Décisions
CA Angers, ch. a - civ., 4 juin 2024, n° 20/00577
ANGERS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YW/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 20/00577 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EU7H
jugement du 27 Janvier 2020
Juge des contentieux de la protection d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance 18-002237
ARRET DU 04 JUIN 2024
APPELANTS :
Madame [Z] [G] épouse [D]
née le 06 Février 1940 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [Y] [D]
né le 24 Janvier 1947 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Mickaël BOULAY de la SELARL SELARL MICKAEL BOULAY, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 37 0741
INTIMES :
S.A. COFIDIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20042 et par la SELARL HAUSSMANN KAINIC HELAIN, avocat plaidant au barreau de l'ESSONNE
Maître [W] [N]
ès qualités de mandataire liquidateur de la SARLU CONTACT HABITAT
[Adresse 1]
[Localité 3]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 16 Octobre 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. WOLFF, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
Greffière lors du prononcé : Mme GNAKALE
ARRET : défaut
Prononcé publiquement le 04 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Yoann WOLFF, conseiller pour la présidente empêchée, et par Flora GNAKALE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat conclu hors établissement le 5 janvier 2017 (le contrat principal), M.'[Y] [D] a passé commande auprès de la société Contact Habitat (la'société) d'un kit photovoltaïque composé de 12 panneaux solaires, ainsi que de trois radiateurs électriques, pour un montant total de 20 900 euros TTC.
Le même jour, M. [D] et son épouse Mme [Z] [G] ont souscrit auprès de la société Cofidis (la banque) un crédit affecté à cette opération (le contrat de crédit), d'un montant de 20 900 euros également et au taux débiteur de 4,59 %, remboursable en 96 mensualités d'un montant hors assurance de 276,22 euros chacune.
La société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Angers du 25 juillet 2018.
Par acte d'huissier de justice du 6 novembre 2018, la banque a fait assigner M.'et Mme [D] devant le tribunal d'instance d'Angers, aux fins de paiement du solde du crédit.
M. et Mme [D] ont alors fait assigner en intervention forcée Me [W] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société, par acte d'huissier du 30'janvier 2019, et ce, aux fins notamment d'annulation du contrat principal et du contrat de crédit.
Par jugement du 27 janvier 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Angers, prenant la suite du tribunal d'instance, a :
Prononcé la nullité du contrat principal ;
Prononcé la nullité du contrat de crédit ;
Condamné M. et Mme [D] à payer à la banque la somme de 19'701,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Rejeté le surplus des demandes de la banque ;
Rejeté les demandes reconventionnelles de M. et Mme [D] ;
Condamné M. et Mme [D] aux dépens.
Par déclaration du 8 avril 2020, M. et Mme [D], intimant les deux autres parties, ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il les a :
Condamnés à payer à la banque la somme de 19'701,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Déboutés de leurs demandes reconventionnelles ;
Condamnés aux dépens.
Par lettre du 3 juin 2020, Me [N] a indiqué qu'il ne serait pas représenté dans le cadre de la procédure.
Sur avis du greffe adressé le 2 octobre suivant, M. et Mme [D] lui ont donc fait signifier leur déclaration d'appel, et ce, par acte d'huissier délivré à domicile le 12'octobre 2020.
Dans le même temps, par conclusions notifiées par voie électronique le 1er octobre 2020 et signifiées à Me [N] par acte d'huissier du 5 octobre 2020, la banque a formé un appel incident.
Par ordonnance du 21 avril 2021, le conseiller de la mise en état, considérant que M. et Mme [D] avaient fait signifier leurs premières conclusions au-delà du délai supplémentaire d'un mois prévu à l'article 911 du code de procédure civile, a déclaré d'office leur déclaration d'appel caduque à l'égard de Me [N], tout en disant que cette caducité partielle n'entraînait pas le dessaisissement de la cour à l'égard de ce dernier, compte tenu de l'appel incident de la banque.
La clôture de l'instruction a ensuite été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2023, sans que Me [N] ait constitué avocat.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2023, M. et Mme [D] demandent à la cour :
De les juger recevables en leur appel ;
D'infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à la banque la somme de 19'701,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
De rejeter l'ensemble des demandes de condamnation faites par la banque à leur égard ;
De condamner la banque à leur verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner la banque aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2023, la banque demande à la cour :
De réformer le jugement en toutes ses dispositions ;
De déclarer M. et Mme [D] irrecevables en leurs demandes ;
De rejeter les demandes de M. et Mme [D] ;
De condamner solidairement M. et Mme [D] à lui payer la somme de 24'220,20 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,59 % l'an à compter de la mise en demeure du 25 juillet 2018 ;
Subsidiairement, de les condamner à lui rembourser le capital emprunté, d'un montant de 20'599,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
Plus subsidiairement, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause, de condamner solidairement M. et Mme [D] aux dépens qui pourront être recouvrés directement par son avocat, et à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1. Sur la fin de non-recevoir soulevée par la banque
Moyens des parties
La banque soutient que :
La déclaration d'appel faite par M. et Mme [D] à l'égard du liquidateur de la société a été déclarée caduque. Dès lors, ces derniers sont irrecevables à demander la nullité des contrats, puisque le vendeur n'est pas valablement mis en cause.
M. et Mme [D] soutiennent que :
Il ressort de la procédure que le liquidateur a bien été appelé à la cause en appel.
Réponse de la cour
Les dispositions par lesquelles le jugement a prononcé la nullité du contrat principal et du contrat de crédit n'ont pas été déférées à la cour par l'appel principal de M. et Mme [D], mais par l'appel incident de la banque, dans le cadre duquel, comme le conseiller de la mise en état l'a rappelé, le liquidateur de la société reste dans la cause. M. et Mme [D] ne font à cet égard aucune demande. Il n'y a donc pas lieu de les déclarer irrecevables en leurs demandes, comme la banque le sollicite.
2. Sur la validité du contrat principal
2.1. Sur les moyens de nullité retenus par le premier juge
Moyens des parties
La banque soutient que :
Le bon de commande comporte tous les textes applicables et est en parfaite conformité avec les dispositions du code de la consommation.
La société venderesse s'est manifestement engagée à livrer les panneaux dans un délai de 30 jours. Elle ne pouvait en aucun cas fixer des délais de raccordement, qui relevaient de la société Enedis.
Seules sont exigées les coordonnées du professionnel, c'est-à-dire de la société venderesse, et non celles du démarcheur. En tout état de cause, elle dispose d'une copie du bon de commande sur laquelle les noms et prénoms des deux démarcheurs sont bien mentionnés.
Les emprunteurs ne peuvent en aucun cas prétendre ignorer les conditions particulières du crédit, puisqu'ils ont signé le contrat de crédit le même jour que le bon de commande. Les deux documents se complètent nécessairement.
M. et Mme [D], qui n'ont pas conclu sur ce point, sont réputés s'approprier les motifs du jugement, selon lesquels :
Les textes cités dans le contrat sont ceux applicables avant la recodification, ce qui a nécessairement privé le client consommateur des informations auxquelles il pouvait légalement prétendre.
Le bon de commande ne comporte pas les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et les délais de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services.
Le nom du démarcheur et ses coordonnées sont également absents.
Le bon de commande ne comporte aucun rappel du recours possible à un médiateur de la consommation.
Le coût total du crédit proposé pour financer l'achat n'est pas mentionné, ce qui, avec la mention « report d'un an compris », laisse à penser qu'il s'agit d'un crédit gratuit ne modifiant pas le coût total TTC.
Réponse de la cour
Il résulte des articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation qu'un contrat de vente de biens ou de fourniture de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, notamment :
La date à laquelle ou le délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à fournir le service ;
La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
En l'espèce, la partie du contrat principal intitulé Vos délais prévisionnels dès la signature de ce bon de commande, censée indiquer la « date de RDV métrage » et le « délai après métrage », n'a pas été remplie. Quant à l'article 8-2 des conditions générales, invoqué par la banque, il se contente de rappeler dans son premier paragraphe que « les délais de livraison de la commande et de fourniture des services sont précisés dans le bon de commande ». Le délai de 30 jours qu'il évoque au paragraphe suivant n'est pas un délai dans lequel la société s'engage précisément à livrer le bien ou à fournir le service, mais une reprise de l'ancien article L. 138-2 du code de la consommation, abrogé au moment de la conclusion du contrat principal, selon lequel, en cas de manquement du professionnel à son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l'expiration du délai prévus ou, à défaut, au plus tard trente jours après la conclusion du contrat, le consommateur peut résoudre le contrat. C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le bon de commande ne comportait pas les délais de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services.
En outre, le contrat principal ne mentionne pas davantage la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, ce à quoi le contrat de crédit, qui renvoie au médiateur de l'Association française des sociétés financières, ne peut suppléer.
Dans ces conditions, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a considéré que le contrat principal ne respectait pas les prescriptions du code de la consommation.
2.2. Sur la confirmation du contrat principal
Moyens des parties
La banque soutient que :
Les nullités édictées par le code de la consommation sont des nullités relatives sujettes à réitération du consentement par les consommateurs. En l'espèce, les actes positifs faits par M. et Mme [D] démontrent qu'ils ont réitéré leur consentement en parfaite connaissance de cause. La reproduction des articles du code de la consommation dans les conditions générales de vente permet à l'emprunteur de prendre connaissance du vice. Une telle connaissance jointe à l'exécution volontaire du contrat emporte la confirmation de l'acte nul.
M. et Mme [D], qui n'ont pas conclu sur ce point, sont réputés s'approprier les motifs du jugement, selon lesquels :
Le bon de commande ne comporte pas les textes applicables, ce qui ne permet pas de rapporter la preuve de ce que M. et Mme [D] avaient conscience de signer un acte ne répondant pas aux exigences légales.
Le simple fait pour M. et Mme [D] de laisser les contrats s'exécuter est insuffisant pour caractériser leur intention de renoncer en pleine connaissance de cause à se prévaloir de la méconnaissance de dispositions d'ordre public.
Réponse de la cour
Il résulte de l'article 1182 du code civil que seule l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.
Il est constant à cet égard que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement, ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil (1re' Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-16.115, publié).
En l'espèce, la banque motive la connaissance par M. et Mme [D] du vice affectant le contrat principal uniquement par le fait que les conditions générales du contrat principal reproduiraient les articles du code de la consommation, ce qui, en l'absence d'autres circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance, est en toute hypothèse inopérant.
Dans ces conditions, aucune confirmation n'est établie, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal.
3. Sur la validité du contrat de crédit et ses conséquences
3.1. Sur l'annulation du contrat de crédit
Il résulte de l'article L. 311-32 du code de la consommation que le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
En l'espèce, l'annulation par le premier juge du contrat principal ayant été confirmée, celle, de plein droit, du contrat de crédit le sera également, ce qui ne fait l'objet d'aucune discussion de la part des parties.
3.2. Sur le droit à restitution de la banque
Moyens des parties
La banque soutient que :
Elle n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client et elle n'est pas responsable des faits et gestes du vendeur. Elle ne doit procéder qu'à un simple contrôle de la régularité formelle des bons de commande, lui permettant de détecter les causes de nullité flagrantes. Il doit lui être fait crédit de ce qu'elle a légitimement cru que le délai supplétif de 30 jours institué par la loi et stipulé à l'article 8 des conditions générales du contrat principal couvrait l'absence de délai de livraison dans les conditions particulières, et de ce que le contrat de crédit complétait le bon de commande.
Elle n'a pas commis de faute lors de la libération des fonds, puisque ceux-ci ont été libérés au vu d'une attestation de livraison et d'installation suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération.
Il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité. En l'espèce, les emprunteurs ne contestent pas avoir obtenu pleinement satisfaction en ce qui concerne les trois radiateurs électriques. S'agissant de la prétendue absence de raccordement, elle n'est fondée que sur un constat d'huissier non contradictoire et particulièrement tardif. Ce dernier est à lui seul insuffisant pour emporter la conviction de la cour. Par ailleurs, les emprunteurs disposaient déjà d'une installation raccordée au réseau ERDF, si bien que les compteurs de contrôle de non-consommation et de production sont d'ores et déjà installés à leur domicile. Dans ces conditions, l'absence de mise en service du matériel n'est pas de nature à entraîner la privation de sa créance de restitution du capital. En outre, le coût du raccordement est forfaitaire et s'élève à 898 euros. Lorsqu'on met en perspective ce coût et la valeur des panneaux, il ne peut être jugé que l'absence de raccordement est de nature à entraîner un préjudice lui-même de nature à la priver de sa créance. Enfin, il n'y a aucun lien de causalité entre ses prétendues fautes et le prétendu préjudice des emprunteurs.
M. et Mme [D] soutiennent que :
La banque a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité, en ne s'assurant pas de la régularité du contrat, de sorte qu'ils doivent être dispensés de restituer les fonds.
La banque ne rapporte pas davantage la preuve de la vérification de la bonne exécution des prestations contractuellement prévues. En l'état, l'installation n'est pas raccordée et n'est pas opérationnelle.
Le préjudice est incontestable. Ils ne disposent pas d'une installation achevée. Depuis 2017, ils vivent dans l'incertitude de savoir si leur installation sera un jour fonctionnelle.
Réponse de la cour
Le premier juge a considéré que la banque avait manqué à son devoir de conseil et d'information en ne s'assurant pas de la conformité du bon de commande aux prescriptions du code de la consommation, mais que, les éléments produits par M. et Mme [D] étant insuffisants pour démontrer qu'il n'était pas possible de réaliser le raccordement de l'installation et que celle-ci n'était pas fonctionnelle, seul le coût de ce raccordement, chiffré à 898 euros, devait être déduit de la créance de la banque.
Il est constant que l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.
Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En l'espèce, la banque a bien commis une telle double faute.
Tout d'abord, alors que l'absence totale de stipulation d'un délai de livraison dans le contrat principal ressortait d'une simple lecture, même superficielle, de celui-ci et était donc particulièrement flagrante, la banque, professionnelle du crédit affecté à ce type d'opération, ne l'a pas relevée.
Ensuite, bien que le contrat principal stipulait expressément, au tout début de sa première page, un « raccordement ERDF à la charge de contact habitat », la banque a libéré les fonds au regard d'une attestation de livraison et d'installation, établie le 16 février 2017 à peine plus d'un mois après la signature du contrat, qui se contentait d'indiquer à cet égard : « les démarches de raccordement au réseau ont bien été engagées ». Elle l'a donc fait alors qu'il ressortait expressément de cette attestation que toutes les prestations que la société s'était obligée à réaliser n'avaient pas encore été pleinement exécutées.
Ainsi, alors que le contrat principal prévoyait que le matériel litigieux était destiné à la ' Revente et non à l'auto-consommation, la société ne l'avait pas encore fait raccorder au réseau d'électricité lorsque, considérant qu'elle avait exécuté le contrat, elle a fait signer l'attestation de livraison et d'installation à M. et Mme [D].
Or ces derniers versent aux débats un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice un an et neuf mois plus tard, le 12 novembre 2018, alors que la société était en liquidation judiciaire depuis le 25 juillet précédent et qu'elle ne pouvait plus intervenir, selon lequel l'onduleur concerné ' ne mentionne rien, [...] n'est pas alimenté en électrique [et] n'est pas en fonctionnement .
Il est ainsi établi que l'installation dont disposent M. et Mme [D] n'a jamais été raccordée par la société et qu'elle n'a aucune utilité. Ce raccordement, qui constituait une obligation contractuelle de cette dernière, ne saurait d'aucune manière être mis à la charge de M. et Mme [D].
Ces derniers subissent de ce fait un préjudice qui aurait pu être évité si la banque s'était assurée, comme elle y était tenue, de la complète exécution du contrat principal, et qui est donc en lien direct avec la faute de celle-ci.
L'importance de ce préjudice justifie que la banque soit privée de la totalité de sa créance.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme'[D] à payer à la banque la somme de 19'701,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement. La demande en paiement de la banque sera rejetée.
4. Sur les frais du procès
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [D] aux dépens. La banque sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé à l'avocat de M. et Mme [D].
La banque se trouve de ce fait redevable à l'égard de M. et Mme [D], en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'une indemnité qu'il est équitable de fixer à 2500 euros. Sa demande faite sur le même fondement sera quant à elle rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Cofidis ;
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné M. [Y] [D] et Mme'[Z] [G] épouse [D] :
À payer à la banque la somme de 19'701,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Rejette l'ensemble des demandes de la société Cofidis ;
Condamne la société Cofidis aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de M.'[Y] [D] et Mme [Z] [G] épouse [D] ;
Condamne la société Cofidis à verser à M. [Y] [D] et Mme [Z] [G] épouse [D] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE, empêchée
F. GNAKALE Y. WOLFF
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YW/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 20/00577 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EU7H
jugement du 27 Janvier 2020
Juge des contentieux de la protection d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance 18-002237
ARRET DU 04 JUIN 2024
APPELANTS :
Madame [Z] [G] épouse [D]
née le 06 Février 1940 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [Y] [D]
né le 24 Janvier 1947 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Mickaël BOULAY de la SELARL SELARL MICKAEL BOULAY, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 37 0741
INTIMES :
S.A. COFIDIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20042 et par la SELARL HAUSSMANN KAINIC HELAIN, avocat plaidant au barreau de l'ESSONNE
Maître [W] [N]
ès qualités de mandataire liquidateur de la SARLU CONTACT HABITAT
[Adresse 1]
[Localité 3]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 16 Octobre 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. WOLFF, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
Greffière lors du prononcé : Mme GNAKALE
ARRET : défaut
Prononcé publiquement le 04 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Yoann WOLFF, conseiller pour la présidente empêchée, et par Flora GNAKALE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat conclu hors établissement le 5 janvier 2017 (le contrat principal), M.'[Y] [D] a passé commande auprès de la société Contact Habitat (la'société) d'un kit photovoltaïque composé de 12 panneaux solaires, ainsi que de trois radiateurs électriques, pour un montant total de 20 900 euros TTC.
Le même jour, M. [D] et son épouse Mme [Z] [G] ont souscrit auprès de la société Cofidis (la banque) un crédit affecté à cette opération (le contrat de crédit), d'un montant de 20 900 euros également et au taux débiteur de 4,59 %, remboursable en 96 mensualités d'un montant hors assurance de 276,22 euros chacune.
La société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Angers du 25 juillet 2018.
Par acte d'huissier de justice du 6 novembre 2018, la banque a fait assigner M.'et Mme [D] devant le tribunal d'instance d'Angers, aux fins de paiement du solde du crédit.
M. et Mme [D] ont alors fait assigner en intervention forcée Me [W] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société, par acte d'huissier du 30'janvier 2019, et ce, aux fins notamment d'annulation du contrat principal et du contrat de crédit.
Par jugement du 27 janvier 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Angers, prenant la suite du tribunal d'instance, a :
Prononcé la nullité du contrat principal ;
Prononcé la nullité du contrat de crédit ;
Condamné M. et Mme [D] à payer à la banque la somme de 19'701,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Rejeté le surplus des demandes de la banque ;
Rejeté les demandes reconventionnelles de M. et Mme [D] ;
Condamné M. et Mme [D] aux dépens.
Par déclaration du 8 avril 2020, M. et Mme [D], intimant les deux autres parties, ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il les a :
Condamnés à payer à la banque la somme de 19'701,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Déboutés de leurs demandes reconventionnelles ;
Condamnés aux dépens.
Par lettre du 3 juin 2020, Me [N] a indiqué qu'il ne serait pas représenté dans le cadre de la procédure.
Sur avis du greffe adressé le 2 octobre suivant, M. et Mme [D] lui ont donc fait signifier leur déclaration d'appel, et ce, par acte d'huissier délivré à domicile le 12'octobre 2020.
Dans le même temps, par conclusions notifiées par voie électronique le 1er octobre 2020 et signifiées à Me [N] par acte d'huissier du 5 octobre 2020, la banque a formé un appel incident.
Par ordonnance du 21 avril 2021, le conseiller de la mise en état, considérant que M. et Mme [D] avaient fait signifier leurs premières conclusions au-delà du délai supplémentaire d'un mois prévu à l'article 911 du code de procédure civile, a déclaré d'office leur déclaration d'appel caduque à l'égard de Me [N], tout en disant que cette caducité partielle n'entraînait pas le dessaisissement de la cour à l'égard de ce dernier, compte tenu de l'appel incident de la banque.
La clôture de l'instruction a ensuite été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2023, sans que Me [N] ait constitué avocat.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2023, M. et Mme [D] demandent à la cour :
De les juger recevables en leur appel ;
D'infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à la banque la somme de 19'701,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
De rejeter l'ensemble des demandes de condamnation faites par la banque à leur égard ;
De condamner la banque à leur verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner la banque aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2023, la banque demande à la cour :
De réformer le jugement en toutes ses dispositions ;
De déclarer M. et Mme [D] irrecevables en leurs demandes ;
De rejeter les demandes de M. et Mme [D] ;
De condamner solidairement M. et Mme [D] à lui payer la somme de 24'220,20 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,59 % l'an à compter de la mise en demeure du 25 juillet 2018 ;
Subsidiairement, de les condamner à lui rembourser le capital emprunté, d'un montant de 20'599,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
Plus subsidiairement, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause, de condamner solidairement M. et Mme [D] aux dépens qui pourront être recouvrés directement par son avocat, et à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1. Sur la fin de non-recevoir soulevée par la banque
Moyens des parties
La banque soutient que :
La déclaration d'appel faite par M. et Mme [D] à l'égard du liquidateur de la société a été déclarée caduque. Dès lors, ces derniers sont irrecevables à demander la nullité des contrats, puisque le vendeur n'est pas valablement mis en cause.
M. et Mme [D] soutiennent que :
Il ressort de la procédure que le liquidateur a bien été appelé à la cause en appel.
Réponse de la cour
Les dispositions par lesquelles le jugement a prononcé la nullité du contrat principal et du contrat de crédit n'ont pas été déférées à la cour par l'appel principal de M. et Mme [D], mais par l'appel incident de la banque, dans le cadre duquel, comme le conseiller de la mise en état l'a rappelé, le liquidateur de la société reste dans la cause. M. et Mme [D] ne font à cet égard aucune demande. Il n'y a donc pas lieu de les déclarer irrecevables en leurs demandes, comme la banque le sollicite.
2. Sur la validité du contrat principal
2.1. Sur les moyens de nullité retenus par le premier juge
Moyens des parties
La banque soutient que :
Le bon de commande comporte tous les textes applicables et est en parfaite conformité avec les dispositions du code de la consommation.
La société venderesse s'est manifestement engagée à livrer les panneaux dans un délai de 30 jours. Elle ne pouvait en aucun cas fixer des délais de raccordement, qui relevaient de la société Enedis.
Seules sont exigées les coordonnées du professionnel, c'est-à-dire de la société venderesse, et non celles du démarcheur. En tout état de cause, elle dispose d'une copie du bon de commande sur laquelle les noms et prénoms des deux démarcheurs sont bien mentionnés.
Les emprunteurs ne peuvent en aucun cas prétendre ignorer les conditions particulières du crédit, puisqu'ils ont signé le contrat de crédit le même jour que le bon de commande. Les deux documents se complètent nécessairement.
M. et Mme [D], qui n'ont pas conclu sur ce point, sont réputés s'approprier les motifs du jugement, selon lesquels :
Les textes cités dans le contrat sont ceux applicables avant la recodification, ce qui a nécessairement privé le client consommateur des informations auxquelles il pouvait légalement prétendre.
Le bon de commande ne comporte pas les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et les délais de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services.
Le nom du démarcheur et ses coordonnées sont également absents.
Le bon de commande ne comporte aucun rappel du recours possible à un médiateur de la consommation.
Le coût total du crédit proposé pour financer l'achat n'est pas mentionné, ce qui, avec la mention « report d'un an compris », laisse à penser qu'il s'agit d'un crédit gratuit ne modifiant pas le coût total TTC.
Réponse de la cour
Il résulte des articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation qu'un contrat de vente de biens ou de fourniture de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, notamment :
La date à laquelle ou le délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à fournir le service ;
La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
En l'espèce, la partie du contrat principal intitulé Vos délais prévisionnels dès la signature de ce bon de commande, censée indiquer la « date de RDV métrage » et le « délai après métrage », n'a pas été remplie. Quant à l'article 8-2 des conditions générales, invoqué par la banque, il se contente de rappeler dans son premier paragraphe que « les délais de livraison de la commande et de fourniture des services sont précisés dans le bon de commande ». Le délai de 30 jours qu'il évoque au paragraphe suivant n'est pas un délai dans lequel la société s'engage précisément à livrer le bien ou à fournir le service, mais une reprise de l'ancien article L. 138-2 du code de la consommation, abrogé au moment de la conclusion du contrat principal, selon lequel, en cas de manquement du professionnel à son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l'expiration du délai prévus ou, à défaut, au plus tard trente jours après la conclusion du contrat, le consommateur peut résoudre le contrat. C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le bon de commande ne comportait pas les délais de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services.
En outre, le contrat principal ne mentionne pas davantage la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, ce à quoi le contrat de crédit, qui renvoie au médiateur de l'Association française des sociétés financières, ne peut suppléer.
Dans ces conditions, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a considéré que le contrat principal ne respectait pas les prescriptions du code de la consommation.
2.2. Sur la confirmation du contrat principal
Moyens des parties
La banque soutient que :
Les nullités édictées par le code de la consommation sont des nullités relatives sujettes à réitération du consentement par les consommateurs. En l'espèce, les actes positifs faits par M. et Mme [D] démontrent qu'ils ont réitéré leur consentement en parfaite connaissance de cause. La reproduction des articles du code de la consommation dans les conditions générales de vente permet à l'emprunteur de prendre connaissance du vice. Une telle connaissance jointe à l'exécution volontaire du contrat emporte la confirmation de l'acte nul.
M. et Mme [D], qui n'ont pas conclu sur ce point, sont réputés s'approprier les motifs du jugement, selon lesquels :
Le bon de commande ne comporte pas les textes applicables, ce qui ne permet pas de rapporter la preuve de ce que M. et Mme [D] avaient conscience de signer un acte ne répondant pas aux exigences légales.
Le simple fait pour M. et Mme [D] de laisser les contrats s'exécuter est insuffisant pour caractériser leur intention de renoncer en pleine connaissance de cause à se prévaloir de la méconnaissance de dispositions d'ordre public.
Réponse de la cour
Il résulte de l'article 1182 du code civil que seule l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.
Il est constant à cet égard que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement, ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil (1re' Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-16.115, publié).
En l'espèce, la banque motive la connaissance par M. et Mme [D] du vice affectant le contrat principal uniquement par le fait que les conditions générales du contrat principal reproduiraient les articles du code de la consommation, ce qui, en l'absence d'autres circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance, est en toute hypothèse inopérant.
Dans ces conditions, aucune confirmation n'est établie, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal.
3. Sur la validité du contrat de crédit et ses conséquences
3.1. Sur l'annulation du contrat de crédit
Il résulte de l'article L. 311-32 du code de la consommation que le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
En l'espèce, l'annulation par le premier juge du contrat principal ayant été confirmée, celle, de plein droit, du contrat de crédit le sera également, ce qui ne fait l'objet d'aucune discussion de la part des parties.
3.2. Sur le droit à restitution de la banque
Moyens des parties
La banque soutient que :
Elle n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client et elle n'est pas responsable des faits et gestes du vendeur. Elle ne doit procéder qu'à un simple contrôle de la régularité formelle des bons de commande, lui permettant de détecter les causes de nullité flagrantes. Il doit lui être fait crédit de ce qu'elle a légitimement cru que le délai supplétif de 30 jours institué par la loi et stipulé à l'article 8 des conditions générales du contrat principal couvrait l'absence de délai de livraison dans les conditions particulières, et de ce que le contrat de crédit complétait le bon de commande.
Elle n'a pas commis de faute lors de la libération des fonds, puisque ceux-ci ont été libérés au vu d'une attestation de livraison et d'installation suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération.
Il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité. En l'espèce, les emprunteurs ne contestent pas avoir obtenu pleinement satisfaction en ce qui concerne les trois radiateurs électriques. S'agissant de la prétendue absence de raccordement, elle n'est fondée que sur un constat d'huissier non contradictoire et particulièrement tardif. Ce dernier est à lui seul insuffisant pour emporter la conviction de la cour. Par ailleurs, les emprunteurs disposaient déjà d'une installation raccordée au réseau ERDF, si bien que les compteurs de contrôle de non-consommation et de production sont d'ores et déjà installés à leur domicile. Dans ces conditions, l'absence de mise en service du matériel n'est pas de nature à entraîner la privation de sa créance de restitution du capital. En outre, le coût du raccordement est forfaitaire et s'élève à 898 euros. Lorsqu'on met en perspective ce coût et la valeur des panneaux, il ne peut être jugé que l'absence de raccordement est de nature à entraîner un préjudice lui-même de nature à la priver de sa créance. Enfin, il n'y a aucun lien de causalité entre ses prétendues fautes et le prétendu préjudice des emprunteurs.
M. et Mme [D] soutiennent que :
La banque a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité, en ne s'assurant pas de la régularité du contrat, de sorte qu'ils doivent être dispensés de restituer les fonds.
La banque ne rapporte pas davantage la preuve de la vérification de la bonne exécution des prestations contractuellement prévues. En l'état, l'installation n'est pas raccordée et n'est pas opérationnelle.
Le préjudice est incontestable. Ils ne disposent pas d'une installation achevée. Depuis 2017, ils vivent dans l'incertitude de savoir si leur installation sera un jour fonctionnelle.
Réponse de la cour
Le premier juge a considéré que la banque avait manqué à son devoir de conseil et d'information en ne s'assurant pas de la conformité du bon de commande aux prescriptions du code de la consommation, mais que, les éléments produits par M. et Mme [D] étant insuffisants pour démontrer qu'il n'était pas possible de réaliser le raccordement de l'installation et que celle-ci n'était pas fonctionnelle, seul le coût de ce raccordement, chiffré à 898 euros, devait être déduit de la créance de la banque.
Il est constant que l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.
Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En l'espèce, la banque a bien commis une telle double faute.
Tout d'abord, alors que l'absence totale de stipulation d'un délai de livraison dans le contrat principal ressortait d'une simple lecture, même superficielle, de celui-ci et était donc particulièrement flagrante, la banque, professionnelle du crédit affecté à ce type d'opération, ne l'a pas relevée.
Ensuite, bien que le contrat principal stipulait expressément, au tout début de sa première page, un « raccordement ERDF à la charge de contact habitat », la banque a libéré les fonds au regard d'une attestation de livraison et d'installation, établie le 16 février 2017 à peine plus d'un mois après la signature du contrat, qui se contentait d'indiquer à cet égard : « les démarches de raccordement au réseau ont bien été engagées ». Elle l'a donc fait alors qu'il ressortait expressément de cette attestation que toutes les prestations que la société s'était obligée à réaliser n'avaient pas encore été pleinement exécutées.
Ainsi, alors que le contrat principal prévoyait que le matériel litigieux était destiné à la ' Revente et non à l'auto-consommation, la société ne l'avait pas encore fait raccorder au réseau d'électricité lorsque, considérant qu'elle avait exécuté le contrat, elle a fait signer l'attestation de livraison et d'installation à M. et Mme [D].
Or ces derniers versent aux débats un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice un an et neuf mois plus tard, le 12 novembre 2018, alors que la société était en liquidation judiciaire depuis le 25 juillet précédent et qu'elle ne pouvait plus intervenir, selon lequel l'onduleur concerné ' ne mentionne rien, [...] n'est pas alimenté en électrique [et] n'est pas en fonctionnement .
Il est ainsi établi que l'installation dont disposent M. et Mme [D] n'a jamais été raccordée par la société et qu'elle n'a aucune utilité. Ce raccordement, qui constituait une obligation contractuelle de cette dernière, ne saurait d'aucune manière être mis à la charge de M. et Mme [D].
Ces derniers subissent de ce fait un préjudice qui aurait pu être évité si la banque s'était assurée, comme elle y était tenue, de la complète exécution du contrat principal, et qui est donc en lien direct avec la faute de celle-ci.
L'importance de ce préjudice justifie que la banque soit privée de la totalité de sa créance.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme'[D] à payer à la banque la somme de 19'701,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement. La demande en paiement de la banque sera rejetée.
4. Sur les frais du procès
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [D] aux dépens. La banque sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé à l'avocat de M. et Mme [D].
La banque se trouve de ce fait redevable à l'égard de M. et Mme [D], en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'une indemnité qu'il est équitable de fixer à 2500 euros. Sa demande faite sur le même fondement sera quant à elle rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Cofidis ;
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné M. [Y] [D] et Mme'[Z] [G] épouse [D] :
À payer à la banque la somme de 19'701,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Rejette l'ensemble des demandes de la société Cofidis ;
Condamne la société Cofidis aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de M.'[Y] [D] et Mme [Z] [G] épouse [D] ;
Condamne la société Cofidis à verser à M. [Y] [D] et Mme [Z] [G] épouse [D] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE, empêchée
F. GNAKALE Y. WOLFF