Décisions
CA Paris, Pôle 5 - ch. 4, 5 juin 2024, n° 22/00628
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 05 JUIN 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/00628 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7BL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Décembre 2021 - Tribunal de Commerce de Bordeaux, 7ème chambre - RG n° 2021F00321
APPELANTE
S.A.R.L. QUALIDUCK agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Tarbes sous le numéro 514 158 484
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Christophe Pachalis de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : K148
INTIMEE
S.A.S. EURALIS GASTRONOMIE prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Pau sous le numéro 601 650 146
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Arnaud Guyonnet de la SCP AFG, avocat au barreau de Paris, toque : L0044
INTERVENANTE
S.E.L.A.R.L. EKIP' prise en la personne de Maître [D] [S], ès qualités de mandataire liquidateur de la société QUALIDUCK suivant jugement du tribunal de commerce de Tarbes en date du 19 juin 2023
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Christophe Pachalis de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : K148
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Agnès Bodard-Hermant, présidente de la chambre 5.4
Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre
Mme Sophie Depelley, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Brigitte Brun-Lallemand dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre, la présidente empêchée et par M. Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Qualiduck a pour activité le découpage et la transformation de viande de canard. Elle a été placée en liquidation judiciaire le 20 mars 2023.
La société Euralis Gastronomie a pour activité la préparation industrielle de produits à base de viande. Pour ce faire, elle dispose d'un site de production situé à [Localité 4] comprenant un abattoir et un atelier de découpe de canards et d'oies grasses.
Le 15 septembre 2009, le tribunal de commerce d'Auch a ordonné la cession d'une partie du fonds de commerce précédemment exploité par la société STTV à Qualiduck, société créée à cet effet par deux anciens salariés. Euralis Gastronomie a à cette occasion manifesté la volonté que le contrat en cours avec STTVse poursuive avec Qualiduck.
Par LRAR du 23 juin 2015, Euralis Gastronomie a informé Qualiduck de la fin du contrat liant les deux sociétés et de l'octroi d'un préavis de 18 mois jusqu'au 31 décembre 2016. Elle a également annoncé qu'un appel d'offres serait lancé afin de trouver un nouveau prestataire.
Les 26 et 28 décembre 2016, Qualiduck a remporté l'appel d'offres et les parties ont conclu un contrat à durée déterminée, d'une durée d'un an, reconductible pour la même durée. Il y était prévu un mécanisme visant à ce qu'Euralis Gastronomie représente au plus 30 % du chiffre d'affaires annuel de son prestataire.
Par avenant du 19 décembre 2017, Euralis Gastronomie a mis un terme au contrat en accordant un préavis de 6 mois à Qualiduck jusqu'au 30 juin 2018.
Lors d'échanges intervenus entre les parties en janvier 2018, Qualiduck a confirmé son intention de diversifier son activité, notamment par l'intermédiaire du rachat d'une société de recyclage. Euralis Gastronomie a confirmé son intention de lancer un nouvel appel d'offres en prévision de l'échéance du 30 juin 2018 arguant d'une part, d'une mauvaise qualité des prestations Qualiduck et d'autre part, de l'impossibilité de cette dernière de diversifier sérieusement son activité.
La société Qualiduck a participé à l'appel d'offre lancé, mais n'a pas été retenue.
Par acte du 12 février 2020, la société Qualiduck a assigné la société Euralis Gastronomie devant le tribunal de commerce de Tarbes pour obtenir des dommages-intérêts pour violation de la clause d'exclusivité, rupture abusive de la relation de prestation de services et inexécution contractuelle.
Par jugement du 8 mars 2021, le tribunal de commerce de Tarbes s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Bordeaux.
Par jugement du 3 décembre 2021 le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- Débouté la société Qualiduck de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné la société Qualiduck à payer à la société Euralis Gastronomie la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Qualiduck aux dépens.
La société Qualiduck a interjeté appel par déclaration reçue au greffe de la Cour le 3 janvier 2022.
Par jugements des 20 mars et 19 juin 2023, le tribunal de commerce de Tarbes a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, puis de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Qualiduck, et a désigné en qualité de liquidateur la SELARL Ekip', prise en la personne de Maître [D] [S].
La société Qualiduck et la société SELARL Ekip', ès qualités de liquidateur judiciaire de celle-ci, aux termes de leurs dernières conclusions, transmises par RPVA le 29 janvier 2024, demandent à la Cour de :
- Donner acte à la SELARL Ekip', prise en la personne de Maître [D] [S] [Adresse 2], es qualités de mandataire liquidateur de la société Qualiduck suivant jugement du 19 juin 2023 rendu par le tribunal de commerce de Tarbes ayant prononcé la conversion en liquidation judiciaire de ladite société, qu'elle intervient volontairement aux présentes ;
- Réformer le jugement rendu le 3 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a débouté la société Qualiduck de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée à une indemnité de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Et statuant à nouveau :
I/ Vu les articles 1103 et 1217 du code civil,
- Constater la violation par la société Euralis Gastronomie de l'exclusivité qui était réservée à son prestataire dans la convention initiale et le préjudice qui en est résulté,
- Juger que la société Euralis Gastronomie a méconnu à compter du 1er septembre 2016, date d'arrivée d'Hexaagro, les prévisions du contrat du 22 novembre 2002, dont les termes étaient reconduits par la société Euralis Gastronomie à l'égard de la société Qualiduck, et ce jusqu'au 31 décembre 2016, date d'effet de la résiliation de la convention initiale,
En conséquence, condamner la société Euralis Gastronomie à payer à la société Qualiduck 60 574, 69 euros à titre de dommages-intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation, avec anatocisme ;
Subsidiairement :
- Enjoindre la société Euralis Gastronomie de produire la facturation émise par la société Hexaagro de septembre à décembre 2016 ;
- Ordonner la mise en 'uvre d'une mesure d'instruction aux fins d'évaluation du préjudice lié au manque de facturation de la totalité de chaines de découpe.
