Livv
Décisions

CA Douai, ch. 8 sect. 1, 6 juin 2024, n° 22/03599

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Franfinance RCS Nanterre (SA), Alliance (Selas)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Benhamou

Conseillers :

M. Vitse, Mme Ménegaire

Avocats :

Me Delahay, Me Herbaut

JCP Tourcoing, du 16 mai 2022, n ° 21-00…

16 mai 2022

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 7 juin 2017, M. [L] [P] et Mme [U] [T] ont conclu avec la société Immo confort, devenue la société IC Groupe, un contrat de fourniture et d'installation d'un kit photovoltaïque et d'un chauffe-eau thermodynamique, outre la réalisation de travaux d'isolation sous toiture, au prix de 22 900 euros financé par un crédit de même montant souscrit le même jour auprès de la société Franfinance (la banque).

Par ordonnance du 5 janvier 2018, le président du tribunal d'instance de Tourcoing à enjoint à M. [P] et Mme [T] de laisser à la société Immo confort, devenue la société IC Groupe, le libre accès de leur immeuble en vue de l'étude technique et du raccordement au réseau ENEDIS.

Par actes du 23 mars 2018, M. [P] et Mme [T] ont assigné la société IC groupe et la banque devant le tribunal d'instance de Tourcoing aux fins de voir prononcer la nullité du contrat principal et celle du contrat de crédit affecté, subsidiairement, prononcer la résolution des mêmes contrats, en tout état de cause, dire que la banque a commis une faute dans la libération des fonds la privant de son droit à restitution du capital et condamner celle-ci à restituer les sommes déjà versées par M. [P] et Mme [T].

Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société IC Groupe et désigné la société Alliance, prise en la personne de Maître [H] [I], en qualité de liquidateur.

Par acte du 5 novembre 2019, M. [P] et Mme [T] ont assigné en intervention forcée le liquidateur.

Au 1er janvier 2020, le tribunal d'instance de Tourcoing est devenu le tribunal de proximité de Tourcoing.

Par jugement du 24 mars 2021, le juge des contentieux de la protection de ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre.

Par arrêt infirmatif du 16 septembre 2021, la cour d'appel de Douai a déclaré le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Tourcoing compétent pour statuer sur les demandes des parties.

Par jugement du 16 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Tourcoing a :

- déclaré l'action de M. [P] et Mme [T] recevable;

- débouté ceux-ci de l'ensemble de leurs demandes ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné in solidum M. [P] et Mme [T] à payer tant à la banque qu'à la société Alliance, ès qualités, la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [P] et Mme [T] aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 22 juillet 2022, M. [P] et Mme [T] ont relevé appel du jugement en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et condamnés in solidum à payer tant à la banque qu'à la société Alliance, ès qualités, la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions remises le 5 février 2024, M. [P] et Mme [T] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- prononcer l'annulation du contrat de vente conclu le 7 juin 2017 ;

- leur donner acte de ce qu'ils offrent de tenir à la disposition de la société Alliance, ès qualités, les matériels objets du contrat de vente, pendant un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- dire que, passé ce délai de trois mois, en cas d'inaction de la société Alliance, ès qualités, ils pourront disposer de l'installation litigieuse ;

- prononcer la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté souscrit le 7 juin 2017 auprès de la banque ;

- dire que la banque est privée de son droit de restitution du capital prêté ;

- condamner la banque à leur restituer le montant total des échéances déjà remboursées, soit la somme de 20 095,44 euros, à parfaire en tenant compte des mensualités prélevées entre la date des dernières écritures et celle de l'arrêt à intervenir ;

- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, ainsi que de son appel incident ;

- condamner la banque à leur payer la somme globale de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises le 8 février 2024, la banque demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- débouter M. [P] et Mme [T] de leurs demandes ;

- dire que le bon de commande est régulier ;

- déclarer M. [P] et Mme [T] de mauvaise foi, à tout le moins gravement négligents ;

A titre subsidiaire, en cas d'annulation de la vente :

- dire que la prétendue faute d'avoir financé un bon de commande nul ne peut en aucun cas priver la banque de son droit à restitution du capital ;

- dire que M. [P] et Mme [T] ne justifient d'aucun préjudice de nature à priver la banque de son droit à restitution du capital ;

- condamner solidairement M. [P] et Mme [T] à lui rembourser la somme de 22 900 euros représentant la somme prêtée, après déduction des remboursements déjà effectués, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

- à défaut d'une telle condamnation, condamner Maître [H] [I], ès qualités, à garantir la banque de toute éventuelle condamnation mise à sa charge ;

- condamner Maître [H] [I], ès qualités, à garantir la banque de l'éventuelle perte des intérêts et des accessoires ainsi que du capital ;

- condamner Maître [H] [I], ès qualités, à rembourser à la banque le capital d'un montant de 22 900 euros mais également les intérêts qu'elle aurait perçus si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme, soit la somme de 29 312,40 euros, capital et intérêts compris ;

- dire que sera fixée à la liquidation judiciaire de la société IC Groupe la condamnation de ladite société à payer à la banque le capital d'un montant de

22 900 euros mais également le paiement des intérêts qu'elle aurait perçus si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme, soit la somme de 29 312,40 euros ;

En tout état de cause :

- condamner tout succombant à payer à la banque la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

La société Alliance, prise en la personne de Maître [H] [I], ès qualités, n'a pas constitué avocat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 9 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il s'ensuit que la cour n'est saisie que des chefs de jugement critiqués par l'appel principal, sous réserve de ceux contestés par l'appel incident de la banque.

1. Sur la nullité du contrat principal

Il est acquis aux débats que le contrat conclu le 7 juin 2017 par M. [P] et Mme [T] avec la société Immo confort, devenue IC Group, s'analyse en un contrat conclu hors établissement.

Il résulte de l'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, que le professionnel fournit au consommateur, à peine de nullité prévue à l'article L. 242-1 du même code, un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties, un tel contrat, qui comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5, étant accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de cet article.

Selon l'article L. 221-5 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

L'article L. 111-1 du code de la consommation, auquel renvoie le texte précité, précise que le professionnel doit fournir au consommateur, avant que celui-ci ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 et L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI. [...]

L'article R.111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, énonce pour sa part que, pour l'application de l'article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes :

a) Son nom ou sa dénomination sociale, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique ;

b) Les modalités de paiement, de livraison et d'exécution du contrat ainsi que les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations ; [...].

En l'espèce, M. [P] et Mme [T] soutiennent que le contrat de fourniture et d'installation litigieux contrevient aux dispositions précitées et encourt ainsi la nullité au motif qu'il fixerait inexactement le point de départ du délai de rétractation (1.1) et qu'il préciserait insuffisamment les caractéristiques essentielles du bien (1.2) ainsi que les modalités d'exécution du contrat (1.3) et de paiement du prix (1.4).

1.1 Sur le point de départ du délai de rétractation

L'article L. 221-18 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, énonce que :

Le consommateur dispose que d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :

1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;

2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat [...].

Il est constant qu'un contrat mixte, tel que celui portant sur la livraison de biens et sur une prestation de service d'installation, doit être qualifié de contrat de vente (1re Civ., 17 mai 2023, pourvoi n° 21-25.670), de sorte qu'à son égard, le point de départ du délai de rétractation court à compter de la réception du bien et non de la conclusion du contrat, étant précisé que la prolongation du délai de rétractation consécutive à une information erronée quant à son point de départ n'est pas exclusive du droit pour le consommateur de demander l'annulation du contrat (1re Civ., 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-14.020).

En l'espèce, le contrat litigieux est de nature mixte, de sorte que le point de départ du délai de rétractation doit courir à compter de la réception des biens composant l'ensemble photovoltaïque.

Or le bordereau de rétractation joint au contrat litigieux stipule qu'il devra être envoyé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au plus tard le quatorzième jour à partir de la commande, ce dont il résulte qu'il prévoit un point de départ erroné, étant relevé que, contrairement à ce que soutient la banque, les conditions générales de vente (article 2.2) ne font pas référence à l'article L. 221-18, mais aux articles L. 121-17 à L. 121-21 du code de la consommation, outre qu'elles évoquent à leur tour un délai de rétractation courant à compter de la souscription du contrat et non de la réception des biens.

Il s'ensuit que la nullité du contrat principal est encourue de ce chef.

1.2 Sur les caractéristiques essentielles du bien

Aux termes de l'article L. 111-1, 1°, précité, le professionnel doit communiquer au consommateur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné.

En l'espèce, le bon de commande désigne comme suit les caractéristiques des matériels et services offerts :

PHOTOVOLTAÏQUE

Le kit comprend :

' panneaux photovoltaïques (300WC) Soluxtec ou puissance équivalente

' coffret AC/DC

' onduleur (Schneider ou équivalent)

' étanchéité GSE ou équivalent agréé CEIAB

' câbles, connectiques

' raccordement à la charge de Immo Confort

' obtention du contrat de rachat de l'électricité produite

' frais et démarches administratives au raccordement ENEDIS

' frais et démarches pour l'obtention du Consuel

Nombre de panneaux : 10

Puissance WC : 3 000

Onduleur centralisé

AUTRE

' renfort toiture sur surface panneaux

Chauffe-eau thermodynamique (270 L) Thaleos / Thermor

Autres produits : Isolation sous toiture Actes R6

Un tel bon de commande est insuffisamment précis en ce qu'il laisse planer un doute sur la marque de l'onduleur (Schneider ou équivalent) et du chauffe-eau thermodynamique (Thaleos/ Thermor), alors même que la marque du bien faisant l'objet du contrat constitue une caractéristique essentielle au sens du texte précité (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691).

La mention préimprimée (Le client reconnaît avoir reçu, avant la signature du contrat, toute information susceptible de l'intéresser sur les caractéristiques du bien, produit ou service, et notamment une brochure détaillée) dont se prévaut la banque dans ses écritures est beaucoup trop générale pour remplir le professionnel de son devoir d'information sur les caractéristiques essentielles du bien.

La banque ne saurait davantage tirer argument des mentions figurant sur la facture remise le 24 juin 2017, celle-ci étant postérieure à la souscription du contrat dont l'information légalement requise doit être contemporaine.

Il s'ensuit que la nullité du contrat principal est également encourue de ce chef.

1.3 Sur les modalités d'exécution du contrat

Aux termes de l'article L. 111-1, 3°, précité, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, le professionnel doit communiquer au consommateur la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Selon l'article R. 111-1 précité, pour l'application de l'article L. 111-1, le professionnel informe le consommateur des modalités d'exécution du contrat.

En l'espèce, le bon de commande prévoit des opérations matérielles de livraison et d'installation du matériel, mais aussi des démarches administratives. Or rien ne permet de déterminer à quelles prestations correspond la date de livraison (de 2 à 8 semaines) indiquée sur le bon de commande litigieux. Cette absence de distinction entre le délai de pose du matériel et celui de la réalisation des prestations à caractère administratif ne permet pas au consommateur de déterminer de manière suffisamment précise quand le professionnel exécutera ses différentes obligations (1re Civ., 1er mars 2023, pourvoi n° 22-10.361), étant observé qu'il n'est pas démontré ni même allégué qu'une telle information aurait été délivrée sur un autre support que le bon de commande.

Il apparaît en outre qu'au regard de la complexité des opérations à mener pour assurer la mise en service de l'installation, laquelle s'accompagne d'un processus technique complexe et de multiples démarches administratives, le bon de commande s'avère trop sommaire pour informer suffisamment M. [P] et Mme [T] sur les modalités d'exécution du contrat.

Il s'ensuit que la nullité du contrat principal est également encourue de ce chef.

1.4 Sur les modalités de paiement du prix

Aux termes de l'article L. 111-1, 2°, précité, le professionnel doit communiquer au consommateur le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4.

Si une telle disposition impose au professionnel d'informer le consommateur du prix du bien ou du service, elle ne l'oblige toutefois pas à indiquer la part respective du coût des différents matériels, de la main-d'oeuvre et des démarches administratives (1re Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n° 21-14.032).

En l'espèce, c'est sans contrevenir aux dispositions qui précèdent que le professionnel a mentionné un prix global dans le bon de commande litigieux, étant observé que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, aucun texte n'impose au professionnel qui fournit un bien ou une prestation de service de préciser au consommateur le coût total du crédit affecté, de sorte que le défaut de mention des telles informations dans le bon de commande ne saurait lui être reproché.

Il s'ensuit que la nullité du contrat principal n'est pas encourue de ce chef.

***

Au regard des développements qui précèdent, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la nullité du contrat principal était encourue, sans qu'il y ait lieu d'apprécier si les irrégularités constatées ont été déterminantes du consentement des acquéreurs, dès lors que la nullité procède de la seule inobservation des dispositions d'ordre public du code de la consommation.

2. Sur la confirmation du contrat principal

Il résulte de l'article 1182 du code civil que confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce, cet acte mentionnant l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

En l'espèce, la banque soutient que M. [P] et Mme [T] ont tacitement confirmé le contrat principal en ce qu'ils ont, après la signature du bon de commande, accepté la livraison, signé une attestation de livraison sans réserve, autorisé la banque à débloquer les fonds et remboursé les échéances du contrat de crédit affecté.

Il apparaît toutefois que, si les acquéreurs ont volontairement exécuté le contrat principal après sa conclusion, aucun élément ne permet de se convaincre qu'ils l'auraient fait en connaissance de l'ensemble des causes de nullité qui l'affectaient. Le rappel des dispositions précisément applicables au contrat litigieux ne figure ni dans le bon de commande, ni dans les conditions générales de vente qui l'accompagnent, ni non plus dans l'attestation de livraison. Il n'est pas démontré que les acquéreurs, simples profanes, auraient sciemment poursuivi l'exécution du contrat en dépit des insuffisances dont il souffrait. Il importe dès lors peu qu'ils aient spontanément exécuté les actes dont la banque se prévaut, une telle exécution volontaire ne pouvant signer l'intention de réparer un vice dont la connaissance préalable n'est pas établie.

Il s'ensuit que le jugement doit être infirmé de ce chef.

3. Sur la nullité du contrat de crédit affecté

Il résulte de l'article L. 312-55 du code de la consommation que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

En l'espèce, l'annulation du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de crédit affecté souscrit le 7 juin 2017 auprès de la banque.

Il s'ensuit que le jugement doit être infirmé de ce chef.

4. Sur les conséquences de l'annulation des contrats

4.1 Sur les conséquences de l'annulation du contrat principal

L'annulation du contrat principal emporte le rétablissement des parties dans leur état antérieur.

Maître [H] [I], ès qualités, est donc tenue de restituer à M. [P] et Mme [T] le prix payé pour la fourniture et l'installation du kit photovoltaïque, du chauffe-eau thermodynamique et pour la réalisation de travaux d'isolation sous toiture, soit la somme de

22 900 euros.

M. [P] et Mme [T] devront quant à eux restituer le matériel installé en exécution du bon de commande, à charge pour Maître [H] [I], ès qualités, de procéder, à ses frais, au démontage du matériel installé et à la remise en état des lieux, et ce dans un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, M. [P] et Mme [T] pouvant ensuite disposer de l'installation.

Il s'ensuit que le jugement doit être infirmé de ce chef.

4.2 Sur les conséquences de l'annulation du contrat accessoire

L'annulation du contrat accessoire emporte le rétablissement des parties dans leur état antérieur.

Il s'ensuit que les emprunteurs sont tenus de restituer le capital prêté, sauf à démontrer une faute de la banque leur ayant causé un préjudice consécutif (1re Civ., 17 mai 2023, pourvoi n° 22-16.429).

En l'espèce, M. [P] et Mme [T] soutiennent qu'ils n'ont pas à restituer le capital prêté en raison de la faute de la banque, laquelle aurait libéré les fonds de manière prématurée et omis de vérifier la régularité du contrat principal.

C'est à juste titre qu'ils invoquent la libération prématurée des fonds, dès lors que, si l'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à libérer les fonds au vu d'un certificat de fin de travaux n'est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que la prestation de service n'a pas été exécutée (1re Civ., 1er juillet 2020, pourvoi n° 19-11.761), encore faut-il qu'un tel certificat permette de se convaincre de l'exécution complète des travaux (1re Civ., 1re juillet 2015, pourvoi n° 14-22.597), dont le caractère plausible doit être apprécié à l'aune du bon de commande que la banque se doit de réclamer en raison du caractère unique de l'opération commerciale qu'elle finance au sens de l'article L. 311-1, 11°, du code de la consommation. Or, en l'espèce, si M. [P] a, le 24 juin 2017, complété, à destination de la banque, une demande de financement aux termes de laquelle il précise avoir réceptionné sans restriction ni réserve le bien ou la prestation objet du financement, conforme au bon de commande, la date d'une telle attestation rendait impossible l'obtention du contrat de rachat de l'électricité produite, telle que prévue au bon de commande, dès lors qu'une telle obtention suppose de multiples démarches et autorisations administratives qui ne pouvaient manifestement pas être intervenues en dix-sept jours, parmi lesquels seulement douze jours ouvrables.

C'est encore de manière justifiée que M. [P] et Mme [T] soutiennent que la banque a omis de vérifier la régularité du contrat principal et ainsi commis une faute (1re Civ., 7 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.389), étant observé que la banque ne saurait se désintéresser de la régularité formelle d'un tel contrat, compte tenu du caractère unique de l'opération commerciale qu'elle finance, ainsi qu'il a été dit précédemment.

Pour autant, les appelants n'établissent pas avoir subi un préjudice en lien avec ces fautes.

En effet, ils se prévalent d'un défaut de raccordement de l'installation litigieuse, alors même qu'ils ne contestent pas avoir omis de déférer à l'ordonnance précitée du 5 janvier 2018 leur enjoignant de laisser à la société Immo Confort le libre accès de leur immeuble en vue de l'étude technique et du raccordement au réseau ENEDIS, tandis qu'ils ne démontrent pas le prétendu défaut de sécurité de l'installation, le rapport d'expertise amiable non contradictoire et l'album photographique versés aux débats étant insuffisants pour s'en convaincre.

Il apparaît en outre que l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix n'est pas démontrée, faute d'éléments caractérisant le caractère irrécouvrable de la créance de restitution, la procédure de liquidation judiciaire ouverte ne permettant pas à soi seule de postuler un tel caractère.

En l'absence de préjudice avéré, M. [P] et Mme [T] seront tenus de restituer à la banque le capital prêté, soit la somme de 22 900 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, sauf à déduire les sommes qu'ils ont déjà versées au titre de la souscription et du remboursement du crédit affecté.

5. Sur les demandes formées par la banque contre le vendeur

Dès lors que la demande de restitution du capital prêté a été accueillie, celle en garantie formée à titre subsidiaire, en cas de dispense de restitution du capital, devient sans objet.

6. Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'issue du litige justifie de confirmer la décision entreprise du chef des dépens et frais irrépétibles et de condamner in solidum M. [P] et Mme [T] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la banque la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, leur propre demande formée au même titre étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [L] [P] et Mme [U] [T] de l'ensemble de leurs demandes ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de fourniture et d'installation conclu le 7 juin 2017 entre M. [L] [P] et Mme [U] [T], d'une part, la société Immo confort, devenue la société IC Groupe, d'autre part ;

Prononce la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu le même jour entre M. [L] [P] et Mme [U] [T], d'une part, la société Franfinance, d'autre part ;

Ordonne la restitution de l'installation photovoltaïque à la société Alliance, représentée par Maître [H] [I], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Groupe ;

Dit qu'il appartiendra à la société Alliance, ès qualités, de démonter l'installation photovoltaïque à ses frais en assurant la remise en état des lieux, ce dans un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, au-delà duquel M. [L] [P] et Mme [U] [T]

pourront librement disposer de ladite installation ;

Ordonne à M. [L] [P] et Mme [U] [T] de restituer à la société Franfinance le capital prêté, soit la somme de 22 900 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, sous déduction des versements déjà effectués au titre de la souscription et du remboursement du crédit affecté ;

Condamne in solidum M. [L] [P] et Mme [U] [T] à payer à la société Franfinance la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles

d'appel ;

Les déboute de leur propre demande formée au même titre ;

Les condamne in solidum aux dépens d'appel.