CA Grenoble, ch. com., 30 mai 2024, n° 22/04037
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Eurocommercial Properties France (SAS)
Défendeur :
Mc Donald's System of France Inc (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
M. Bruno, Mme Faivre
Avocats :
Me Grimaud, Me Garzon, Me Mihajlovic, Me Pouvesle
Faits et procédure :
1. La Sas Eurocommercial Properties est propriétaire d'un local commercial situé [Adresse 6] à [Localité 5] (38). Un local a été donné à bail commercial à la Sas McDonald's System of France Inc. par acte du 24 février 2005, à compter du 1er janvier 2005 pour une durée de 10 années et moyennant un loyer initial annuel de 140.000 euros hors taxe et hors charges, ramené à 135.000 euros la première année. Il s'agit d'un bail destiné à la restauration rapide sous l'enseigne McDonald's. Ce bail s'est tacitement prolongé au-delà du 31 décembre 2014.
2. Par exploit du 3 janvier 2017, le preneur a délivré au bailleur une demande de renouvellement de 9 ans pour le 1er avril 2017. Par acte extra-judiciaire du 28 mars 2017, la Sas Eurocommercial Properties France a accepté le principe du renouvellement, moyennant un loyer annuel déplafonné de 215.000 euros hors taxes et hors charges alors que par le jeu de la clause d'indexation, le loyer était de 175.136,52 euros par an en principal.
3. Les parties ne parvenant à aucun accord, la Sas McDonald's system of France Inc. a noti'é, par lettre recommandée du 15 mars 2019 avec accusé de réception du 18 mars 2019, un mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux. Le 18 juin 2019, elle a fait assigner le bailleur devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Grenoble afin de voir fixer à 73.432 euros hors taxe et charges par an, le loyer en renouvellement à compter du 1er avril 2017, ce à quoi s'est opposée la bailleresse en sollicitant la fixation du loyer du bail renouvelé à une valeur locative estimée à 215.000 euros hors taxes et hors charges.
4. Par jugement avant dire-droit du 21 septembre 2020, le tribunal a ordonné la réouverture des débats pour que la Sas McDonald's System of France Inc. justi'e de la noti'cation ou de la signification de son mémoire n° 2 à la personne du bailleur et que, le cas échéant, les parties fassent valoir leurs observations sur ce point. Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal a constaté la notification régulière du mémoire de la société Mc Donald's et le renouvellement du bail à compter du 1er avril 2017. Il a, avant dire-droit, ordonné une expertise confiée à monsieur [S]. L'expert a déposé son rapport le 15 novembre 2021 concluant à l'application de la méthode de calcul des surfaces pour les commerces de centre-ville de moins de 600 m2 et, compte tenu du déplafonnement du loyer, à une valeur locative de 131.356 euros.
5. Suite au dépôt de ce rapport, la Sas McDonald's System of France Inc. a sollicité la fixation du montant du loyer renouvelé, au 1er avril 2017, à la somme annuelle de 108.220 euros, hors taxes et charges, compte tenu des conclusions de l'expert et des références produites, avec intérêts sur les échéances de loyer à compter du mémoire en réponse du 9 septembre 2019, le tout assorti de l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
6. Par jugement du 19 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- fixé à 131.356 euros en principal par an à compter du 1er avril 2017 le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la Sas McDonald's System of France Inc. et la Sas Eurocommercial Properties France pour les locaux situés [Adresse 6] à [Localité 5] (38), toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;
- condamné la Sas Eurocommercial Properties France à payer à la Sas McDonald's System of France Inc. les intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 18 novembre 2019 ;
- rappelé que conformément aux dispositions de l'article L111-3 du code des procédures civiles d'exécution, la présente décision, lorsqu'elle aura force exécutoire, constituera un titre exécutoire permettant l'exécution forcée ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise.
7. La société Eurocommercial Properties France a interjeté appel de cette décision le 14 novembre 2022 en toutes ses dispositions reprises dans son acte d'appel.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 22 février 2024.
Prétentions et moyens de la société Eurocommercial Properties France :
8. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 20 juillet 2023, elle demande à la cour, au visa des articles L. 145-33, L. 145-34, R.145-7 et R 145-8 du code de commerce
- d'infirmer le jugement du 19 septembre 2022 en ce qu'il a fixé à 131.356 euros en principal par an à compter du 1er avril 2017 le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la Sas McDonald's System of France Inc. et la Sas Eurocommercial Properties France pour les locaux situés [Adresse 6] à [Localité 5] (38), toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ; en ce qu'il a condamné la Sas Eurocommercial Properties France à payer à la Sas McDonald's System of France Inc. les intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 18 novembre 2019 ; en ce qu'il a débouté les parties du surplus de leurs demandes ; en ce qu'il a condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise ;
- statuant à nouveau, de fixer à la somme de 176.220 euros en principal le montant du loyer renouvelé au 1er avril 2017 ;
- de juger que les trop-perçus porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- de condamner la société Mc Donald's au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- de partager les dépens qui comprendront les frais d'expertise.
L'appelante soutient :
9. - que la description matérielle des locaux et leur surface ne font plus débat ; qu'il s'agit d'un emplacement premium selon l'expert judiciaire et les experts amiables, se trouvant dans l'hyper centre-ville de [Localité 5], dans une rue piétonne avec passage d'une ligne de tramway ayant une station à proximité immédiate, et la présence de deux places à équidistance ; que l'expert n'a cependant pas tiré les conséquences de ce constat, puisque la valeur proposée est inférieure de plus de 6 % au montant du loyer convenu 12 ans plus tôt ; que l'expert n'a pas indiqué, comme la concluante le lui demandait, si les loyers commerciaux de l'hyper centre-ville avaient évolué à la baisse entre 1995 et 2017, indiquant seulement qu'il n'existe pas de bases de données sur la période concernée ; qu'il a seulement relevé une baisse significative des loyers pour les boutiques situées en emplacement premium de plus de 30 % ;
10. - concernant les caractéristiques du bien loué, que la pondération appliquée par l'expert est critiquable, puisqu'il aboutit à une surface pondérée de 160 m² que le juge a entériné;
11. - concernant la terrasse couverte, qu'il n'y a pas lieu de la prendre en compte dans le calcul de la surface totale donnée à bail, puisqu'elle n'a pas été donnée à bail car se trouvant sur le domaine public, de sorte que sa prise en compte devait faire l'objet d'un traitement séparé ; qu'en réalité, l'expert n'a pas appliqué par erreur une pondération de 1,3, puisque la terrasse a été mentionnée pour mémoire et ainsi sans pondération, alors que les coefficients appliqués ne dépassent pas 1; que la surface de cette terrasse doit ainsi être pondérée à 1,3, de sorte que sa surface de 12,5 m² doit être retenue après pondération pour 16,25 m², en raison de sa situation puisqu'elle donne sur une place ;
12. - concernant la zone de vente n°1, que sa pondération est de 1 comme indiqué par l'expert ;
13. - concernant la zone de vente n°2, qu'elle doit être retenue pour 17,22 m² et non pour 15,30 m², puisque l'expert ne l'a pondérée que pour 0,8, alors que la largueur de la vitrine justifie une pondération minimale de 0,9 ;
14. - en conséquence, que la surface du rez-de-chaussée doit être retenue, après pondération, pour 88,25 m² contre 82,58 m² ; que la surface totale (celle du sol-sous n'étant pas contestée) est ainsi de 165 m² et non de 160 m² ;
