Livv
Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 4 juin 2024, n° 22/04667

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 22/04667

4 juin 2024

ARRET



[X]

C/

S.A.R.L. AGENCE CONCEPT IMMO - ULYSS'IMMO

VA/VB/SP/DPC

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU QUATRE JUIN

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/04667 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISU4

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

Madame [T] [X]

née le 24 Avril 1987 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Olympe TURPIN substituant Me Christelle VANDENDRIESSCHE, avocats au barreau d'AMIENS

APPELANTE

ET

S.A.R.L. AGENCE CONCEPT IMMO - ULYSS'IMMO agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Eugénie JOLLY substituant Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS

INTIMEE

DEBATS :

A l'audience publique du 02 avril 2024, l'affaire est venue devant M. Vincent ADRIAN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 juin 2024.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, Présidente, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 04 juin 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.

*

* *

DECISION :

Par acte notarié du 10 mars 2015, Mme [T] [X] a acquis auprès de M. [K] [M] une maison individuelle à usage d'habitation avec garage et jardin, située à [Localité 5] (80), [Adresse 1], au prix de 104 000 euros.

Exposant avoir découvert lors de son emménagement un dysfonctionnement de la cheminée ainsi qu'un affaissement du plafond de la véranda, Mme [X] a fait dresser le 29 novembre 2016 un procès-verbal de constat par un huissier de justice, puis a sollicité de M. [M] une prise en charge financière des réparations selon elle nécessaires, sans succès.

Elle l'a en conséquence, par acte du 30 mars 2017, fait assigner, ainsi que la société Agence concept immo, exerçant sous le nom commercial 'Ulyss-Immo', par l'entremise de laquelle le compromis de vente avait été signé, ainsi que Mme [B] [U], notaire à [Localité 6], ayant rédigé l'acte notarié de vente, devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Amiens aux fins d'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.

M. [M] a mis en cause M. et Mme [L] [G], anciens propriétaires de l'immeuble.

Par ordonnance du 12 juillet 2017, le juge des référés a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [D] [Y], lequel a déposé son rapport définitif le 26 septembre 2018.

Par exploits d'huissier des 4 et 9 septembre 2020, Mme [X] a fait assigner M. [M] et la société Agence concept immo devant le tribunal judiciaire d'Amiens en indemnisation de ses préjudices.

Aux termes de ses dernières conclusions, elle a demandé au premier juge, au visa des articles 1641 et 1241 du code civil, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

- y faisant droit, constater l'existence d'un vice caché s'agissant du fonctionnement de la cheminée dont M. [M] est responsable ;

- le condamner à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :

' la somme de 588 euros correspondant au coût de l'examen du conduit de cheminée réalisé par la société JDC intervention, en sa qualité de sapiteur ;

' la somme de 2 565,42 euros correspondant au coût des travaux de remise en état du conduit de cheminée ;

' la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice économique et moral ;

- constater les manquements de la société Agence concept immo à son obligation de conseil et d'information à son égard, relativement à l'état de la véranda ;

- la condamner à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :

' la somme de 23 703,90 euros correspondant au coût des travaux de réfection de la véranda ;

' la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

' la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamner solidairement M. [M] et la société Agence concept immo à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner la société Agence concept immo aux dépens, en ce compris ceux de la procédure de référé ainsi que les frais d'expertise judiciaire.

M. [M] et la société Agence concept immo ont comparu et se sont opposés à ces demandes.

Par jugement du 14 septembre 2022, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

- déclaré la S.A.R.L. Agence concept immo, exerçant sous le nom commercial « Ulyss'immo », irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de la violation par Mme [T] [X] du principe de non-cumul des actions en responsabilité civile contractuelle et extracontractuelle,

- débouté Mme [T] [X] de l'intégralité de ses prétentions formées à l'encontre de M. [K] [M] sur le fondement de la garantie des vices cachés,

- débouté Mme [T] [X] de l'intégralité de ses prétentions formées à l'encontre de la S.A.R.L. Agence concept immo, exerçant sous le nom commercial « Ulyss'immo », sur le fondement de la responsabilité civile extracontractuelle,

- débouté Mme [T] [X] de sa demande d'indemnité présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [T] [X] à payer à M. [K] [M] la somme de 2 000 euros et à la S.A.R.L. Agence concept immo, exerçant sous le nom commercial « Ulyss'immo », la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [T] [X] aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé aux fins d'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire ainsi que les frais d'expertise judiciaire,

- rappelé que sa décision était exécutoire de droit à titre provisoire.

