en demeure d'avoir à y mettre fin et la persistance à l'issue du délai énoncé (un mois en matière de bail commercial) de l'infraction reprochée.

11. Dès lors que ces conditions sont réunies, l'acquisition du bénéfice de la clause résolutoire s'impose au juge sans qu'il puisse apprécier la gravité du manquement.

12. Néanmoins, soumise aux dispositions des articles 1103 et 1104 du Code civil, la mise en oeuvre de la clause résolutoire est écartée si elle est délivrée de mauvaise foi par le bailleur alors même qu'elle répondrait aux conditions légales nécessaires à sa mise en oeuvre.

13. La preuve de la mauvaise foi du bailleur incombe au preneur qui l'invoque. Elle s'apprécie au jour où le commandement a été délivré.

14. L'appelante indique que le jugement du tribunal de grande instance des Sables-d'olonne daté du 08 mars 2019, rendu après expertise judiciaire, ne lui serait pas forcément défavorable et qu'en tout état de cause, elle aurait exécuté les travaux mis à sa charge (infiltrations sous terrasse, des reprises des fissures affectant la buanderie, de la menuiserie et de la chaufferie, des reprises et canalisations du réseau d'évacuation et au titre des frais de débouchage).

Selon elle, en revanche, sur plus de 14.009 € de travaux mis à la charge du preneur, la SARL Cemaro aurait reconnu avoir réalisé le remplacement d'une porte de buanderie pour un montant de 1.700 €.

15. S'agissant enfin des travaux mis à sa charge, la SCI Calvend soutient que le premier juge, comme l'intimée aurait une lecture erronée du jugement du 08 mars 2019. Selon elle, elle ne serait redevable de la somme de 25.000 € que dans l'hypothèse où la SARL Cemaro aurait justifié de l'exécution des travaux et indique en outre que les représentants légaux de cette société n'auraient manifestement pas l'intention de réaliser les travaux pour la simple et bonne raison qu'ils n'habiteraient plus sur place depuis au moins trois ans.

16. La SARL Cemaro objecte que dans sa correspondance officielle notifiée cinq jours avant que ne soit délivré le commandement de payer en date du 19 juillet 2019, la société Calvend ne faisait nullement mention de sa volonté de se prévaloir de la clause résolutoire.

Selon l'intimée, la volonté du bailleur d'échapper à l'exécution du jugement est encore parfaitement établie, en deuxième lieu, par le fait que les travaux de reprise des débords de toit de la réserve n'étaient toujours pas engagés au jour de la signification du commandement de payer, contrairement à ses promesses maintes fois répétées.

17. Enfin et surtout, l'appelante n'aurait jamais été en mesure de lui délivrer un logement décent dès lors qu'elle n'aurait pas réglé la somme de 25.000 € mise à sa charge pour réhabiliter la partie habitation du fonds de commerce.

18. La cour fait observer en premier lieu que le dispositif du jugement 08 mars 2019 attenant à la partie logement de l'établissement est ainsi libellé :

- Condamne la société Calvend au titre des travaux de réfection de la partie logement à verser à la société Cemaro la somme de 25.500 €, à réactualiser suivant l'indice BT01 du coût d ela construction jusqu'à la date du jugement à compter duquel elle produira intérêts au taux légal,

- Dit que la société Cemaro doit prendre à sa charge la moitié des travaux de réfection à hauteur de la somme de 25.500 €.

19. Au regard de ce dispositif, la SCI Calvend ne peut utilement soutenir que le versement de la somme correspondant à la moitié des travaux de la partie logement, c'est-à-dire 25.500 €, serait subordonné à la réalisation des travaux par le preneur à hauteur de cette même somme.

20. Elle se devait donc d'exécuter les causes de ce jugement dont elle n'a pas fait appel, ceci, avant même de mettre en oeuvre la clause résolutoire pour non paiement de loyers et taxes foncières, lesquels étaient devenus difficilement exigibles en leur totalité dès lors qu'un trouble de jouissance avait été constaté à la suite d'une instance en référé puis, d'un jugement au fond après dépôt d'un rapport d'expertise.

21. Au regard de ce qui précède, la cour considère que c'est par des motifs pertinents, non remis en cause par les débats à hauteur d'appel et que la cour adopte que le premier juge a considéré que la clause résolutoire contenue au contrat de bail avait été mise en oeuvre de mauvaise foi par le bailleur, ceci, dans l'intention de se soustraire aux travaux lui incombant dès lors qu'il était défaillant dans l'exécution de ses propres obligations.

22. La décision sera confirmée de ce chef sauf en ce qui concerne la sanction de nullité, le bailleur ne pouvant pas se prévaloir du bénéfice de la clause résolutoire au regard de cette mauvaise foi.

Sur les effets du commandement en date du 02 décembre 2021

23. La SCI Calvend fait valoir que ce commandement a été signifié pour des sommes postérieures à celles réclamées dans le cadre du premier commandement et indique en outre que cette somme de 48.012.08 €, voire celle de 23 012,08 € (cette dernière somme tenant compte d'une saisie attribution pour 25.000 €), n'ayant pas été réglée dans le délai d'un mois, la clause résolutoire visée dans le second commandement serait acquise.

24. La SARL Cemaro indique que le second commandement de payer en date du 02 décembre 2021 est, lui aussi, sans aucun fondement, dans la mesure où il ne tient pas compte, pas plus que le décompte qui l'accompagne :

- des saisies-attribution et avis à tiers détenteurs qui ont été pratiqués sur les loyers ;

- du fait qu'elle n'a jamais cessé de payer le loyer et les charges comme le démontre sa comptabilité et précise que ce point n'est pas contesté par l'appelante ;

- que s'agissant de la taxe foncière, la SCI Calvend n'a jamais réclamé son paiement, voire simplement édité une facture, n'a pas davantage justifié avoir procédé auprès du Trésor public aux déclarations de changements de surface et de description concernant la partie habitation, faussant ainsi de facto le montant qu'elle pouvait devoir à ce titre, ceci, alors même que des demandes expresses avaient été formulées en ce sens ;

25. La cour observe :

- que l'intimée produit des justificatifs des paiements de ses loyers (pièces 27.1 et 27.2) depuis le 15 octobre 2019 sur lesquels l'appelante ne se prononce pas;

- que la somme de 15.035,82 € destinée à régler l'impôt foncier, si elle ne vaut pas paiement, a bien été consignée dans l'attente des justificatifs de paiement que devait fournir le bailleur au locataire en vertu du contrat de bail (article 9 relatif aux impôts et charges diverses) et dont il n'est pas prouvé qu'ils aient été fournis au preneur avant la mise en oeuvre de ce second commandement, étant précisé que des demandes du preneur avaient été formulées à cet égard (pièces 28 et 29 de l'intimée) ;

26. De la sorte, la cour considère que la SARL Cemaro justifie s'être acquittée des causes du commandement dans les délais requis.

27. La décision entreprise sera réformée en ce qu'elle a prononcé la nullité du commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire en matière commerciale daté du 02 décembre 2021 et il lui sera substitué l'absence d'acquisition de la clause résolutoire, la SARL Cemaro justifiant s'être libéré dans les délais impartis.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Pour procédure abusive

29. La SCI Calvend fait valoir que sa prétendue mauvaise foi a déjà été sanctionnée par le tribunal qui avait, pour ce seul motif, rejeté la demande de résiliation. Selon elle, confirmer l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 8.000 € en cause d'appel équivaudrait à lui infliger une double condamnation pour des faits qui n'étaient absolument pas avérés.

30. La SARL Cemaro réplique que l'intention de nuire de la société Calvend serait pleinement caractérisée et consommée, celle-ci ne pouvant justifier la délivrance des deux commandements de payer et les procédures engagées par elle autrement que par sa volonté maniaque de résoudre le bail, alors que ce bailleur serait lourdement défaillant dans presque toutes ses obligations et aurait en outre interjeté appel en dépit des évidences.

31. L'article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

32. L'article 559 du Code de procédure civile énonce qu'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.

32. Il est constant que l'exercice d'une action en justice et d'une voie de recours, même mal fondées, ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstance particulières le rendant fautif.

33. La cour considère que la volonté de nuire invoquée par SARL Cemaro, en l'espèce, exclusive de l'absence de bonne foi du bailleur qui a été sanctionné par la nullité du commandement du 16 juillet 2019 et l'absence d'effet du commandement daté du 02 décembre 2021, n'est pas démontrée en l'espèce.

34. A l'identique, la cour relève que l'appelante ne démontre pas que l'intimée aurait commis une faute faisant dégénérer en abus le droit d'exercer une voie de recours.

35. Il s'ensuit que la décision sera réformée de ce chef.

Au titre d'un préjudice financier et moral

36. La SCI Calvend explique qu'elle a emprunté pour financer l'acquisition de cet immeuble, les loyers devant lui permettre de faire face aux échéances du prêt. En raison des retards de paiement des loyers, elle se serait vu facturer par la banque des indemnités et intérêts de retard à hauteur de 5.095,96 €.

37. Selon elle encore, le non-paiement des loyers et les difficultés consécutives, auraient généré un stress important, ce d'autant que ses dirigeants seraient domiciliés aux Etats-Unis.

38. Mais la cour rappelle que la SCI Calvend est défaillante à apporter la démonstration d'une faute commise par la SARL Cemaro dans le paiement de ses loyers ou encore qu'il a été démontré que c'est elle qui avait mis de mauvaise foi en oeuvre le premier des commandements de payer.

39. De la sorte, la SARL Cemaro ne peut être à l'origine des préjudices que la SCI Calvend allègue de ce chef et la décision sera confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

40. Il apparaît équitable de condamner la SCI Calvend à payer à SARL Cemaro une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter les demandes formées au même titre par l'appelante.

41. La SCI Calvend qui échoue en ses prétentions supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire des Sables-d'Olonne en date du 11 avril 2023 sauf en ce qu'il :

- Prononce la nullité des commandements visant la clause résolutoire délivrés par la SCI Calvend à la société Cemaro par actes d'huissier en date des 16 juillet 2019 et 02 décembre 2021,

- Condamne la SCI Calvend à verser à la société Cemaro la somme de 8.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau,

Dit que la SCI Calvend ne peut se prévaloir des commandements de payer les loyers visant la clause résolutoire en date des 16 juillet 2019 et 02 décembre 2021,

Déboute la SARL Cemaro de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Calvend à payer à la SARL Cemaro une indemnité de 3.000€ par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la SCI Calvend aux dépens d'appel.