15. - concernant les prix couramment pratiqués dans le voisinage, les quatre valeurs de référence citées par l'expert sont insuffisantes ; que les parties ont chacune fait réaliser des expertises comportant des valeurs complémentaires qu'il était légitime de retenir, au regard du peu de références produites par l'expert judiciaire, que ce dernier a cependant écarté de même que le tribunal au motif que l'expert judiciaire n'a pas visité les lieux donnés en référence alors qu'il ne s'agit pas d'une obligation; que les deux rapports privés ont été réalisés par des experts inscrits auprès de la cour ; que si le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise privée, il ne peut refuser de l'examiner, s'agissant d'un élément de preuve parmi d'autres ; que la concluante, en proposant une valeur de 900 euros/m², est dans la fourchette basse retenue par son expert amiable, d'autant que la valeur médiane retenue par l'expert du preneur est de 821 euros/m² ;
16. - que si l'expert a écrêté de 10 % deux des valeurs qu'il a retenues, au motif que les baux prévoyaient une refacturation au preneur des dépenses prévues à l'article 606 du code civil, le bail renouvelé est postérieur à l'entrée en vigueur de la loi Pinel et de son décret d'application, de sorte que ce type de refacturation est interdit ; que si un bail a prévu que les dépenses prévues à l'article 606 sont à la charge définitive du preneur, le loyer a été convenu en connaissance de cause, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir un abattement ; que le montant de 10 % est excessif, puisque pour un loyer annuel de 130.000 euros, cet abattement revient à minorer le loyer annuellement de 13.000 euros, soit 117.000 euros sur la durée du bail, alors qu'il est exceptionnel qu'un locataire prenne en charge ce montant ; subsidiairement, qu'il convient de ne retenir qu'un abattement de 5 % comme proposé à minima par l'expert judiciaire ;
17. - que l'expert n'a cité aucune valeur de comparaison pour une activité de restauration rapide, alors que l'expert amiable de la concluante a cité un tel commerce faisant ressortir un prix de 895 euros/m² ;
18. - qu'il convient en conséquence de retenir une valeur de 900 euros/m² contre 696 euros retenue par l'expert judiciaire, avec une surface pondérée de 165 m², soit un loyer de 148.500 euros HT et hors charges avant majoration ;
19. - que ce prix doit être majoré de 7 % en raison des terrasses, dont une couverte, se trouvant sur le domaine public ; que la terrasse couverte n'est pas qu'une zone d'accueil puisqu'elle dispose de 28 places assises de sorte que la concluante accepte la majoration proposée par l'expert pour 15,67% ; que les deux terrasses extérieures accueillent 72 places de sorte que l'expert n'a pu retenir une majoration de 2,63 % ;
20. - qu'une majoration pour autorisation de mise en location-gérance du fonds de commerce et sous-location doit être appliquée pour 4 %; que le fait que la concluante ne l'ai pas invoquée devant l'expert est sans incidence ;
21. - qu'il n'y a pas lieu à abattement pour charges exorbitantes, y compris le droit de préemption du bailleur et l'impôt foncier, pour un montant supérieur à 8 %, puisque les dépenses prévues à l'article 606 du code civil restent à la charge de la concluante ; que ce pourcentage couvre largement les charges exorbitantes prévues au bail ; que le droit de préemption du bailleur n'est pas un obstacle à l'exploitation du fonds ni à sa cession, puisqu'il s'effectuera aux conditions financières projetées par le preneur ; que la facturation de la taxe foncière a été intégrée au loyer comme considéré par l'expert judiciaire et le tribunal, de sorte qu'il n'y a pas lieu de minorer à nouveau le prix du bail renouvelé, d'autant que l'expert a indiqué avoir tenu compte de loyers de référence intégrant l'impôt foncier ;
22. - en conclusion, que le prix du bail renouvelé soit être fixé comme suit :
- valeur locative brute : 165m2 x 900 euros/m² = 148.500 euros HT/HC
- majoration de 15,67 % pour la terrasse couverte : 23.269,95 euros
- majoration de 7 % pour la terrasse extérieure : 10.395 euros
- majoration de 4 % pour la sous-location/location-gérance : 5.940 euros
soit 188.104,95 euros ;
- abattement de 8 % pour charges exorbitantes intégrant l'impôt foncier : 11.880 euros,
- soit une valeur locative de renouvellement de 176.224,95 euros, arrondie à 176.220 euros HT/HC.
