Décisions
CA Riom, ch. com., 5 juin 2024, n° 23/00285
RIOM
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°276
DU : 05 Juin 2024
N° RG 23/00285 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F6SW
ADV
Arrêt rendu le cinq juin deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une décision rendue le 22 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont Fd (RG22/00545)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.A. CREATIS
immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 419 446 034
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
et Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE
APPELANTE
ET :
Mme [O] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non représentée, pv 659 cpc
INTIMÉ
DEBATS : A l'audience publique du 21 février 2024 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 10 avril 2024.
ARRET :
Prononcé publiquement le 05 juin 2024, après prorogé du délibéré prévu initialement le 10 avril 2024 puis le 15 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA Créatis a consenti à Mme [O] [T] (qui l'a accepté le 25 octobre 2018) un contrat de regroupement de crédits pour un montant en principal de 55.000 euros remboursable en 132 mensualités au taux de 4.56% l'an.
Par jugement du 22 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, saisi par la SA Créatis d'une demande en paiement fondée sur la défaillance de l'emprunteuse dans le remboursement de son crédit, a :
- prononcé la déchéance du droit de la SA Créatis aux intérêts,
- condamné Mme [T] à verser à la SA Créatis la somme de 37.849,75 euros arrêtée au 12 juillet 2022 et ne portant intérêts qu'au taux légal non soumis à la majoration de l'article L313-3 du code monétaire et financier à compter du 10 mars 2022 ;
- condamné Mme [T] aux dépens et débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Sur le fondement des articles L. 341-1 et L312-2 du code de la consommation, le JCP a relevé que la SA Créatis ne justifiait pas de la remise effective de la fiche d'information précontractuelle européenne normalisée (FIPEN) ni de sa remise préalable à la conclusion du contrat. Le JCP a considéré que la clause selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir pris connaissance de ce document était insuffisante à établir le caractère préalable de la remise de la FIPEN.
Par ailleurs, et sur le fondement de l'article L341-4 du code de la consommation, le JCP a jugé que si le contrat de prêt comportait un encadré informant l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, les mentions qui y figuraient n'étaient pas plus apparentes que le reste du contrat.
Enfin, et au visa de l'article L. 321-29 du code de la consommation, il a été jugé que les documents produits ne permettaient pas de certifier que la notice relative à l'assurance avait été effectivement remise à l'emprunteuse.
L'ensemble de ces défaillances a été sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts sur le prêt litigieux.
La SA Créatis a relevé appel de cette décision suivant déclaration du 14 février 2023.
Mme [T] n'ayant pas constitué avocat, l'appelante a fait signifier la déclaration d'appel par acte d'huissier du 19 avril 2023 (article 659 du code de procédure civile).
Par conclusions déposées au greffe le 29 avril 2023, signifiées le 3 mai 2023, la SA Créatis demande à la cour au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1902 du code civil, et L 312-1 et suivants du code de la consommation :
De déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté,
Y faisant droit,
- d'infirmer le jugement rendu le 22 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ;
Statuant à nouveau,
- de condamner Mme [T] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 12 juillet 2022 :
* Capital restant dû 45.465,71 €
* Intérêts 2.527,34 €
* Assurance 497,12 €
* Indemnité conventionnelle 3.637,26 €
---------------
Total 52.127,43 €
Outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement.
- d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil,
- de la condamner à lui payer la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- de la condamner aux entiers dépens.
- d'ordonner que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le « jugement à intervenir, » l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de Justice, le montant des sommes retenues par l'huissier, en application de l'article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution ne prévoyant qu'une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
L'appelante fait valoir :
- que la FIPEN a bien été remise à l'emprunteuse en amont de la signature du contrat ainsi que le démontre la remise de la liasse contractuelle comprenant en page 15/50 la FIPEN et en page 23/50 l'offre de crédit,
- que par extension de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la remise du bordereau de rétractation, la signature de la clause aux termes de laquelle l'emprunteuse reconnaît avoir eu remise de la FIPEN peut être utilement corroboré par la remise de ladite fiche,
- que l'encadré figurant sur la première page du contrat reprend toutes les informations essentielles du contrat dans une zone entièrement grisée se distinguant du reste des informations contractuelles données,
- que pour les mêmes raisons que celles développées au sujet de la remise de la FIPEN, les dispositions afférentes à la remise de la notice d'assurance ont été respectées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2024.
