Livv
Décisions

CA Nancy, 1re ch., 3 juin 2024, n° 23/01611

NANCY

Arrêt

Autre

CA Nancy n° 23/01611

3 juin 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 03 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01611 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGYV

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de BAR-LE-DUC,

R.G.n° 22/00586, en date du 7 juillet 2023

APPELANT :

Monsieur [O] [E]

né le 7 septembre 1971 à [Localité 4] (62)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Jean-Louis FORGET de la SELARL CONSEIL ET DEFENSE DU BARROIS, avocat au barreau de la MEUSE

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [G]

né le 25 février 1994 à [Localité 3] (55)

domicilié chez Madame [K] [H] - [Adresse 2]

Non représenté, bien que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui aient été régulièrement signifiées par acte de Me [W] [D], Commissaire de justice à [Localité 3] en date du 29 août 2023 remis à domicile

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2024, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 03 Juin 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Président, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [E] a acquis le 14 mai 2021 auprès de Monsieur [G] un véhicule d'occasion de marque Peugeot, modèle 607, immatriculé [Immatriculation 5] pour un prix de 3000 euros.

En raison de dysfonctionnements, Monsieur [E] s'est rendu le 3 juin 2021 chez un concessionnaire Peugeot qui a relevé la présence de défauts P1442 et P1434 - FAP, défaut convertisseur de la boîte de vitesse et une fuite vanne EGR AV.

Par courrier en date du 13 juin 2021 resté sans réponse, Monsieur [E] a sollicité auprès de Monsieur [G] la recherche d'une solution amiable.

Le 6 septembre 2021, une expertise amiable a été organisée par 1'assureur de Monsieur [E] à laquelle la société de contrôle technique qui a fait passer le contrôle au véhicule avant la vente était présente, et à laquelle Monsieur [G], bien que convoqué, ne s'est pas présenté.

Constatant que l'état général mécanique de ce véhicule ne permettait pas de l'essayer, l'expert amiable a fait une estimation de la remise en état du véhicule à la somme de 15750,43 euros.

Par ordonnance du 25 avril 2022, Monsieur [R] [F] a été désigné comme expert judiciaire.

Son rapport provisoire a été rendu le 31 mai 2022, son rapport définitif le 5 juillet 2022.

Par acte d'huissier signifié le 28 juillet 2022, Monsieur [E] a fait assigner Monsieur [G] devant le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc afin de faire prononcer la résolution de la vente du véhicule.

Par jugement contradictoire du 7 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc a :

- débouté Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Monsieur [E] aux dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé qu'au regard des conclusions de l'expert judiciaire, le vice affectant le véhicule ne le rendait pas impropre à son usage au motif que Monsieur [E] avait pu parcourir 6992 kilomètres depuis son achat. Ainsi, il a considéré que les conditions pour retenir un vice caché n'étaient pas réunies.

oOo

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 21 juillet 2023, Monsieur [E] a relevé appel de ce jugement.

Bien que la déclaration d'appel lui ait été régulièrement signifiée le 29 août 2023 par remise à étude, Monsieur [G] n'a pas constitué avocat.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 31 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [E] demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et 1645 du code civil, de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

Et en conséquence,

- infirmer intégralement le jugement querellé en ce qu'il a :

* débouté Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes,

* condamné Monsieur [E] aux dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le véhicule était affecté de vices cachés antérieurs à la vente et connus du vendeur,

- dire et juger que ces vices rendent le véhicule impropre à son usage,

En conséquence,

- prononcer la résolution de la vente aux torts et griefs exclusifs du vendeur,

- condamner Monsieur [G] à lui restituer le prix de vente soit la somme de 3000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour de la vente, soit le 14 mai 2021,

- dire et juger que Monsieur [G] devra reprendre son véhicule dans le mois de la signification du jugement à intervenir, et que, passé ce délai, Monsieur [E] pourra en disposer comme bon lui semble,

- condamner Monsieur [G] à lui verser la somme de 2808,91 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Monsieur [G] à payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [G] aux entiers dépens, y compris ceux de la procédure de référé et d'expertise ainsi que d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 20 février 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 25 mars 2024 et le délibéré au 3 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [E] le 31 août 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 20 février 2024 ;

A l'appui de son recours, Monsieur [O] [E] conteste la thèse de Monsieur [Z] [G] qui consiste à présenter les pannes qui ont été subies sur le véhicule acquis le 26 avril 2021 comme des dysfonctionnements résultant de l'usure normale de celui-ci qui présentait plus de 200000 km à l'achat ;

Se fondant que les conclusions des deux experts, il indique que les défectuosités de la boîte de vitesse automatique se sont manifestées quelques jours après l'achat ; l'expert a constaté qu'elles existaient en germe lors de la vente du véhicule, ce qui justifie sa demande de résolution du contrat ;

Il affirme que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le véhicule est devenu impropre à sa destination dès lors que l'expert a considéré qu'il n'était plus fonctionnel; il précise que s'il avait eu connaissance de cette panne, il n'aurait pas acquis le véhicule, la présence d'une boîte automatique étant pour lui déterminante compte-tenu de son handicap ; enfin il relève que le coût de la remise en état est sans commune mesure avec le prix d'acquisition, l'expert judiciaire ayant considéré qu'il était économiquement irréparable ; il relève que Monsieur [Z] [G] qui n'a immatriculé le véhicule que deux semaines avant la vente, en avait nécessairement connaissance ce qui justifie de prononcer la résolution du contrat à ses torts ;

S'agissant des conséquences, Monsieur [O] [E] sollicite le remboursement des frais de transport du véhicule d'un montant de 174,91 euros, de ceux du diagnostic à hauteur de 78 euros, des intérêts générés par le prêt qu'il a dû contracter pour acheter un nouveau véhicule à hauteur de 1916,60 euros ainsi que du trouble de jouissance journalier durant trente-deux jours à hauteur de 20 euros par jour, soit 640 euros. Il évalue la totalité de son préjudice à 2808,91 euros ;

Sur la garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du code civil, 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.

Pour que Monsieur [O] [E] puisse invoquer la garantie des vices cachés, il doit rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché, ce qui suppose la démonstration de quatre éléments.

Il est tout d'abord nécessaire d'établir l'existence d'un vice. En l'espèce, le rapport d'expertise révèle une avarie précoce et anormale du convertisseur et de la boîte de vitesse automatique, un encrassement du filtre à particules ainsi qu'un mauvais fonctionnement du radiateur ;

Contrairement à ce qu'a soutenu Monsieur [Z] [G], il ne s'agit pas là de conséquences d'une usure normale eu égard au kilométrage du véhicule lors de la vente, mais d'anomalies constituant des vices au sens des articles 1641 et suivants du code civil.

Il est ensuite nécessaire de démontrer que le vice était caché. Cette condition découle de l'article 1641 du code civil, précité, et de l'article 1642 du même code selon lequel 'le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même'.

L'appréciation du caractère occulte du vice doit être faite en fonction des connaissances que devait avoir l'acquéreur.

En l'espèce, Monsieur [O] [E] est un simple particulier qui ne dispose d'aucune connaissance spécifique en matière de véhicules automobiles. Dès lors, étant rappelé qu'il ne peut être exigé d'un particulier de se faire assister d'un professionnel pour d'une panne résultant d'une usure normale du véhicule, la condition de gravité est donc également remplie nonobstant les considérations du premier juge.

Enfin, selon l'interprétation donnée du texte, il est exigé que le vice caché soit antérieur à la vente. Il est cependant admis que ce vice caché pouvait n'exister qu''en germe' au moment de la vente, sa manifestation n'étant apparue qu'après.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire la présence une avarie précoce et anormale du convertisseur et de la boîte de vitesse automatique qui était existant au moins 'en germe' lors de la conclusion du contrat de vente, l'expert ajoutant que le voyant du filtre à particule était allumé, celui-ci ayant été mal entretenu, tout comme le radiateur.

La condition d'antériorité est donc remplie.

Enfin le vice est suffisamment grave en l'espèce, en ce qu'il empêche l'utilisation du véhicule qui est en outre économiquement irréparable.

Il résulte de ce qui précède que Monsieur [O] [E] démontre l'existence de vices cachés ouvrant droit à l'action en garantie prévue par les articles 1641 et suivants du code civil.

Sur les conséquences

Ainsi l'article 1644 du code civil prévoit que 'dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts' ;

En l'espèce, étant rappelé que le choix de l'action appartient à Monsieur [O] [E], il sera fait droit à sa demande de résolution de la vente.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il l'en a débouté et Monsieur [Z] [G] sera condamné à lui payer la somme de 3000 euros au titre de la restitution du prix.

S'agissant du point de départ des intérêts au taux légal, sera retenu le jour de la demande en justice équivalant à la sommation de payer, soit en l'espèce le 28 juillet 2022 et non du jour du versement de la somme.

Enfin, selon l'article 1645 du code civil, 'si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur' ;

Selon l'interprétation qui est donnée de ce texte, le vendeur professionnel est présumé connaître les vices ; cette présomption n'existe pas pour le vendeur particulier, comme Monsieur [Z] [G] en l'espèce pour lequel l'appelant doit démontrer que l'intimé avait connaissance des vices au moment de la vente.

À ce sujet, Monsieur [O] [E] affirme que Monsieur [Z] [G] ne pouvait ignorer les vices affectant le véhicule, en prenant en compte le fait que le vendeur n'avait fait immatriculer le véhicule à son nom que deux semaines avant la vente soit le 27 avril 2021.

L'expert judiciaire a constaté s'agissant des vices relevés, une avarie précoce et anormale du convertisseur et de la boîte de vitesse automatique, qu'il a pu constater après 10 minutes d'utilisation ; il précise que l'acheteur n'a pu s'en apercevoir, car il n'a fait un essai que durant 2 ou 3 km compte-tenu d'un manque de carburant ; il s'est en revanche aperçu de l'allumage du voyant correspondant à l'encrassement du filtre à particules pour lequel il indique que le vendeur l'a rassuré ;

Ainsi il résulte des développements qui précèdent que Monsieur [Z] [G] avait nécessairement connaissance avant la conclusion du contrat, des vices décrits par l'expert.

En conséquence, le caractère caché de ces défauts étant établi, il sera fait droit à la demande en dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1645 du code civil portant sur les sommes de 139,05 euros au titre des frais de remorquage, de produits et d'essence à l'exclusion des autres frais dont l'imputabilité n'est pas établie ainsi que de celle de 78 euros au titre de la facture du diagnostic de la panne ; s'agissant du coût de la souscription d'un emprunt bancaire pour financer un véhicule plus onéreux, il sera retenu dans la limite d'un tiers, part d'apport que représente le prix du véhicule en litige, soit à hauteur de la somme de 638,86 euros.

S'agissant du préjudice de jouissance il est établi du 3 juin 2021 au 5 juillet 2021 soit 32 jours ; l'indemnisation de 640 euros sollicitée est justifiée et sera octroyée ;

La condamnation au titre des dommages et intérêts portera par conséquent sur la somme de 1495,91 euros.

Sur les dépens et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Monsieur [Z] [G] succombant, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [O] [E] aux dépens.

Statuant à nouveau et y ajoutant, Monsieur [Z] [G] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à Monsieur [O] [E] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, la résolution du contrat de vente conclu le 26 avril 2021 entre Monsieur [Z] [G], vendeur, et Monsieur [O] [E], acheteur, portant sur le véhicule automobile Peugeot 607 immatriculé [Immatriculation 5] ;

Condamne Monsieur [Z] [G] à payer à Monsieur [O] [E] la somme de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2022 ;

Condamne Monsieur [Z] [G] à payer à Monsieur [O] [E] la somme de 1495,91 euros (MILLE QUATRE CENT QUATRE-VINGT-QUINZE EUROS ET QUATRE-VINGT-ONZE CENTIMES) à titre de dommages et intérêts ;

Condamne Monsieur [Z] [G] à payer à Monsieur [O] [E] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [Z] [G] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : M. BUQUANT.-

Minute en sept pages.