Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 6 juin 2024, n° 23/09731
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT DE SURSIS A STATUER
DU 06 JUIN 2024
N° 2024/305
N° RG 23/09731 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLVGQ
[W] [M]
C/
S.A.S. EOS FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me TEISSIER
Me GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 06 Juin 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/07207.
APPELANT
Monsieur [W] [M]
né le [Date naissance 1] 1969, demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/004793 du 31/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représenté par Me Mathilde TEISSIER, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
INTIMEE
S.A.S. EOS FRANCE Société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 488 825 217, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux Venant aux droit de la SA DIAC domiciliés en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cédric KLEIN de la SELAS CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président de Chambre
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président de Chambre et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* Faits, procédure, prétentions des parties :
Aux termes d'une ordonnance du 18 décembre 2008, signifiée le 15 janvier 2009 par procès-verbal remis à l'étude, le juge d'instance de Marseille enjoignait à monsieur [M] de payer à la société DIAC la somme de 4 389,79 € avec intérêts au taux de 6,45 % l'an. Le 17 février 2009, elle était revêtue de la formule exécutoire en l'absence d'opposition formée par monsieur [M].
Le 3 juin 2022, la société Eos France (ex Crédirec) venant aux droits de la société DIAC, selon acte de cession de créance du 31 janvier 2013, faisait délivrer à la Banque Postale, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de monsieur [M] aux fins de paiement de la somme de 6 586,93 €. La saisie fructueuse, était dénoncée, le 13 juin suivant, à monsieur [M].
Le 11 juillet 2022, monsieur [M] faisait assigner la société Eos France devant le juge de l'exécution de Marseille aux fins de nullité et de mainlevée de saisie-attribution.
Un jugement du 6 juin 2023 du juge de l'exécution de Marseille :
- déclarait recevable la contestation de monsieur [M],
- validait la saisie-attribution du 3 juin 2022,
- disait n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamnait monsieur [M] aux entiers dépens.
Le jugement précité était notifié par lettre recommandée dont l'accusé de réception était signé le 22 juin 2023 par monsieur [M], lequel formait une demande d'aide judiciaire, le 6 juillet suivant. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 juillet 2023, monsieur [M] formait appel du jugement. Le 28 septembre 2023, monsieur [M] faisait signifier à la société Eos sa déclaration d'appel à bref délai suite à un avis de fixation du 19 septembre 2023.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 11 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, monsieur [M] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau, à titre principal, annuler la saisie-attribution du 3 juin 2022,
- à titre subsidiaire, limiter la saisie-attribution au montant du principal et condamner la société Eos France à lui restituer la somme de 1 417,26 €,
- en tout état de cause, condamner la société Eos France au paiement d'une somme de 5 000 € de dommages et intérêts et une indemnité de 4 000 € pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Il produit la dénonce de sa contestation à l'huissier poursuivant et le courrier d'information au tiers saisi et soutient qu'elle est recevable. Il considère que le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur une contestation qui s'élève à l'occasion de l'exécution forcée et donc sur celle de la validité de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer. Il invoque le défaut de titre exécutoire pour défaut de signification valable dans les six mois, soit avant le 18 juin 2009, au motif d'une erreur de date (2008 au lieu 2009) qui lui cause grief au motif que l'acte de signification conditionne la validité du titre.
Il relève l'existence d'une seule vérification de l'huissier de justice sur la boîte aux lettres portant la mention du nom de sa belle-mère, occupante, alors qu'il n'a vécu que quinze jours au domicile de cette dernière, avenue [Adresse 7]. En outre, il n'a pas reçu l'avis de passage et le courrier simple de l'huissier.
A titre subsidiaire, il invoque la prescription du titre exécutoire sur le fondement de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution au motif de la nullité de la signification du commandement de payer valant saisie du 12 juin 2010 fondée sur le défaut de mention de la qualité d'épouse de madame [M] et du défaut de signification du procès-verbal de saisie à sa personne alors qu'il était absent, prescriptions imposées par les articles R 221-16 7° et R 221-18 du code des procédures civiles d'exécution. Il invoque un grief constitué par le défaut d'information de son droit à former opposition.