MOTIVATION :
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Il n'est pas contesté en cause d'appel que Mme [T] a été défaillante dans le règlement des échéances de l'emprunt, de telle sorte que la cour ne statuera pas sur ce point mais sur celui de la condamnation de la banque à la déchéance du droit aux intérêts.
Sur l'encadré inséré au début du contrat de crédit :
L'article L. 312-28 du code de la consommation dispose que « le contrat de crédit est établi sur support papier ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.
La liste des informations figurant dans le contrat et dans l'encadré mentionné au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d'Etat ».
L'article R. 312-10 du même code dispose que :
« [']
2o L'encadré mentionné à l'article L. 312-28 qui indique en caractère plus apparents que le reste du contrat, dans l'ordre choisi par le prêteur et à l'exclusion de toute autre information :
a) Le type de crédit ;
b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;
c) La durée du contrat de crédit ;
d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l'autorisation que l'emprunteur doit rembourser ;
e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s'appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables;
f) Le taux annuel effectif global, et le montant total dû par l'emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;
g) Tous les frais liés à l'exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d'un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l'utilisation d'un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;
h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant ;
i) Le cas échéant, l'existence de frais de notaire ;
j) En cas de crédit servant à financer l'acquisition de bien ou service déterminé, ce bien ou ce service et son prix au comptant ».
L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit que « le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts ».
En l'espèce, la SA Créatis produit le contrat de crédit qui comporte sur la première page, un encadré dont une partie est grisée, contenant l'ensemble des informations requises par l'article susmentionné. La mention « regroupement de crédits » est écrite en caractères gras.
La taille, le style et la police d'écriture des caractères de l'encadré est similaire à ceux du reste du contrat. Cependant, l'encadré est grisé et permet donc de rendre les caractères plus apparents en attirant l'attention de l'emprunteur, ce qui est d'ailleurs l'objectif poursuivi, permettant ainsi de faire apparaître en les surlignant les informations essentielles du crédit.
La banque rapporte donc la preuve qu'elle a respecté les exigences légales relatives à l'encadré inséré en début de contrat.
Sur la remise de la FIPEN :
Le juge de première instance a considéré que la SA Créatis ne rapportait pas la preuve de la remise matérielle de la FIPEN à Mme [T] et que cette carence ne pouvait être suppléée par la clause selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir pris connaissance de ce document.
L'article L. 312-12 du code de la consommation prévoit que « préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur, sous forme d'une fiche d'informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention indiquée à l'article L. 312-5.
Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d'un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d'informations mentionnée au premier alinéa lui soit fournie, sur le lieu de vente, sur support papier, ou tout autre support durable.
Lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui la souscription d'une assurance, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit informe l'emprunteur du coût de l'assurance en portant à sa connaissance les éléments mentionnés à l'article L. 312-7 ».
L'article L. 341-1 du code de la consommation dispose que « le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 312-12 ou, pour les opérations de découvert en compte, à l'article L. 312-85 est déchu du droit aux intérêts ».
S'agissant de la preuve de cette obligation, il incombe au prêteur d'apporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information. La signature d'une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'information précontractuelle normalisée européenne, ne peut être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l'absence d'éléments complémentaires, de prouver l'exécution par le prêteur de son obligation d'information » (Cass. Civ. 1ère, 15 juin 2019, n° 17-27.066).
En conséquence, la clause signée par l'emprunteur selon laquelle reconnaît avoir reçu la FIPEN ne constitue qu'un indice, qui doit être corroboré par un ou plusieurs autres éléments.
Un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt » (Cass. Civ., 1ère, 7 juin 2023, n° 22-15.552).
En l'espèce, la SA Créatis se prévaut de la clause figurant au contrat de prêt, par laquelle l'emprunteuse a attesté par sa signature avoir été destinataire de la FIPEN. Le contrat de crédit produit par la SA Créatis contient la formule suivante : « je reconnais avoir reçu, pris connaissance et conservé un exemplaire du document d'information normalisé sur le produit d'assurance référence 41.33.84 ' 10/2018 », en-dessous de l'apposition par Mme [T] de la date et de sa signature.
En complément de cette clause, la banque produit d'une part la FIPEN en tant que document précontractuel et d'autre part, la liasse de documents précontractuels, afin d'attester que la FIPEN, figurant en double exemplaire en pages 15 à 20/50 de la liasse, a bien été remise antérieurement à l'offre de prêt qui se trouve à la page 23. En page 3, un courrier de la SA Créatis du 11 octobre 2018 informe Mme [T] qu'elle doit prendre connaissance de l'entière liasse contractuelle avant de souscrire ledit contrat.
Cependant seule la production du document précontractuel signé par les emprunteurs peut attester de l'exécution de son obligation par la banque a posteriori, ou éventuellement la preuve formelle de l'envoi du document en cause.
La FIPEN produite par la SA Créatis comporte effectivement l'identité et les coordonnées de l'établissement prêteur ainsi que celles de l'intermédiaire de crédit, la description des principales caractéristiques du crédit, la référence du numéro du contrat de prêt, le coût du crédit etc. Cependant, il s'agit d'un document unilatéral, émanant de la seule banque, qui ne peut permettre de corroborer l'indice que constitue la clause. Elle ne comporte ni la date, ni la signature de l'emprunteur. Il en est de même de la liasse de documents précontractuels produite en pièce 3.
Ainsi la banque échoue à rapporter la preuve de l'exécution de son obligation d'information précontractuelle et sera déchue de son droit aux intérêts, faute de prouver la remise effective de la FIPEN à Mme [T].
Par conséquent, le jugement sera confirmé et la SA Créatis sera déchue de son droit aux intérêts.
Sur la notice d'assurance
Le juge de première instance a considéré que la banque ne rapportait pas la preuve qu'elle avait remis la notice d'assurance à Mme [T] et que la clause selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir remis ce document ne constitue qu'un indice de cette remise.
L'article L. 312-29 du code de la consommation prévoit que « lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice est fournie à l'emprunteur, sur support papier, ou tout autre support durable. Cette notice comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.
Si l'assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d'informations mentionnée à l'article L. 312-12 et l'offre de contrat de crédit rappellent que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer ».
L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit que « sous réserve des dispositions du second alinéa » le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts ['] ».
Sur ce point également, la Cour de cassation considère qu' « il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires » (Cass. Civ. 1ère, 8 avril 2021, n° 19-20.890).
En l'espèce, la SA Créatis se prévaut de la clause signée par Mme [T] et selon laquelle elle reconnaît avoir reçu et conservé un exemplaire de la notice d'assurance.
En effet, le contrat de crédit comporte une clause indiquant « je reconnais avoir reçu, pris connaissance et conservé un exemplaire de la notice d'information référence 41.33.84 ' 10/2018 valant informations précontractuelles et contractuelles, que j'ai acceptée ».
Comme précédemment relevé, cette clause constitue un indice de la remise de la notice d'assurance, qui doit être corroborée par un ou des autres éléments.
A l'appui de sa démonstration, la banque produit la notice d'assurance en page 41/50 de la liasse de documents précontractuels.
Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés pour la FIPEN, il apparaît que le seul document contractuel produit est un document unilatéral qui ne peut être rattaché de façon certaine à l'emprunteuse et ne peut permettre de corroborer la clause.
La notice d'assurance comporte une référence au numéro du contrat mais aucune autre information ne permettant de corroborer la clause de reconnaissance.
Par conséquent, la banque échoue à rapporter la preuve de la remise de la notice d'assurance à Mme [T] et encourt là aussi la déchéance de son droit aux intérêts.
II. Sur le montant de la condamnation de Mme [T]
Suivant les dispositions de l'article L 341-8 du code de la consommation : « Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu.
Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû. »
La banque étant déchue de son droit aux intérêts sur le prêt litigieux. Mme [T] n'est tenue de rembourser que le capital emprunté, déduction faite des règlements effectués.
En l'espèce, le dernier décompte de créance du 12 juillet 2022 permet de déterminer que le capital emprunté s'élevait à la somme de 55.000 euros et que Mme [T] s'est acquittée de règlements pour un montant total de 17.510,25 euros (dont 9.534,29 euros au titre du capital et 5.513,03 euros au titre des intérêts, 1.408,43 euros en frais d'assurances, 694,50 euros en indemnités de retard et 215,44 euros en autres frais). Il reste donc dû la somme de 37 849.75 euros.
En application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, la société Créatis est fondée à solliciter le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure.
Toutefois, afin de garantir l'effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive européenne 2008/48, il incombe au juge de réduire d'office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d'information, le taux de l'intérêt légal, appliqué aux sommes dues et éventuellement augmenté de cinq points lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel.
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a justement considéré que le taux légal majoré étant supérieur à celui du contrat les sommes restant dues en capital porteront intérêts pour l'avenir au taux légal non majoré.
Sur la capitalisation des intérêts
La SA Créatis sollicite la capitalisation des intérêts.
L'article 1343-2 du code civil dispose que « les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ».
L'article L. 312-38 du code de la consommation prévoit qu' « aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles ».
Cette règle fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1343-2 du code civil (Civ. 1re, 9 févr. 2012, no 11-14.605).
En l'espèce, Mme [T] étant défaillante dans le règlement des échéances de son crédit, la capitalisation des intérêts ne peut être ordonnée dans le cadre d'un contrat de crédit régulièrement conclu. Par ailleurs, cette capitalisation ne saurait être appliquée à l'occasion de la sanction d'un manquement du prêteur pour irrégularité du prêt. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes :
La société Créatis succombant en son appel sera condamnée aux dépens d'appel.
Par ces motifs :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par défaut, l'arrêt étant mis à disposition au greffe de la cour ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Condamne la société Créatis aux dépens.
Le Greffier La Présidente
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°276
DU : 05 Juin 2024
N° RG 23/00285 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F6SW
ADV
Arrêt rendu le cinq juin deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une décision rendue le 22 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont Fd (RG22/00545)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.A. CREATIS
immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 419 446 034
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
et Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE
APPELANTE
ET :
Mme [O] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non représentée, pv 659 cpc
INTIMÉ
DEBATS : A l'audience publique du 21 février 2024 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 10 avril 2024.
ARRET :
Prononcé publiquement le 05 juin 2024, après prorogé du délibéré prévu initialement le 10 avril 2024 puis le 15 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA Créatis a consenti à Mme [O] [T] (qui l'a accepté le 25 octobre 2018) un contrat de regroupement de crédits pour un montant en principal de 55.000 euros remboursable en 132 mensualités au taux de 4.56% l'an.
Par jugement du 22 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, saisi par la SA Créatis d'une demande en paiement fondée sur la défaillance de l'emprunteuse dans le remboursement de son crédit, a :
- prononcé la déchéance du droit de la SA Créatis aux intérêts,
- condamné Mme [T] à verser à la SA Créatis la somme de 37.849,75 euros arrêtée au 12 juillet 2022 et ne portant intérêts qu'au taux légal non soumis à la majoration de l'article L313-3 du code monétaire et financier à compter du 10 mars 2022 ;
- condamné Mme [T] aux dépens et débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Sur le fondement des articles L. 341-1 et L312-2 du code de la consommation, le JCP a relevé que la SA Créatis ne justifiait pas de la remise effective de la fiche d'information précontractuelle européenne normalisée (FIPEN) ni de sa remise préalable à la conclusion du contrat. Le JCP a considéré que la clause selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir pris connaissance de ce document était insuffisante à établir le caractère préalable de la remise de la FIPEN.
Par ailleurs, et sur le fondement de l'article L341-4 du code de la consommation, le JCP a jugé que si le contrat de prêt comportait un encadré informant l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, les mentions qui y figuraient n'étaient pas plus apparentes que le reste du contrat.
Enfin, et au visa de l'article L. 321-29 du code de la consommation, il a été jugé que les documents produits ne permettaient pas de certifier que la notice relative à l'assurance avait été effectivement remise à l'emprunteuse.
L'ensemble de ces défaillances a été sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts sur le prêt litigieux.
La SA Créatis a relevé appel de cette décision suivant déclaration du 14 février 2023.
Mme [T] n'ayant pas constitué avocat, l'appelante a fait signifier la déclaration d'appel par acte d'huissier du 19 avril 2023 (article 659 du code de procédure civile).
Par conclusions déposées au greffe le 29 avril 2023, signifiées le 3 mai 2023, la SA Créatis demande à la cour au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1902 du code civil, et L 312-1 et suivants du code de la consommation :
De déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté,
Y faisant droit,
- d'infirmer le jugement rendu le 22 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ;
Statuant à nouveau,
- de condamner Mme [T] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 12 juillet 2022 :
* Capital restant dû 45.465,71 €
* Intérêts 2.527,34 €
* Assurance 497,12 €
* Indemnité conventionnelle 3.637,26 €
---------------
Total 52.127,43 €
Outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement.
- d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil,
- de la condamner à lui payer la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- de la condamner aux entiers dépens.
- d'ordonner que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le « jugement à intervenir, » l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de Justice, le montant des sommes retenues par l'huissier, en application de l'article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution ne prévoyant qu'une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
L'appelante fait valoir :
- que la FIPEN a bien été remise à l'emprunteuse en amont de la signature du contrat ainsi que le démontre la remise de la liasse contractuelle comprenant en page 15/50 la FIPEN et en page 23/50 l'offre de crédit,
- que par extension de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la remise du bordereau de rétractation, la signature de la clause aux termes de laquelle l'emprunteuse reconnaît avoir eu remise de la FIPEN peut être utilement corroboré par la remise de ladite fiche,
- que l'encadré figurant sur la première page du contrat reprend toutes les informations essentielles du contrat dans une zone entièrement grisée se distinguant du reste des informations contractuelles données,
- que pour les mêmes raisons que celles développées au sujet de la remise de la FIPEN, les dispositions afférentes à la remise de la notice d'assurance ont été respectées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2024.
MOTIVATION :
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Il n'est pas contesté en cause d'appel que Mme [T] a été défaillante dans le règlement des échéances de l'emprunt, de telle sorte que la cour ne statuera pas sur ce point mais sur celui de la condamnation de la banque à la déchéance du droit aux intérêts.
Sur l'encadré inséré au début du contrat de crédit :
L'article L. 312-28 du code de la consommation dispose que « le contrat de crédit est établi sur support papier ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.
La liste des informations figurant dans le contrat et dans l'encadré mentionné au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d'Etat ».
L'article R. 312-10 du même code dispose que :
« [']
2o L'encadré mentionné à l'article L. 312-28 qui indique en caractère plus apparents que le reste du contrat, dans l'ordre choisi par le prêteur et à l'exclusion de toute autre information :
a) Le type de crédit ;
b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;
c) La durée du contrat de crédit ;
d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l'autorisation que l'emprunteur doit rembourser ;
e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s'appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables;
f) Le taux annuel effectif global, et le montant total dû par l'emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;
g) Tous les frais liés à l'exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d'un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l'utilisation d'un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;
h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant ;
i) Le cas échéant, l'existence de frais de notaire ;
j) En cas de crédit servant à financer l'acquisition de bien ou service déterminé, ce bien ou ce service et son prix au comptant ».
L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit que « le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts ».
En l'espèce, la SA Créatis produit le contrat de crédit qui comporte sur la première page, un encadré dont une partie est grisée, contenant l'ensemble des informations requises par l'article susmentionné. La mention « regroupement de crédits » est écrite en caractères gras.
La taille, le style et la police d'écriture des caractères de l'encadré est similaire à ceux du reste du contrat. Cependant, l'encadré est grisé et permet donc de rendre les caractères plus apparents en attirant l'attention de l'emprunteur, ce qui est d'ailleurs l'objectif poursuivi, permettant ainsi de faire apparaître en les surlignant les informations essentielles du crédit.
La banque rapporte donc la preuve qu'elle a respecté les exigences légales relatives à l'encadré inséré en début de contrat.
Sur la remise de la FIPEN :
Le juge de première instance a considéré que la SA Créatis ne rapportait pas la preuve de la remise matérielle de la FIPEN à Mme [T] et que cette carence ne pouvait être suppléée par la clause selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir pris connaissance de ce document.
L'article L. 312-12 du code de la consommation prévoit que « préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur, sous forme d'une fiche d'informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention indiquée à l'article L. 312-5.
Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d'un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d'informations mentionnée au premier alinéa lui soit fournie, sur le lieu de vente, sur support papier, ou tout autre support durable.
Lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui la souscription d'une assurance, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit informe l'emprunteur du coût de l'assurance en portant à sa connaissance les éléments mentionnés à l'article L. 312-7 ».
L'article L. 341-1 du code de la consommation dispose que « le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 312-12 ou, pour les opérations de découvert en compte, à l'article L. 312-85 est déchu du droit aux intérêts ».
S'agissant de la preuve de cette obligation, il incombe au prêteur d'apporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information. La signature d'une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'information précontractuelle normalisée européenne, ne peut être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l'absence d'éléments complémentaires, de prouver l'exécution par le prêteur de son obligation d'information » (Cass. Civ. 1ère, 15 juin 2019, n° 17-27.066).
En conséquence, la clause signée par l'emprunteur selon laquelle reconnaît avoir reçu la FIPEN ne constitue qu'un indice, qui doit être corroboré par un ou plusieurs autres éléments.
Un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt » (Cass. Civ., 1ère, 7 juin 2023, n° 22-15.552).
En l'espèce, la SA Créatis se prévaut de la clause figurant au contrat de prêt, par laquelle l'emprunteuse a attesté par sa signature avoir été destinataire de la FIPEN. Le contrat de crédit produit par la SA Créatis contient la formule suivante : « je reconnais avoir reçu, pris connaissance et conservé un exemplaire du document d'information normalisé sur le produit d'assurance référence 41.33.84 ' 10/2018 », en-dessous de l'apposition par Mme [T] de la date et de sa signature.
En complément de cette clause, la banque produit d'une part la FIPEN en tant que document précontractuel et d'autre part, la liasse de documents précontractuels, afin d'attester que la FIPEN, figurant en double exemplaire en pages 15 à 20/50 de la liasse, a bien été remise antérieurement à l'offre de prêt qui se trouve à la page 23. En page 3, un courrier de la SA Créatis du 11 octobre 2018 informe Mme [T] qu'elle doit prendre connaissance de l'entière liasse contractuelle avant de souscrire ledit contrat.
Cependant seule la production du document précontractuel signé par les emprunteurs peut attester de l'exécution de son obligation par la banque a posteriori, ou éventuellement la preuve formelle de l'envoi du document en cause.
La FIPEN produite par la SA Créatis comporte effectivement l'identité et les coordonnées de l'établissement prêteur ainsi que celles de l'intermédiaire de crédit, la description des principales caractéristiques du crédit, la référence du numéro du contrat de prêt, le coût du crédit etc. Cependant, il s'agit d'un document unilatéral, émanant de la seule banque, qui ne peut permettre de corroborer l'indice que constitue la clause. Elle ne comporte ni la date, ni la signature de l'emprunteur. Il en est de même de la liasse de documents précontractuels produite en pièce 3.
Ainsi la banque échoue à rapporter la preuve de l'exécution de son obligation d'information précontractuelle et sera déchue de son droit aux intérêts, faute de prouver la remise effective de la FIPEN à Mme [T].
Par conséquent, le jugement sera confirmé et la SA Créatis sera déchue de son droit aux intérêts.
Sur la notice d'assurance
Le juge de première instance a considéré que la banque ne rapportait pas la preuve qu'elle avait remis la notice d'assurance à Mme [T] et que la clause selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir remis ce document ne constitue qu'un indice de cette remise.
L'article L. 312-29 du code de la consommation prévoit que « lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice est fournie à l'emprunteur, sur support papier, ou tout autre support durable. Cette notice comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.
Si l'assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d'informations mentionnée à l'article L. 312-12 et l'offre de contrat de crédit rappellent que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer ».
L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit que « sous réserve des dispositions du second alinéa » le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts ['] ».
Sur ce point également, la Cour de cassation considère qu' « il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires » (Cass. Civ. 1ère, 8 avril 2021, n° 19-20.890).
En l'espèce, la SA Créatis se prévaut de la clause signée par Mme [T] et selon laquelle elle reconnaît avoir reçu et conservé un exemplaire de la notice d'assurance.
En effet, le contrat de crédit comporte une clause indiquant « je reconnais avoir reçu, pris connaissance et conservé un exemplaire de la notice d'information référence 41.33.84 ' 10/2018 valant informations précontractuelles et contractuelles, que j'ai acceptée ».
Comme précédemment relevé, cette clause constitue un indice de la remise de la notice d'assurance, qui doit être corroborée par un ou des autres éléments.
A l'appui de sa démonstration, la banque produit la notice d'assurance en page 41/50 de la liasse de documents précontractuels.
Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés pour la FIPEN, il apparaît que le seul document contractuel produit est un document unilatéral qui ne peut être rattaché de façon certaine à l'emprunteuse et ne peut permettre de corroborer la clause.
La notice d'assurance comporte une référence au numéro du contrat mais aucune autre information ne permettant de corroborer la clause de reconnaissance.
Par conséquent, la banque échoue à rapporter la preuve de la remise de la notice d'assurance à Mme [T] et encourt là aussi la déchéance de son droit aux intérêts.
II. Sur le montant de la condamnation de Mme [T]
Suivant les dispositions de l'article L 341-8 du code de la consommation : « Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu.
Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû. »
La banque étant déchue de son droit aux intérêts sur le prêt litigieux. Mme [T] n'est tenue de rembourser que le capital emprunté, déduction faite des règlements effectués.
En l'espèce, le dernier décompte de créance du 12 juillet 2022 permet de déterminer que le capital emprunté s'élevait à la somme de 55.000 euros et que Mme [T] s'est acquittée de règlements pour un montant total de 17.510,25 euros (dont 9.534,29 euros au titre du capital et 5.513,03 euros au titre des intérêts, 1.408,43 euros en frais d'assurances, 694,50 euros en indemnités de retard et 215,44 euros en autres frais). Il reste donc dû la somme de 37 849.75 euros.
En application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, la société Créatis est fondée à solliciter le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure.
Toutefois, afin de garantir l'effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive européenne 2008/48, il incombe au juge de réduire d'office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d'information, le taux de l'intérêt légal, appliqué aux sommes dues et éventuellement augmenté de cinq points lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel.
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a justement considéré que le taux légal majoré étant supérieur à celui du contrat les sommes restant dues en capital porteront intérêts pour l'avenir au taux légal non majoré.
Sur la capitalisation des intérêts
La SA Créatis sollicite la capitalisation des intérêts.
L'article 1343-2 du code civil dispose que « les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ».
L'article L. 312-38 du code de la consommation prévoit qu' « aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles ».
Cette règle fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1343-2 du code civil (Civ. 1re, 9 févr. 2012, no 11-14.605).
En l'espèce, Mme [T] étant défaillante dans le règlement des échéances de son crédit, la capitalisation des intérêts ne peut être ordonnée dans le cadre d'un contrat de crédit régulièrement conclu. Par ailleurs, cette capitalisation ne saurait être appliquée à l'occasion de la sanction d'un manquement du prêteur pour irrégularité du prêt. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes :
La société Créatis succombant en son appel sera condamnée aux dépens d'appel.
Par ces motifs :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par défaut, l'arrêt étant mis à disposition au greffe de la cour ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Condamne la société Créatis aux dépens.
Le Greffier La Présidente