Prétentions et moyens de la société Mc Donald's System of France Inc :
23. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 9 novembre 2023, elle demande à la cour, au visa des articles L 145-33, L 145-34 et R 145-7 et R 145-8 du code de commerce :
- de confirmer le jugement du 14 novembre 2022 en ce qu'il a condamné la Sas Eurocommercial Properties France à payer à la Sas McDonald's System Of France Inc. les intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 18 novembre 2019 ; en ce qu'il a condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise ;
- de l'infirmer en ce qu'il a fixé à 131.356 euros en principal par an à compter du 1er avril 2017 le loyer du bail renouvelé depuis cette date, toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;
- statuant à nouveau, de fixer à la somme de 102.652 euros par an en principal le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 ;
- de condamner l'appelante au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle énonce :
24. - concernant le principe de la fixation du loyer à la valeur locative, que ce point n'est pas contesté en raison de la durée contractuelle supérieure à neuf ans, de sorte que cette valeur peut être inférieure au loyer en cours, voire au loyer initial dès lors que le bail n'a prévu aucun plancher ; qu'il n'est pas nécessaire d'établir que, sur la même durée, les autres valeurs locatives ont également baissé, puisque tout dépend du montant auquel le loyer précédent a été fixé ; ainsi, que le loyer initial avait été fixé à un montant bien supérieur à la valeur locative de l'époque, ayant été basé sur une surface de 482,95 m² pondérés, alors que la surface utile est de 410,23 m² ;
25. - concernant la surface réelle, que le bail initial a été conclu pour une superficie de 546,77 m², dont 63,82 m² se trouvant sur le domaine public ; que suite à l'intervention d'un géomètre, il n'est plus contesté que la surface réelle est de 410,23 m² ;
26. - s'agissant de la surface pondérée, en raison d'un local dont les surfaces n'ont pas toutes la même utilité et ainsi des valeurs différentes, que cette pondération aboutit à 160 m2 de surface, ce que la concluante ne conteste pas ;
27. - que si l'appelante reproche à l'expert de ne pas avoir tenu compte de la situation en angle des locaux, de sorte que la pondération serait de 1,3 et non de 1, l'expert a justement indiqué que seule la terrasse sur le domaine public bénéficie d'une situation en angle et non les locaux loués ; que l'expert de l'appelante a retenu également une pondération de 1 ; qu'en tout état de cause, la fourchette pour une zone d'angle est comprise entre 1,10 et 1,30, mais pour des angles donnant sur deux rues excellentes, alors que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
28. - que si l'appelante reproche à l'expert de n'avoir retenu que quatre valeurs de référence, l'appelante aurait pu produire les baux et les plans des références qu'elle cite afin que l'expert puisse procéder à des vérifications ; que les références proposées par l'appelante concernent d'autres types de commerces, de sorte que le prix unitaire proposé de 900 euros n'est pas justifié ;
29. - que l'appelante est mal fondée à critiquer l'abattement de 10 %, puisque deux références concernent des baux conclus en 2013, soit antérieurement à la loi Pinel ;
30. - concernant la majoration pour droit de terrasses, que la concluante n'en conteste pas le principe ; que si l'appelante conteste la majoration appliquée à la terrasse ouverte, et soutient qu'aucune différence ne devrait être effectuée entre les deux types de terrasses puisqu'il ne devrait être tenu compte que de leur caractère exceptionnel, cela aboutirait à une majoration totale de 18,3 %, bien supérieure à la fourchette haute ;
31. - que la majoration pour autorisation de mise en location-gérance n'a pas lieu d'être appliquée, puisque le principe est qu'une location-gérance est autorisée, sauf clause contraire ;
32. - concernant l'abattement résultant de la mise à la charge du preneur de l'impôt foncier, que son montant réel de 12.000 euros doit être déduit ; que le fait que les baux de référence sont identiques ne peut être retenu, puisque le principe est que l'impôt foncier est à la charge du bailleur ;
33. - pour les autres charges exorbitantes, que le principe de l'abattement n'est pas contesté par l'appelante, alors qu'il doit être retenu pour 10 % ;
34. - que le droit de préférence du bailleur en cas de cession du fonds de commerce doit donner lieu à un abattement de 5 %; que cet abattement n'est pas fondé sur l'obstacle généré par l'exercice du droit de préférence, mais sur l'avantage procuré au bailleur ;
35. - en conséquence, que la valeur locative s'établit comme suit :
- valeur locative brute : 111.360 euros
- droit de terrasse couverte : + 17.451 euros
- droit de terrasse ouverte : + 2.545 euros
- impôt foncier : - 12.000 euros
- clauses exorbitantes : - 11.136 euros
- droit de préférence : - 5.568 euros
soit un total de : 102.652 euros.
*****
36. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
37. La cour constate que le bail initial du 24 février 2005 porte sur divers locaux à usage commercial sous les principales clauses et conditions suivantes:
- désignation :
* local numéro 1 ' rez-de-chaussée bas : 330,42 m² + 7,82 m² (surface mise à disposition sur le domaine public),
* local numéro 2 ' rez-de-chaussée haut : 127,80 m² + 24,73 m² (local service : livraison, stockage et poubelles),
* local numéro 1 bis ' terrasse couverte de 56 m² implantée sur le domaine public et terrasse extérieure implantée sur le domaine public,
* soit une superficie de 546,77 m² environ (dont 63,82 m² sur le domaine public) ;
- loyer : 140.000 euros par an en principal, ramené à 135.000 euros pour la 1ère année ;
- charges exorbitantes: le preneur doit supporter les frais consécutifs aux travaux relevant de l'article 606 du code civil, aux travaux imposés par l'administration, aux travaux de mise en conformité, l'impôt foncier, les primes d'assurance du bailleur, tous les frais et honoraires liés à la gestion et à l'administration de l'immeuble.
38. Selon avenant du 3 décembre 2008, les parties ont substitué l'ILC à l'ICC et ont fixé le loyer à la somme de 163.503,83 euros par an en principal.
39. Ainsi que retenu par le premier juge et comme constaté par l'expert judiciaire, il s'agit d'un emplacement commercial de type premium, et l'un des meilleurs emplacements de la ville. Les locaux sont constitués de deux niveaux à usage de restauration rapide. Le rez-de-chaussée (niveau sur rue) comporte une salle d'accueil clientèle dont une extension sous forme d'une terrasse couverte sur le domaine public avec des emplacements dédiés à la restauration sur place, un espace de commande automatisée par bornes électroniques, un comptoir de service et derrière, une cuisine, un local « plonge », un bureau et des dégagements privés. Le sous-sol est composé de deux grandes salles de restauration aveugles, d'un espace sanitaire accessible au public et divers locaux techniques à usage personnel. Une terrasse de café en extérieur d'environ 87 m² complète l'offre, étant précisé que les deux terrasses font l'objet d'une redevance annuelle auprès de la ville de [Localité 5] conformément à une convention d'autorisation d'occupation précaire du domaine public.
40. S'agissant de la méthode à retenir pour la détermination du prix du loyer, le premier juge a exactement retenu qu'il ne peut être considéré que le local objet du bail litigieux appartient à un centre commercial, eu égard à sa configuration et à sa situation, puisque s'il fait partie intégrante du même ensemble immobilier dans lequel sont insérées d'autres enseignes, il n'existe pas de centre commercial intégré, chaque enseigne disposant d'un accès depuis la voie publique. Il n'existe pas de galerie commerciale. La cour ne peut que confirmer le jugement déféré en ce qu'il a indiqué que c'est à juste titre que l'expert [S] a décidé d'écarter la méthode GLA et d'appliquer la méthode de calcul des surfaces pour les commerces de centre-ville de moins de 600 m2.
41. S'agissant de la fixation du loyer au regard de sa surface locative, il est constant que le bail a désormais plus de 12 ans, et ainsi, le prix du loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative prévue à l'article L145-33 du code de commerce, par l'effet de l'article L145-34 alinéa 3 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, le bail ayant été renouvelé à partir du 1er avril 2017.
42. Concernant le calcul des surfaces, la cour constate que le rapport de l'expert judiciaire a été réalisé suite à un métrage effectué par un géomètre. La surface totale utile brute est ainsi de 410,23 m².
43. Concernant la pondération des surfaces, le premier juge a indiqué qu'en prenant des termes de comparaison les plus similaires possibles avec le bail conclu par les parties (après application de correctifs pour moindre visibilité ou charges exorbitantes de l'article 606 du code civil), et après prise en compte des dires des parties quant aux majorations et abattements à appliquer (ce qui a d'ailleurs conduit à la modification du pré-rapport), il convient de considérer que l'expert a fait une exacte appréciation des coefficients de pondération à appliquer aux surfaces réelles en fonction des usages, de la configuration des lieux et de l'utilité par rapport à l'ensemble de chaque partie des locaux au regard de leur destination contractuelle.
44. La cour constate que le désaccord des parties concernant les surfaces pondérées porte sur cinq mètres carrés (160 m² pour le preneur, reprenant le rapport d'expertise, et 165 m² pour le bailleur). Le calcul de la surface pondérée relative au sous-sol n'est pas remise en cause,
45. Concernant le rez-de-chaussée, les points de désaccords portent sur la pondération de la terrasse couverte et de la zone de vente n°2.
46. Pour la terrasse couverte, la cour relève que l'expert l'a traitée séparément, au titre des extérieurs, sans pondération, ainsi que soutenu par l'appelante. Il s'agit en effet d'une surface appartenant au domaine public municipal et occupée à titre précaire. Elle ne fait pas l'objet du bail de ce fait, l'appelante ne disposant pas de droit sur elle.