Il fonde sa demande subsidiaire de prescription des intérêts légaux sur l'article L 218-2 du code de la consommation et la prescription biennale des intérêts constitutifves de créances périodiques nées en application du titre exécutoire. Il considère que seul le commandement de payer du 12 juin 2010 a pu interrompre la prescription, à défaut d'un autre acte d'exécution, et sollicite la condamnation de la société Eos France à lui restituer la somme de 1 417,26 €. Il fonde sa demande de dommages et intérêts sur la mauvaise foi du créancier, les frais bancaires de 100 € consécutifs à la saisie et l'indisponibilité de son compte pendant un mois.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 1er mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Eos France demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré sauf ses dispositions relatives à la recevabilité de la contestation et le rejet de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,
- statuant à nouveau, déclarer irrecevable sinon infondée la contestation et valider la saisie-attribution du 3 juin 2022,
- débouter monsieur [M] de toutes ses demandes,
- condamner monsieur [M] au paiement d'une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel recouvrés par maître Guedj, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle conteste la recevabilité de la contestation au motif du défaut d'avis de la contestation au tiers saisi. Elle conteste le caractère non-avenu de l'ordonnance d'injonction de payer du 18 décembre 2008 signifiée le 15 janvier 2009 au motif que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour examiner la signification du 15 janvier 2009 de l'ordonnance d'injonction de payer dès lors que sa compétence ne résulte que de l'apposition de la formule exécutoire du 17 février 2009, seul le juge du fond étant compétent pour en connaître sur opposition.
Sur le fond, elle soutient que la signification est régulière en l'état de la mention du nom du débiteur sur la boîte aux lettres, du défaut d'information du créancier de son changement d'adresse, et de la reconnaissance de cette adresse dans ses écritures.
Elle constate l'absence de grief au motif que monsieur [M] n'a pas été privé d'un recours alors qu'il avait la faculté de faire opposition suite à l'acte de saisie-vente délivré le 12 juin 2010.
Elle conteste la prescription de son titre exécutoire en l'état de son interruption par l'acte de saisie-vente du 12 juin 2010 et du commandement de payer du 3 juin 2020 dont l'exception de nullité est irrecevable pour n'être pas soulevée in limine litis, être un moyen nouveau devant la cour, et n'être pas mentionné dans le dispositif.
En tout état de cause, elle relève l'absence de grief sur le défaut de mention de la qualité d'épouse de madame [M] sur l'acte de saisie du 12 juin 2010 et rappelle que les modalités d'opposition sont mentionnées sur l'acte de signification.
Sur le commandement du 3 juin 2020, elle relève la double vérification de l'adresse sur la boîte aux lettres et le tableau des occupants, l'exactitude de l'adresse est confirmée par l'existence d'une résidence dans la continuité des [Adresse 6] et [Adresse 7] alors que le bâtiment 24 est entouré par ces deux rues.
En tout état de cause, elle conteste tout grief au motif que les modalités de contestation sont mentionnées sur le procès-verbal d'indisponibilité délivré à madame [M] pour le compte de son conjoint. Cette dernière a confirmé l'adresse à laquelle monsieur [M] a refusé de signer une lettre portant dénonce d'une saisie-attribution délivrée par erreur.
Elle conteste la prescription biennale des intérêts au motif que plusieurs actes d'exécution ont interrompu cette prescription et la demande de dommages et intérêts pour défaut de preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien entre les deux.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 12 mars 2024.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
- Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 3 juin 2022,
Selon les dispositions de l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.
* Sur la recevabilité de la contestation,
L'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.
En l'espèce, monsieur [M] produit la lettre recommandée adressée à l'huissier poursuivant portant dénonce de sa contestation et le courrier simple d'information au tiers saisi ; sa contestation est donc recevable (cf pièces n°14 et 16 ).
* Sur la demande de caducité de l'ordonnance d'injonction de payer,
Selon les dispositions de l'article L 213-6 alinéa 1 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elle n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
L'article 1411 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date.
En l'espèce, le juge de l'exécution n'est compétent que pour statuer sur les difficultés relatives aux titres exécutoires au sens de l'article L 213-6 précité. L'ordonnance d'injonction de payer du 18 décembre 2008 n'est pas un titre exécutoire. En effet, la formule exécutoire n'a été apposée que le 17 février 2009. Le juge de l'exécution n'est donc pas compétent pour statuer sur la validité de la signification du 15 janvier 2009 d'une décision non constitutive d'un titre exécutoire. Monsieur [M] s'est abstenu de saisir le tribunal d'instance d'une opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 18 décembre 2008. Le premier juge a donc justement retenu que seul le tribunal précité, saisi d'une opposition, était compétent pour statuer sur la caducité de l'ordonnance d'injonction de payer pour défaut de signification valable dans les six mois de sa date.
- Sur la demande de nullité de la signification de l'ordonnance portant injonction de payer revêtue de la formule exécutoire,
L'article 503 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.
L'article 656 du code de procédure civile dispose que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile.
L' article 114 du code de procédure civile dispose qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
En l'espèce, la saisie-attribution contestée du 3 juin 2022 est fondée sur l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire du 17 février 2009 dont monsieur [M] conteste la validité de la signification du 3 juin 2020.
Cette dernière a été effectuée à l'adresse suivante, ' [Adresse 3]' par procès-verbal remis à l'étude après que l'huissier ait procédé aux vérifications suivantes: mention du nom sur la boîte aux lettres et sur le tableau des occupants. Ainsi, l'huissier a procédé à deux vérifications mentionnées dans l'acte et a donc satisfait les exigences de l'article 656 du code de procédure civile.
Les vérifications précitées font foi jusqu'à inscription de faux de sorte que Monsieur [M] ne peut contester utilement les vérifications de l'huissier, au motif qu'il serait domicilié à une autre adresse située au [Adresse 2], qu'au moyen d'une inscription de faux qu'il n'a pas déposée.
De plus, la réalité du domicile de monsieur [M] au [Adresse 3] est confirmée :
- par la remise à son épouse qui a accepté de recevoir l'acte, le 29 juin 2021, à cette adresse de la dénonce du procès-verbal d'indisponibilité de certificat d'immatriculation. Aucune mention de l'acte ne permet d'établir la remise alléguée, sur le parking de la résidence, du procès-verbal, alors que l'épouse de monsieur [M] ne pouvait prévoir la visite d'un huissier,
- par la signification du 13 juin 2022 de la dénonce de la saisie contestée déposée à l'étude après vérification par l'huissier du nom de monsieur [M] sur la boîte aux lettres et le tableau des occupants.
Par conséquent, l'exception de nullité de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire n'est pas fondée.
- Sur la prescription du titre exécutoire,
Selon les dispositions de l'article L 111-4, issues de la loi n°208-561 du 17 juin 2008, entrées en vigueur le 19 juin suivant, l'exécution des titres exécutoires mentionnées aux 1° et 3° de l'article L 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans.
En application de l'article 2244 du code civil, la prescription est interrompue par la délivrance d'un acte d'exécution forcée.
En l'espèce, la prescription décennale précitée court à compter de l'apposition de la formule exécutoire, soit le 17 février 2009.
Le procès-verbal de saisie-vente signifié le 12 juin 2010 et remis à l'épouse de monsieur [M] mentionne que la saisie a eu lieu à son domicile situé [Adresse 2]. Le défaut de mention de la qualité d'épouse de madame [E] [M] n'a pas causé de grief à l'appelant, lequel en a par nature connaissance.
Si la société Eos ne justifie pas de la signification d'une copie de l'acte de saisie à monsieur [M], absent, avec mention d'un délai de huit jours pour signaler une éventuelle saisie antérieure, prescription imposée par l'article R 211-18 du code des procédures civiles d'exécution, il s'agit d'une nullité de forme et ce dernier n'établit pas l'existence d'une saisie antérieure et donc un grief en lien avec le non-respect de cette formalité.
Par ailleurs, la mention du droit de former opposition à l'ordonnance d'injonction de payer dans le délai d'un mois figure sur sa signification du 3 juin 2020 mais n'est pas imposée sur celle d'un acte d'exécution forcée. Ainsi, l'exception de nullité de la signification du procès-verbal de saisie-vente du 12 juin 2010 n'est pas fondée et doit être rejetée.
Au titre de la contestation de la signification du 3 juin 2020, le dispositif des conclusions de l'intimée ne mentionne pas l'irrecevabilité de cette exception de nullité pour cause de tardiveté de sorte que la cour n'est pas saisie de ce moyen.
Sur le fond, la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire avec commandement de payer aux fins de saisie-vente a été délivrée à l'adresse avenue [Adresse 7], bât [Adresse 4] alors que l'appelant soutient que son adresse se situe avenue des Cigalons. Il résulte des mentions de cet acte que l'huissier a constaté l'absence de l'appelant mais que son nom figurait sur la boîte aux lettres et le tableau des occupants. Il a donc accompli une double vérification conforme aux exigences de l'article 656 du code de procédure civile. Ces mentions font foi jusqu'à inscription de faux laquelle n'a pas été déposée par l'appelant.
Si monsieur [M] soutient que l'adresse de l'avenue [Adresse 7] est erronée et correspond à un appartement occupé par sa belle-mère puis sa belle soeur, il procède par voie d'affirmation et ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité du domicile de ces dernières.
De plus, il résulte de la photographie aérienne versée au débat que le bâtiment 24 est entouré de l'avenue des Cigalons d'un coté et de l'avenue [Adresse 7] de l'autre de sorte que l'huissier n'a pu commettre de confusion et se tromper de bâtiment puisqu'il n'en existe qu'un seul.
Ensuite, l'adresse de l'avenue [Adresse 7] est mentionnée sur l'acte du 29 juin 2021 de dénonce d'un procès-verbal d'indisponibilité de certificat d'immatriculation, remis à cette adresse à madame [M], laquelle n'était pas informée de la visite de l'huissier et n'a pas été fortuitement rencontrée sur le parking. Enfin, l'accusé de réception de la lettre d'envoi, à l'adresse de l'avenue [Adresse 7], de la dénonce d'une saisie-attribution du 3 juin 2022 mentionne que le pli a été refusé par le destinataire (cf pièce n°16). Ainsi, monsieur [M] a été rencontré par le préposé de La Poste à cette adresse mais a refusé de réceptionner ledit courrier.
Ainsi, les actes d'exécution forcée des 12 juin 2010 et 3 juin 2020 ont interrompu la prescription du titre exécutoire, lequel fonde valablement la saisie-attribution contestée du 3 juin 2022.
- Sur l'existence d'une créance exigible,
L'article L 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat de crédit du 7 mai 2005 dispose que dans les contrats entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 132-2, peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa.
Une annexe au présent code comprend une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa. En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public.
Il résulte d'un arrêt rendu par la grande chambre de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 17 mai 2022 que les articles 6§1 et 7 §1 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale qui, en raison de l'effet de l'autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d'examiner d'office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d'une procédure d'exécution hypothécaire ni au consommateur, après l'expiration du délai pour former opposition, d'invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l'objet, lors de la procédure d'exécution hypothécaire, d'un examen d'office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l'exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l'existence de cet examen ni n'indique que l'appréciation portée par ce juge à l'issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l'absence d'opposition formée dans ledit délai. ( CJUE 600/19 Ibercaja Banco).
Un arrêt du même jour (C -693/19 SPV Project 503 Srl et C-831/19 Banco di Desio e della Brianza e.a ) mentionne que les dispositions précitées doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui prévoit que, lorsqu'une injonction de payer prononcée par un juge sur demande d'un créancier, n'a pas fait l'objet d'une opposition formée par le débiteur, le juge de l'exécution, ne peut pas, au motif de l'autorité de chose jugée dont cette injonction est revêtue et couvre implicitement la validité de ces clauses, excluant tout examen ultérieur de la validité de ces dernières, contrôler l'éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à ladite injonction.
Le droit positif interne en déduit que l'autorité de chose jugée d'une décision de justice telle qu'une décision d'admission de créance au passif d'une procédure collective, résultant de l'article 1355 du code civil et de l'article 480 du code de procédure civile, n'a pas pour effet de vider de sa substance l'obligation du juge national de procéder à un examen d'office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles. (Com 8 février 2023 21-17.763)
La Cour de cassation a jugé qu'une clause d'un contrat de prêt qui stipule la résiliation de plein droit d'un contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'un délai raisonnable créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. (Civ 2ème 22 mars 2023 21-16.044).
Le contrat de prêt, objet du litige, du 7 mai 2005 est donc soumis aux dispositions de l'article L 132-1 précité.
L'article 5.4 des conditions contractuelles et particulières stipule notamment au titre de la clause intitulée 'déchéance' que si vous ne respectez pas vos obligations même partiellement vous encourez la déchéance du terme. Elle sera acquise après l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse. Vous devrez nous régler le capital restant du et une indemnité de 8 % de ce capital'.
Ainsi, cette clause prévoit un mécanisme conventionnel de déchéance du terme après mise en demeure préalable mais sans précision de la durée du délai convenu pour régulariser les impayés. Dans ces conditions, il importe peu que la lettre de déchéance du terme du 19 novembre 2017, avec accusé de réception du 27 novembre suivant, octroie un délai de huit jours, au surplus à compter de la date d'envoi, pour régulariser les échéances impayées de 720,76 €.
La clause précitée est susceptible de constituer une clause abusive en ce qu'elle stipule une exigibilité immédiate des sommes restant dues en cas de non-paiement d'une échéance sans laisser à l'emprunteur un délai pour régulariser les impayés. Dans ce cas, elle serait réputée non écrite de sorte que le dispositif conventionnel de déchéance du terme est mis à néant et le créancier doit opter pour la résolution du contrat sauf la faculté pour le juge de l'exécution de limiter la condamnation au paiement des échéances impayées.
Dans ces conditions, il convient afin de respecter le principe de la contradiction de rouvrir les débats afin de permettre aux parties de formuler leurs observations sur le point de droit soulevé d'office. Il sera alors statué, le cas échéant, sur la prescription des intérêts non soumise au premier juge.
Les demandes relatives aux dommages et intérêts, dépens et frais irrépétibles seront réservées.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
SURSOIT à statuer sur les mérites de l'appel formé par monsieur [W] [M],
SOULÈVE d'office la question du caractère abusif de la clause de déchéance du terme des dispositions contractuelles et particulières du contrat (article 5.4 ) de crédit du 7 mai 2005,
PRONONCE la réouverture des débats à l'audience du jeudi 12 septembre 2024 à 14h15 de la chambre 1-9 de la cour d'appel d'Aix en Provence, salle F Palais Verdun ,
DIT que l'ordonnance de clôture sera rendue le 13 août 2024.
