CA Amiens, ch. économique, 30 mai 2024, n° 21/04325
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Real Investissement, Administrateurs Provisoires (SAS), R&D (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grevin
Conseillers :
Mme Leroy-Richard, Mme Dubaele
Avocats :
Me Bibard, Me Boudoux d'Hautefeuille, Me Petreschi, Me Tany
DECISION
La SA Polyclinique de Picardie créée en 1989 a pour objet l'exploitation de toutes cliniques et maisons d'hospitalisation privées ainsi que de tous établissements d'accueil et d'hébergement des personnes âgées et de soins à ces personnes.
Son capital était réparti entre différents praticiens, aucun ne détenant à lui seul une majorité.
Au cours des années, elle est devenue un acteur majeur de la santé en région picarde.
Elle a été dirigée conjointement par les docteurs [R] et [Y].
Courant 2011 un différend entre plusieurs associés est né à la suite notamment de travaux effectués par la clinique mais payés par la SCI propriétaire des murs dirigée par les mêmes praticiens et en raison du projet du docteur [R] de vendre la société au groupe Vivalto Santé.
Ces différends devaient conduire à une mise sous séquestre des actions détenues par la société CPI dans laquelle les docteurs [R] et [Y] étaient associés à égalité.
Pour éviter de nouveaux conflits entre des groupes d'associés les docteurs [Y], [F] [H] et [U] ont décidé de constituer un bloc de contrôle majoritaire afin de prendre le contrôle de la SA Polyclinique de Picardie en créant une société nouvelle, la société Réal investissement à laquelle ils ont apporté leurs actions de la Polyclinique représentant 50,55% du capital de celle-ci et ont signé le 22 février 2012 un protocole arrêtant les principes et les modalités de leur association et les règles de gouvernance de la nouvelle société et le 19 mars 2021 un contrat d'apport de leurs actions.
Le protocole a été signé entre six associés de la SA Polyclinique M. [M] [Y], M. [P] [F], Mme [V] [Y] née [G], M. [U] et M. [H] et la société AZUR.
La société Réal investissement devenue associée majoritaire de la SA Polyclinique de Picardie est dirigée par un président nommé pour trois ans renouvelables, assisté d'un comité exécutif composé de quatre membres dont le président membre de droit également nommés pour trois ans renouvelables ayant pour mission de définir les orientations stratégiques de la société et de contrôler sa gestion, de procéder aux contrôles et vérifications qu'il jugera opportuns, d'arrêter les comptes annuels et le budget annuel de la société.
Il a, en outre, été prévu des règles de majorité renforcées pour garantir les droits des minoritaires.
Un pacte d'associés a été signé le 6 avril 2012 prévoyant notamment que chaque partie consent aux autres parties un droit de préemption portant sur les titres qu'elle détient ou détiendra et pour lesquels elle souhaiterait effectuer un transfert au bénéfice d'une autre partie ou d'un tiers.
Dans les mois ayant suivi sa création, la société Réal investissement a fait l'acquisition de la SA Holding du Groupe de [8] au moyen d'un prêt pour un montant total de 5.400.000 euros et d'apports en compte courant des associés dont la restitution a été subordonnée au remboursement du prêt.
Le docteur [Y] a été nommé président et le comité stratégique a été composé des docteurs [Y], [F], [H] et [U]. Ces nominations ont été renouvelées en 2014.
En 2017, face aux difficultés de trésorerie de la société Réal Investissement faute de remontées de dividendes suffisants notamment de la SA Polyclinique de Picardie et à l'impératif du remboursement du prêt contracté pour l'acquisition du groupe médical de [8] une mésentente est survenue entre les associés qui ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur les différentes solutions se présentant à eux, nouveaux apports en comptes courants, rééchelonnement du prêt ou revente du groupe médical de [8].
Les docteurs [U] et [H] ont fini par céder le 4 juillet 2018 leurs actions au docteur [Y], les consorts [Y] détenant alors 58,31 % du capital et le docteur [F] 41,68 %.