47. Concernant la zone de vente n°2, d'une surface réelle de 19,13 m², et retenue pour 15,30 m² après pondération au coefficient de 0,8, la cour constate qu'il n'y a pas lieu de retenir un effet « vitrine », puisque cette zone ne donne pas sur la place se trouvant devant le commerce, mais sur une rue peu passante et sans grand intérêt commercial. En raison de la nature de l'exploitation, il n'y pas l'effet « vitrine » pouvant exister comme en matière de commerce de vente de vêtements. Il n'y a pas lieu ainsi de retenir une pondération supérieure comme proposée par le bailleur.
48. En conséquence, le premier juge a exactement retenu la surface pondérée proposée par l'expert judiciaire.
49. Concernant les prix pratiqués dans le voisinage, l'expert a pu fournir quatre références relatives à des commerces principalement de prêt-à-porter, donnant lieu à des valeurs locatives comprises entre 582 euros et 877 euros par m² pondéré, soit une moyenne de 737 euros / m² pondéré. Ainsi que relevé par le premier juge, la méthode de l'expert, visant à privilégier les locaux situés dans un même emplacement commercial, s'avère pertinente quand bien même il ne s'agit pas de commerces de restauration, puisqu'en l'espèce, la cour note qu'aucun commerce similaire n'existe dans le voisinage. La cour confirme que la référence à quatre valeurs concernant des commerces situés dans le même quartier est suffisante. Si l'appelante produit un avis réalisé par l'expert qu'elle a commis, les valeurs proposées sont anciennes (principalement 2011 à 2013), avec des écarts importants (de 232 euros/ m² pondéré à 979 euros, pour des commerces de vente de vêtements, la référence concernant une pharmacie étant hors sujet). Si une référence concerne un restaurant, pour un prix de 895 euros/m² pondéré, il n'est pas établi qu'il s'agit du même type de restauration que celui proposé par l'intimée. L'expert judiciaire a d'ailleurs fourni, à titre indicatif, sept autres références concernant des commerces situés à proximité, confirmant une valeur locative inférieure à celle proposée par l'appelante (les valeurs de ces références étant de 253 à 495 euros/ m² pondéré). Le prix de 900 euros / m² pondéré proposé par l'appelante ne peut ainsi être retenu.
50. Concernant deux des valeurs retenues pour référence, l'expert judiciaire a en outre justement retenu un abattement de 10 % pour charges exorbitantes, puisque il s'agit de deux baux antérieurs à la date de prise d'effet de la loi du 18 juin 2014, alors que le bail liant les parties à l'instance est désormais soumis à l'effet de cette loi.
51. Il en résulte que la valeur de 696 euros / m² pondéré proposée par l'expert judiciaire doit être retenue. Au regard d'une surface pondérée de 160 m², il s'ensuit que la valeur locative brute annuelle HT et HC est ainsi de 111.360 euros.
52. La méthode retenue par l'expert concernant ensuite la majoration pour la terrasse couverte se trouvant sur le domaine public est pertinente, puisqu'il n'est pas contesté que le bailleur n'a pu conférer au preneur un bail sur une parcelle ne lui appartenant pas. L'expert a justement appliqué le même prix unitaire que pour les locaux donnés à bail, avec une pondération de la surface pour 1,3, puis déduit le montant de l'indemnité d'occupation due à la ville de [Localité 5], ainsi qu'un abattement de 40 % pour précarité. La cour note qu'il en est de même concernant la majoration pour la terrasse ouverte de 87 m² se trouvant devant l'établissement, appartenant également à la collectivité publique. En raison de sa configuration, il n'y a pas lieu de retenir une pondération supérieure, puisqu'il ne s'agit que de la mise à disposition de tables et de chaises à destination de la clientèle de la vente à emporter, sans aucun autre service fourni par le preneur.
53. En conséquence, la valeur locative annuelle HT et HC de 131.356 euros proposée par l'expert sera retenue. Il n'y a pas lieu de procéder à des abattements pour charges exorbitantes, puisque celles-ci ont déjà été prises en compte au titre de la détermination du loyer moyen pratiqué alentour par l'expert judiciaire, de même que l'incidence de la taxe foncière. Il n'y a pas lieu à majoration pour autorisation de mise en location-gérance, puisqu'elle est autorisée par principe, seul le fonds de commerce faisant l'objet de ce contrat de location mobilière. Il n'y a pas plus lieu à abattement en raison du droit de préférence du bailleur en cas de cession du fonds de commerce, puisqu'il s'exécuterait aux conditions financières exigées par le cédant.
54. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour. Le sens du présent arrêt impose de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L145-33 et suivants du code de commerce ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens exposés en cause d'appel.