INVITE les parties à formuler leurs observations sur le point de droit soulevé d'office et ses éventuelles conséquences sur la saisie-attribution contestée,
RÉSERVE les demandes relatives aux dommages et intérêts, à l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Chambre 1-9
ARRÊT DE SURSIS A STATUER
DU 06 JUIN 2024
N° 2024/305
N° RG 23/09731 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLVGQ
[W] [M]
C/
S.A.S. EOS FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me TEISSIER
Me GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 06 Juin 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/07207.
APPELANT
Monsieur [W] [M]
né le [Date naissance 1] 1969, demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/004793 du 31/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représenté par Me Mathilde TEISSIER, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
INTIMEE
S.A.S. EOS FRANCE Société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 488 825 217, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux Venant aux droit de la SA DIAC domiciliés en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cédric KLEIN de la SELAS CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président de Chambre
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président de Chambre et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* Faits, procédure, prétentions des parties :
Aux termes d'une ordonnance du 18 décembre 2008, signifiée le 15 janvier 2009 par procès-verbal remis à l'étude, le juge d'instance de Marseille enjoignait à monsieur [M] de payer à la société DIAC la somme de 4 389,79 € avec intérêts au taux de 6,45 % l'an. Le 17 février 2009, elle était revêtue de la formule exécutoire en l'absence d'opposition formée par monsieur [M].
Le 3 juin 2022, la société Eos France (ex Crédirec) venant aux droits de la société DIAC, selon acte de cession de créance du 31 janvier 2013, faisait délivrer à la Banque Postale, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de monsieur [M] aux fins de paiement de la somme de 6 586,93 €. La saisie fructueuse, était dénoncée, le 13 juin suivant, à monsieur [M].
Le 11 juillet 2022, monsieur [M] faisait assigner la société Eos France devant le juge de l'exécution de Marseille aux fins de nullité et de mainlevée de saisie-attribution.
Un jugement du 6 juin 2023 du juge de l'exécution de Marseille :
- déclarait recevable la contestation de monsieur [M],
- validait la saisie-attribution du 3 juin 2022,
- disait n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamnait monsieur [M] aux entiers dépens.
Le jugement précité était notifié par lettre recommandée dont l'accusé de réception était signé le 22 juin 2023 par monsieur [M], lequel formait une demande d'aide judiciaire, le 6 juillet suivant. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 juillet 2023, monsieur [M] formait appel du jugement. Le 28 septembre 2023, monsieur [M] faisait signifier à la société Eos sa déclaration d'appel à bref délai suite à un avis de fixation du 19 septembre 2023.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 11 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, monsieur [M] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau, à titre principal, annuler la saisie-attribution du 3 juin 2022,
- à titre subsidiaire, limiter la saisie-attribution au montant du principal et condamner la société Eos France à lui restituer la somme de 1 417,26 €,
- en tout état de cause, condamner la société Eos France au paiement d'une somme de 5 000 € de dommages et intérêts et une indemnité de 4 000 € pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Il produit la dénonce de sa contestation à l'huissier poursuivant et le courrier d'information au tiers saisi et soutient qu'elle est recevable. Il considère que le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur une contestation qui s'élève à l'occasion de l'exécution forcée et donc sur celle de la validité de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer. Il invoque le défaut de titre exécutoire pour défaut de signification valable dans les six mois, soit avant le 18 juin 2009, au motif d'une erreur de date (2008 au lieu 2009) qui lui cause grief au motif que l'acte de signification conditionne la validité du titre.
Il relève l'existence d'une seule vérification de l'huissier de justice sur la boîte aux lettres portant la mention du nom de sa belle-mère, occupante, alors qu'il n'a vécu que quinze jours au domicile de cette dernière, avenue [Adresse 7]. En outre, il n'a pas reçu l'avis de passage et le courrier simple de l'huissier.
A titre subsidiaire, il invoque la prescription du titre exécutoire sur le fondement de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution au motif de la nullité de la signification du commandement de payer valant saisie du 12 juin 2010 fondée sur le défaut de mention de la qualité d'épouse de madame [M] et du défaut de signification du procès-verbal de saisie à sa personne alors qu'il était absent, prescriptions imposées par les articles R 221-16 7° et R 221-18 du code des procédures civiles d'exécution. Il invoque un grief constitué par le défaut d'information de son droit à former opposition.
Il fonde sa demande subsidiaire de prescription des intérêts légaux sur l'article L 218-2 du code de la consommation et la prescription biennale des intérêts constitutifves de créances périodiques nées en application du titre exécutoire. Il considère que seul le commandement de payer du 12 juin 2010 a pu interrompre la prescription, à défaut d'un autre acte d'exécution, et sollicite la condamnation de la société Eos France à lui restituer la somme de 1 417,26 €. Il fonde sa demande de dommages et intérêts sur la mauvaise foi du créancier, les frais bancaires de 100 € consécutifs à la saisie et l'indisponibilité de son compte pendant un mois.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 1er mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Eos France demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré sauf ses dispositions relatives à la recevabilité de la contestation et le rejet de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,
- statuant à nouveau, déclarer irrecevable sinon infondée la contestation et valider la saisie-attribution du 3 juin 2022,
- débouter monsieur [M] de toutes ses demandes,
- condamner monsieur [M] au paiement d'une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel recouvrés par maître Guedj, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle conteste la recevabilité de la contestation au motif du défaut d'avis de la contestation au tiers saisi. Elle conteste le caractère non-avenu de l'ordonnance d'injonction de payer du 18 décembre 2008 signifiée le 15 janvier 2009 au motif que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour examiner la signification du 15 janvier 2009 de l'ordonnance d'injonction de payer dès lors que sa compétence ne résulte que de l'apposition de la formule exécutoire du 17 février 2009, seul le juge du fond étant compétent pour en connaître sur opposition.
Sur le fond, elle soutient que la signification est régulière en l'état de la mention du nom du débiteur sur la boîte aux lettres, du défaut d'information du créancier de son changement d'adresse, et de la reconnaissance de cette adresse dans ses écritures.
Elle constate l'absence de grief au motif que monsieur [M] n'a pas été privé d'un recours alors qu'il avait la faculté de faire opposition suite à l'acte de saisie-vente délivré le 12 juin 2010.
Elle conteste la prescription de son titre exécutoire en l'état de son interruption par l'acte de saisie-vente du 12 juin 2010 et du commandement de payer du 3 juin 2020 dont l'exception de nullité est irrecevable pour n'être pas soulevée in limine litis, être un moyen nouveau devant la cour, et n'être pas mentionné dans le dispositif.
En tout état de cause, elle relève l'absence de grief sur le défaut de mention de la qualité d'épouse de madame [M] sur l'acte de saisie du 12 juin 2010 et rappelle que les modalités d'opposition sont mentionnées sur l'acte de signification.
Sur le commandement du 3 juin 2020, elle relève la double vérification de l'adresse sur la boîte aux lettres et le tableau des occupants, l'exactitude de l'adresse est confirmée par l'existence d'une résidence dans la continuité des [Adresse 6] et [Adresse 7] alors que le bâtiment 24 est entouré par ces deux rues.
En tout état de cause, elle conteste tout grief au motif que les modalités de contestation sont mentionnées sur le procès-verbal d'indisponibilité délivré à madame [M] pour le compte de son conjoint. Cette dernière a confirmé l'adresse à laquelle monsieur [M] a refusé de signer une lettre portant dénonce d'une saisie-attribution délivrée par erreur.
Elle conteste la prescription biennale des intérêts au motif que plusieurs actes d'exécution ont interrompu cette prescription et la demande de dommages et intérêts pour défaut de preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien entre les deux.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 12 mars 2024.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
- Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 3 juin 2022,
Selon les dispositions de l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.
* Sur la recevabilité de la contestation,
L'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.
En l'espèce, monsieur [M] produit la lettre recommandée adressée à l'huissier poursuivant portant dénonce de sa contestation et le courrier simple d'information au tiers saisi ; sa contestation est donc recevable (cf pièces n°14 et 16 ).
* Sur la demande de caducité de l'ordonnance d'injonction de payer,
Selon les dispositions de l'article L 213-6 alinéa 1 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elle n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
L'article 1411 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date.
En l'espèce, le juge de l'exécution n'est compétent que pour statuer sur les difficultés relatives aux titres exécutoires au sens de l'article L 213-6 précité. L'ordonnance d'injonction de payer du 18 décembre 2008 n'est pas un titre exécutoire. En effet, la formule exécutoire n'a été apposée que le 17 février 2009. Le juge de l'exécution n'est donc pas compétent pour statuer sur la validité de la signification du 15 janvier 2009 d'une décision non constitutive d'un titre exécutoire. Monsieur [M] s'est abstenu de saisir le tribunal d'instance d'une opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 18 décembre 2008. Le premier juge a donc justement retenu que seul le tribunal précité, saisi d'une opposition, était compétent pour statuer sur la caducité de l'ordonnance d'injonction de payer pour défaut de signification valable dans les six mois de sa date.
- Sur la demande de nullité de la signification de l'ordonnance portant injonction de payer revêtue de la formule exécutoire,
L'article 503 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.
L'article 656 du code de procédure civile dispose que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile.
L' article 114 du code de procédure civile dispose qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
En l'espèce, la saisie-attribution contestée du 3 juin 2022 est fondée sur l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire du 17 février 2009 dont monsieur [M] conteste la validité de la signification du 3 juin 2020.
Cette dernière a été effectuée à l'adresse suivante, ' [Adresse 3]' par procès-verbal remis à l'étude après que l'huissier ait procédé aux vérifications suivantes: mention du nom sur la boîte aux lettres et sur le tableau des occupants. Ainsi, l'huissier a procédé à deux vérifications mentionnées dans l'acte et a donc satisfait les exigences de l'article 656 du code de procédure civile.
Les vérifications précitées font foi jusqu'à inscription de faux de sorte que Monsieur [M] ne peut contester utilement les vérifications de l'huissier, au motif qu'il serait domicilié à une autre adresse située au [Adresse 2], qu'au moyen d'une inscription de faux qu'il n'a pas déposée.
De plus, la réalité du domicile de monsieur [M] au [Adresse 3] est confirmée :
- par la remise à son épouse qui a accepté de recevoir l'acte, le 29 juin 2021, à cette adresse de la dénonce du procès-verbal d'indisponibilité de certificat d'immatriculation. Aucune mention de l'acte ne permet d'établir la remise alléguée, sur le parking de la résidence, du procès-verbal, alors que l'épouse de monsieur [M] ne pouvait prévoir la visite d'un huissier,
- par la signification du 13 juin 2022 de la dénonce de la saisie contestée déposée à l'étude après vérification par l'huissier du nom de monsieur [M] sur la boîte aux lettres et le tableau des occupants.
Par conséquent, l'exception de nullité de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire n'est pas fondée.
- Sur la prescription du titre exécutoire,
Selon les dispositions de l'article L 111-4, issues de la loi n°208-561 du 17 juin 2008, entrées en vigueur le 19 juin suivant, l'exécution des titres exécutoires mentionnées aux 1° et 3° de l'article L 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans.
En application de l'article 2244 du code civil, la prescription est interrompue par la délivrance d'un acte d'exécution forcée.
En l'espèce, la prescription décennale précitée court à compter de l'apposition de la formule exécutoire, soit le 17 février 2009.
Le procès-verbal de saisie-vente signifié le 12 juin 2010 et remis à l'épouse de monsieur [M] mentionne que la saisie a eu lieu à son domicile situé [Adresse 2]. Le défaut de mention de la qualité d'épouse de madame [E] [M] n'a pas causé de grief à l'appelant, lequel en a par nature connaissance.
Si la société Eos ne justifie pas de la signification d'une copie de l'acte de saisie à monsieur [M], absent, avec mention d'un délai de huit jours pour signaler une éventuelle saisie antérieure, prescription imposée par l'article R 211-18 du code des procédures civiles d'exécution, il s'agit d'une nullité de forme et ce dernier n'établit pas l'existence d'une saisie antérieure et donc un grief en lien avec le non-respect de cette formalité.
Par ailleurs, la mention du droit de former opposition à l'ordonnance d'injonction de payer dans le délai d'un mois figure sur sa signification du 3 juin 2020 mais n'est pas imposée sur celle d'un acte d'exécution forcée. Ainsi, l'exception de nullité de la signification du procès-verbal de saisie-vente du 12 juin 2010 n'est pas fondée et doit être rejetée.
Au titre de la contestation de la signification du 3 juin 2020, le dispositif des conclusions de l'intimée ne mentionne pas l'irrecevabilité de cette exception de nullité pour cause de tardiveté de sorte que la cour n'est pas saisie de ce moyen.
Sur le fond, la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire avec commandement de payer aux fins de saisie-vente a été délivrée à l'adresse avenue [Adresse 7], bât [Adresse 4] alors que l'appelant soutient que son adresse se situe avenue des Cigalons. Il résulte des mentions de cet acte que l'huissier a constaté l'absence de l'appelant mais que son nom figurait sur la boîte aux lettres et le tableau des occupants. Il a donc accompli une double vérification conforme aux exigences de l'article 656 du code de procédure civile. Ces mentions font foi jusqu'à inscription de faux laquelle n'a pas été déposée par l'appelant.
Si monsieur [M] soutient que l'adresse de l'avenue [Adresse 7] est erronée et correspond à un appartement occupé par sa belle-mère puis sa belle soeur, il procède par voie d'affirmation et ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité du domicile de ces dernières.
De plus, il résulte de la photographie aérienne versée au débat que le bâtiment 24 est entouré de l'avenue des Cigalons d'un coté et de l'avenue [Adresse 7] de l'autre de sorte que l'huissier n'a pu commettre de confusion et se tromper de bâtiment puisqu'il n'en existe qu'un seul.
Ensuite, l'adresse de l'avenue [Adresse 7] est mentionnée sur l'acte du 29 juin 2021 de dénonce d'un procès-verbal d'indisponibilité de certificat d'immatriculation, remis à cette adresse à madame [M], laquelle n'était pas informée de la visite de l'huissier et n'a pas été fortuitement rencontrée sur le parking. Enfin, l'accusé de réception de la lettre d'envoi, à l'adresse de l'avenue [Adresse 7], de la dénonce d'une saisie-attribution du 3 juin 2022 mentionne que le pli a été refusé par le destinataire (cf pièce n°16). Ainsi, monsieur [M] a été rencontré par le préposé de La Poste à cette adresse mais a refusé de réceptionner ledit courrier.
Ainsi, les actes d'exécution forcée des 12 juin 2010 et 3 juin 2020 ont interrompu la prescription du titre exécutoire, lequel fonde valablement la saisie-attribution contestée du 3 juin 2022.
- Sur l'existence d'une créance exigible,
L'article L 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat de crédit du 7 mai 2005 dispose que dans les contrats entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 132-2, peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa.
Une annexe au présent code comprend une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa. En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public.
Il résulte d'un arrêt rendu par la grande chambre de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 17 mai 2022 que les articles 6§1 et 7 §1 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale qui, en raison de l'effet de l'autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d'examiner d'office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d'une procédure d'exécution hypothécaire ni au consommateur, après l'expiration du délai pour former opposition, d'invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l'objet, lors de la procédure d'exécution hypothécaire, d'un examen d'office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l'exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l'existence de cet examen ni n'indique que l'appréciation portée par ce juge à l'issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l'absence d'opposition formée dans ledit délai. ( CJUE 600/19 Ibercaja Banco).
Un arrêt du même jour (C -693/19 SPV Project 503 Srl et C-831/19 Banco di Desio e della Brianza e.a ) mentionne que les dispositions précitées doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui prévoit que, lorsqu'une injonction de payer prononcée par un juge sur demande d'un créancier, n'a pas fait l'objet d'une opposition formée par le débiteur, le juge de l'exécution, ne peut pas, au motif de l'autorité de chose jugée dont cette injonction est revêtue et couvre implicitement la validité de ces clauses, excluant tout examen ultérieur de la validité de ces dernières, contrôler l'éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à ladite injonction.
Le droit positif interne en déduit que l'autorité de chose jugée d'une décision de justice telle qu'une décision d'admission de créance au passif d'une procédure collective, résultant de l'article 1355 du code civil et de l'article 480 du code de procédure civile, n'a pas pour effet de vider de sa substance l'obligation du juge national de procéder à un examen d'office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles. (Com 8 février 2023 21-17.763)
La Cour de cassation a jugé qu'une clause d'un contrat de prêt qui stipule la résiliation de plein droit d'un contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'un délai raisonnable créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. (Civ 2ème 22 mars 2023 21-16.044).
Le contrat de prêt, objet du litige, du 7 mai 2005 est donc soumis aux dispositions de l'article L 132-1 précité.
L'article 5.4 des conditions contractuelles et particulières stipule notamment au titre de la clause intitulée 'déchéance' que si vous ne respectez pas vos obligations même partiellement vous encourez la déchéance du terme. Elle sera acquise après l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse. Vous devrez nous régler le capital restant du et une indemnité de 8 % de ce capital'.
Ainsi, cette clause prévoit un mécanisme conventionnel de déchéance du terme après mise en demeure préalable mais sans précision de la durée du délai convenu pour régulariser les impayés. Dans ces conditions, il importe peu que la lettre de déchéance du terme du 19 novembre 2017, avec accusé de réception du 27 novembre suivant, octroie un délai de huit jours, au surplus à compter de la date d'envoi, pour régulariser les échéances impayées de 720,76 €.
La clause précitée est susceptible de constituer une clause abusive en ce qu'elle stipule une exigibilité immédiate des sommes restant dues en cas de non-paiement d'une échéance sans laisser à l'emprunteur un délai pour régulariser les impayés. Dans ce cas, elle serait réputée non écrite de sorte que le dispositif conventionnel de déchéance du terme est mis à néant et le créancier doit opter pour la résolution du contrat sauf la faculté pour le juge de l'exécution de limiter la condamnation au paiement des échéances impayées.
Dans ces conditions, il convient afin de respecter le principe de la contradiction de rouvrir les débats afin de permettre aux parties de formuler leurs observations sur le point de droit soulevé d'office. Il sera alors statué, le cas échéant, sur la prescription des intérêts non soumise au premier juge.
Les demandes relatives aux dommages et intérêts, dépens et frais irrépétibles seront réservées.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
SURSOIT à statuer sur les mérites de l'appel formé par monsieur [W] [M],
SOULÈVE d'office la question du caractère abusif de la clause de déchéance du terme des dispositions contractuelles et particulières du contrat (article 5.4 ) de crédit du 7 mai 2005,
PRONONCE la réouverture des débats à l'audience du jeudi 12 septembre 2024 à 14h15 de la chambre 1-9 de la cour d'appel d'Aix en Provence, salle F Palais Verdun ,
DIT que l'ordonnance de clôture sera rendue le 13 août 2024.
INVITE les parties à formuler leurs observations sur le point de droit soulevé d'office et ses éventuelles conséquences sur la saisie-attribution contestée,
RÉSERVE les demandes relatives aux dommages et intérêts, à l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE