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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 4 juin 2024, n° 22/06278

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Soller (SARL)

Défendeur :

Yacamapaja (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clément, Mme Jeorger Le Gac

Avocats :

Me Fage, Me Chaudet

CA Rennes n° 22/06278

3 juin 2024



La SCI YACAMAPAJA est propriétaire de locaux à usage commerciaux sis en sous-sol d'un immeuble immobilier dénommé « Galerie Kéréon » à QUIMPER.

Par acte du 21 octobre 2014, la SCI YACAMAPAJA a consenti à la société G DIS le renouvellement d'un bail commercial portant sur les locaux de l'immeuble immobilier dénommé « Galerie Kéréon » et situé en sous-sol de cet immeuble.

Par acte du 31 octobre 2014, la SARL SOLLER exerçant sous l'enseigne 'Carrefour City' faisait l'acquisition du fonds de commerce de la SARL G DIS, ledit fonds comprenant le droit au bail, moyennant un loyer annuel de 63 100 euros.

L'ensemble immobilier dans lequel est situé le commerce est en déshérence totale en raison de graves difficultés financières de la copropriété. Tous les commerces, à l'exception de celui exploité par la SARL SOLLER ont arrêté leur activité.

Les services de sécurité départementaux ayant menacé d'ordonner la fermeture de cette galerie, et aucun syndic de copropriété ne souhaitant en assumer la gestion, un administrateur judiciaire provisoire a été désigné sur le fondement des dispositions de l'article 29-1 A et suivants du Code de la copropriété par ordonnance du 12 septembre 2016 prise par le Président du tribunal judiciaire de Quimper à la requête de la SCI YACAMAPAJA.

Depuis plusieurs années la SCI YACAMAPAJA et la SARL SOLLER s'opposent sur la question des charges locatives.

Par acte du 20 juillet 2018, la SCI YACAMAPAJA a saisi le juge des référés d'une demande de provision sur l'arriéré de charges locatives, que la société SOLLER a contesté en raison de l'absence de factures conformes et de justificatifs des décomptes de charge.

Par ordonnance en date du 3 avril 2019, le Juge des référés a rejeté la demande de la société YACAMAPAJA en présence de contestations sérieuses.

Par acte du 04 juin 2019, la société YACAMAPAJA a assigné la SARL SOLLER devant le tribunal de commerce de Quimper aux fins de la voir condamner au paiement des arriérés de charge locative.

Par jugement du 6 décembre 2019, le Tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour connaître du litige et a ordonné une expertise confiée à M. [C] [G], qui a déposé son rapport le 06 novembre 2022.

Par jugement du 16 septembre 2022, le Tribunal de commerce de QUIMPER a :

- rejeté la demande de SARL SOLLER pour son remboursement de la somme de 32.353,88 euros des charges locatives qu'elle a déjà réglé à la SCI YACAMAPAJA ;

- dit qu'il convient de retenir l'intégralité des frais de salaire de Monsieur [N] pour le calcul des charges locatives récupérables auprès de la SARL SOLLER ;

- condamné la SARL SOLLER à verser la somme de 35.932,59 euros TTC à la SCI YACAMAPAJA, au titre des charges locatives de copropriété,

- dit qu'il n'y a lieu de majorer la somme de 35.932,59 euros avec des intérêts

au taux légal ;

- débouté la SCI YACAMAPAJA de sa demande de paiement de la taxe des ordures ménagères ;

- débouté la SARL SOLLER de sa demande de réparation de 1.000 euros pour préjudice moral ;

- condamné la SARL SOLLER à payer à la SCI YACAMAPAJA une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la SARL SOLLER aux dépens.

Appelante de ce jugement, la société SOLLER, par conclusions du 24 novembre 2023, a demandé à la Cour de :

- DÉBOUTER de la SCI YACAMAPAJA de ses demandes, fins et conclusions

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Quimper le 16 septembre 2022 en ce qu'il :

o « Rejette la demande de SARL SOLLER pour son remboursement de la

somme de 32.353,88 euros des charges locatives qu'elle a déjà réglé à la

SCI YACAMAPAJA ;

o Dit qu'il convient de retenir l'intégralité des frais de salaire de Monsieur

[N] pour le calcul des charges locatives récupérables auprès de la SARL

SOLLER ;

o Condamne la SARL SOLLER à verser la somme de 35.932,59 euros TTC à

la SCI YACAMAPAJA, au titre des charges locatives de copropriété ;

o Déboute la SARL SOLLER de sa demande de réparation de 1.000 euros

pour préjudice moral ;

o Condamne la SARL SOLLER à payer à la SCI YACAMAPAJA une indemnité

de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

o Déboute la société SOLLER de la totalité de ses autres demandes plus

amples et contraires, lesquelles visaient à :

. Obtenir la condamnation de la SCI YACAMAPAJA au paiement d'une

somme de 16.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de

procédure civile ;

. Obtenir la condamnation de la SCI YACAMAPAJA aux entiers dépens

en ce compris les frais d'expertise judiciaire

o - Condamne la SARL SOLLER aux entiers dépens de la présente instance

lesquels comprennent notamment les frais d'expertise, les frais de greffe

liquides pour le présent jugement à la somme de 63,36 euros ».

ET STATUANT DE NOUVEAU, il est demandé à la Cour d'appel de :

A titre principal :

o DÉBOUTER de la SCI YACAMAPAJA de ses demandes, fins et conclusions ;

o JUGER que le bail commercial du 21 octobre 2014 ne précise pas la clé de répartition des charges refacturables à la société SOLLER ;

En conséquence :

o DÉCHARGER la SARL SOLLER du paiement des charges mentionnées dans le bail commercial du 21 octobre 2014 ;

o CONDAMNER la SCI YACAMAPAJA à restituer à la SARL SOLLER la somme de 32.353,88 euros correspondant aux provisions sur charges payées entre le 23 septembre 2016 et le 23 juillet 2018 ;

A titre subsidiaire et si la clé de répartition des charges était jugée déterminable:

o JUGER que les charges locatives du bail commercial du 21 octobre 2014 ne

comprennent que celles visées expressément à l'article 10.1 du bail commercial du 21 octobre 2014 ;

o EXCLURE, par conséquent, du calcul des charges récupérables les frais de gardiennage, les salaires et frais de l'emploi de M. [N], les frais de visites annuelles de sécurité de l'ensemble immobilier ;

o JUGER que la clé de répartition des charges de l'ensemble immobilier applicable au bail commercial du 21 octobre 2014 est de 24,24% des charges conventionnellement refacturables de l'ensemble immobilier ;

o JUGER que les régularisations de charges émanant de la SCI YACAMAPAJA sont irrégulières ;

En conséquence :

DÉCHARGER la SARL SOLLER du paiement de la somme de 35.932,59 euros TTC réclamée par la SCI YACAMAPAJA ;

CONDAMNER la SCI YACAMAPAJA à restituer à la SARL SOLLER la somme de 32.353,88 euros correspondant aux provisions sur charges payées entre le 23 septembre 2016 et le 23 juillet 2018 ;

En toutes hypothèses :

o CONDAMNER la SCI YACAMAPAJA au paiement de la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

o CONDAMNER la SCI YACAMAPAJA aux entiers dépens en ceux compris les frais d'expertise judiciaire de première instance.

Par conclusions du 04 décembre 2023, la SCI YACAMAPAJA a demandé à la Cour de :

- DÉCLARER recevable et bien fondé la SCI YACAMAPAJA en son appel incident de la décision rendue le 16 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Quimper,

Y faisant droit,

- INFIRMER le jugement sus énoncé en ce qu'il a :

. Dit qu'il n'y a lieu de majorer la somme de 35.932,59 euros avec des intérêts au taux légal,

. Débouté la SCI YACAMAPAJA de sa demande de paiement de la somme de 11.537,90 euros TTC, avec intérêt au taux légal compter du 4 juin 2019, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2014 a 2021,

Statuant a nouveau :

CONDAMNER la SARL SOLLER à payer à la SCI YACAMAPAJA, la somme de 35.932,59 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2022 outre capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

CONDAMNER la SARL SOLLER à payer à la SCI YACAMAPAJA la somme de 11.537,90 euros TTC, avec intérêt au taux légal, à compter du 17 mai 2022, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2014 à 2021,

CONFIRMER pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes,

DÉBOUTER la SARL SOLLER de toutes ses demandes,

CONDAMNER la SARL SOLLER au paiement de la somme de 22.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la SARL SOLLER aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, avec droit de distraction pour ceux d'appel au profit de Me CHAUDET.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur le droit applicable :

Le bail a été signé les 10 et 21 octobre 2014 et rappelle qu'à la date de sa signature, la loi Pinel a été promulguée mais non son décret d'application.

La loi 2014-626 du 18 juin 2014 dite loi Pinel prévoyait qu'elle entrerait en vigueur le 1er jour du troisième mois suivant sa promulgation soit le 1er septembre 2014.

Toutefois son décret d'application, soit le décret 2014-1317, n'a été publié que le 03 novembre 2014.

Ne pouvaient donc entrer en application au 1er septembre 2014 que les dispositions de la loi que le décret d'application ne venait pas préciser.

S'agissant des charges locatives, la loi Pinel a créé un article L145-40-2 du code de commerce rédigé comme suit :

Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :

1° Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;

2° Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d'information des preneurs.

Le décret du 03 novembre 2014 a créé pour sa part un article R145-35 du code de commerce rédigé comme suit :

Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ;

3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;

4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ;

5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.

La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l'ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.

Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique.

Un bail est un contrat c'est à dire que les stipulations qu'il contient doivent recueillir le consentement des deux parties.

Il n'est pas possible de consentir à une liste de charges limitativement établie lorsque la nature même des charges qu'un bailleur peut récupérer sur un locataire reste à déterminer.

Il en résulte que les dispositions de l'article L145-40-2 de la loi dite Pinel ne sont pas applicables au contrat de bail litigieux, signé avant la parution du décret d'application, et que s'agissant des charges locatives, était applicable le droit antérieur à la loi Pinel, soit la liberté consensuelle.

Sur le litige :

Il doit être rappelé que la copropriété étant en déshérence, des mandataires judiciaires sont intervenus pour l'administrer.

D'autre part, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à un expert-comptable, avec pour mission de :

- donner son avis sur la conformité aux règles fiscales de la facture de régularisation établie par la SCI YACAMAPAJA,

- donner son avis sur la répartition des charges opérée par la SCI YACAMAPAJA entre propriétaire et locataire en considération du bail et des principes généraux applicables,

- faire une proposition de répartition des charges entre la SCI YACAMAPAJA et la SCI SOLLER.

L'expert judiciaire a refait l'historique de la gestion de la copropriété et indiqué que :

- de 2014 au mois de mars 2015, un syndic (IMHOTEP) gérait la copropriété,

- qu'un administrateur provisoire a été désigné le 11 mars 2015 (Me [K]) qui n'a tenu aucune comptabilité et n'a pu faire désigner un syndic,

- que le cabinet AJIRE a été désigné par ordonnance, du 12 septembre 2016 au 12/09/2018, et a procédé à un important travail de remise à plat de la comptabilité, aidé en cela à par le cabinet KPMG,

- le cabinet AJIRE a reçu un second mandat, du 24 juillet 2019 ai 08 avril 2020 et s'est fait assister de syndics pour opérer les répartitions,

- que pour sa part et devant l'absence de syndic régulièrement désigné, la société YACAMAPAJA s'était elle-même fait assister par un syndic pour établir ses décomptes.

L'expert a pu en conclure que s'agissant des justificatifs de charges (factures), ceux-ci étaient tous fournis, seule restant la question de leur imputation (ou pas) au locataire et selon quelles règles.

Il a fait procéder à la société YACAMAPAJA à la régularisation des factures d'appel de fonds de la SCI YACAMAPAJA afin qu'elles fassent désormais apparaître toutes les mentions obligatoires et notamment la TVA récupérable.

Il a enfin effectué des propositions de répartition des charges en laissant à la juridiction saisie le soin de trancher les contestations émises par la société SOLLER, et pour information, a recherché ce qui avait été pratiqué antérieurement au renouvellement du bail de 2014, à l'époque à laquelle la copropriété était encore dotée d'un syndic, lequel adressait aux propriétaires le décompte des charges 'récupérables'.

La première contestation de la société SOLLER tient au fait que par application des dispositions de l'article L145-40-2 du code de commerce, la société YACAMAPAJA ne pourrait revendiquer le remboursement d'autres charges que celles qu'elle a fait énumérer dans l'article 10 du bail.

Il a été dit plus haut que les dispositions de l'article L145-40-2 du code de commerce n'étaient pas applicables au litige.

Le bail contient plusieurs dispositions applicables aux charges récupérables.

L'article 10 est intitulé 'charges communes' et rédigé comme suit :

'En sus du loyer, le preneur réglera au bailleur sa quote-part des charges communes de l'ensemble immobilier.

Cette quote-part est calculée en fonction de la surface effectivement occupée parle preneur (...).

Ces charges communes, notamment, sont :

- la consommation d'eau,

- la consommation d'électricité,

- les frais liés aux produits d'entretien,

- les frais de nettoyage et d'entretien des locaux,

- les frais de réparation locatives imprévues,

- les frais liés aux salaires, charges sociales, taxe sur salaires et à la médecine du travail des femmes de ménage,

- les frais d'entretien divers,

- les frais d'entretien de VMC,

- les frais d'entretien du matériel incendie,

- les charges d'ascenseur à savoir les frais d'abonnement téléphonique et d'entretien,

- et enfin les honoraires du syndic.

Le bail prévoit aussi page 5 que :

'le preneur aura également à sa charge l'entretien des lieux loués, l'entretien complet de l'ensemble immobilier tel que prévu à l'article 10 charges communes (...)'

Il est aussi écrit page 8 :

'le preneur satisfera à toutes les charges de ville et de police dont les locataires sont ordinairement tenus (...)et notamment il acquittera :

- les contributions personnelles et mobilières,

- les taxes locatives,

- la contribution économique territoriale,

- la taxe de balayage,

- la taxe d'écoulement à l'égout

Et plus larguement, toutes autres impôts créés ou à créer qui pourraient être à sa charge et ont les propriétaires pourraient être responsables (...).'

Les frais de gardiennage et de sécurité :

Est contestée par la société SOLLER l'inclusion dans les charges récupérables des frais de gardiennage DELTA SECURITY et des frais relatifs à l'emploi de M. [N].

Les factures de la société DELTA SÉCURITÉ sont relatives à de la télésurveillance.

Le contrat de travail conclu entre le syndicat des copropriétaires et M. [N] mentionne qu'il effectue les tâches suivantes, à hauteur de 41 heures par semaine :

- fermeture des grilles le soir,

- ménage dans les parties communes de 10H30 à 12H30 et de 18H à 20 H du mardi au samedi inclus,

- gardiennage avec rondes de 14 h à 18 heures du mardi au samedi inclus.

Le gardiennage et la télésurveillance ne constituent pas des travaux de sécurité (page 5 du bail).

Le bail prévoit ensuite que le preneur doit maintenir les lieux loués en bon état d'entretien, de fonctionnement, de sécurité et propreté (...) et veiller à la sécurité d'usage et de circulation.

Cet article du bail n'est pas applicable au travail de M. [N], qui est exécuté dans les parties communes.

La prise en charge de la partie ménage du salaire de M. [N] est incontestable au regard de l'article 10 (- les frais liés aux salaires, charges sociales, taxe sur salaires et à la médecine du travail des femmes de ménage,).

Le gardiennage et la télésurveillance sont une charge commune pour l'ensemble immobilier, que le preneur est tenu de prendre en charge aux termes de l'article 10 du bail (Ces charges communes, notamment ...).

Au surplus, la présence de M. [N] est indispensable à l'exploitation du commerce de la société SOLLER puisqu'il lui appartient de conduire les personnes handicapées dans l'ascenseur pour qu'elles puissent parvenir dans le commerce.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a dit que l'intégralité du salaire de M. [N] et les frais de télésurveillance devaient être intégrés aux charges récupérables.

Les frais de publicité, de comptabilité, de FARAGOC et les frais d'assurance :

Cette contestation n'a été portée ni devant l'expert ni devant le juge de première instance.

Elle tient en deux lignes dans les conclusions de la société SOLLER, qui ne précise dans quelles factures de la société YACAMAPAJA ces charges apparaissent.

A l'examen des cinquante et une factures formant la pièce numéro 15 de la société YACAMAPAJA apparaissent :

- une facture SOCOTEC du 21 octobre 2016, adressée à l'administrateur provisoire ; cette facture ne mentionne pas la nature des vérifications effectuées, de sorte qu'il n'est pas possible de l'inclure dans les charges récupérables sur le locataire,

- une facture de publicité légale de la désignation de l'administrateur judiciaire: celle-ci ne peut être récupérée par le locataire, étant due uniquement à l'incurie de la copropriété,

S'agissant des frais de comptabilité, le bail met à la charge du locataire les frais de syndic.

La société KPMG, mandatée par la société AJIRE, a tenu la comptabilité quotidienne de la copropriété de la façon dont l'aurait faite un syndic s'il avait pu en être désigné un.

Compte tenu des termes précis du bail, ces frais sont récupérables sur le locataire.

S'agissant des frais d'assurance, la Cour n'a pas retrouvé de factures à ce titre et la contestation, en l'absence de toute précision, ne peut aboutir.

Enfin, la Cour ne sait pas ce qu'est 'FARAGOC'.

La répartition de la quote-part due par le locataire :

Le bail prévoit dans son article 10 'le preneur réglera au bailleur sa quote-part des charges communes de l'ensemble immobilier. Cette quote-part est calculée en fonction de la surface effectivement occupée par le preneur'.

La société SOLLER soutient que ne sont précisées ni la surface qui lui est louée, ni la surface totale de l'immeuble, et qu'ainsi, le bailleur ne pourrait lui réclamer aucune charge.

Toutefois, dans la partie 'désignation', le bail mentionne expressément que le bail est relatif aux lots numéro 1, 2 et 3 de la copropriété, en précisant pour chacun le nombre de tantièmes des parties communes.

D'autre part, l'article 5 de la loi 65-557 sur la copropriété, dans sa version applicable à la date de signature du bail, prévoit que 'Dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l'ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l'établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation.'

La répartition des tantièmes se fait donc eu égard à la superficie des lots et il est possible de retenir que les lots numéros 1, 2 et 3, à raison de leur superficie, supportent 24,04% des charges (et non 24,24% comme indiqué par erreur dans les conclusions du preneur aux termes de son addition des tantièmes).

L'expert judiciaire a retenu un taux de 25,44% (des seules charges récupérables) qui vient du fait que le bailleur, à raison de la situation des lots 1, 2 et 3 au sous-sol, supporte une quote-part plus élevée des charges de l'ascenseur et de l'escalier.

Toutefois, le bail en litige fixant l'imputation au preneur de la quote-parte des charges communes à un pourcentage de la surface, le taux retenu par l'expert (calculé sur les charges récupérables uniquement) ne peut être retenu.

La Cour devra donc reprendre plus bas, pour établir les comptes, les calculs de M. [G] en leur appliquant un taux de 24,04% et en enlevant les factures de SOCOTEC et de publication légale.

Enfin, aucune décision d'assemblée générale ne peut utilement être demandée au bailleur, la désignation d'un administrateur provisoire ayant vocation à se substituer à l'impossible fonctionnement de la copropriété.

La taxe des ordures ménagères :

L'article 1523 du code général des impôts stipule que la taxe des ordures ménagères est imposée au nom des propriétaires ou usufruitiers et est exigible contre eux et leurs principaux locataires.

L'article 8 du bail, permet au bailleur de demander au preneur le remboursement des taxes locatives et des impôts pouvant légalement être à la charge des locataires ne permet pas à la SCI YACAMAPAJA de demander le remboursement de la taxe des ordures ménagères à la société SOLLER.

Un impôt défini comme exigible contre les locataires est un impôt 'pouvant légalement être à la charge des locataires'.

Dès lors, la société YACAMAPAJA est fondée à demander à son locataire le remboursement de la taxe des ordures ménagères et le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur les comptes :

Compte tenu de ce qui précède, en reprenant les calculs réalisés par l'expert judiciaire et en les retraitant au regard des motifs qui précèdent le compte est le suivant:

2015 :

- charges générales récupérables: 29.603,47 euros

- M. [N]: 37.316,43 euros

total : 66.919,90 euros

part société SOLLER: 24,04% x 66.919,90 = 16.087,54 euros

- à déduire: paiement : 14.953,40 euros

solde dû : 1.134,14 euros.

2016 :

- charges générales récupérables: 30.149,14 euros

- à déduire SOCOTEC : 1.726,19 euros

- publication : 80,10 euros

total : 28.342,85 euros

- M. [N] : 40.581,03 euros

total récupérable : 68.923,88 euros

part société SOLLER : 24,04% x 68.923,88 = 16.539,30 euros TTC

- à déduire paiement : 5.574,85 euros

solde dû : 10.964,45 euros.

2017 :

- charges générales récupérables : 22.746,09 euros

- M. [N] : 47.713,03 euros

- KPMG : 11.069,50 euros

total récupérable : 81.528,62 euros

part société SOLLER : 24,04% x 81.528,62 = 19.599,48 euros.

- à déduire paiement : 19.883,97 euros

solde dû : - 284,49 euros.

2018 :

- charges générales récupérables : 14.464,41 euros

- M [N] : 33.070,55 euros

- KPMG: 9.871,00 euros

total charges récupérables: 57.405,96 euros

part société SOLLER: 24,04% x 57.405,96 = 13.800,39 euros

- déduire paiement: 6.895,06 euros

solde dû : 6.905,33 euros.

2019 :

- charges générales récupérables : 15.054,49 euros

- M. [N] : 32.287,05 euros

total charges récupérables : 47.341,54 euros

part société SOLLER: 24,04% x 47.341,54 euros = 11.380,90 euros

- à déduire : 0 euros

solde dû : 11.380,90 euros.

Le montant des sommes dues par la société SOLLER est par conséquent de 30.100,33 euros.

La société SOLLER est condamnée au paiement de cette somme, qui portera intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2022, soit de la date à laquelle la SCI YACAMAPAJA a versé aux débats des factures conformes aux préconisations de l'expert judiciaire, avec capitalisation par année entière.

La société SOLLER est aussi condamnée au paiement de la somme de 11.537,90 euros de taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2014 à 2021 inclues.

La société SOLLER est déboutée de sa propre demande de restitution.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Compte tenu de la situation très particulière de la copropriété, qui, combinée à une rédaction obsolète du bail, a conduit à des approximations sur le quantum et la nature des charges récupérables, les parties partageront par moitié les frais d'expertise.

La société SOLLER, qui succombe majoritairement, paiera à la société YACAMAPAJA la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté la demande de SARL SOLLER pour son remboursement de la somme de 32.353,88 euros des charges locatives qu'elle a déjà réglé à la SCI YACAMAPAJA ;

- dit qu'il convient de retenir l'intégralité des frais de salaire de Monsieur [N] pour le calcul des charges locatives récupérables auprès de la SARL SOLLER ;

L'infirme pour le solde.

Statuant à nouveau :

Condamne la société SOLLER à payer à la société YACAMAPAJA, au titre des charges récupérables des années 2015 à 2019 incluses, la somme de 30.100,33 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2022, avec capitalisation par année entière.

Condamne la société SOLLER à payer à la société YACAMAPAJA la somme de 11.537,90 euros de taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2014 à 2021 incluses.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Dit que les parties partageront par moitié les dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise.

Condamne la société SOLLER à payer à la société YACAMAPAJA la somme de 10.000 euros de frais irrépétibles.