II/ Vu l'article L. 420-2 du code de commerce,
Vu l'article 1240 du code civil,
- Constater la rupture abusive par la société Euralis Gastronomie de la relation de prestations de service,
- Juger que le préjudice de la société Qualiduck résultant de la résiliation abusive du contrat de prestation de services correspond à la privation dans laquelle elle s'est trouvée placée de céder son fonds de commerce au juste prix du marché,
En conséquence,
- Condamner la société Euralis Gastronomie à payer à la société Qualiduck deux millions d'euros à titre de dommages-intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation, avec anatocisme ;
Si toutefois, la juridiction s'estimait insuffisamment informée, ordonner la mise en 'uvre d'une mesure d'instruction aux fins d'évaluation du préjudice subi résultant de la résiliation abusive du contrat de prestation de services ;
III/ Vu les articles 1103 et 1217 du code civil,
- Juger que à compter du mois de mai 2018, et jusqu'au terme de la relation contractuelle le 30 juin 2018, la société Qualiduck s'est vue retirée la découpe des gésiers au profit de la société Pyrenée Agro,
- Constater l'inexécution de la convention à l'occasion des deux derniers mois du partenariat,
En conséquence,
- Condamner la société Euralis Gastronomie à payer à la société Qualiduck 22.546,08 € à titre de dommages-intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation, avec anatocisme ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Euralis Gastronomie au paiement de 27 28 5.000 euros (cinq mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Société Euralis Gastronomie aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
La société Euralis Gastronomie aux termes de ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 22 février 2024, demande à la Cour de :
Vu les articles L.420-2, L.420-7, R.420-4 du code de commerce,
Vu l'annexe 4-1 du code de commerce,
Vu les articles 1103, 1188, 1210 et 1353 du code civil,
Vu les articles 146 et 514-1 du code de procédure civile,
Vu les articles 695 et suivants du ode de procédure civile,
- Débouter la SELARL Ekip', agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck, de l'ensemble de ses demandes et moyens ;
- Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;
Et, y ajoutant :
- Fixer la créance de la Sté Euralis Gastronomie au passif de la société Qualiduck, représentée par la SELARL Ekip', agissant ès qualités de liquidateur judiciaire, à la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel non compris dans les dépens ;
- Ordonner l'emploi des dépens de la procédure d'appel en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société Qualiduck.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024.
MOTIVATION
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Sur l'intervention volontaire de la société Ekip', agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck
L'article L. 641-9 du code de commerce dispose que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Il est pris acte de l'intervention volontaire de la société Ekip', agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck.
Sur la violation de l'exclusivité de septembre à décembre 2016
Moyens des parties
Qualiduck soutient que :
- Euralis Gastronomie l'a évincé unilatéralement de l'une des deux chaînes de découpe qui lui étaient confiées, au profit d'un nouveau prestataire, alors même que les parties étaient encore liées par le contrat de prestation de services du 22 novembre 2002 (pièce Qualiduck n° 3), initialement conclu entre STTV et Euralis Gastronomie et dont les conditions ont été reprises dans la lettre d'intention d'Euralis Gastronomie du 23 avril 2009 (pièce Qualiduck n° 2) ;
- Conformément aux prévisions du contrat, seule Qualiduck aurait dû se voir confier la responsabilité des deux lignes de découpe ;
- Cette décision est intervenue en dehors de l'appel d'offres prévu pour la fin de l'année 2016 ;
- Qualiduck a été contrainte de diminuer de moitié sa production habituelle compte tenu de l'attribution d'une chaîne complète à un autre prestataire à compter du 1er septembre 2016.
Qualiduck ajoute subir un préjudice équivalent au gain manqué de septembre à décembre 2016 (date d'effet de la résiliation de la convention initiale), si elle avait assuré la découpe de l'intégralité des quantités abattues. Elle produit l'évaluation détaillée de son expert-comptable, qui chiffre à 60.574,69 € l'équivalent brut d'exploitation (chiffre d'affaires sous déduction de la main d''uvre corrélative) qu'aurait réalisé Qualiduck sur les 4 mois litigieux (pièce Qualiduck n° 18).
Euralis Gastronomie fait valoir en réponse que :
- Qualiduck n'est pas cessionnaire du contrat du 22 novembre 2002 liant STTV et Euralis Gastronomie mais du fonds de commerce comportant un seul client ;
- C'est un contrat non écrit à durée indéterminée qui liait les parties entre 2009 et 2016 ;
- Les seules exigences posées étaient le maintien des conditions matérielles et financières du contrat qui la liait à STTV, ce qui n'équivaut pas à une reprise d'exclusivité ;
- Qualiduck ne démontre pas avoir bénéficié d'une clause d'exclusivité claire, précise et expresse, de sorte qu'elle ne peut lui reprocher d'avoir confié une chaine de découpe à un autre prestataire.
S'agissant du préjudice, Euralie Gastronimie conteste le teneur de l'attestation de l'expert-comptable produite au motif que rien ne justifie le postulat selon lequel le volume traité par la société Qualiduck sur les deux lignes de découpe aurait été identique. Qualiduck ne peut par ailleurs prétendre qu'à une perte de marge brute de septembre à décembre 2016.
Réponse de la Cour
En application de l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En premier lieu, la Cour retient qu'il ressort des débats que :
- le jugement du tribunal de commerce d'Auch du 15 septembre 2009, par lequel le fonds de commerce précédemment exploité par la société STTV a été cédé à Qualiduck, mentionne de manière expresse qu'est repris à ce titre le "contrat de prestations de services agro-alimentaires réalisées par la société STTV pour la société GMD en date du 22 novembre 2002" (pièce Qualiduck n°1), et précise "qu'il est produit une attestation du co-contractant qui souhaite que (le contrat) soit poursuivi avec la société Qualiduck" ;
- l'attestation du 23 avril 2009 du cocontractant, Euralis Gastronomie (pièce Qualiduck n° 2), mentionne solliciter devant le tribunal de commerce d'Auch la reprise de ce contrat par la société Qualiduck et précise que la reprise doit se faire dans les mêmes conditions matérielles et financières quant à l'étendue des missions confiées (accrochage, découpe, gésiers) et aux volumes concernés, soit l'intégralité des quantités abattues sur le site Maubourguet.
- le contrat à durée indéterminée du 22 novembre 2002, qui a été repris en 2005 par la société Euralis Gastronomie, énumère trois missions : l'accrochage, la découpe de canards et le tranchage de gésiers (article 1) et confie « en exclusivité » l'exécution des prestations d'accrochage et de découpe des canards à SSTV. Il détaille par ailleurs les engagements en termes de volumes tenant à la totalité des quantité abattues sur le site [Localité 4] (articles 3 et 4), ces conditions étant reprises à l'article 5 concernant la mission « gésiers » (pièce Qualiduck n° 3).
Il s'en déduit que le tribunal a à raison retenu que les relations entre les parties étaient gouvernées par les dispositions du contrat du 22 novembre 2002 qui donne mission à la société Qualiduck de traiter l'intégralité des volumes du site UP2 Maubourguet de la société Euralis Gastronomie pour ce qui concerne l'accrochage, la découpe et les gésiers, du moins jusqu'au 31 décembre 2016, date de fin de préavis de 18 mois accordé par Euralis Gastronomie à Qualiduck (pièce n° 4 Qualiduck).
Il s'ensuit qu'en confiant de septembre à décembre 2016 une des deux lignes de découpe à la société tierce Hexaagro, la société Euralis Gastronomie n'a pas, en violation des dispositions contractuelles qui liaient les parties, respecté l'exclusivité jusque-là accordée à la société Qualiduck.
En second lieu, il peut être relevé qu'à l'appui de sa demande de réparation, la société Qualiduck produit une attestation circonstanciée de son expert-comptable qui évalue le manque à gagner sur le 4ème trimestre 2016 à la somme de 60 574,69 €, sur la base d'un chiffre d'affaires doublé par rapport à celui réalisé sur le 4ème trimestre 2016 (pièce Qualiduck n° 18).
Cette attestation détaille les 8 factures prises en compte du 15 septembre 2016 au 31 décembre 2016 (dates, quantités, montant), analyse le taux de marge moyen sur main d'oeuvre directe (MOD) au 30 juin 2015, au 31 août 2016 et au 31 août 2017 (soit 32, 37 % ; 26, 93 % et 30, 43 %) en proportion du chiffre d'affaires et des salaires et charges patronales tels que détaillés dans un tableau et constate par ailleurs que les frais généraux étant stables et non liés à l'activité, l'accroissement de chiffre d'affaires n'aurait pas impacté les coûts de la structure.
Force est de constater que les contrats successifs évoquent, sans plus de précision, des "lignes de découpes chaines à obus" impliquant prélèvement successif de pièces (magrets, cuisses...) et qu'Euralis Gastronmie ne fournit aucun élément concret permettant de rejeter le postulat d'un fonctionnement similaire des deux chaines de découpe litigieuses.
La Cour retient en conséquence que l'expert-comptable de la société Qualiduck a estimé de façon adéquate que la perte d'une chaine de découpe sur deux devait conduire à estimer le manque à gagner ainsi qu'il suit : (202 320, 30 euros - 141 745, 61 euros) x 29, 94 %, soit 60 574, 69 euros.
Le jugement attaqué est infirmé. La société Euralis Gastronomie est condamnée à verser cette somme à société Ekip', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck.
Sur la rupture abusive de la relation de prestation de services en raison d'un état de dépendance économique
Moyens des parties
Qualiduck prétend que :
- Euralis Gastronomie a commis un abus de droit au sens de l'article 1240 du code civil en rompant le contrat de mauvaise foi dès lors qu'elle a programmé, dès 2015, la rupture de relation contractuelle avec Qualiduck, relation qu'elle a artificiellement maintenue pendant 3 ans en optant pour des contrats à durée déterminée d'un an d'abord puis seulement 6 mois ;
- Qualiduck était en situation de dépendance économique vis-à-vis d'Euralis Gastronomie, qui représentait 100 % de son chiffre d'affaires. Cette situation était subie compte tenu du contexte régional des abattoirs et découpeurs industriels de canard, contexte aggravé par l'épisode de grippe aviaire ;
- Euralis Gastronomie a, en violation de l'alinéa 2 de l'article L. 420-2 du code de commerce, exploité cette situation de dépendance par :
* La modification unilatérale du contrat en septembre 2015 en écartant Qualiduck d'une des deux chaînes de production au profit d'un concurrent, au mépris flagrant de la clause d'exclusivité de découpe des quantités abattues ;
* La précarisation de la relation par la signature de contrats désavantageux d'une durée de 1 an puis de 6 mois, interdisant à Qualiduck de céder tout ou partie des droits et obligations découlant du contrat et assortis d'une obligation diversification impossible à remplir ;
* L'éviction définitive de Qualiduck du marché après une seconde procédure d'appel d'offres en an et demi.
S'agissant du préjudice subi, il est soutenu que Qualiduck a été privée de pouvoir céder son fonds de commerce au juste prix du marché. Elle doit donc, pour son indemnisation, être valorisée en intégrant les deux chaînes complètes de production qui auraient dû lui revenir conformément à l'engagement contractuel pris, ce que son expert-comptable évalue à 2.000.000 €.
Euralis Gastronomie conteste toute rupture abusive dès lors que :
- Le contrat du 19 décembre 2017 arrivait à son terme le 30 juin 2018 ;
- Qualiduck a bénéficié au total d'un préavis de 3 ans entre le courrier initial du 23 juin 2015 et la rupture finale au 30 juin 2018 ;
- Les parties auraient pu s'arranger pour déroger à la clause de non-cessibilité ;
- Aucune atteinte au fonctionnement ou à la structure de la concurrence n'est démontrée ;
- Le fait de ne pas avoir vendu son fonds de commerce ne peut s'analyser qu'en une perte de chance ;
- Qualiduck ne justifie pas de véritables négociations ayant porté sur la cession du fonds ou attestant qu'une vente aurait échoué du fait d'Euralis Gastronomie.
Réponse de la Cour
Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 420-2 du code de commerce, est prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées aux articles L. 442-1 à L. 442-3 ou en accords de gamme.
L'abus de dépendance économique suppose donc la réunion de trois conditions cumulatives : l'existence d'une situation de dépendance économique d'une entreprise à l'égard d'une autre, une exploitation abusive de cette situation et une affectation, réelle ou potentielle du fonctionnement ou de la structure de la concurrence. En l'absence de l'une de ces trois conditions, l'abus de dépendance économique allégué n'est pas établi.
L'état de dépendance économique se définit, pour un distributeur, comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise. Néanmoins, la seule circonstance de réaliser une part importante, voire exclusive, de son activité auprès d'un seul partenaire ne suffit pas à caractériser l'état de dépendance économique.
La Cour constate que :
- La société Qualiduck ne produit aucune offre de preuve permettant de déterminer la part de marché que représentait la société Euralis Gastronomie dans son chiffre d'affaires ;
- Ni le « contrat de prestations de services agro-alimentaires réalisées par la société STTV pour la société GMD », ni les contrats à durée déterminée des 26 décembre 2016 et 19 décembre 2017 ne comportent une obligation d'exclusivité à la charge de la société Qualiduck lui interdisant de diversifier son activité. A l'inverse, le contrat de prestation du 26 décembre 2016 précise p.4 en son article 3-Indépendance « l'ambition d'Euralis de ne pas représenter plus de 30 % du chiffre d'affaires annuel de ses prestataires », cette société se réservant le droit de ne pas accepter la reconduction du contrat sans amélioration ou actions particulières menées par le prestataire (pièce Qualiduck n° 7) ;
- Les échanges entre les parties versés aux débats font état des projets de diversification économique depuis deux ans de la société Qualiduck, notamment par la constitution d'une société de recyclage (pièces Qualiduck n° 8 et 12).
- La société Qualiduck ne justifie pas de démarches auprès d'autres groupes agro-alimentaires présents sur le marché de la découpe de palmipèdes ou de difficultés rencontrées dans la recherche d'alternatives.
La Cour retient qu'en l'absence d'impossibilité avérée pour la société Qualiduck de disposer auprès d'autres groupes agro-alimentaires d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles nouées avec la société Euralis Gastronomie, la dépendance économique alléguée n'est pas caractérisée.
Au surplus, il est relevé :
- que le fait de soumettre la société Qualiduck a des procédures d'appel d'offres et de conclure avec elle des contrats à durée déterminée n'est pas, en soi, abusif ;
- qu'aucun élément ne permet de démontrer une altération, même potentielle, de la concurrence.
Il s'ensuit que les conditions d'application de l'article L. 420-2 alinéa 2 du code de commerce ne sont pas réunies.
Aucun abus de droit n'est par ailleurs démontré.
Le jugement attaqué, qui statue au regard des dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 420-1 du code de commerce relatives à l'abus de position dominante, est confirmé pour ces motifs substitués.
Sur l'inexécution du contrat de mai et de juin 2018
Moyens des parties
Qualiduck allègue de :
- L'absence de commande de mai 2018 à juin 2018 sur le poste de découpe des gésiers ;
- Un préjudice consécutif à cette perte de facturation de deux mois et au coût de la main d''uvre intérimaire mobilisée, évalué à 22.546,08 € (perte de chiffre d'affaires sur ce poste et coût des intérimaires qu'elle dit avoir engagé pour la période).
Euralis Gastronomie en réponse estime que :
- La découpe de gésiers a été confiée en urgence à un tiers en raison de la faute grave commise par Qualiduck qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour palier au mouvement de grève de ses salariés et exécuter sa prestation ;
- Ce mouvement de grève ne revêt pas les caractères de la force majeure permettant d'exonérer Qualiduck de sa responsabilité ;
- Ces manquements justifient la faculté de résiliation mise en 'uvre conformément à l'article 12 du contrat de prestation de services du 26 décembre 2016 ;
- Qualiduck ne pourrait prétendre qu'à une perte de marge brute et elle ne démontre pas avoir subi un préjudice.
Réponse de la Cour
L'article 12 du contrat de prestation de services du 26 décembre 2016 prévoit que :
« Chacune des parties pourra résilier de manière anticipée le contrat sans formalité judiciaire en cas de manquement grave et dûment constaté, commis par l'autre partie.
Le client se réserve le droit de prononcer la résiliation du contrat dans les cas suivants :
- Lorsque le prestataire manque à l'une de ses obligations exposant la sécurité de toutes personnes du site ou l'hygiène, sans actions correctrices immédiates de sa part,
- Lorsque le prestataire manque à l'une de ses obligations reprises dans tout autres articles précités dans le présent contrat n'y remédie pas à l'issue d'une période de 8 jours calendaires à compter de l'envoi du courrier par le client le mettant en demeure de respecter ses obligations (') ».
La société Euralis Gastronomie ne conteste pas avoir remplacé son prestataire sur la mission des gésiers pour le mois de mai et de juin 2018, mais oppose à la société Qualiduck sa faculté unilatérale de résiliation du fait de manquements répétés de cette dernière à ses engagements contractuels au début du mois de mai (pièces Euralis Gastronomie n° 23, 24 et 25).
C'est en vain que la société Qualiduck invoque la force majeure pour justifier de son inexécution contractuelle à cette époque sur cette mission découpe des gésiers, laquelle serait liée à un mouvement de grève de son personnel, dès lorsqu'elle n'établit pas qu'un événement échappant à son contrôle, dont les effets pouvaient être évités par des mesures appropriées, empêchait l'exécution de son obligation au sens de l'article 1218 du code civil.
Au surplus, le tribunal a de façon pertinente constaté que Qualiduck échoue à justifier du quantum de sa demande d'indemnisation relative à cette absence de commande de mai et juin 2018.
Le jugement est confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer pour faire valoir leurs droits en justice.
La condamnation de première instance de la société Qualiduck fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera réformée et la société Euralis Gastronomie sera condamnée à verser à son liquidateur, ès qualités, la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Euralis Gastronomie, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Reçoit la SELARL Ekip', prise en la personne de Me [D] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck, en son intervention volontaire,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 3 décembre 2021 en ce qu'il a :
- débouté la société Qualiduck de sa demande fondée sur la violation de septembre à décembre 2016 de l'exclusivité que la société Euralis Gastronomie lui avait consentie ;
- condamné la société Qualiduck au versement de la somme 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Le confirme en l'ensemble des autres dispositions qui lui sont soumises ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Euralis Gastronomie à verser à SELARL Ekip', prise en la personne de Me [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck la somme de 60 574, 69 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'irrespect de l'obligation d'exclusivité ;
Y ajoutant,
Condamne la société Euralis Gastronomie à verser à SELARL Ekip', prise en la personne de Me [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck la somme de 5 000 euros par application des dispositons de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Euralis Gastronomie aux dépens de premier instance et d'appel.
LE GREFFIER P/LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 05 JUIN 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/00628 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7BL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Décembre 2021 - Tribunal de Commerce de Bordeaux, 7ème chambre - RG n° 2021F00321
APPELANTE
S.A.R.L. QUALIDUCK agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Tarbes sous le numéro 514 158 484
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Christophe Pachalis de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : K148
INTIMEE
S.A.S. EURALIS GASTRONOMIE prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Pau sous le numéro 601 650 146
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Arnaud Guyonnet de la SCP AFG, avocat au barreau de Paris, toque : L0044
INTERVENANTE
S.E.L.A.R.L. EKIP' prise en la personne de Maître [D] [S], ès qualités de mandataire liquidateur de la société QUALIDUCK suivant jugement du tribunal de commerce de Tarbes en date du 19 juin 2023
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Christophe Pachalis de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : K148
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Agnès Bodard-Hermant, présidente de la chambre 5.4
Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre
Mme Sophie Depelley, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Brigitte Brun-Lallemand dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre, la présidente empêchée et par M. Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Qualiduck a pour activité le découpage et la transformation de viande de canard. Elle a été placée en liquidation judiciaire le 20 mars 2023.
La société Euralis Gastronomie a pour activité la préparation industrielle de produits à base de viande. Pour ce faire, elle dispose d'un site de production situé à [Localité 4] comprenant un abattoir et un atelier de découpe de canards et d'oies grasses.
Le 15 septembre 2009, le tribunal de commerce d'Auch a ordonné la cession d'une partie du fonds de commerce précédemment exploité par la société STTV à Qualiduck, société créée à cet effet par deux anciens salariés. Euralis Gastronomie a à cette occasion manifesté la volonté que le contrat en cours avec STTVse poursuive avec Qualiduck.
Par LRAR du 23 juin 2015, Euralis Gastronomie a informé Qualiduck de la fin du contrat liant les deux sociétés et de l'octroi d'un préavis de 18 mois jusqu'au 31 décembre 2016. Elle a également annoncé qu'un appel d'offres serait lancé afin de trouver un nouveau prestataire.
Les 26 et 28 décembre 2016, Qualiduck a remporté l'appel d'offres et les parties ont conclu un contrat à durée déterminée, d'une durée d'un an, reconductible pour la même durée. Il y était prévu un mécanisme visant à ce qu'Euralis Gastronomie représente au plus 30 % du chiffre d'affaires annuel de son prestataire.
Par avenant du 19 décembre 2017, Euralis Gastronomie a mis un terme au contrat en accordant un préavis de 6 mois à Qualiduck jusqu'au 30 juin 2018.
Lors d'échanges intervenus entre les parties en janvier 2018, Qualiduck a confirmé son intention de diversifier son activité, notamment par l'intermédiaire du rachat d'une société de recyclage. Euralis Gastronomie a confirmé son intention de lancer un nouvel appel d'offres en prévision de l'échéance du 30 juin 2018 arguant d'une part, d'une mauvaise qualité des prestations Qualiduck et d'autre part, de l'impossibilité de cette dernière de diversifier sérieusement son activité.
La société Qualiduck a participé à l'appel d'offre lancé, mais n'a pas été retenue.
Par acte du 12 février 2020, la société Qualiduck a assigné la société Euralis Gastronomie devant le tribunal de commerce de Tarbes pour obtenir des dommages-intérêts pour violation de la clause d'exclusivité, rupture abusive de la relation de prestation de services et inexécution contractuelle.
Par jugement du 8 mars 2021, le tribunal de commerce de Tarbes s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Bordeaux.
Par jugement du 3 décembre 2021 le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- Débouté la société Qualiduck de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné la société Qualiduck à payer à la société Euralis Gastronomie la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Qualiduck aux dépens.
La société Qualiduck a interjeté appel par déclaration reçue au greffe de la Cour le 3 janvier 2022.
Par jugements des 20 mars et 19 juin 2023, le tribunal de commerce de Tarbes a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, puis de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Qualiduck, et a désigné en qualité de liquidateur la SELARL Ekip', prise en la personne de Maître [D] [S].
La société Qualiduck et la société SELARL Ekip', ès qualités de liquidateur judiciaire de celle-ci, aux termes de leurs dernières conclusions, transmises par RPVA le 29 janvier 2024, demandent à la Cour de :
- Donner acte à la SELARL Ekip', prise en la personne de Maître [D] [S] [Adresse 2], es qualités de mandataire liquidateur de la société Qualiduck suivant jugement du 19 juin 2023 rendu par le tribunal de commerce de Tarbes ayant prononcé la conversion en liquidation judiciaire de ladite société, qu'elle intervient volontairement aux présentes ;
- Réformer le jugement rendu le 3 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a débouté la société Qualiduck de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée à une indemnité de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Et statuant à nouveau :
I/ Vu les articles 1103 et 1217 du code civil,
- Constater la violation par la société Euralis Gastronomie de l'exclusivité qui était réservée à son prestataire dans la convention initiale et le préjudice qui en est résulté,
- Juger que la société Euralis Gastronomie a méconnu à compter du 1er septembre 2016, date d'arrivée d'Hexaagro, les prévisions du contrat du 22 novembre 2002, dont les termes étaient reconduits par la société Euralis Gastronomie à l'égard de la société Qualiduck, et ce jusqu'au 31 décembre 2016, date d'effet de la résiliation de la convention initiale,
En conséquence, condamner la société Euralis Gastronomie à payer à la société Qualiduck 60 574, 69 euros à titre de dommages-intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation, avec anatocisme ;
Subsidiairement :
- Enjoindre la société Euralis Gastronomie de produire la facturation émise par la société Hexaagro de septembre à décembre 2016 ;
- Ordonner la mise en 'uvre d'une mesure d'instruction aux fins d'évaluation du préjudice lié au manque de facturation de la totalité de chaines de découpe.
II/ Vu l'article L. 420-2 du code de commerce,
Vu l'article 1240 du code civil,
- Constater la rupture abusive par la société Euralis Gastronomie de la relation de prestations de service,
- Juger que le préjudice de la société Qualiduck résultant de la résiliation abusive du contrat de prestation de services correspond à la privation dans laquelle elle s'est trouvée placée de céder son fonds de commerce au juste prix du marché,
En conséquence,
- Condamner la société Euralis Gastronomie à payer à la société Qualiduck deux millions d'euros à titre de dommages-intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation, avec anatocisme ;
Si toutefois, la juridiction s'estimait insuffisamment informée, ordonner la mise en 'uvre d'une mesure d'instruction aux fins d'évaluation du préjudice subi résultant de la résiliation abusive du contrat de prestation de services ;
III/ Vu les articles 1103 et 1217 du code civil,
- Juger que à compter du mois de mai 2018, et jusqu'au terme de la relation contractuelle le 30 juin 2018, la société Qualiduck s'est vue retirée la découpe des gésiers au profit de la société Pyrenée Agro,
- Constater l'inexécution de la convention à l'occasion des deux derniers mois du partenariat,
En conséquence,
- Condamner la société Euralis Gastronomie à payer à la société Qualiduck 22.546,08 € à titre de dommages-intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation, avec anatocisme ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Euralis Gastronomie au paiement de 27 28 5.000 euros (cinq mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Société Euralis Gastronomie aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
La société Euralis Gastronomie aux termes de ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 22 février 2024, demande à la Cour de :
Vu les articles L.420-2, L.420-7, R.420-4 du code de commerce,
Vu l'annexe 4-1 du code de commerce,
Vu les articles 1103, 1188, 1210 et 1353 du code civil,
Vu les articles 146 et 514-1 du code de procédure civile,
Vu les articles 695 et suivants du ode de procédure civile,
- Débouter la SELARL Ekip', agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck, de l'ensemble de ses demandes et moyens ;
- Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;
Et, y ajoutant :
- Fixer la créance de la Sté Euralis Gastronomie au passif de la société Qualiduck, représentée par la SELARL Ekip', agissant ès qualités de liquidateur judiciaire, à la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel non compris dans les dépens ;
- Ordonner l'emploi des dépens de la procédure d'appel en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société Qualiduck.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024.
MOTIVATION
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Sur l'intervention volontaire de la société Ekip', agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck
L'article L. 641-9 du code de commerce dispose que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Il est pris acte de l'intervention volontaire de la société Ekip', agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck.
Sur la violation de l'exclusivité de septembre à décembre 2016
Moyens des parties
Qualiduck soutient que :
- Euralis Gastronomie l'a évincé unilatéralement de l'une des deux chaînes de découpe qui lui étaient confiées, au profit d'un nouveau prestataire, alors même que les parties étaient encore liées par le contrat de prestation de services du 22 novembre 2002 (pièce Qualiduck n° 3), initialement conclu entre STTV et Euralis Gastronomie et dont les conditions ont été reprises dans la lettre d'intention d'Euralis Gastronomie du 23 avril 2009 (pièce Qualiduck n° 2) ;
- Conformément aux prévisions du contrat, seule Qualiduck aurait dû se voir confier la responsabilité des deux lignes de découpe ;
- Cette décision est intervenue en dehors de l'appel d'offres prévu pour la fin de l'année 2016 ;
- Qualiduck a été contrainte de diminuer de moitié sa production habituelle compte tenu de l'attribution d'une chaîne complète à un autre prestataire à compter du 1er septembre 2016.
Qualiduck ajoute subir un préjudice équivalent au gain manqué de septembre à décembre 2016 (date d'effet de la résiliation de la convention initiale), si elle avait assuré la découpe de l'intégralité des quantités abattues. Elle produit l'évaluation détaillée de son expert-comptable, qui chiffre à 60.574,69 € l'équivalent brut d'exploitation (chiffre d'affaires sous déduction de la main d''uvre corrélative) qu'aurait réalisé Qualiduck sur les 4 mois litigieux (pièce Qualiduck n° 18).
Euralis Gastronomie fait valoir en réponse que :
- Qualiduck n'est pas cessionnaire du contrat du 22 novembre 2002 liant STTV et Euralis Gastronomie mais du fonds de commerce comportant un seul client ;
- C'est un contrat non écrit à durée indéterminée qui liait les parties entre 2009 et 2016 ;
- Les seules exigences posées étaient le maintien des conditions matérielles et financières du contrat qui la liait à STTV, ce qui n'équivaut pas à une reprise d'exclusivité ;
- Qualiduck ne démontre pas avoir bénéficié d'une clause d'exclusivité claire, précise et expresse, de sorte qu'elle ne peut lui reprocher d'avoir confié une chaine de découpe à un autre prestataire.
S'agissant du préjudice, Euralie Gastronimie conteste le teneur de l'attestation de l'expert-comptable produite au motif que rien ne justifie le postulat selon lequel le volume traité par la société Qualiduck sur les deux lignes de découpe aurait été identique. Qualiduck ne peut par ailleurs prétendre qu'à une perte de marge brute de septembre à décembre 2016.
Réponse de la Cour
En application de l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En premier lieu, la Cour retient qu'il ressort des débats que :
- le jugement du tribunal de commerce d'Auch du 15 septembre 2009, par lequel le fonds de commerce précédemment exploité par la société STTV a été cédé à Qualiduck, mentionne de manière expresse qu'est repris à ce titre le "contrat de prestations de services agro-alimentaires réalisées par la société STTV pour la société GMD en date du 22 novembre 2002" (pièce Qualiduck n°1), et précise "qu'il est produit une attestation du co-contractant qui souhaite que (le contrat) soit poursuivi avec la société Qualiduck" ;
- l'attestation du 23 avril 2009 du cocontractant, Euralis Gastronomie (pièce Qualiduck n° 2), mentionne solliciter devant le tribunal de commerce d'Auch la reprise de ce contrat par la société Qualiduck et précise que la reprise doit se faire dans les mêmes conditions matérielles et financières quant à l'étendue des missions confiées (accrochage, découpe, gésiers) et aux volumes concernés, soit l'intégralité des quantités abattues sur le site Maubourguet.
- le contrat à durée indéterminée du 22 novembre 2002, qui a été repris en 2005 par la société Euralis Gastronomie, énumère trois missions : l'accrochage, la découpe de canards et le tranchage de gésiers (article 1) et confie « en exclusivité » l'exécution des prestations d'accrochage et de découpe des canards à SSTV. Il détaille par ailleurs les engagements en termes de volumes tenant à la totalité des quantité abattues sur le site [Localité 4] (articles 3 et 4), ces conditions étant reprises à l'article 5 concernant la mission « gésiers » (pièce Qualiduck n° 3).
Il s'en déduit que le tribunal a à raison retenu que les relations entre les parties étaient gouvernées par les dispositions du contrat du 22 novembre 2002 qui donne mission à la société Qualiduck de traiter l'intégralité des volumes du site UP2 Maubourguet de la société Euralis Gastronomie pour ce qui concerne l'accrochage, la découpe et les gésiers, du moins jusqu'au 31 décembre 2016, date de fin de préavis de 18 mois accordé par Euralis Gastronomie à Qualiduck (pièce n° 4 Qualiduck).
Il s'ensuit qu'en confiant de septembre à décembre 2016 une des deux lignes de découpe à la société tierce Hexaagro, la société Euralis Gastronomie n'a pas, en violation des dispositions contractuelles qui liaient les parties, respecté l'exclusivité jusque-là accordée à la société Qualiduck.
En second lieu, il peut être relevé qu'à l'appui de sa demande de réparation, la société Qualiduck produit une attestation circonstanciée de son expert-comptable qui évalue le manque à gagner sur le 4ème trimestre 2016 à la somme de 60 574,69 €, sur la base d'un chiffre d'affaires doublé par rapport à celui réalisé sur le 4ème trimestre 2016 (pièce Qualiduck n° 18).
Cette attestation détaille les 8 factures prises en compte du 15 septembre 2016 au 31 décembre 2016 (dates, quantités, montant), analyse le taux de marge moyen sur main d'oeuvre directe (MOD) au 30 juin 2015, au 31 août 2016 et au 31 août 2017 (soit 32, 37 % ; 26, 93 % et 30, 43 %) en proportion du chiffre d'affaires et des salaires et charges patronales tels que détaillés dans un tableau et constate par ailleurs que les frais généraux étant stables et non liés à l'activité, l'accroissement de chiffre d'affaires n'aurait pas impacté les coûts de la structure.
Force est de constater que les contrats successifs évoquent, sans plus de précision, des "lignes de découpes chaines à obus" impliquant prélèvement successif de pièces (magrets, cuisses...) et qu'Euralis Gastronmie ne fournit aucun élément concret permettant de rejeter le postulat d'un fonctionnement similaire des deux chaines de découpe litigieuses.
La Cour retient en conséquence que l'expert-comptable de la société Qualiduck a estimé de façon adéquate que la perte d'une chaine de découpe sur deux devait conduire à estimer le manque à gagner ainsi qu'il suit : (202 320, 30 euros - 141 745, 61 euros) x 29, 94 %, soit 60 574, 69 euros.
Le jugement attaqué est infirmé. La société Euralis Gastronomie est condamnée à verser cette somme à société Ekip', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck.
Sur la rupture abusive de la relation de prestation de services en raison d'un état de dépendance économique
Moyens des parties
Qualiduck prétend que :
- Euralis Gastronomie a commis un abus de droit au sens de l'article 1240 du code civil en rompant le contrat de mauvaise foi dès lors qu'elle a programmé, dès 2015, la rupture de relation contractuelle avec Qualiduck, relation qu'elle a artificiellement maintenue pendant 3 ans en optant pour des contrats à durée déterminée d'un an d'abord puis seulement 6 mois ;
- Qualiduck était en situation de dépendance économique vis-à-vis d'Euralis Gastronomie, qui représentait 100 % de son chiffre d'affaires. Cette situation était subie compte tenu du contexte régional des abattoirs et découpeurs industriels de canard, contexte aggravé par l'épisode de grippe aviaire ;
- Euralis Gastronomie a, en violation de l'alinéa 2 de l'article L. 420-2 du code de commerce, exploité cette situation de dépendance par :
* La modification unilatérale du contrat en septembre 2015 en écartant Qualiduck d'une des deux chaînes de production au profit d'un concurrent, au mépris flagrant de la clause d'exclusivité de découpe des quantités abattues ;
* La précarisation de la relation par la signature de contrats désavantageux d'une durée de 1 an puis de 6 mois, interdisant à Qualiduck de céder tout ou partie des droits et obligations découlant du contrat et assortis d'une obligation diversification impossible à remplir ;
* L'éviction définitive de Qualiduck du marché après une seconde procédure d'appel d'offres en an et demi.
S'agissant du préjudice subi, il est soutenu que Qualiduck a été privée de pouvoir céder son fonds de commerce au juste prix du marché. Elle doit donc, pour son indemnisation, être valorisée en intégrant les deux chaînes complètes de production qui auraient dû lui revenir conformément à l'engagement contractuel pris, ce que son expert-comptable évalue à 2.000.000 €.
Euralis Gastronomie conteste toute rupture abusive dès lors que :
- Le contrat du 19 décembre 2017 arrivait à son terme le 30 juin 2018 ;
- Qualiduck a bénéficié au total d'un préavis de 3 ans entre le courrier initial du 23 juin 2015 et la rupture finale au 30 juin 2018 ;
- Les parties auraient pu s'arranger pour déroger à la clause de non-cessibilité ;
- Aucune atteinte au fonctionnement ou à la structure de la concurrence n'est démontrée ;
- Le fait de ne pas avoir vendu son fonds de commerce ne peut s'analyser qu'en une perte de chance ;
- Qualiduck ne justifie pas de véritables négociations ayant porté sur la cession du fonds ou attestant qu'une vente aurait échoué du fait d'Euralis Gastronomie.
Réponse de la Cour
Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 420-2 du code de commerce, est prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées aux articles L. 442-1 à L. 442-3 ou en accords de gamme.
L'abus de dépendance économique suppose donc la réunion de trois conditions cumulatives : l'existence d'une situation de dépendance économique d'une entreprise à l'égard d'une autre, une exploitation abusive de cette situation et une affectation, réelle ou potentielle du fonctionnement ou de la structure de la concurrence. En l'absence de l'une de ces trois conditions, l'abus de dépendance économique allégué n'est pas établi.
L'état de dépendance économique se définit, pour un distributeur, comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise. Néanmoins, la seule circonstance de réaliser une part importante, voire exclusive, de son activité auprès d'un seul partenaire ne suffit pas à caractériser l'état de dépendance économique.
La Cour constate que :
- La société Qualiduck ne produit aucune offre de preuve permettant de déterminer la part de marché que représentait la société Euralis Gastronomie dans son chiffre d'affaires ;
- Ni le « contrat de prestations de services agro-alimentaires réalisées par la société STTV pour la société GMD », ni les contrats à durée déterminée des 26 décembre 2016 et 19 décembre 2017 ne comportent une obligation d'exclusivité à la charge de la société Qualiduck lui interdisant de diversifier son activité. A l'inverse, le contrat de prestation du 26 décembre 2016 précise p.4 en son article 3-Indépendance « l'ambition d'Euralis de ne pas représenter plus de 30 % du chiffre d'affaires annuel de ses prestataires », cette société se réservant le droit de ne pas accepter la reconduction du contrat sans amélioration ou actions particulières menées par le prestataire (pièce Qualiduck n° 7) ;
- Les échanges entre les parties versés aux débats font état des projets de diversification économique depuis deux ans de la société Qualiduck, notamment par la constitution d'une société de recyclage (pièces Qualiduck n° 8 et 12).
- La société Qualiduck ne justifie pas de démarches auprès d'autres groupes agro-alimentaires présents sur le marché de la découpe de palmipèdes ou de difficultés rencontrées dans la recherche d'alternatives.
La Cour retient qu'en l'absence d'impossibilité avérée pour la société Qualiduck de disposer auprès d'autres groupes agro-alimentaires d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles nouées avec la société Euralis Gastronomie, la dépendance économique alléguée n'est pas caractérisée.
Au surplus, il est relevé :
- que le fait de soumettre la société Qualiduck a des procédures d'appel d'offres et de conclure avec elle des contrats à durée déterminée n'est pas, en soi, abusif ;
- qu'aucun élément ne permet de démontrer une altération, même potentielle, de la concurrence.
Il s'ensuit que les conditions d'application de l'article L. 420-2 alinéa 2 du code de commerce ne sont pas réunies.
Aucun abus de droit n'est par ailleurs démontré.
Le jugement attaqué, qui statue au regard des dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 420-1 du code de commerce relatives à l'abus de position dominante, est confirmé pour ces motifs substitués.
Sur l'inexécution du contrat de mai et de juin 2018
Moyens des parties
Qualiduck allègue de :
- L'absence de commande de mai 2018 à juin 2018 sur le poste de découpe des gésiers ;
- Un préjudice consécutif à cette perte de facturation de deux mois et au coût de la main d''uvre intérimaire mobilisée, évalué à 22.546,08 € (perte de chiffre d'affaires sur ce poste et coût des intérimaires qu'elle dit avoir engagé pour la période).
Euralis Gastronomie en réponse estime que :
- La découpe de gésiers a été confiée en urgence à un tiers en raison de la faute grave commise par Qualiduck qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour palier au mouvement de grève de ses salariés et exécuter sa prestation ;
- Ce mouvement de grève ne revêt pas les caractères de la force majeure permettant d'exonérer Qualiduck de sa responsabilité ;
- Ces manquements justifient la faculté de résiliation mise en 'uvre conformément à l'article 12 du contrat de prestation de services du 26 décembre 2016 ;
- Qualiduck ne pourrait prétendre qu'à une perte de marge brute et elle ne démontre pas avoir subi un préjudice.
Réponse de la Cour
L'article 12 du contrat de prestation de services du 26 décembre 2016 prévoit que :
« Chacune des parties pourra résilier de manière anticipée le contrat sans formalité judiciaire en cas de manquement grave et dûment constaté, commis par l'autre partie.
Le client se réserve le droit de prononcer la résiliation du contrat dans les cas suivants :
- Lorsque le prestataire manque à l'une de ses obligations exposant la sécurité de toutes personnes du site ou l'hygiène, sans actions correctrices immédiates de sa part,
- Lorsque le prestataire manque à l'une de ses obligations reprises dans tout autres articles précités dans le présent contrat n'y remédie pas à l'issue d'une période de 8 jours calendaires à compter de l'envoi du courrier par le client le mettant en demeure de respecter ses obligations (') ».
La société Euralis Gastronomie ne conteste pas avoir remplacé son prestataire sur la mission des gésiers pour le mois de mai et de juin 2018, mais oppose à la société Qualiduck sa faculté unilatérale de résiliation du fait de manquements répétés de cette dernière à ses engagements contractuels au début du mois de mai (pièces Euralis Gastronomie n° 23, 24 et 25).
C'est en vain que la société Qualiduck invoque la force majeure pour justifier de son inexécution contractuelle à cette époque sur cette mission découpe des gésiers, laquelle serait liée à un mouvement de grève de son personnel, dès lorsqu'elle n'établit pas qu'un événement échappant à son contrôle, dont les effets pouvaient être évités par des mesures appropriées, empêchait l'exécution de son obligation au sens de l'article 1218 du code civil.
Au surplus, le tribunal a de façon pertinente constaté que Qualiduck échoue à justifier du quantum de sa demande d'indemnisation relative à cette absence de commande de mai et juin 2018.
Le jugement est confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer pour faire valoir leurs droits en justice.
La condamnation de première instance de la société Qualiduck fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera réformée et la société Euralis Gastronomie sera condamnée à verser à son liquidateur, ès qualités, la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Euralis Gastronomie, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Reçoit la SELARL Ekip', prise en la personne de Me [D] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck, en son intervention volontaire,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 3 décembre 2021 en ce qu'il a :
- débouté la société Qualiduck de sa demande fondée sur la violation de septembre à décembre 2016 de l'exclusivité que la société Euralis Gastronomie lui avait consentie ;
- condamné la société Qualiduck au versement de la somme 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Le confirme en l'ensemble des autres dispositions qui lui sont soumises ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Euralis Gastronomie à verser à SELARL Ekip', prise en la personne de Me [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck la somme de 60 574, 69 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'irrespect de l'obligation d'exclusivité ;
Y ajoutant,
Condamne la société Euralis Gastronomie à verser à SELARL Ekip', prise en la personne de Me [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Qualiduck la somme de 5 000 euros par application des dispositons de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Euralis Gastronomie aux dépens de premier instance et d'appel.
LE GREFFIER P/LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE