Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9 - a, 6 juin 2024, n° 22/00856

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Capsoleil (Sasu)

Défendeur :

Crédit Agricole Consumer Finance (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Durand

Conseillers :

Mme Arbellot, Mme Coulibeuf

Avocats :

Me Cohen, Me Marciano, Me Habib, Me Havet

TP Longjumeau, du 2 sept. 2021, n° 11-19…

2 septembre 2021

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 20 décembre 2017, M. [P] [W] et [R] a signé avec la société Capsoleil un bon de commande en vue de la livraison et la pose de 12 panneaux photovoltaïques, d'un ballon thermodynamique et d'une isolation sous toiture pour un prix de 24 400 euros.

Le même jour pour financer ces installations, M. [W] et [R] et Mme [J] [M] épouse [W] et [R] ont signé avec la société CA Consumer Finance sous l'enseigne Sofinco un contrat de crédit affecté pour un montant de 24 400 euros remboursable en 120 mensualités de 274,26 euros sans assurance et 298,66 euros avec assurance comprenant un taux de 5,756 % soit un TAEG de 5,90 %.

Par actes des 20 et 21 août 2019 M. et Mme [W] et [R] ont fait assigner la société Capsoleil et la société Crédit Agricole Consumer Finance venant aux droits de la société CA Consumer Finance devant le tribunal d'instance de Longjumeau en sollicitant notamment la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, la privation du droit à restitution du prêteur et sa condamnation à leur rembourser les sommes versées par eux outre des dommages et intérêts.

L'instance a été transférée au juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Longjumeau lequel, par jugement contradictoire du 2 septembre 2021, a :

- prononcé la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de crédit,

- dit que la société Capsoleil devra procéder à la reprise à ses frais des éléments de l'installation au domicile de M. et Mme [W] et [R] en respectant un délai de prévenance de deux semaines et remettre à ses frais la toiture dans l'état dans lequel elle se trouvait avant son intervention, que M. et Mme [W] et [R] devront permettre à ladite société de venir récupérer les éléments de l'installation à leur domicile et qu'à défaut pour cette société d'avoir récupéré les éléments de l'installation dans le délai de 4 mois suivant la signification du présent jugement, M. et Mme [W] et [R] pourront disposer librement de ces derniers,

- condamné la société Capsoleil à restituer à M. et Mme [W] et [R] la somme de 24 400 euros au titre de l'annulation du contrat principal,

- fixé à la somme de 12 000 euros le préjudice subi par M. et Mme [W] et [R] et en conséquence les a condamnés à payer à la société Crédit Agricole Consumer Finance la somme totale de 12 400 euros en remboursement du capital emprunté, déduction faite de leur préjudice et a ordonné la compensation avec les sommes versées jusqu'à présent au titre du prêt,

- condamné la société Capsoleil à garantir M. et Mme [W] et [R] du remboursement de cette somme,

- condamné la société Capsoleil à payer à la société Crédit Agricole Consumer Finance la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné in solidum la société Capsoleil et la société Crédit Agricole Consumer Finance à payer à M. et Mme [W] et [R] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire à l'exception de la suspension du contrat de crédit affecté du 30 décembre 2017.

Pour prononcer l'annulation du contrat de vente, le premier juge a retenu que le bon de commande produit par le vendeur ne comportait pas plusieurs des mentions exigées par l'article L. 111-1 du code de la consommation et qu'étaient absents sur l'exemplaire consommateur la marque des panneaux visiblement rajoutée sur l'exemplaire versé aux débats par le prêteur, le détail du prix des différents biens visiblement rajouté sur l'exemplaire versé aux débats par le prêteur, la marque du ballon thermodynamique (espace laissé en blanc), les modalités de l'isolation sous toiture (aucune case n'étant cochée entre intérieur ou extérieur) et le délai de livraison.

Il a écarté toute confirmation des nullités en retenant qu'il n'était pas établi que les acquéreurs connaissaient les vices et que le fait qu'ils aient accepté la livraison et aient commencé à rembourser leur crédit ne pouvait suffire à considérer qu'ils avaient ainsi entendu couvrir les nullités et ce d'autant qu'ils avaient tenté d'exercer leur droit de rétractation le 3 octobre 2018.

Il a prononcé la nullité du contrat de crédit par application des dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation.

Il a rappelé que l'annulation des contrats entraînait des restitutions réciproques, ce qu'il a ordonné s'agissant du matériel mais s'agissant de l'obligation de rembourser le prêteur, il a rappelé que si le prêteur avait commis des fautes, il pouvait être privé de sa créance de restitution. Il a relevé que l'exemplaire du prêteur comportait aussi des causes de nullité outre une incohérence entre le montant total des prestations énoncées (24 490 euros versus 24 400 euros) ce qui ne pouvait lui échapper et que le fait d'avoir financé un contrat nul constituait une faute. Il a considéré qu'il n'était pas nécessaire d'examiner les autres éléments fautifs invoqués par M. et Mme [W] et [R] et que le préjudice de M. et Mme [W] et [R] devait être évalué à la somme de 12 000 euros dans la mesure où leur seul préjudice était moral puisque l'installation fonctionnait et qu'ils ne se plaignaient que d'un problème de rendement sans démontrer la réalité des promesses qu'ils invoquaient.

Il a rejeté toute demande de dommages et intérêts supplémentaires sollicitée par M. et Mme [W] et [R] en relevant qu'ils ne démontraient pas avoir subi un autre préjudice mais que le vendeur devait être condamné à payer la moitié de cette somme.

Sur la demande reconventionnelle formée par la banque contre le vendeur, il a retenu que dès lors que le prêteur était privé d'une somme de 12 000 euros il y avait lieu de condamner le vendeur qui avait lui-même commis des fautes à en supporter la moitié soit 6 000 euros.

Par déclaration électronique en date du 5 janvier 2022, la société Capsoleil a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration électronique en date du 27 août 2022, la société Crédit Agricole Consumer Finance a également interjeté appel de ce jugement.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 novembre 2022.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2022, la société Capsoleil demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter M. et Mme [W] et [R] de toutes leurs demandes et de condamner M. [W] et [R] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle conteste toute man'uvre dolosive de la part de son commercial, toute promesse de rendement, souligne que le contrat ne comporte aucun engagement en ce sens et fait valoir que M. [W] et [R] n'a pas acheté un produit financier mais un produit écologique.

Elle fait valoir que les caractéristiques essentielles des produits vendus figuraient sur le bon de commande y compris la marque des panneaux.

Elle soutient que même si le contrat était nul, le comportement de M. [W] et [R] démontre qu'il a entendu couvrir les causes de nullité et souligne que le verso du bon de commande reproduit les articles relatifs au démarchage à domicile si bien qu'il a agi en pleine connaissance de cause.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que si les contrats étaient annulés, les fautes commises par le prêteur lui interdiraient de demander sa garantie.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2024, la société Crédit Agricole Consumer Finance demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la nullité des contrats,

- dit que la société Capsoleil devra procéder à la reprise à ses frais des éléments de l'installation au domicile de M. et Mme [W] et [R] en respectant un délai de provenance de deux semaines et remettre à ses frais la toiture dans l'état dans lequel elle se trouvait avant son intervention,

- dit que M. et Mme [W] et [R] devront permettre à la société Capsoleil de venir récupérer les éléments de l'installation à leur domicile,

- dit qu'à défaut pour la société Capsoleil d'avoir récupéré le matériel dans un délai de 4 mois suivant la signification du jugement , M. et Mme [W] et [R] pourront en disposer librement,

- condamné la société Capsoleil à restituer à M. et Mme [W] et [R] la somme de 24 400 euros au titre de l'annulation du contrat principal,

- fixé à la somme de 12 000 euros le préjudice subi par M. et Mme [W] et [R] et en conséquence condamné M. et Mme [W] et [R] à payer à la banque la somme de 12 400 euros en remboursement du capital emprunté déduction faite de leur préjudice et ordonné la compensation avec les sommes versées jusqu'à présent au titre du prêt,

- condamné la société Capsoleil à garantir M. et Mme [W] et [R] du remboursement de cette somme,

- condamné la société Capsoleil à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Capsoleil et la banque à payer à M. et Mme [W] et [R] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire à l'exception de la suspension du contrat de crédit affecte

- et statuant à nouveau sur les chefs critiqués :

- à titre principal de juger n'y avoir lieu à annulation des contrats et en conséquence de débouter M. et Mme [W] et [R] de l'ensemble de leurs demandes formulées en première instance,

- à titre subsidiaire en cas d'annulation du contrat :

- de juger que la banque n'a pas commis de faute personnelle engageant sa responsabilité contractuelle,

- de la condamner à payer à M. et Mme [W] et [R] la somme de 621,21 euros au titre des deux mensualités déjà versées en capital et intérêts,

- de condamner M. et Mme [W] et [R] à lui payer la somme de 24 400 euros correspondant au montant du capital emprunté,

- d'ordonner la compensation des créances de restitution réciproques des parties et par conséquent, de condamner M. et Mme [W] et [R] à lui payer la somme de 23 778,79 euros,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Capsoleil sur le fondement de l'article L. 312-56 du code de la consommation à la garantir du remboursement du capital versé par M. et Mme [W] et [R],

- de condamner la société Capsoleil à la garantir de la totalité des condamnations qui seraient mises à sa charge au titre des dommages et intérêts, dépens et indemnités prononcées en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Capsoleil à lui payer la somme de 11 439,20 euros au titre de dommages et intérêts correspondant aux intérêts non perçus au titre du contrat de prêt.

- à titre plus subsidiaire en cas de nullité du contrat et de dispense de M. et Mme [W] et [R] de rembourser le capital prêté :

- de juger la société Capsoleil tenue sur le fondement de l'article L. 312-56 du code de la consommation de la garantir de la somme indûment perçue, soit la somme de 24 400 euros au titre de son obligation légale de garantie,

- de la condamner à payer à M. et Mme [W] et [R] la somme de 621,21 euros au titre des deux mensualités déjà versées en capital et intérêts,

- de condamner M. et Mme [W] et [R] à lui payer la somme de 11 439,20 euros au titre de dommages et intérêts correspondant aux intérêts non perçus du contrat,

- en l'absence de réformation sur les chefs critiqués de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Capsoleil à garantir M. et Mme [W] et [R] du remboursement de cette somme, débouté les parties du surplus de leurs demandes, dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire à l'exception de la suspension du contrat de crédit affecté,

- en tout état de cause,

- de déclarer irrecevable la demande aux fins de privation de son droit aux intérêts contractuels formulée par la première fois en cause d'appel par M. et Mme [W] et [R],

- de débouter M. et Mme [W] et [R] et la société Capsoleil de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires et de tout appel incident,

- de condamner M. et Mme [W] et [R] à lui payer chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Capsoleil et M. et Mme [W] et [R] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Francine Havet, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir sur la régularité du bon de commande que seule l'omission d'une mention obligatoire de l'article L. 111-1 du code de la consommation est de nature à entraîner l'annulation du contrat et non l'imprécision d'une mention et soutient que le contrat répond aux prescriptions de cet article.

Elle ajoute que les nullités éventuelles ont en tout état de cause été couvertes par M. et Mme [W] et [R] qui ont laissé s'accomplir les travaux d'installation, les ont réceptionnés sans réserve, ont demandé le déblocage des fonds et ce en toute connaissance de cause, le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation ayant été reproduit.

Elle conteste tout dol, rappelant qu'il ne se présume pas et doit être prouvé et que M. et Mme [W] et [R] n'établissent ni les man'uvres qu'ils invoquent, ni les promesses de rendement ou d'autofinancement. Elle fait également valoir que M. et Mme [W] et [R] n'établissent pas le caractère déterminant des informations prétendument cachées.

A titre subsidiaire, elle conteste toute faute dès lors qu'elle disposait d'un ordre de paiement des emprunteurs, d'une attestation de fin de travaux signée par les emprunteurs le même jour, certifiant de leur satisfaction de la pose et de l'installation effectuée par le technicien, de la facture détaillée d'un montant de 24 400 euros à la réception de laquelle M. et Mme [W] et [R] n'ont manifesté aucune opposition et d'une enquête téléphonique réalisée le 24 avril 2018.

Toujours à titre subsidiaire, elle soutient qu'elle n'avait pas à vérifier la validité du bon de commande, ni l'immatriculation du vendeur, conteste toute participation à un dol relevant que M. et Mme [W] et [R] procèdent par affirmations et ne sont pas fondés à lui reprocher le seul fait de financer ce type de travaux.

Elle conteste tout manquement à un devoir de surveillance, de vigilance, de conseil ou de mise en garde et rappelle qu'elle n'a pas à apprécier l'opportunité économique de l'opération projetée et qu'elle n'est tenue que d'alerter l'emprunteur sur les risques d'endettement lorsque celui-ci est avéré mais que tel n'était pas le cas, le prêt étant en adéquation avec la situation financière des emprunteurs. Elle soutient avoir respecté ses obligations précontractuelles et contractuelles.

A titre plus subsidiaire, elle fait valoir que M. et Mme [W] et [R] ne justifient d'aucun préjudice en lien avec les fautes qu'ils lui reprochent dès lors que leur installation est fonctionnelle. Elle souligne que le premier juge a relevé que M. et Mme [W] et [R] se plaignaient principalement du rendement de leur installation.

Elle rappelle qu'en l'absence de faute et de préjudice elle a droit à sa créance de restitution en cas d'annulation du contrat de crédit.

Elle fait valoir que si la cour devait confirmer l'annulation, l'article L. 312-56 du code de la consommation doit conduire la société venderesse, seule responsable, à la garantir de la perte subie et à lui payer la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts retenue par le tribunal.

A titre infiniment subsidiaire, elle conclut au débouté des demandes de dommages et intérêts complémentaires présentées par M. et Mme [W] et [R].

Elle fait valoir qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, M. et Mme [W] et [R] ne sont pas recevables à présenter une demande de déchéance du droit aux intérêts non soumise au premier juge.

Par arret du 13 avril 2023M et Mme [W] et [R] ont été déclarés irrecevables à conclure à l'égard de la société Capsoleil, appelante principale.

Aux termes de leurs dernières conclusions (n° 2) notifiées par voie électronique le 26 février 2024, M. et Mme [W] et [R] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement du tribunal de proximité de Longjumeau, sauf en ce qu'il les a débouté d'une partie de leurs demandes et statuant à nouveau,

- de dire leurs demandes recevables et de les déclarer bien-fondées et en conséquence :

- de débouter la société Crédit Agricole Consumer Finance de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

- d'ordonner le remboursement par la société Crédit Agricole Consumer Finance, sous l'enseigne Sofinco, de l'intégralité des sommes qu'il lui ont versées, et ce jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, outre les mensualités postérieures acquittées, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- à titre subsidiaire de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels du crédit,

- en tout état de cause, de condamner la société Crédit Agricole Consumer Finance, sous l'enseigne Sofinco, à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Crédit Agricole Consumer Finance, sous l'enseigne Sofinco aux entiers dépens.

Ils font valoir que le bon de commande qui leur a été remis ne précise pas les caractéristiques essentielles des biens vendus, que des mentions sont laissées en blanc, que manquent la marque, le modèle et les références des panneaux, la dimension, le poids, l'aspect des panneaux, le type de cellule (monocristallin ou polycristallin, dont les avantages et le rendement sont beaucoup plus faibles pour le second), la marque, le modèle, les références, la dimension, le poids de l'onduleur, la marque, les références du ballon thermodynamique, la marque, le lieu d'installation de l'isolation sous-toiture. Ils ajoutent que les modalités de pose ne sont pas précisées, qu'il s'agisse de l'impact visuel, de l'orientation des panneaux pour capter au mieux le soleil et produire un maximum d'énergie et donc rentabiliser l'installation au plus vite, de l'inclinaison pour optimiser l'irradiation du rayonnement direct et diffus reçu par les capteurs et du délai de mise en service, aucun délai d'installation ou de livraison n'étant précisé dans le contrat. Ils déplorent également l'absence de détail du prix, des mentions erronées quant aux montants du coût total du crédit et des mensualités.

Ils font encore valoir le non-respect de leur droit de rétractation avec une reproduction d'articles n'ayant plus cours, seul le délai à compter de la signature du contrat étant mentionné. Ils soutiennent à cet égard que le fait que le bon fasse référence à des mentions erronées revient à les priver de tout droit de rétractation. Ils soulignent qu'ils ont souhaité exercer leur droit de rétractation dans le délai d'un an qui leur était accordé du fait de ce caractère erroné mais que la société Capsoleil a refusé.

Ils contestent toute confirmation de la nullité faute d'avoir eu connaissance des causes de nullité et soutiennent que la nullité afférente au bon de rétractation est une nullité absolue.

Ils rappellent que la nullité du contrat de vente entraîne celle du contrat de crédit et que la banque doit donc leur rembourser ce qu'ils lui ont versé soit en janvier 2024 la somme totale de 19 477,90 euros.

Ils arguent de fautes de la banque de nature à la priver de sa créance de restitution et tenant au déblocage des fonds sur la base d'un contrat nul et font valoir que l'opération n'a pu se faire que grâce au concours de la banque si bien que leur préjudice est lié à son comportement.

A titre subsidiaire, ils sollicitent la déchéance du droit aux intérêts contractuels faute pour la banque de justifier avoir consulté le FICP et en produire le résultat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente souscrit le 20 décembre 2017 est soumis aux dispositions du code de la consommation dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile est soumis aux dispositions en leur version postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016,

- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats,

- que M. et Mme [W] et [R] ont été déclarés irrecevables à conclure contre l'appelant mais qu'en application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, ils sont donc s'agissant de la nullité du contrat réputés s'appropriéer les motifs du jugement.

Sur la nullité des contrats de vente et de crédit

En application de l'article L. 221-5 du code de la consommation en sa version applicable au contrat, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du même code ainsi que lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par l'article R. 221-1 et à son annexe.

L'article L. 221-8 prévoit que dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l'article L. 221-5. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.

L'article L. 221-9 dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

L'article L. 242-1 du même code précise que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Selon l'article L. 111-1, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

Selon l'article L.242-1 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

M. et Mme [W] et [R] produisent devant la cour l'original de leur contrat. Le premier juge avait retenu une nullité formelle faute de mention des caractéristiques essentielles du bien, du détail du prix, du délai de livraison ceci correspondant aux points 1 à 3 de l'article susvisé.

S'agissant du point 1 il résulte du document qui a été remis à l'acheteur que la commande portait sur les biens suivants :

"Panneaux photovoltaïques

Marque ''.. Onduleur ''''.

Nombre de capteurs 12 puissance unitaire du capteur 250 Wc

Total puissance 3KWc

Comprenant kit d'injection-coffret protection- disjoncteur - parafoudre

Soluxtec

Démarches

Démarches administratives à la charge de Capsoleil

Obtention de conformité photovoltaïque du consuel à la charge de Capsoleil

Frais de raccordement ERDF à la charge de Capsoleil

Type de contrat ERDF : autoconsommation

Ballon thermodynamique

Marque ''.

Références : ''''.

Capacité : 270 litres

Isolation sous toiture

Livraison Pose Pièces Main-d''uvre et déplacement

norme RT 2012

Marque :'''

Intérieur

Extérieur

Surface à isoler 35 m²".

La cour observe que si la marque des panneaux figure puisque celle de "Soluxtec" est préimprimée, en revanche ne figure ni celle de l'onduleur pourtant prévue par une ligne de pointillés destinée à être remplie, ni celle du ballon et que plusieurs des mentions destinées à être complétées ont été laissées vierges sur l'exemplaire original de l'acquéreur. Ces points sont désormais jugés comme relevant des caractéristiques essentielles du bien vendu et le contrat encourt donc l'annulation de ce chef.

S'agissant du point 2, le prix global figure de même que le montant du financement, le nombre de mensualités, leur montant, le TEG et le coût total du crédit ainsi que le report de 6 mois et le nom de l'organisme de crédit "Sofinco" même si ces mentions sont très peu lisibles. En outre le contrat de crédit signé concomitamment comprend toutes les précisions réclamées par M. et Mme [W] et [R] et la cour souligne que le texte n'exige plus ces précisions dans le contrat de vente qui doit seulement mentionner "2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4". Aucune annulation n'est donc encourue de ce chef.

S'agissant du point 3 aucune mention de délai ne figure ni au recto ni au verso dans les conditions générales de vente. Le contrat encourt donc également l'annulation sur ce point.

M. et Mme [W] et [R] ont développé que le contrat ne reprenait pas les mentions relatives au délai de rétractation.

Aux termes des dispositions de l'article L. 221-18 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, le consommateur dispose d'un délai de 14 jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25. Le délai court à compter du jour :

- de la conclusion du contrat pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;

- de la réception du bien par le consommateur ou un tiers autre que le transporteur désigné par lui pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.

Dans le cas d'une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d'une commande d'un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.

Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien.

Si le contrat mentionne des articles erronés, il reproduit en réalité strictement ces délais et le contrat n'encourt pas d'annulation de ce chef.

Sur la confirmation de la nullité

Par application des dispositions de l'article 1182 du code civil dans sa version applicable au litige, il est admis que la nullité formelle résultant du texte précité est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu'elle avait connaissance des causes de nullité.

Le premier juge a considéré que la nullité n'était pas couverte faute de preuve de la connaissance des vices par M. et Mme [W] et [R] et ne pouvait se déduire de leur comportement.

M. et Mme [W] et [R] ont cherché à se rétracter le 3 novembre 2018. Ils n'ont réglé que 2 mensualités et ont assigné les 20 et 21 août 2019 en nullité des contrats. Ils n'ont pas exécuté le contrat pendant une longue période sans contester. En outre depuis un arrêt rendu le 24 janvier 2024 (pourvoi n° 22-15.199), la première chambre civile de la Cour de cassation juge désormais que la reproduction même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil, dans sa rédaction issue l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l'article 9 de cette ordonnance aux contrats conclus dès son entrée en vigueur.

En l'espèce aucun élément ne permet donc de dire que M. et Mme [W] et [R] ont eu connaissance du vice affectant l'obligation critiquée et ont eu l'intention de le réparer, aucun acte ultérieur ne révélant leur volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause.

Dès lors, la nullité formelle n'a pas été couverte et il y a lieu de confirmer l'annulation du contrat de vente et subséquemment celle du contrat de crédit.

Sur les conséquences de la nullité des contrats

Les contrats étant anéantis, il convient de replacer les parties dans leur état antérieur à la conclusion des contrats.

Sur la vente

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que la société Capsoleil devra procéder à la reprise à ses frais des éléments de l'installation au domicile de M. et Mme [W] et [R] en respectant un délai de prévenance de deux semaines et remettre à ses frais la toiture dans l'état dans lequel elle se trouvait avant son intervention, que M. et Mme [W] et [R] devront permettre à ladite société de venir récupérer les éléments de l'installation à leur domicile et qu'à défaut pour cette société d'avoir récupéré les éléments de l'installation dans le délai de 4 mois suivant la signification du présent jugement, M. et Mme [W] et [R] pourront disposer librement de ces derniers et a condamné la société Capsoleil à restituer à M. et Mme [W] et [R] la somme de 24 400 euros au titre de l'annulation du contrat principal,

Sur le contrat de crédit

M. et Mme [W] et [R] ne font état que de la faute de la banque pour avoir débloqué les fonds sur la base d'un contrat atteint de nullités formelles.

Il est admis que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Même si la société de crédit détenait un contrat beaucoup plus renseigné et fait valoir qu'elle ne pouvait donc vérifier que la régularité dudit contrat, il reste qu'elle n'établit pas que ce contrat était régulier en ce qui concerne le délai de livraison totalement absent de la version qu'elle produit ce qui ne pouvait lui échapper. Ce faisant elle a commis une faute.

Pour autant, M. et Mme [W] et [R] ne démontrent aucun préjudice en lien avec cette faute de la banque qui n'a pas détecté l'absence de délai de livraison et qui disposait de la copie d'un bon de commande mentionnant les marques manquantes sur l'exemplaire des acquéreurs alors même que ces derniers avaient choisi une installation en autoconsommation qui leur a été livrée et dont ils ne démontrent pas qu'elle ne fonctionnerait pas, un ballon dont ils ne démontrent pas non plus qu'il ne fonctionnerait pas et une isolation dont ils ne soutiennent pas qu'elle ne remplit pas son office, le déblocage des fonds ayant eu lieu sur leur ordre. En outre le vendeur est in bonis et a été condamné à leur restituer le prix de vente.

Dès lors la société de crédit ne saurait être privée de sa créance de restitution et M. et Mme [W] et [R] doivent être condamnés solidairement à lui restituer le capital déduction faite des sommes payées par eux en exécution du contrat de crédit soit 24 400 - 621,21 = 23 778,79 euros étant observé que M. et Mme [W] et [R] ne justifient pas avoir réglé davantage et que les conclusions de la société de crédit qui font état de ces montants sont très récentes.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 12 000 euros le préjudice subi par M. et Mme [W] et [R] et en conséquence les a condamnés à payer à la société Crédit Agricole Consumer Finance la somme totale de 12 400 euros en remboursement du capital emprunté, déduction faite de leur préjudice et a ordonné la compensation avec les sommes versées jusqu'à présent au titre du prêt comme en ce qu'il a condamné la société Capsoleil à garantir M. et Mme [W] et [R] du remboursement de cette somme.

Il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts.

Sur les demandes de la société de crédit contre la société Capsoleil

La société Crédit Agricole Consumer Finance à qui il appartenait de vérifier la régularité formelle du contrat a commis une faute laquelle est à l'origine du préjudice qu'elle subit. Elle ne peut donc prétendre ni à la garantie de la société Capsoleil, ni à l'obtention de dommages et intérêts équivalant aux intérêts dont elle est privée. Elle doit donc être déboutée de ces demandes.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné la société Capsoleil à payer à la société Crédit Agricole Consumer Finance la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Capsoleil et la société Crédit Agricole Consumer Finance à payer à M. et Mme [W] et [R] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il apparaît équitable de mettre les dépens d'appel à la charge de la société Capsoleil. Dès lors que M. et Mme [W] et [R] sont irrecevables à conclure contre la société Capsoelil, leurs demandes de distraction des dépens et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette société le sont aussi. La société Crédit Agricole Consumer France qui succombe en partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de crédit,

- dit que la société Capsoleil devra procéder à la reprise à ses frais des éléments de l'installation au domicile de M. [P] [W] et [R] et Mme [J] [M] épouse [W] et [R] en respectant un délai de prévenance de deux semaines et remettre à ses frais la toiture dans l'état dans lequel elle se trouvait avant son intervention, que M. [P] [W] et [R] et Mme [J] [M] épouse [W] et [R] devront permettre à ladite société de venir récupérer les éléments de l'installation à leur domicile et qu'à défaut pour cette société d'avoir récupéré les éléments de l'installation dans le délai de 4 mois suivant la signification du présent jugement, M. et Mme [W] et [R] pourront disposer librement de ces derniers,

- condamné la société Capsoleil à restituer à M. [P] [W] et [R] et Mme [J] [M] épouse [W] et [R] la somme de 24 400 euros au titre de l'annulation du contrat principal,

- condamné in solidum la société Capsoleil et la société Crédit Agricole Consumer Finance payer à M. [P] [W] et [R] et Mme [J] [M] épouse [W] et [R] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [P] [W] et [R] et Mme [J] [M] épouse [W] et [R] solidairement à restituer à la société Crédit Agricole Consumer Finance le capital emprunté déduction faite des sommes payées par eux en exécution du contrat de crédit soit la somme de 23 778,79 euros ;

Rejette toutes les demandes de la société Crédit Agricole Consumer Finance présentées à l'encontre de la société Capsoleil ;

Condamne la société Capsoleil aux dépens d'appel ;

Déclare M. [P] [W] et [R] et Mme [J] [M] épouse [W] irrecevables en leurs demandes de distraction des dépens et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société Capsoleil ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.