La mésentente, empêchant la désignation du nouveau président et du comité stratégique, a conduit les consorts [Y] et le docteur [F] à solliciter la désignation d'un administrateur provisoire pour assurer la gestion temporaire de la société le temps nécessaire au renouvellement des organes sociaux.
Par ordonnance de référé en date du 5 mars 2019, le président du tribunal de commerce d'Amiens a fait droit à ces demandes et a désigné le cabinet R&D, représenté par maître [C] [N], comme administrateur provisoire avec pour mission de gérer activement et passivement cette société jusqu'à ce qu'il en soit judiciairement décidé autrement ou à ce qu'intervienne une décision des associés procédant à la désignation d'un nouveau président et, outre ces pouvoirs généraux, avec la mission de rechercher avec les actionnaires une solution à leurs différends et de réunir dès qu'il l'estimera opportun l'assemblée générale afin qu'elle désigne un comité stratégique et un président conformément aux statuts, les frais de sa mission étant employés en frais privilégiés d'administration.
Il sera précisé par ordonnance sur requête en date du 26 octobre 2020 que la mission de l'administrateur provisoire comporte dans le cadre de son mandat général de gestion active et passive de la société Real investissement la mission d'établir et arrêter les comptes sociaux et consolidés moyennant si nécessaire modification de la méthode comptable et d'établir le projet d'affectation du résultat de chaque exercice puis de les soumettre à l'assemblée générale des actionnaires.
Par décision en date du 25 juillet 2023, le président du tribunal de commerce d'Amiens a rejeter la demande de rétractation formée par M. [P] [F].
Par exploit d'huissier en date du 21 août 2019, le docteur [F] a fait assigner la société Réal investissement prise en la personne de son administrateur provisoire, les époux [Y] et la société Azur devant le tribunal de commerce d'Amiens aux fins de voir prononcer la dissolution de la société Réal investissement pour juste motif en application de l'article 1844-7 du code civil.
Par jugement en date du 22 juillet 2021, le tribunal de commerce d'Amiens a débouté le docteur [F] de sa demande en dissolution de la société Réal investissement et l'a condamné à payer in solidum aux époux [Y] et à la société civile Azur la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la somme de 1000 euros à l'administrateur provisoire sur le même fondement, et le paiement de ses frais et honoraires.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 août 2020, M. [P] [F] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance de référé de la première présidente de la cour d'appel d'Amiens en date du 23 mars 2023, M. [P] [F] a été dit irrecevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 22 juillet 2021 en ce qu'il l'a condamné à payer la totalité des frais et honoraires de l'administration provisoire.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 28 août 2023, M. [P] [F] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau de prononcer la dissolution de la SAS Real investissement pour juste motif de désigner un liquidateur aux fins de réaliser ses actifs, de juger que les frais et honoraires de l'administrateur provisoire resteront à la charge de la société Réal investissement, de débouter les consorts [Y] et la SCI Azur de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes et les condamner à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 01 septembre 2023, les époux [Y] et la société Azur demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, de juger recevable leur appel incident et d'infirmer en conséquence le jugement entrepris sur le quantum des dommages et intérêts et statuant à nouveau de condamner M. [F] à leur payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.
En tout état de cause, ils demandent la condamnation de M. [F] à leur payer in solidum la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens d'appel.
Aux termes de leurs conclusions remises le 8 février 2022, la société Réal investissement représentée par la SELARL R&D ès qualités d'administrateur provisoire et la SELARL R&D prise en la personne de maître [C] [N] ès qualité d'administrateur provisoire de la société Réal investissement demandent à la cour la confirmation du jugement entrepris du chef des frais irrépétibles accordés à la société Réal investissement et pour le surplus de leur donner acte de ce qu'ils s'en rapportent à justice sur le bien fondé de l'appel interjeté par M. [F] et de l'appel incident formé par les intimés.
Si la dissolution était prononcée, ils demandent la désignation d'un liquidateur.
Enfin, ils demandent que la partie succombante soit condamnée à leur payer à chacun la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Dore-Tany-Benitah.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2023.
SUR CE
Sur la dissolution de la société Réal investissement
Les premiers juges ont considéré qu'il n'y avait aucune paralysie de fonctionnement de la société Réal investissement, société financière et capitalistique, dès lors qu'un administrateur provisoire parvient à prendre les décisions essentielles relatives à l'approbation des comptes et que par ailleurs le docteur [F] était désormais à l'origine de la mésentente des associés.
En application de l'article 1844-7 du code civil, la société prend fin notamment par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs notamment en cas de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.
* Sur la paralysie de la société
M. [P] [F] soutient en premier lieu que le fonctionnement de la société Réal investissement est paralysé dès lors que le comité stratégique auquel le protocole d'accord confie un rôle primordial n'a pu être reconstitué du fait de la mésentente des associés et que la désignation d'un administrateur provisoire ne peut pallier l'absence de comité stratégique.
Il fait valoir que le comité stratégique constitué de la volonté expresse des associés ayant présidé à la création de la société l'élément moteur et primordial de la vie sociale et traduit la volonté ferme et irréductible des associés de garder un contrôle sur les décisions importantes de la vie sociale contrôle ne pouvant être délégué et que ses attributions ne peuvent être exercées par un tiers fut-ce un administrateur provisoire.
Il fait observer que du fait de la mésentente entre les associés aucun nouveau membre du comité stratégique n'a pu être nommé par la collectivité des associés et ce depuis plusieurs années en dépit de la mission confiée à l'administrateur provisoire qui fait lui-même le constat de son échec.
Il fait valoir que la mission d'un administrateur provisoire ne peut être perpétuelle et que si elle se prolonge sans aucune perspective de règlement du litige cela confirme la paralysie de la société qui ne peut pallier indéfiniment l'absence de comité stratégique et ce d'autant que de nombreuses décisions particulières doivent être soumises à l'autorisation préalable du comité stratégique dont l'absence rend impossible le fonctionnement normal de la société.
Il conteste en outre l'ordonnance sur requête en date du 26 octobre 2020 ayant statué en violation des statuts de la société en ce qu'elle a transféré à l'administrateur provisoire des attributions strictement dévolues par les statuts au comité stratégique et conféré ainsi à la même personne les prérogatives du président et celles du comité stratégique organe de contrôle.
Enfin, il fait observer que la dissolution de la société n'aura comme conséquence que de redistribuer entre ses associés les participations dans le capital social des différents établissements de santé au sein desquels elle était associée.
Les intimés font valoir que les dispositions adoptées par le protocole et les statuts visaient à protéger les minoritaires et à éviter une gestion autocratique de la société et que le pacte d'associés a été établi dans le même esprit afin de favoriser la poursuite et la réalisation de leurs objectifs communs.
Ils soutiennent que la dissolution ne peut être prononcée que s'il existe une véritable paralysie sociale, le seul dysfonctionnement de la société étant à ce titre insuffisant et que la seule mésintelligence grave entre associés si elle ne paralyse pas son fonctionnement est insuffisante.
Ils font valoir que le fait qu'un administrateur provisoire assure la continuité du fonctionnement de la société sans rencontrer d'obstacle majeur empêche également le prononcé de la dissolution.
Ils font valoir que l'absence de comité stratégique et l'impossibilité de le reconstituer sont palliées par la désignation de l'administrateur provisoire ayant pour mission de gérer activement et passivement la société, l'assemblée générale retrouvant la plénitude de sa compétence légale pour l'approbation des comptes grâce à l'ordonnance du 26 octobre 2020.
Ils font observer que les comptes 2020 et 2021 de la société ont ainsi été régulièrement arrêtés et approuvés et que les décisions de l'assemblée générale ordinaire qui nécessite une majorité simple ont été régulièrement adoptées.
Ils considèrent ainsi que la société, holding financière et capitalistique, n'est pas paralysée mais perturbée par les actions du docteur [F] qui s'oppose systématiquement au renouvellement des mandats sociaux de président et du comité stratégique dont il dénonce l'absence.
Ils soulignent que, contrairement aux allégations du docteur [F] qui ne vise que son intérêt, la dissolution de la société Réal investissement qui contrôle directement les groupes Polyclinique de Picardie et Polyclinique de [8] parmi les plus importants de la région perturberait grandement les équilibres financiers économiques et sociaux de ces deux groupes.
L'administrateur provisoire indique qu'il n'y a pas à ce jour de solution permettant la levée de l'administration provisoire, les conditions de gouvernance prévues par les statuts imposant le consensus de toutes les parties, la nomination d'un nouveau président et de nouveaux membres du comité stratégique étant soumise à des règles de majorité qualifiée.
En cas de mésentente entre les associés la dissolution ne peut être prononcée que s'il y a une paralysie du fonctionnement de la société qui notamment ne peut plus remplir son objet social.
En l'espèce, la société est une société holding constituée entre plusieurs associés ayant à l'origine la volonté de créer un bloc majoritaire pour l'administration la gestion et la gouvernance de la SA Polyclinique de Picardie mais ayant plus largement pour objet la détention et la gestion d'actions directes ou indirectes de toutes cliniques ou maisons d'hospitalisation privées et toutes opérations dans des affaires de même nature par voie d'apports de créations de sociétés nouvelles de fusion d'achats de titres.
Elle a ainsi acquis les titres de la clinique de [8].
Elle est dirigée par un président sous le contrôle d'un comité stratégique que le président dirige composé de trois autres membres, tous étant nommés par une décision collective des associés prise à la majorité des deux tiers.
Le président, ainsi, soumet pour autorisation préalable notamment l'arrêté des comptes et le projet d'affectation des résultats, tout investissement, tout projet d'augmentation de capital, la souscription d'emprunts ou encore la conclusion de conventions réglementées.
Les décisions sont ensuite soumises à l'assemblée générale qui statue selon la nature de la décision à la majorité simple ou qualifiée ou encore à l'unanimité.
La société Réal investissement connaît depuis 2017 une difficulté liée à la nécessité de rembourser le prêt contracté pour l'acquisition de la clinique de [8] avec une trésorerie insuffisante faute de remontées suffisantes de dividendes des cliniques.
En dehors de l'histoire de chacun des praticiens associés majoritaires et de leurs rapports au sein de la SA Polyclinique de Picardie qu'ils ont dirigée ou administrée, dont les conséquences sont indéniables sur le présent litige, un désaccord important est survenu entre les associés au sujet des solutions à adopter pour résoudre la difficulté liée au manque de trésorerie.
En effet, si M. [Y] va tenter une renégociation des prêts et solliciter à titre principal des apports en compte courant des associés, M. [F], suivi un temps par Mrs [H] et [U], va préconiser pour sa part la cession de la clinique de [8] qu'il estime avoir été une mauvaise opération. M. [Y] va proposer alors le rachat des parts des docteurs [H] et [U] qui vont accepter et du docteur [F] qui finalement va refuser.
Si les pièces versées aux débats et notamment les procès-verbaux d'assemblée générale du 15 décembre 2020 et du 29 janvier 2021 démontrent que ce litige n'est toujours pas résolu, M. [F] s'opposant à la cession de ses parts et sollicitant toujours la cession de la clinique de [8] et M. [Y] ou la société Azur faisant des apports en compte courant pour soutenir la trésorerie de la société il en résulte néanmoins que le fonctionnement normal de la société est assuré nonobstant la mésentente des deux associés majoritaires grâce à la désignation d'un administrateur provisoire ayant une mission générale de gestion active et passive depuis 2019 et il est justifié de l'établissement des comptes 2018, 2019,2020 et 2021 et de leur approbation en assemblée générale.
De surcroît, le rapport de gestion de l'exercice clos le 31 décembre 2021 démontre que la société, ayant pu de nouveau recevoir des dividendes de sa filiale la SA Polyclinique de Picardie, a été en mesure de faire face au remboursement de l'emprunt et que l'activité de holding passive de la société est stable.
Les procès verbaux des assemblées générales établissent que nombre de décisions initiées par l'administrateur provisoire peuvent être adoptées notamment l'approbation des comptes, l'affectation des résultats, l'approbation de certaines conventions, certaines modifications des statuts ou encore un projet d'augmentation de capital et ce nonobstant l'abstention ou le vote contre de M. [F].
La seule difficulté à ce jour non résolue et justifiant le maintien d'une administration provisoire est l'absence de désignation d'un président et du comité stratégique.
Cette seule circonstance alors même qu'intervient un administrateur provisoire pour la gestion active et passive de la société et le fonctionnement courant de la société, étant rappelé que le président de la société est également le président du comité stratégique qui n'apporte que des autorisations préalables sur des décisions devant être prises par la collectivité des associés à des majorités précisément définies ne peut conduire à la paralysie du fonctionnement de la société.
Au demeurant la mésentente relative aux solutions devant être apportées à l'insuffisance de trésorerie de la société Réal investissement et le blocage concernant la désignation des organes sociaux ne pourrait entraîner la dissolution de la société qu'à la condition de ne pas devoir être imputée à celui qui la demande.
* Sur l'origine de la mésentente
M. [P] [F] soutient qu'il rapporte la preuve d'une mésentente irréversible entre associés dont l'origine ne peut en aucun cas lui être imputée ce qui l'autorise à demander la dissolution de la société.
Il conteste le fait que la société Réal investissement n'ait été créée que pour prendre le contrôle de la société Polyclinique de Picardie et fait valoir que son activité s'est étendue à la prise de participations ou le rachat d'autres établissements comme la clinique de [8] qui s'avérera un investissement catastrophique à l'origine des difficultés de la société Réal investissement.
Il fait valoir que la lecture des procès-verbaux du comité stratégique permet d'établir que la mésentente porte sur la gestion par le docteur [Y] de la clinique de [8] et de la société Réal investissement et sur les mesures à prendre pour faire face aux besoins de trésorerie de celle-ci causés en majeure partie par les investissements engagés pour le rachat de la clinique de [8] et les pertes importantes de cette structure et que cette mésentente opposait le docteur [Y] aux docteurs [F] [H] et [U].
Il remet en cause les décisions de gestion et d'exploitation des différentes structures par le docteur [Y] y compris de la Polyclinique de Picardie qu'il juge seules à l'origine de la mésentente entre les associés.
Il conteste toute stratégie de blocage et fait valoir que le docteur [Y] en s'opposant à la solution la plus sage qui était de vendre un actif générant des pertes et en proposant des apports en compte courant qu'il savait ne pouvoir être tenus par ses associés, a tenté d'amener ses associés à lui céder leurs participations ce qu'il a obtenu avec les docteurs [U] et [H].
Il fait valoir que c'est le docteur [Y] qui est resté hermétique à toute autre solution qui lui était présentée par ses autres associés alors que lui-même a tenté de favoriser d'autres solutions raisonnables et notamment de rencontrer les banques pour un moratoire mais s'est heurté au refus systématique du docteur [Y].
Il soutient qu'il ne peut lui être reproché d'avoir refusé de céder ses parts au docteur [Y] envers lequel il n'avait plus confiance.
Les intimés rappellent que la dissolution pour justes motifs ne peut être prononcée si la demande en dissolution émane de l'associé à l'origine de la mésentente dès lors que le droit de demander la dissolution ne doit pas contrevenir au principe général de la bonne foi contractuelle.
Ils font valoir que durant cinq ans le docteur [F] qui participait à tous les comités stratégiques et aux assemblées générales de la société n'a émis aucune opposition ou réserve sur la gestion et le fonctionnement de la société mais que depuis 2017 et la survenue de difficultés pour le remboursement du prêt contracté pour l'acquisition du groupe de [8] il a complètement changé d'attitude et a adopté une attitude d'opposition systématique notamment aux solutions proposées par le docteur [Y] pour remédier aux difficultés financières de la clinique de [8], conduisant le docteur [Y] à assumer seul le remboursement du prêt après négociation d'un avenant rééchelonnant les mensualités et à assurer par l'intermédiaire de la société Azur des apports en compte courant.
Ils contestent toute méconnaissance par le docteur [F] de la portée de ses engagements et son absence de consultation pour l'acquisition de la clinique de [8] autorisée par le comité stratégique et une assemblée générale.
Ils soutiennent que le dysfonctionnement des organes sociaux est entièrement imputable au docteur [F] et non pas à une gestion catastrophique de la polyclinique de Picardie et de la polyclinique de [8] qui sont toujours à l'équilibre et dont la gestion s'est poursuivie dans des conditions normales par delà les vicissitudes du marché depuis la crise sanitaire.
Ils font valoir qu'il résulte des procès-verbaux du comité stratégique que ce ne sont pas les discussions sur la question du prêt qui ont créé la mésentente entre associés mais l'obstruction systématique du docteur [F] à l'organisation et au fonctionnement de la société, entravant le renouvellement des organes socaiux refusant avant de se raviser de soumettre les comptes à l'assemblée générale, bloquant toute solution proposée par le docteur [Y] pour faire face aux remboursements des prêts et résoudre les difficultés.
La relecture des procès-verbaux des réunions du comité stratégique permet de relever que dès le comité stratégique du 10 mai 2017 un désaccord existait quant à la nomination du président en renouvellement, M. [Y] et M. [F] étant tous deux candidats.
Par ailleurs, M. [Y] faisait part de son isolement et sollicitait un fonctionnement plus régulier du comité afin que les situations soient vues plus collégialement, démontrant ainsi ne pas vouloir exercer seul la direction et la gestion de la société.
Par ailleurs, dès le comité stratégique du 6 juillet 2017, M. [Y] exposait la situation de la trésorerie et la nécessité de trouver des solutions pour les besoins en trésorerie proposant deux solutions, l'augmentation de capital ou que chacun abonde en compte courant alors que M. [F] proposait la cession du site de [Localité 11], solution à laquelle adhéraient les docteurs [U] et [H] et solution que M. [Y] jugeait inappropriée dans des circonstances négatives mais il indiquait cependant n'être fermé à aucune solution ainsi si le docteur [H] l'invitait en fin de réunion à prendre en compte d'autres avis que le sien c'était à propos d'une toute autre difficulté concernant la Polyclinique.
Lors du comité stratégique du 21 septembre 2017, M. [Y] reprenait ses explications notamment sur la nécessité pour obtenir l'étalement de la dette par le pool bancaire d'être désigné homme clef pour l'assurance et de demeurer en conséquence président de la société et faisait part d'une troisième solution consistant pour certains associés à se retirer.
Face aux solutions proposées par le Président M. [F] maintenait une seule solution consistant en la vente de la clinique de [8] et face à l'annonce de M. [Y] indiquant qu'il allait cesser ses apports en compte courant afin de couvrir les besoins en trésorerie, M. [F] indiquait être prêt à solliciter la dissolution de la société si aucun accord n'était trouvé.
Il résulte tant de ce comité que du comité du 19 octobre 2017 ou du 20 novembre 2017 que M. [Y] n'était au contraire de M. [F] fermé à aucune solution, même si la vente de la clinique de [8] ne lui paraissait pas une solution viable.
Il ressort également des différents comités que si le docteur [Y] a constamment recherché des solutions pouvant recevoir l'accord des associés tout en protégeant la société face aux besoins en trésorerie, le docteur [F] en constante opposition avec lui a adopté une position fort peu constante quant à la proposition de rachat de ses parts conduisant à une situation de blocage pour la société alors que les commissaires aux comptes entendaient enclencher une procédure d'alerte.
L'attitude d'opposition et de blocage du docteur [F] apparaissait incompréhensible pour les autres associés.
Cette attitude peut cependant trouver une explication dans le conflit de personne l'opposant au docteur [Y], l'ayant ainsi conduit à refuser toute cession à l'un de ses associés contrairement au contrat d'apport mais également à un tiers, la clinique Victor Pauchet approuvée par le docteur [Y] par souci de conciliation tout en envisageant sérieusement de vendre celles-ci au représentant du Groupe Vivalto santé.
Enfin, M. [F] reproche l'absence de désignation d'un président et d'un comité stratégique mais il est le seul à avoir voter contre le renouvellement des personnes en place y compris contre lui-même lors de l'assemblée générale du 28 juin 2018 alors que les docteurs [U] et [H] étaient encore associés et est donc seul à l'origine de cette absence et du blocage de la nomination.
Les comptes rendus de réunion du comité et les procès-verbaux des assemblées générales démontrent que loin de créer une situation de blocage destinée à racheter les parts de ses confrères M. [Y] a toujours tenté de privilégier la collégialité et des accords alors que M. [F] très tôt a menacé de provoquer la dissolution de la société à défaut d'accord sur la solution ayant son agrément, a manifesté une attitude et un positionnement tendant au blocage des décisions et se trouve donc à l'origine de la mésentente affectant le fonctionnement de la société et ne peut dès lors solliciter la dissolution de la société.
Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [F] de sa demande aux fins de voir ordonner la dissolution de la société Réal investissement.
Sur la demande de dommages et intérêts
Pour condamner M. [F] au paiement de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 15 000 euros les premiers juges ont retenu que son comportement perturbait le fonctionnement normal de la société.
M. [F] soutient qu'il n'a commis aucun abus de minorité notamment en s'opposant aux décisions du docteur [Y] ou en refusant de céder ses actions.
Les intimés considèrent que M. [F] trouble gravement le bon fonctionnement de la société par son opposition systématique à toute décision et fait ainsi un usage abusif de ses droits d'associé minoritaire dès lors qu'il bloque une décision essentielle pour la société dans son intérêt au détriment de l'intérêt des autres associés.
Il a été retenu que M. [F] était à l'origine de la mésentente empêchant les associés de la scoiété Réal investissement de procéder au renouvellement des organes sociaux et de trouver une solution définitive au manque de trésorerie de la holding mais que toutefois la société n'était pas paralysée et pouvait continuer à fonctionner conformément à son objet social.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [F] à payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts soit 5000 euros à chacun des intimés.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les premiers juges ont condamné M. [F] au paiement des entiers dépens et au paiement à M. [Y], à Mme [V] [G] épouse [Y] et à la société Azur, d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux entiers frais et honoraires de l'administration provisoire et au paiement d'une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans la limite des demandes des parties et eu égard à la présente décision, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [F] aux entiers dépens de première instance y compris les dépens exposés par l' administrateur provisoire et y ajoutant de le condamner de la même façon aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL Doré Tany Benitah.
Il convient de confirmer le jugement entrepris en ses condamnations au titre des frais irrépétibles et de dire qu'au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel M. [F] sera condamné à payer à la SA Réal investissement et à son administrateur provisoire la somme de 2000 euros chacun et aux intimés M. [M] [Y], Mme [V] [Y] et la société Azur la somme de 4000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne M. [P] [F] aux entiers dépens d'appel y compris aux dépens exposés par la société Réal investissement et l'administrateur provisoire dont distraction au profit de la SELARL Doré Tany Benitah ;
Condamne M. [P] [F] à payer à la SA Réal investissement et à son administrateur provisoire la SELARL R&D la somme de 2000 euros chacun et aux intimés M. [M] [Y], Mme [V] [Y] et la société Azur la somme de 4000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.