Mme [X] a relevé appel de chacun des chefs de ce jugement.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 7 novembre 2023, Mme [X] demande à la cour de :

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté Mme [T] [X] de l'intégralité de ses prétentions à l'égard de M. [K] [M] sur le fondement de la garantie des vices cachés,

- Débouté Mme [T] [X] de l'intégralité de ses prétentions à l'égard de SARL Agence concept immo, exerçant sous le nom commercial Ulyss'immo, sur le fondement de la responsabilité civile extracontractuelle,

- Débouté Mme [T] [X] de sa demande d'indemnité présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [T] [X] à payer à M. [K] [M] la somme de 2 000 euros et à la SARL Agence concept immo, exerçant sous le nom commercial Ulyss'immo, la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [T] [X] aux dépens, en ceux compris les dépens de la procédure de référé aux fins d'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire ainsi que les frais d'expertise judiciaire (').

Statuant à nouveau :

- Constater l'existence d'un vice caché s'agissant du fonctionnement de la cheminée, dont M. [M] est responsable,

- Condamner M. [M] au paiement des sommes suivantes :

. 588 euros correspondant au coût de l'examen du conduit de cheminée réalisé par le sapiteur, la société JDC intervention.

. 2.565,42 euros correspondant aux travaux de remise en état du conduit de cheminée,

. 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et moral de Mme [X],

- Constater les manquements de l'agence Ulyss'immo en son obligation de conseil et d'information à l'égard de Mme [X].

- Condamner l'agence Ulyss'immo à lui verser les sommes suivantes :

. 23 703,90 euros pour la réfection de la véranda,

. 5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

. 2 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- La condamner au paiement des dépens de la présente instance et de l'instance en référé, en ceux compris les frais d'expertise,

- Condamner l'Agence Ulyss'immo au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Confirmer le jugement en ce qu'il :

- Déclaré la SARL Agence concept immo, exerçant sous le nom commercial Ulyss'immo, irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de la violation par Mme [T] [X] du principe de non-cumul des actions en responsabilité civile contractuelle et extracontractuelle.

Par conclusions notifiées le 7 avril 2023, la société Agence concept immo sollicite de voir :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Débouter Mme [T] [X] de l'intégralité de ses demandes en cause d'appel ;

Ce faisant,

Condamner Mme [X] à payer à la société Agence immo concept la somme de « 40000,00 »euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [M] n'a pas constitué.

L'instruction a été clôturée le 10 janvier 2024.

MOTIVATION

A titre liminaire, il sera rappelé que par ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 mars 2023, la déclaration d'appel de Mme [X] a été déclarée caduque en tant qu'elle était dirigée contre M. [M].

Les demandes de Mme [X] seront donc déclarées irrecevables à son encontre.

1. Sur l'action en responsabilité exercée à l'encontre de l'agence immobilière.

Mme [X] soutient que l'agence immobilière a manqué à son devoir de conseil à son égard en ne lui signalant pas la fragilité de l'édifice qui, de fait, s'est affaissé, et son ancienneté, puisqu'il s'avère que la véranda n'était pas solide et qu'elle avait été construite en 2000, quinze ans avant la vente, ce qu'elle aurait 'à tout le moins' aimé savoir, sachant que ce sont cette véranda et la lumière quelle apporte qui l'ont décidée à acheter.

En droit, l'agent immobilier est tenu, conformément aux dispositions de l'article 1382 ancien du code civil, à une obligation contractuelle de conseil et de renseignement envers son mandant, mais il est également soumis à une obligation de conseil envers le cocontractant de ce dernier ; il engage alors sa responsabilité délictuelle, si la preuve est rapportée qu'il a eu connaissance de vices lors de la vente qu'il est en faute de ne pas avoir signalé à l'acquéreur (Civ. 3e, 29 juin 017 : pourvoi n°16-18087).

En l'espèce, l'expert judiciaire a indiqué que 'la véranda litigieuse a été construite courant 2000 par la société Omer Croen pour le compte de M. [G] » (rapport, page 8).

M. [M] a acquis le bien de M. et Mme [G] 16 novembre 2012.

Le bien a été revendu à Mme [X] le 10 mars 2015.

Dans son procès-verbal de constat du 29 novembre 2016, Maître [V], huissier, constate que :

- le plafond de la véranda s'affaisse,

- deux bastaings de bois soutenus par trois étais métalliques ont été posés en renfort afin de stopper l'affaissement du plafond de la véranda,

- la présence de marques noirâtres d'humidité en périphérie du plafond, devant les baies vitrées et contre le mur donnant sur la salle de la maison,

- la présence de marques de coulures de liquide sur le mur donnant sur le salon, au-dessus du radiateur, et autour du point lumineux' (pièce [X] 2, pages 2 et 3).

M. [Y], expert judiciaire, dans son rapport définitif du 26 septembre 2018, relève quant à lui que :« La sous-face du plafond de la véranda présente un important affaissement. Devant cette situation, Mme [X] a procédé à la mise en place de 3 étais métalliques. À droite de la porte-fenêtre du corps principal du pavillon, le joint souple placé en jonction du plafond et du mur de façade arrière est particulièrement dégradé. Sur le revêtement mural, nous avons relevé la présence de coulures verticales d'eau matérialisant des infiltrations d'eaux consécutives à un défaut d'étanchéité de la couverture de la véranda. [...] ».

Néanmoins, rien n'établit que cet affaissement de la toiture existait au moment de la vente, ou qu'il était décelable comme vice évolutif pour un agent immobilier normalement attentif qui n'est pas un professionnel de la construction.

L'agent immobilier, chargé de l'entremise aux fins de la vente et de l'efficacité de l'acte, n'a pas à effectuer des investigations non justifiées par l'état apparent de l'immeuble (Civ.3e, 21 janvier 2015, n° 13-17982).

A cet égard, l'expert émet trois hypothèses, à savoir :

- soit une 'insuffisance de la structure de la couverture de la véranda', précisant toutefois qu''à supposer que la structure de la couverture soit insuffisante, le fléchissement de la couverture serait survenu bien avant ce délai de 16 ans. Cette première hypothèse ne peut être retenue',

- soit une 'surcharge occasionnelle liée à la neige', rappelant que 'l'hiver 2012-2013 a été l'occasion de fortes chutes de neige', mais faisant cependant remarquer qu''à supposer que cette surcharge n'ait pu être supportée par la structure de la couverture de la véranda, la déformation irréversible des profils structurels ainsi que le fléchissement de la couverture auraient été immédiats (et non pas 3 ans plus tard). Cette seconde hypothèse ne peut être retenue',

- soit, enfin une 'surcharge liée à la circulation d'individus sur la couverture ', expliquant avoir noté la présence de gouttes de peinture permettant d'affirmer que 'des travaux de peinture ont été entrepris en façade arrière de l'étage de l'habitation, ce postérieurement à la construction de la véranda', soulignant dès lors qu''on ne peut exclure que, lors de ces travaux, les dispositions nécessaires à la circulation sur la couverture de la véranda (pose de planches ou panneaux permettant une répartition des charges de circulation) n'aient pas été mises en 'uvre', mais concluant néanmoins qu''à supposer que la surcharge de circulation n'ait pu être supportée par la structure de la couverture de la véranda, la déformation irréversible des profils structurels ainsi que le fléchissement de la couverture auraient été immédiats (et non pas 3 ans plus tard). Faute d'éléments factuels, cette troisième hypothèse ne peut être retenue' (rapport, pages 9 et 10).

Dès lors, si l'existence des désordres affectant la toiture est avérée, l'expert judiciaire se garde bien d'affirmer que le vice serait antérieur à la vente, étant observé que Mme [X], comme l'agence et le premier juge l'ont relevé judicieusement, n'exerce aucune action en garantie des vices cachés à l'égard du vendeur sur ce point.

Consciente des faiblesses de son action, cette dernière soutient néanmoins que 'l'agence Ulyss'immo aurait dû, à tout le moins, s'enquérir de la date de construction de la véranda afin de [lui] délivrer une information complète', chargeant l'agence d'une responsabilité d'investigation et d'information qui, comme il a été vu plus haut, ne lui appartient pas.

En outre, Mme [X] a visité les lieux à trois reprises avant la signature de l'acte définitif (page 5 du rapport).

Elle devait donc être déboutée de ses demandes dirigées contre l'agence immobilière, le jugement devant en cela être confirmé.

2. Sur les demandes accessoires relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

Le jugement, mérite d'être confirmé.

Mme [X], qui échoue en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer la somme de 4 000 euros à la société Agence concept immo, et déboutée de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, dans les limites de la dévolution,

Déclare irrecevables les demandes de Mme [T] [X] formées à l'encontre de M. [K] [M],

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Amiens le 14 septembre 2022,

Condamne Mme [T] [X] aux dépens d'appel et à payer à la société Agence concept immo la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

La déboute de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles,

Rejette les demandes contraires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE