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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 6 juin 2024, n° 23/04505

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 23/04505

6 juin 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 06 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/04505 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P6KO

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 AOUT 2023

Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER N° RG 22/31850

APPELANT :

Monsieur [C] [N]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me GONZALEZ substituant Me Julie DE LA CRUZ, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

La commune de [Localité 3], représentée par son Maire en exercice demeurant ès qualités [Adresse 11], dûment habilité par délibération du conseil municipal

[Adresse 11]

[Localité 3]

Représentée par Me SILLERES substituant Me Maxime ROSIER de la SCP COULOMBIE - GRAS - CRETIN - BECQUEVORT - ROSIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 21 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Mme Virginie HERMENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte reçu le 28 avril 2022 par maître [D] [S], notaire à [Localité 10], M. [C] [N] et Mme [W] [X] ont acquis une maison d'habitation située [Adresse 5] à [Localité 3], figurant au cadastre section ZL numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 8], ainsi qu'une parcelle de terre en nature de lande pâture figurant au cadastre section ZL numéro [Cadastre 6] et une parcelle de terre en nature de bois taillis figurant au cadastre section ZL numéro [Cadastre 9].

Le 25 août 2022, le maire de la commune de [Localité 3] a dressé un procès-verbal de constat d'infractions aux articles L. 480-4 et L. 610-1 du code de l'urbanisme à l'encontre de M. [C] [N], aux termes duquel il ressort que ce dernier réalise des travaux de modification de façades et de toitures, ainsi que des travaux d'agrandissement de terrasse extérieure, sans autorisation d'urbanisme, et en infraction aux règles du plan local d'urbanisme.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 25 août 2022, le maire de la commune de [Localité 3] a adressé à M. [C] [N] une copie de ce procès-verbal, en lui demandant de lui adresser ses observations dans un délai de huit jours et en lui rappelant que les abris, les gîtes ainsi que la piscine devaient être démolis.

Le 19 octobre 2022, le maire de la commune de [Localité 3] a pris un arrêté interruptif des travaux entrepris par M. [C] [N]. Cet arrêté a été signifié à M. [C] [N] par acte du 24 octobre 2022.

Le 30 janvier 2023, M. [C] [N] a déposé une demande de permis de construire à la mairie de [Localité 3], portant sur une modification des façades et une surélévation.

Le 1er février 2023, un rapport de constatation au code de l'urbanisme a été établi par un agent assermenté de la direction départementale des territoires et de la mer (la DDTM) de l'Hérault.

Par arrêté du 26 mai 2023, le permis de construire sollicité par M. [C] [N] le 30 janvier 2023 a été refusé.

Une autre demande a été déposée par M. [C] [N] le 7 juin 2023 relative à une extension par surélévation.

Par arrêté du 25 juillet 2023, le permis de conduire sollicité a de nouveau été refusé.

Parrallèlement, par exploit du 28 décembre 2022, la commune de [Localité 3] a fait assigner en référé M. [C] [N] devant le président du tribunal judiciaire de Montpellier afin qu'il soit constaté que les travaux entrepris par ce dernier sur les parcelles cadastrées section ZL numéros [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] étaient constitutifs d'un trouble manifestement illicite, que soit ordonnée la démolition de la construction irrégulière existante, sur toute l'emprise de la modification des façades et de la toiture entreprise, ainsi que de l'extension de la terrasse attenante, dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai jusqu'à l'exécution totale de l'ordonnance à intervenir, et que le défendeur soit condamné au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Aux termes d'une ordonnance rendue le 24 août 2023, le président du tribunal judiciaire statuant en référé a :

- condamné M. [C] [N] à procéder, dans un délai de trois mois, à la suppression de la surélévation de la construction 'B' du rapport de la DDTM, sis sur la parcelle ZL [Cadastre 7], [Adresse 5],

- condamné M. [C] [N] à démolir dans un délai de trois mois, la piscine sise sur la parcelle ZL [Cadastre 7], le chalet sis sur la parcelle ZL [Cadastre 7], l'abri de fortune sis sur la parcelle ZL [Cadastre 7], l'abri et le cabanon sis sur la parcelle ZL [Cadastre 8] et le petit local sis sur la parcelle ZL [Cadastre 8],

- dit qu'à défaut d'exécution dans le délai de trois mois requis à compter de la signification de l'ordonnance, une astreinte de 70 euros par jour de retard serait due pendant un délai de six mois,

- débouté M. [C] [N] du surplus de ses demandes,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné M. [C] [N] à payer à la commune de [Localité 3] une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par déclaration en date du 5 septembre 2023, M. [C] [N] a relevé appel de cette ordonnance en critiquant chacune de ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [C] [N] demande à la cour de :

- ordonner in limine litis la suspension de la présente instance dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Montpellier,

En tout état de cause,

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- réformer l'ordonnance du 24 août 2023 en toutes ses dispositions,

- débouter la commune de [Localité 3] de sa demande d'astreinte,

- reconnaître l'absence de trouble manifestement illicite,

- constater n'y avoir lieu à remise en état,

- reconnaître n'y avoir lieu à démolition,

- condamner la commune de [Localité 3] à lui verser une somme de 12 500 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis,

- condamner la commune de [Localité 3] à lui verser une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens.

Il fait valoir, en premier lieu, qu'il a formé un recours devant la juridiction administrative contre la nouvelle opposition à sa déclaration de travaux, puisque cette opposition n'est pas motivée et qu'elle méconnaît les règles présentes dans le plan local d'urbanisme et le code de l'urbanisme. Il ajoute que dans l'hypothèse où le tribunal annulerait l'opposition à déclaration de travaux, plus aucun trouble ne pourrait lui être opposé et qu'il est donc d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer.

Il invoque, en outre, l'absence de trouble manifestement illicite. Il précise que les lieux ont été replacés dans leur état antérieur, ainsi que cela résulte d'un constat d'huissier établi le 13 mars 2023. Il précise que c'est de manière erronée que la commune de [Localité 3] indique que les parcelles numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 8] se trouveraient sur une zone naturelle non constructible. Il ajoute que le plan local d'urbanisme date de 2017 et que la carte des aléas des feux de forêt a été établie en 2022.

En outre, il indique que la maison a été édifiée en toute légalité en 1977, que le chalet est achevé depuis plus de dix années et bénéficie des dispositions de l'article L. 421-9 alinéa 1er du code de l'urbanisme, qu'il n'a aucune intention d'intervenir en modification de ce chalet et qu'il a déposé un permis concernant uniquement la maison, laquelle est détachée de toutes les autres constructions.

Il souligne que seuls le chalet et la piscine sont dépourvus d'autorisation d'urbanisme mais qu'ils ont été construits il y a plus de dix ans, qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune modification et qu'ils bénéficient des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme.

De plus, il explique qu'il a déposé une demande de permis de construire pour la maison car le son toit présentait une dangerosité certaine et un risque d'effondrement et que ses démarches avaient pour seul objectif de mettre le bien et ses abords en sécurité.

Du reste, il affirme que contrairement à ce que prétend la commune de [Localité 3], il est possible de procéder à une extension dans la zone dans laquelle se trouve la maison d'habitation.

Enfin, il indique que la commune de [Localité 3] est de mauvaise foi car elle lui a envoyé différents courriers à [Localité 3], alors qu'elle savait qu'il résidait à [Localité 4]. Il ajoute que la procédure par elle initiée met en péril sa situation financière et familiale.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la commune de [Localité 3] demande à la cour de :

- confirmer la décision déférée et par suite,

- constater que les travaux entrepris par M. [C] [N] sur les parcelles cadastrés section ZL numéros [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite,

- ordonner la remise en état de la construction 'B' du rapport de la DDTM pour la mettre en conformité avec le permis de construire de 1977, c'est à dire en supprimant la surélévation litigieuse,

- ordonner la remise en état des parcelles litigieuses et condamner M. [C] [N] à démolir les constructions suivantes dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir :

* la piscine de 33, 37 m² située sur la parcelle ZL [Cadastre 7],

* la construction 'A' d'une emprise de 53, 05 m² sur la parcelle ZL [Cadastre 7],

* l'abri de fortune 'D' d'une superficie de 11, 83 m² sur la parcelle ZL [Cadastre 7],

* l'abri 'E' d'une superficie de 27, 06 m² et le cabanon 'F' d'une superficie de 7, 84 m² sur la parcelle ZL [Cadastre 8],

* le petit local 'G' d'une superficie de 2, 80 m² sur la parcelle ZL [Cadastre 8],

- juger que passé ce délai, courra une astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à l'exécution de la décision à intervenir,

- condamner M. [C] [N] à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

S'agissant de la demande de sursis à statuer, elle fait valoir qu'elle est irrecevable et mal fondée, le recours contentieux n'ayant aucune chance d'aboutir, puisque lorsqu'il est constaté que des travaux qui relèvent du régime du permis de construire n'ont fait l'objet que d'une simple déclaration, le maire est tenu de s'opposer à ces travaux, que les dispositions de l'article R. 421-27 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées et que le projet n'est pas conforme aux dispositions de l'article N-1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 3].

Elle souligne que la demande de sursis à statuer constitue une manoeuvre dilatoire et précise que que l'appelant a attendu la limite du délai de recours contentieux pour saisir le tribunal administratif de Montpellier et qu'il n'a pas contesté les deux refus de permis de construire qui lui ont été précédemment opposés.

De plus, elle soutient que contrairement à ce qu'allègue M. [C] [N], les parcelles ne sont pas situées dans une zone du plan local d'urbanisme permettant la réalisation des travaux litigieux. Elle affirme qu'en effet, les parcelles sont situées en zone NC du plan local d'urbanisme. Elle ajoute que la remise en état réalisée par M. [C] [N] ne concerne que la suppression de la terrasse réalisée illégalement, mais que la surélévation n'a pas fait l'objet d'une remise en état et que les constructions illégales n'ont pas été démolies.

En outre, elle invoque les dispositions de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme et de l'article 835 du code de procédure civile et fait valoir qu'en l'espèce, le trouble manifestement illicite est caractérisé, dès lors que M. [C] [N] a réalisé des travaux sans autorisation d'urbanisme préalable, que ces travaux sont réalisés en méconnaissance des règles d'urbanisme applicables, que cette situation n'est pas susceptible d'être régularisée et que la mauvaise foi de M. [C] [N] est établie.

Elle précise qu'il ressort du procès-verbal de constat d'infraction dressé le 25 août 2022 et du rapport de constatation de la DDTM que M. [C] [N] a réalisé la modification de la façade et de la toiture, l'agrandissement de la terrasse extérieure, la construction d'une piscine de 33, 37 m², une construction de 53, 05 m² composée de trois parties distinctes ne figurant pas à l'acte d'acquisition, un abri de fortune de 11, 83 m², un abri de 27, 06 m² et un cabanon de 7, 84 m² ainsi qu'un petit local de 2, 80 m².

Elle invoque les dispositions des articles R. 421-13, R. 421-14 et R. 421-17 du code de l'urbanisme et précise qu'en l'espèce, M. [C] [N] n'a jamais déposé la moindre demande d'autorisation d'urbanisme. Elle ajoute que le bâtiment acquis par celui-ci n'a fait l'objet que d'une seule autorisation d'urbanisme, à savoir un permis de construire délivré le 11 octobre 1977 qui ne porte que sur la construction principale.

Elle en déduit que l'ensemble des autres éléments identifiés par la DDTM sont tous postérieurs à 1977, tous illégaux, faute d'avoir fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme préalable, insusceptibles de bénéficier du régime de prescription administrative décennale instauré par l'article L. 421-9 qui exclut en son 5° les constructions qui ont été réalisées sans permis de construire et soumis à l'obligation d'être régularisés concomitamment à l'instruction de toute nouvelle demande d'autorisation d'urbanisme sur l'unité foncière en cause. Elle ajoute que préalablement à la réalisation de ses travaux, M. [C] [N] aurait du solliciter un permis de construire portant sur l'ensemble de la construction.

Elle soutient qu'il est incontestable que M. [C] [N] a procédé illégalement à des travaux soumis à autorisation d'urbanisme préalable, et non conformes aux règles d'urbanisme, et que le trouble manifestement illicite est donc établi.

S'agissant de la demande de démolition, elle indique du reste que la régularisation n'est pas envisageable, au vu du plan local d'urbanisme et du caractère irrégulier des constructions existantes.

Enfin, elle expose que M. [C] [N] a acquis les parcelles en étant informé du caractère irrégulier des constructions qu'elles supportent et qu'il a poursuivi les travaux, postérieurement à l'arrêté interruptif de travaux signifié le 24 octobre 2022. Elle ajoute qu'aucun élément ne corrobore ses déclarations selon lesquelles les travaux litigieux étaient nécessaires du fait d'une dangerosité certaine et d'un risque d'effondrement avéré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer

Selon l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

Le sursis à statuer prévu par ce texte constitue une simple faculté, les juges appréciant discrétionnairement son opportunité dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que le 1er septembre 2023, M. [C] [N] a déposé une demande d'autorisation pour un projet consistant en l'extension par surélévation de la construction existante.

Il est également établi qu'un arrêté a été pris le 26 septembre 2023, aux termes duquel le maire de la commune de [Localité 3] a fait opposition à la déclaration préalable, et que cet arrêté a fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Montpellier de la part de M. [C] [N].

Il convient d'observer que l'arrêté qui fait l'objet d'une contestation devant le tribunal administratif ne concerne que le projet de surélévation de la construction existante, alors que dans le cadre du présent litige, est sollicitée par la commune de [Localité 3] la suppression de plusieurs autres constructions.

La solution du recours formé par M. [C] [N] devant le tribunal administratif n'est donc manifestement pas de nature à avoir une incidence directe sur la solution du litige concernant la piscine, le local 'A', l'abri de fortune 'D', l'abri 'E', le cabanon 'F' ainsi que le petit local 'G'.

Au demeurant, si l'octroi d'un permis de construire pour la surélévation serait susceptible d'influencer la solution du présent litige concernant cette surélévation, le recours exercé par M. [C] [N] porte sur une opposition à déclaration préalable, et ce alors que son projet qui consiste à créer une surface de plancher supplémentaire de 22 m²devait être autorisé par un permis de construire, en application de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme.

M. [C] [N] ne démontre pas, dans ces conditions, que la solution du litige concernant la surélévation est susceptible d'être influencée par l'issue du recours contre l'opposition à déclaration.

Du reste, il n'existe pas de risque de contrariété de décisions entre le présent arrêt, qui n'a pas autorité de la chose jugée au principal, et la décision à venir du tribunal administratif de Montpellier statuant au fond.

Enfin, la durée de la procédure devant la juridiction administrative est inconnue et peu compatible avec l'urgence ou la caractérisation du trouble manifestement illicite conditionnant les pouvoirs du juge des référés.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la demande de sursis à statuer formée par M. [C] [N] sera rejetée.

Sur les demandes de démolition formées par la commune de [Localité 3]

Selon l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit à laquelle le juge des référés peut mettre un terme à titre provisoire.

De plus, en application de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux.

* S'agissant de la surélévation de la construction 'B'

Aux termes de l'article R. 421-13 du code de l'urbanisme, les travaux exécutés sur des constructions existantes sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme à l'exception, notamment :

a) Des travaux mentionnés aux articles R. 421-14 à R. 421-16, qui sont soumis à permis de construire;

b) Des travaux mentionnés à l'article R. 421-17, qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable.

Selon l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires:

a) Les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à vingt mètres carrés; [...]

c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28.

Du reste, l'article R. 421-17 prévoit que doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants:

a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement ;

[...]

f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d'une emprise au sol, soit d'une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants:

- une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés;

- une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés.

En l'espèce, il est établi que la maison à usage d'habitation située sur la parcelle cadastrée section ZL numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 8] a fait l'objet d'un arrêté de permis de construire et d'un certificat de conformité respectivement délivrés par le préfet de l'Hérault les 11 octobre 1977 et 9 mars 1979.

Certes, comme l'a relevé le premier juge, la copie du permis de construire initial du 11 octobre 1977, versée aux débats, ne permet pas d'appréhender les dimensions initiales de la maison à usage d'habitation qui en est l'objet.

Cependant, les photographies annexées au 'rapport de constatation au code de l'urbanisme' établi par un agent assermenté de la DDTM le 23 février 2023 révèlent que des travaux sont en cours de réalisation sur la maison à usage d'habitation, désignée par la lettre 'B' dans le rapport, laquelle présente une surélévation, d'une hauteur de quatre parpaings, du pan de mur avant de la bâtisse principale. Il ressort également de ce rapport qu'une seconde partie de cette maison est en cours de rehaussement.

En outre, comme l'a également indiqué le premier juge, il est mentionné à la demande de permis de construire déposée par M. [C] [N] le 7 juin 2023, ayant pour objet la surélévation des combles, que les travaux de dépose et de repose de la toiture ont déjà été réalisés.

Il est donc incontestablement établi que M. [C] [N] a fait procéder à des travaux de surélévation de sa maison.

En application de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, ces travaux étaient soumis à l'obtention d'un permis de construire, ayant pour effet la création d'une surface de plancher supérieure à vingt mètres carrés, ainsi que cela ressort de la demande de permis formée par M. [C] [N] le 7 juin 2023.

Or, l'appelant ne justifie pas avoir obtenu une autorisation d'urbanisme, préalablement à la réalisation de la modification litigieuse.

Il a donc illégalement surélevé sa maison et l'existence d'un trouble manifestement illicite tenant au non respect des règles d'urbanisme est par conséquent établie.

Du reste, M. [C] [N] ne démontre pas avoir obtenu un permis de construire de régularisation, ni même être susceptible d'en obtenir un.

Au contraire, il ressort des pièces versées aux débats que concernant cette surélévation, M. [C] [N] a déposé une demande de permis de construire le 30 janvier 2023 puis le 7 juin 2023, lesquelles ont fait l'objet de refus par arrêtés du 26 mai 2023 et du 25 juillet 2023, que l'appelant n'indique ni ne démontre avoir contestés. En effet, le recours dont M. [C] [N] justifie avoir saisi le tribunal administratif concerne l'arrêté du 26 septembre 2023, aux termes duquel le maire de la commune de [Localité 3] a fait opposition à la déclaration préalable par lui formée le 1er septembre 2023.

Au surplus, il résulte de la copie du plan de zonage de la commune de [Localité 3] versée aux débats que les parcelles cadastrées section ZL numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 8] appartenant à M. [C] [N] se trouvent en zone NC, zone naturelle avec des enjeux de corridor écologique, du plan local d'urbanisme en sa version approuvée le 18 novembre 2019.

Or, aux termes de la section 1 du titre VI, afférente aux dispositions relatives à la destination des constructions, à l'usage des sols et à la nature des activités, du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 3], il n'est pas possible de faire réaliser une extension des bâtiments à usage d'habitation existants en zone NC. Les travaux de surélévation entrepris par M. [C] [N] ne sont donc pas régularisables.

Enfin, M. [C] [N] ne démontre pas que les travaux qu'il a fait exécuter ont consisté en des travaux de sécurisation des lieux, faute par lui de justifier d'un péril l'ayant contraint à les réaliser.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le caractère manifestement illicite de l'extension de la propriété de M. [C] [N], résultant de la violation de la règle de droit, est établi. C'est donc à juste titre que le premier juge a ordonné la suppression de la surélévation de la construction désignée par la lettre 'B' dans le rapport de la DDTM, sise sur la parcelle ZL [Cadastre 7], sous astreinte de 70 euros par jour de retard pendant un délai de six mois pour assurer l'exécution de la décision.

La décision sera confirmée sur ce point.

* S'agissant de la la piscine 'C'

Selon l'article R.421-2 du code de l'urbanisme, sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, les piscines dont le bassin a une superficie inférieure ou égale à dix mètres carrés.

En l'espèce, il ressort du 'rapport de constatation au code de l'urbanisme' établi par un agent assermenté de la DDTM le 23 février 2023 que sur la parcelle cadastrée ZL numéro [Cadastre 7] se trouve, à côté de la maison, une piscine, désignée par la lettre 'C', en parpaings, d'une superficie de 33, 37 m².

En application de l'article susvisé, cette piscine était soumise à une autorisation d'urbanisme.

Or, il n'est pas contesté par M. [C] [N] qu'il n'a pas obtenu une telle autorisation.

Du reste, comme l'a relevé le premier juge, l'existence d'une piscine n'est pas mentionnée à l'acte de vente et M. [C] [N] ne démontre pas que sa construction aurait été réalisée depuis plus de dix années, aucune pièce n'étant produite en ce sens.

Enfin, M. [C] [N] n'indique ni ne démontre que cette situation est susceptible de régularisation.

Au contraire, il ressort de la section 1 du titre VI, afférente aux dispositions relatives à la destination des constructions, à l'usage des sols et à la nature des activités, du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 3], qu'en zone NC, seuls des équipements d'intérêt collectif et de services publics peuvent être admis.

Au surplus, en application de l'article L. 421-9 5° du code de l'urbanisme, les dispositions selon lesquelles lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de constuire ou la décision d'opposition préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme ne sont pas applicables lorsque la construction a été réalisée sans qu'aucun permis de construire n'ait été obtenu alors que celui-ci était requis.

L'existence d'un trouble manifestement illicite tenant au non respect des règles d'urbanisme est par conséquent établi

La décision sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a ordonné à M. [C] [N] de procéder à la démolition de la piscine, sous astreinte de 70 euros par jour de retard pendant un délai de six mois pour assurer l'exécution de la décision.

* S'agissant du bâtiment 'A'

Il ressort du 'rapport de constatation au code de l'urbanisme' établi par un agent assermenté de la DDTM le 23 février 2023 que sur la parcelle cadastrée ZL numéro [Cadastre 7] se trouve une première construction, désignée par la lettre 'A', d'une emprise totale de 53,05 m2 composée de trois parties.

En application de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, les travaux de construction de ce bâtiment, ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à vingt mètres carrés, étaient soumis à permis de construire.

Or, il n'est pas contesté que cette construction n'a pas fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme et M. [C] [N] n'indique ni ne démontre que cette situation est susceptible de régularisation.

De plus, M. [C] [N] ne démontre pas que la construction du bâtiment 'A' aurait été réalisée depuis plus de dix années, aucune pièce n'étant produite en ce sens.

En effet, si l'appelant justifie d'un dépôt en mairie d'une déclaration de location de meublé de tourisme en date du 12 mars 2010, et d'un certificat de visite d'un meublé de tourisme par la préfecture de l'Hérault établi en 2009, il n'est pas établi que cette déclaration et ce certificat porteraient précisément sur le bâtiment 'A'.

Enfin, il n'est pas démontré que cette construction serait régularisable.

Au contraire, il ressort de la section 1 du titre VI, afférente aux dispositions relatives à la destination des constructions, à l'usage des sols et à la nature des activités, du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 3], qu'en zone NC, seuls des équipements d'intérêt collectif et de services publics peuvent être admis.

Au surplus, en application de l'article L. 421-9 5° du code de l'urbanisme, les dispositions selon lesquelles lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de constuire ou la décision d'opposition préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme ne sont pas applicables lorsque la construction a été réalisée sans qu'aucun permis de construire n'ait été obtenu alors que celui-ci était requis.

En tout état de cause, il est mentionné à la promesse synallagmatique de vente conclue le 4 janvier 2022, produite par l'appelent, que le vendeur informe l'acquéreur que deux courriers de la mairie de [Localité 3], datés des 6 septembre et 20 octobre 2021, annexés à l'acte, indiquent que des constructions non déclarées sont présentes sur les parcelles ZL numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 8], lesquelles ne peuvent en aucune manière faire l'objet d'aménagement ou de modification. Il est également indiqué que ces courriers confirment que ces constructions ne sont pas régularisables.

L'existence d'un trouble manifestement illicite tenant au non respect des règles d'urbanisme est par conséquent établie et la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a enjoint à M. [C] [N] de faire procéder à la suppression du bâtiment 'A' d'une emprise de 53, 05 m² situé sur la parcelle ZL [Cadastre 7], sous astreinte de 70 euros par jour de retard pendant un délai de six mois pour assurer l'exécution de la décision.

* S'agissant de l'abri 'D', de l'abri 'E', du cabanon 'F' et du local 'G '

Aux termes de la section 1 afférente aux dispositions relatives à la destination des constructions, à usage des sols et à la nature des activités, du titre VI du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 3], sont notamment interdites dans la zone NC les constructions destinées à l'hébergement et au logement ainsi que les abris précaires.

Il ressort du 'rapport de constatation au code de l'urbanisme' émamant de la DDTM, daté du 23 février 2023, que sur la parcelle cadastrée ZL numéro [Cadastre 7] se trouve un abri de fortune 'D' afin de protéger le matériel de chantier, d'une surface de 11, 83 m2 et d'une hauteur de 2, 20 m, lequel est recouvert par une bâche bleue sur trois des côtés.

Il est indiqué à ce rapport qu'en outre, sur la parcelle ZL [Cadastre 8] se trouvent un abri 'E' recouvert par une toiture en tôle d'une superficie de 27, 06 m², ouvert sur les quatre côtés, un cabanon 'F' d'une superficie de 7, 84 m² et d'une hauteur de 2, 32 m et en contrebas, un petit local 'G' en parpaings d'une hauteur de 1, 50 m et d'une superficie de 2, 80 m².

La présence de ces quatre constructions contrevient aux dispositions du plan local d'urbanisme.

Elle constitue donc un trouble manifestement illicite.

Au demeurant, il n'est pas justifié par l'appelant que ces constructions seraient achevées depuis plus de dix ans, aucune pièce susceptible d'établir cet élément n'étant produite.

Enfin, au regard du plan local d'urbanisme, il n'est pas démontré que ces constructions seraient régularisables.

C'est donc à juste titre que le premier juge a ordonné à M. [C] [N] de procéder à la suppression de l'abri 'D' d'une superficie de 11, 83 m2, de l'abri 'E' d'une superficie de 27, 06 m², du cabanon 'F' d'une superficie de 7, 84 m², ainsi que du petit local 'G' d'une superficie de 2, 80 m², sous astreinte de 70 euros par jour de retard pendant un délai de six mois pour assurer l'exécution de la décision.

La décision déférée sera confirmée à ces titres également.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [C] [N]

Dans la mesure où est établie la méconnaissance par M. [C] [N] des règles d'urbanisme et reconnu le bien fondé des demandes de démolition formée par la commune de [Localité 3], l'attitude de cette dernière ne saurait être considérée comme constitutive d'un acharnement à l'encontre de M. [C] [N] qui sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et sur les frais irrépétibles

C'est à juste titre que le premier juge a condamné M. [C] [N], partie succombante, à verser à la commune de [Localité 3] une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance.

M. [C] [N] succombant en son appel sera condamné aux dépens d'appel, outre le paiement d'une indemnité complémentaire de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. M. [C] [N] sera du reste débouté de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette la demande tendant au prononcé d'un sursis à statuer formée par M. [C] [N],

Confirme la décision déférée en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [C] [N] de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute M. [C] [N] de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [C] [N] à verser à la commune de [Localité 3] une indemnité complémentaire de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [C] [N] aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente