CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 23 mai 2024, n° 20/10070
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des Copropriétaires de l'Immeuble
Défendeur :
KBC (SARL), Gasparine (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magnon
Conseillers :
Mme Hoarau, Mme Carpentier
Avocats :
Me Brice-Trehin, Me Ferrari, Me Domanowicz, Me Padellec
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Selon contrat du 22 février 2016, la SCI Gasparine a donné à bail à la SARL KBC, qui exerce son activité sous l'enseigne « MAMA ROMA », les locaux dont la désignation suit, à savoir :
- un lot numéro 13 consistant en un local commercial d'une superficie approximative de 54 m², situé au rez-de-chaussée,
- un lot numéro 14 consistant en un local commercial d'une superficie approximative de 79 m², situé au premier étage et rattaché au lot numéro 13 par un escalier,
le tout dépendant d'un immeuble sis à [Localité 4], [Adresse 2], à usage exclusif de « restauration - pizzeria - crêperie - brasserie - glacier - vente à emporter - salon de thé ».
Par courrier du 22 février 2016, la SARL KBC sollicitait et obtenait l'accord de la bailleresse aux fins d'« affecter une partie du premier étage à usage de bureau, vestiaire' et logement », sous réserve d'obtenir toutes les autorisations légales et de copropriété.
Au cours de la réalisation de ces travaux, la société mandatée par la SARL KBC a fait constater l'état du plafond du local du lot n° 14, porté à la connaissance du bailleur et du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2] (ci-après le syndicat des copropriétaires).
Le syndicat des copropriétaires a entrepris des travaux consolidation du plancher du R+2 réceptionnés le 25 octobre 2016, correspondant au plancher haut du R+1.
Par exploit d'huissier du 21 mars 2019, la SARL KBC a assigné la SCI Gasparine devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice pour obtenir la réalisation sous astreinte, des travaux de réfection du plancher R+1, une réduction de son loyer commercial correspondant à la partie du local inutilisable ainsi que le remboursement de partie du loyer réglé. Par exploit d'huissier du 3 mai 2019, la SCI Gasparine a assigné le syndicat des copropriétaires afin de lui faire déclarer commune et opposable cette procédure.
Par ordonnance du 7 janvier 2020, le juge des référés a joint les deux dossiers, invité la SARL KBC à mieux se pouvoir sur la diminution de son loyer commercial et l'a déboutée de ses autres demandes au motif notamment que la demande de travaux ne saurait prospérer à l'encontre de la SCI Gasparine puisque le gros 'uvre du plancher relève des parties communes de l'immeuble et au visa du procès-verbal de réception du 25 octobre 2016.
Par exploits d'huissier des 2 et 4 mars 2020, la SARL KBC a fait assigner à jour fixe, la SCI Gasparine et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2] représenté par son syndic, devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins de les voir condamner in solidum à entreprendre les travaux de réfection du plancher haut du premier étage de l'immeuble au sein duquel elle exerce son commerce et à indemniser son préjudice.
Par jugement du 6 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Nice a :
- dit que la responsabilité contractuelle de la SCI Gasparine n'est pas engagée,
- dit que le syndicat des copropriétaires est responsable du défaut d'entretien du plancher haut du premier étage,
- condamné le syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux de réfection du plancher haut du lot n° 14 sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois partant à la date de signification de la décision,
- condamné la SARL KBC à remplacer les fenêtres et à assurer la fermeture à l'extérieur du lot n° 14 de l'immeuble sis à [Localité 4], [Adresse 2],
- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la SARL KBC la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SARL KBC et le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'instance,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- rappelé qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire de plein droit.
Par ordonnance rectificative du 22 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Nice a précisé que la condamnation prononcée à l'encontre de la société KBC à remplacer les fenêtres et à assurer la fermeture à l'extérieur du lot n° 14 de l'immeuble sis à [Localité 4] [Adresse 2] s'entendait sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de six mois partant à la date de signification de la décision.
Le tribunal a considéré :
- qu'en raison des clauses du bail, le bailleur ne peut être tenu vis-à-vis des dégradations ou vices apparents lors de la conclusion du bail, qu'informé des vices affectant le plafond d'une salle du premier étage le bailleur a immédiatement sollicité le syndicat des copropriétaires et a ainsi rempli à la fois son obligation de délivrance et de garantie,
- que le cabinet PH D Concept mandaté par le syndic de copropriété a conclu le 11 novembre 2019 à l'absence de désordres sur la structure du plancher, mais qu'il résulte d'un rapport détaillé de l'Apave dressé le 23 novembre 2019, que le plancher présente diverses pathologies le rendant vulnérable dans des conditions normales d'exploitation et nécessite des travaux de reprise, pour conclure à un défaut d'entretien imputable au syndicat des copropriétaires,
- qu'en exécution du bail commercial et en raison de l'état des lieux d'entrée du bail faisant état de trois fenêtres très vétustes à changer dans la première salle et de l'existence de deux fenêtres à changer dans la deuxième salle, il appartient au locataire de remplacer les fenêtres et de reboucher la sortie de climatisation des lieux loués.
Par déclaration du 20 octobre 2020, le syndicat des copropriétaires a relevé appel de ce jugement.
Par déclaration du 10 novembre 2020, la SARL KBC a relevé appel de ce même jugement.
Par ordonnance du 27 mai 2021 la jonction de ces deux dossiers a été prononcée.
Par ordonnance du 5 mai 2023, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau d'une demande de la SARL KBC.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 26 février 2024, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
Vu l'article 1353 du code civil,
Vu l'article 16 du code de procédure civile,
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
- débouter la société KBC de l'intégralité de ses demandes,
En conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires formées par la SARL KBC,
- réformer le jugement rendu le 6 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nice en ce qu'il l'a dit responsable d'un défaut d'entretien de l'immeuble et en qu'il l'a condamné à l'exécution de travaux sous astreinte,
- le réformer encore en ce qu'il l'a condamné à verser la somme de 1 500 euros à la SARL KBC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné aux dépens,
- la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le syndicat des copropriétaires fait essentiellement valoir :
Sur l'absence de nécessité des travaux demandés,
- qu'il a été informé en mars et avril 2016 du fléchissement des poutres dans une des pièces du premier étage du local loué et a fait le nécessaire pour missionner un ingénieur structure et entreprendre les travaux préconisés par celui-ci, qu'ensuite pendant deux ans, la SARL KBC n'a rien fait avant de se plaindre, en faisant établir un rapport Apave en 2019,
- que ce rapport Apave n'a pas caractérisé de détérioration sur la structure de l'immeuble, qui est celle d'un immeuble ancien, que cela a été confirmé par son propre ingénieur conseil, qu'il a été mis en évidence le non-remplacement des fenêtres par la SARL KBC depuis 2017,
- qu'il y a une contradiction manifeste du jugement, qui tout en constatant l'existence de deux rapports contradictoires, choisit de ne retenir les conclusions que d'un seul sans motiver ce choix,
- que la Cour de cassation considère qu'un rapport d'expertise extrajudiciaire établi à la demande de l'une des parties ne peut seul fonder la décision du juge,
- que l'ingénieur structure mandaté par lui en 2019 exclut toute défaillance dans la structure du plancher et les conclusions du rapport Apave ne le contredisent pas sur ce point,
- que la SARL KBC ne démontre pas que les parties communes sont défaillantes et nécessiteraient une reprise,
- que néanmoins, compte tenu de la condamnation sous astreinte, les travaux de confortement ont été exécutés à partir d'octobre 2023 après vote en assemblée générale et réceptionnés le 14 décembre 2023 et qu'il est curieux que la SARL KBC n'en parle pas, continuant à solliciter la condamnation sous astreinte,
- que le rapport de fin de chantier démontre que les travaux exécutés sont bien ceux du devis et qu'il a exécuté la condamnation du jugement,
- qu'il a agi dans le sens de sa mission qui tend à la conservation de l'immeuble en engageant des frais de 44 772,50 euros, en se fiant aux conclusions des experts mandatés, qui à l'exception de simples réserves, ne l'ont jamais alerté sur un quelconque danger concernant la structure,
Sur les travaux entrepris par la SARL KBC,
- que la SARL KBC a engagé des travaux d'envergure en 2017 dans le local R+1, sans autorisation du bailleur ou de la copropriété, sans se préoccuper de l'état du plancher, ce qui est incohérent avec le fait qu'en 2016 elle a alerté le bailleur et le syndic sur l'état du plancher,
- que la SARL KBC n'a toujours pas procédé au remplacement des fenêtres, ce qui contribue à la dégradation des lieux,
Sur la demande indemnitaire,
- que la SARL KBC se contente d'indiquer qu'elle subit un préjudice moral sans le qualifier,
- que les lieux n'étaient pas destinés à une exploitation commerciale, mais à un usage de réserve, salle et WC et qu'ainsi la SARL KBC ne peut se plaindre de ne pouvoir exploiter les lieux.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 8 mars 2024, la SARL KBC demande à la cour de :
Vu l'article L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu les articles 1719, 1720, 1721 et 606 du code civil,
Vu les articles 1219 et 1223 du code civil,
Vu les articles 1241 et 544 du code civil,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nice le 6 juillet 2020 rectifié par ordonnance rectificative du 22 septembre 2020 en ce qu'il a :
- Dit que le syndicat des copropriétaires est responsable du défaut d'entretien du plancher haut du premier étage.
- Condamné le syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux de réfection du plancher haut du lot n° 14 sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 3 mois partant à la date de signification du jugement.
Et statuant à nouveau,
- assortir la condamnation à réaliser les travaux de réfection prononcée à l'encontre du syndicat des copropriétaires d'une astreinte définitive courant à compter de la date de signification de l'arrêt à intervenir et fixée à hauteur de 500 euros par jour de retard pendant six mois,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nice le 06 juillet 2020 rectifié par ordonnance rectificative du 22 septembre 2020 en ce qu'il a :
- Dit que la responsabilité contractuelle de la SCI Gasparine n'est pas engagée.
- Condamné la société KBC à remplacer les fenêtres et à assurer la fermeture à l'extérieur du lot n° 14 de l'immeuble sis à [Localité 4] [Adresse 2], sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
- Condamné in solidum la société KBC et le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'instance.
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Et statuant à nouveau,
- condamner in solidum la SCI Gasparine et le syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux de réfection du plancher haut du premier étage,
- assortir la condamnation du bailleur à réaliser les travaux de réfection d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner une réduction du prix du loyer et charges de 59,40 % correspondant à la partie du premier étage inutilisable, à compter du 22 février 2016 (date du bail) et ce jusqu'au jour de l'achèvement des travaux de réfection totale du plancher du R+2 à intervenir,
Par conséquent,
- condamner la SCI Gasparine à lui payer la somme de 293 796,31 euros (pour mémoire), correspondant au loyer du premier étage inutilisable déjà payée par elle à la SCI Gasparine du 22 février 2016 jusqu'au 12 mars 2024,
- condamner in solidum la SCI Gasparine et le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice,
- condamner la SCI Gasparine et le syndicat des copropriétaires à lui verser chacune, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter la SCI Gasparine et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formées à son encontre.
La SARL KBC soutient en substance :
Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires,
- qu'aux termes des dispositions prévues à l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable en l'espèce, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes,
- que bien qu'ayant indiqué avoir accompli des travaux sur la structure de l'immeuble, ceux-ci sont insuffisants pour ne concerner qu'une seule pièce et pas les trois que comporte l'appartement du premier étage, que la problématique de la solidité du plafond du premier étage dure depuis au moins 2016 sans jamais qu'une solution n'ait été trouvée pour y remédier,
- que le syndicat des copropriétaires ne pourra contester sa connaissance des faits et la gravité de la situation dans la mesure où il reconnaissait lui-même dans un courrier adressé à la SCI Gasparine le 10 mai 2017, l'existence de ce problème et alors même que les supposés travaux de réhabilitation avait été réalisé en 2016,
- que les éléments fournis lors des différents constats et notamment au regard du dernier rapport de l'Apave, démontrent que l'origine du problème provient de la structure du plafond et donc des parties communes,
- que le syndicat des copropriétaires a attendu le 16 mai 2023 pour voter les travaux ordonnés par le jugement du 6 juillet 2022,
- que les travaux n'ont été réalisés que partiellement et ont été réceptionnés le 14 décembre 2023, seulement cinq renforts acier, sur les sept prévus, ayant été posés,
- que le 6 mars 2023, elle a fait intervenir l'Apave afin que celle-ci vérifie que les travaux réalisés par Carros construction pour le compte de la copropriété l'ont été conformément aux préconisations du rapport de l'Apave du 23 septembre 2019 et si le premier étage peut être exploité commercialement (avec réception du public) sans danger pour la sécurité des personnes, et conformément au devis de Carros construction du 14 décembre 2023, que le rapport est en cours de rédaction,
Sur la responsabilité contractuelle de la SCI Gasparine,
- que le bailleur doit garantir la délivrance d'un local en bon état de réparation et en état de servir à l'usage pour lequel il a été loué :
- les diligences du bailleur sont dérisoires,
- la jurisprudence estime que pour exonérer le bailleur de sa responsabilité sur le fondement des articles 1719 et 1720 du code civil, celui-ci doit a minima faire réunir une assemblée générale des copropriétaires pour résoudre les désordres et/ou engager une action contre le syndic,
- en quatre ans, le bailleur n'a écrit qu'à deux reprises au syndic,
- le bailleur n'a jamais véritablement mis en demeure le syndic de procéder aux réparations, ni demander la réunion d'une assemblée générale extraordinaire des copropriétaires pour faire voter des travaux ou toutes autres mesures pour remédier à la problématique invoquée par le preneur,
- les clauses exonératrices ne suffisent pas à décharger le bailleur de son obligation de délivrance,
- que le bailleur doit la garantie des vices ou défauts de la chose louée, sur le fondement de l'article 1721 du code civil,
- le vice ou le défaut correspond au plafond du premier étage présentant une flèche importante, vulnérable et qui nécessite un renforcement au point d'être impropre à sa destination et dangereux pour la sécurité des personnes,
- Il s'agit d'un vice caché puisque ces désordres ont été découverts en mars 2016 lors de la dépose du faux-plafond du premier étage par l'entreprise de travaux TGE-TGB, postérieurement à la signature du bail,
- il s'agit incontestablement de grosses réparations de l'article 606 du code civil, puisque cela touche à la structure de l'immeuble
Sur ses demandes,
- qu'elle se trouve à ce jour et depuis son entrée dans les lieux dans l'impossibilité totale de pouvoir exploiter la partie du local se trouvant au premier étage.
- que le premier étage représente 59,40 % du montant du loyer,
- qu'il n'y a pas lieu d'appliquer une pondération,
- que ni l'état des lieux, ni le bail commercial ne prévoit que le remplacement des fenêtres très vétustes est à la charge du locataire,
- que le remplacement des fenêtres fait partie des grosses réparations de l'article 606 du code civil et ne peut donc être à la charge du locataire.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 7 mars 2024, la SCI Gasparine demande à la cour de :
Vu le bail du 22 février 2016,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement dont appel et l'ordonnance rectificative,
Vu les articles 1719, 1720, 1721, 1791, 605 et 606 du code civil,
Vu l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- prononcer le rabat de l'ordonnance de clôture,
- admettre aux débats les présentes écritures en réponse aux dernières écritures et pièces communiquées par les appelants,
- débouter la SARL KBC et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formées à son encontre,
- confirmer les dispositions du jugement rendu le 6 juillet 2020 dont appel et l'ordonnance rectificative du 13 octobre 2020, notamment en ce qu'il a :
- condamné la SARL KBC à remplacer les fenêtres et à assurer la fermeture à l'extérieur du lot n°14 de l'immeuble sis à [Localité 4], [Adresse 2] sous astreinte de 100 euros par jour
- condamné le syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux
- ordonner la condamnation de la SARL KBC au paiement d'une astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et la fixer à 500 euros par jour de retard pendant six mois jusqu'à la réalisation des travaux,
- dire qu'elle a fait toutes diligences dans le cadre de ses obligations tant en qualité de copropriétaire, que de bailleur, et que sa responsabilité ne saurait être valablement recherchée,
- la dispenser, en sa qualité de copropriétaire, du paiement de toute condamnation éventuelle du syndicat des copropriétaires au titre des frais de procédure, des indemnités, des dépens et toutes condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner enfin tout succombant à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Gasparine argue :
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
- que la clôture de la mise en état était fixée au 27 février 2024 et l'affaire fixée à plaider au 12 mars 2024,
- que les appelants ont fait signifier de nouvelles conclusions les 22 et 26 février 2024, et notamment :
- La société KBC a conclu le 26 Février 2024 en produisant quatre nouvelles pièces,
- Le syndicat des copropriétaires a conclu les 22 et 26 février en produisant une nouvelle pièce,
Sur les demandes formées par le syndicat des copropriétaires,
- que sur l'usage des lieux, le syndicat des copropriétaires ne peut ignorer l'état descriptif de division du 24 octobre 1986 décrivant le lot 13 comme un local commercial actuellement à usage de restaurant et le lot 14 comme une partie de local commercial rattaché au restaurant objet du lot 13,
- que les travaux rendus nécessaires sur la structure des planchers/plafonds incombent à la copropriété par application de l'article 14 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965,
- que le syndicat des copropriétaires a rempli son obligation d'entretien des parties communes de l'immeuble,
Sur les demandes formées par la SARL KBC,
- que l'obligation de délivrance a été respectée,
- les articles 1719 et suivants du code civil ne sont pas d'ordre public de sorte que les parties peuvent y déroger,
- l'article 2 page 3 du bail commercial précise : « de convention expresse entre les parties, le preneur s'engage à exécuter aux lieux et place du bailleur toutes les réparations d'entretien (réparations locatives visées à l'article 1754 du code civil et réparations de gros entretien visées à l'article 605 du code civil) qui pourraient être nécessaires dans les lieux loués y compris celles nécessitées par la vétusté (dès lors qu'elles ne relèvent pas des grosses réparations visées par l'article 606 du code civil)'. »,
- la SARL KBC qui connaissait parfaitement l'état vétuste et visible du local ne peut donc valablement prétendre que le bailleur n'a pas rempli son obligation de délivrance,
- dès la conclusion du bail commercial le 22 février 2016, la SARL KBC connaissait parfaitement l'état vétuste du local commercial donné à bail, et prenait l'engagement de réaliser les travaux de remise en état,
- la SARL KBC attendra le 24 mai 2016, pour l'aviser des désordres constatés sur les plafonds de l'étage du local,
- elle a immédiatement réagi dès qu'elle a eu connaissance des désordres touchant au plafond du R+1,
- le syndicat des copropriétaires a réagi rapidement pour faire réaliser des travaux de confortement du plafond par l'entreprise Ramos Ferreira en octobre 2016 et un procès-verbal de réception des travaux a été dressé le 25 octobre 2016 au contradictoire de la SARL KBC, qui n'a émis aucune réserve sur les travaux réalisés,
- c'est seulement le 8 janvier 2018 que la SARL KBC fera dresser un nouveau constat par Me [E], qui ne lui a été dénoncé que deux mois plus tard,
- elle a immédiatement réagi en l'adressant au syndic de la copropriété pour l'interroger sur sa position ' et notamment sur les diligences accomplies pour consolider la structure,
- le bureau d'étude ayant conclu que la structure de l'immeuble n'est pas dangereuse, il appartient désormais au locataire de réaliser les travaux de remise en état du local en toute bonne foi,
- la SARL KBC n'a toujours pas fermé l'étage ouvert « aux quatre vents » alors que l'état des lieux d'entrée faisait spécifiquement état des travaux à réaliser par le preneur lors de la prise à bail, et notamment de la nécessité de « changer » les fenêtres, lesquelles ne constituent pas de grosses réparations,
- que l'obligation de garantie du local par le bailleur a été respectée,
- les travaux d'embellissement incombent à la société KBC, locataire, conformément aux conditions du bail consenti,
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles à l'instar de la SARL KBC qui non seulement n'a pas réalisé les travaux et a laissé dépérir l'immeuble, mais encore est redevable d'un arriéré locatif grandissant,
Sur les obligations contractuelles à la charge du preneur,
- que dès l'entrée dans les locaux, la SARL KBC s'est engagée à réaliser les travaux nécessaires à l'exploitation du local, et a minima à sa conservation,
- que la SARL KBC a conclu un bail commercial sans paiement d'aucun « pas de porte » sous l'engagement de réaliser des travaux nécessaires à l'exploitation de la totalité du local,
- que la surface commerciale à destination de « réserve, salle et WC » située au premier étage ne saurait avoir la même valeur locative que la surface en rez-de-chaussée, la société KBC n'appliquant aucune pondération à son calcul exorbitant, et ce d'autant que l'étage n'a jamais été rénové,
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 février 2024.
L'ordonnance de clôture a été révoquée avec l'accord expresse de toutes les parties, par mention au dossier et une nouvelle clôture est intervenue à l'audience du 12 mars 2024 avant l'ouverture des débats.
L'arrêt sera contradictoire, puisque toutes les parties ont constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Il est constaté que le dispositif des conclusions de la SCI Gasparine comporte une demande de « dire », qui ne constitue pas une prétention, mais un moyen, si bien que la cour n'en est pas saisie.
Par ailleurs, selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Il est admis au visa de ces deux articles, que lorsque les parties ne demandent dans le dispositif des conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation des dispositions concernées du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer lesdites dispositions du jugement.
Il est relevé qu'en l'espèce la SARL KBC sollicite une augmentation de l'astreinte fixée par le jugement, mais sans demander expressément l'infirmation du jugement.
De même, la SCI Gasparine sollicite une astreinte définitive et supérieure à celle fixée par le jugement tel que rectifié, mais sans demander expressément l'infirmation du jugement.
Sur la nature et la cause des désordres
La SARL KBC se plaint de ne pas pouvoir exploiter la totalité du fonds loué en raison de problème de structure du plafond du R+1.
Il est opposé qu'il n'y a plus de problème de structure depuis octobre 2016, que la SARL KBC a elle-même réalisé des travaux d'envergure, que la SARL KBC n'a toujours pas procédé au remplacement des fenêtres, ce qui contribue à la dégradation des lieux,
Il est relevé qu'aucune expertise judiciaire n'a été diligentée, ni n'est réclamée par les parties, lesquelles se réfèrent aux avis techniques suivants :
- le rapport privé établi le 11 novembre 2019 par la société PH D concept, s'agissant du syndicat des copropriétaires, aux termes duquel il n'a pas été constaté de désordre sur la structure du plancher, avec les précisions suivantes :
- dans le premier volume, un « confortement des poutres bois principales à l'aide de traverse UPN » a été réalisé, la tenue du plancher ne présente pas de défaut mais entre les lambourdes, le remplissage à certains endroits est friable, sans remettre en cause la tenue du plancher, s'agissant d'un désordre courant sur ce type de plancher, surtout dans les espaces qui ont un taux d'hygrométrie important lié au fait qu'ils sont ouverts aux intempéries,
- dans la deuxième pièce, les travaux de faux plafond BA 13 ont été commencés et stoppés, les poutres bois principale ont une section importante et ne présentent pas de défaut d'affaissement malgré le même problème d'enduit qui se délite,
- dans la troisième pièce, les poutres principales ont une section correcte, des renforts ont été faits pour soulager une des poutres qui commençait à prendre une flèche côté cloison, un autre renfort a été fait côté fenêtre pour diminuer la portée des lambourdes, qu'il n'y a pas de risque d'affaissement du plancher en l'état, pour une utilisation courante en logement,
- le rapport privé établi le 23 septembre 2019 par la société Apave, s'agissant de la SARL KBC, aux termes duquel le plancher présente diverses pathologies le rendant vulnérable, avec les précisions suivantes étayées par des schémas et photographies :
- zone A : il est précisé que cette zone n'a pas pu être inspectée du fait de la présence d'un faux plafond en cours de pose ; par rapport aux hypothèses de chargement, les poutres en bois sont estimées sous dimensionnées et nécessitant des renforcements car elles sont ancrées directement dans les murs dans une zone qui n'a pas été purgée,
- zone B : s'agissant des poutres acier : profilé principal IPN 240 ne suscitant pas de remarque particulière sur le dimensionnement, les contraintes sont acceptables, les conditions d'appui sont satisfaisantes dans les murs porteurs car la zone concernée par l'appui a été purgée et du béton mis en place ; mêmes remarques pour le profilé principal - poutre en bois renforcée par UPN 200 ; s'agissant des poutres en bois : pas de remarque sur le dimensionnement des poutres secondaires,
- zone C : s'agissant des poutres acier profilés en I, ils sont insuffisamment dimensionnés et les conditions d'appui ne sont pas satisfaisantes car insérées dans les murs porteurs au droit de zones non saines et sur des éléments en mauvais état et une intervention urgente est à prévoir ; s'agissant des poutres en bois, les poutres secondaires ne suscitent pas de remarque sur le dimensionnement mais certains éléments sont en mauvais état et doivent être remplacés ; les poutres principales présentent un mauvais état et sont sous-dimensionnées, et l'espace entre le sous-face des poutres secondaires et le dessus des principales, a été comblé par divers matériaux ne présentant aucune cohésion, ni liaison avec les poutres, lesquelles sont posées directement sur les murs porteurs, ce qui génère un risque accru de dégradation par des champignons ou insectes xylophages.
On comprend à la lecture des pièces que sur les biens donnés à bail commercial, à savoir les lots 13 et 14, seul le lot 14 situé au premier étage est concerné par le litige.
Ce lot initialement décrit dans le règlement de copropriété comme « une réserve, une salle et un wc » apparaît dans l'état des lieux d'entrée du 22 février 2016, date du bail commercial, comme se décomposant en deux salles :
- première salle ainsi décrite : trois fenêtres très vétustes à changer, plafond à refaire, plafond en lamelles en mauvais état, porte accès immeuble vétuste,
- deuxième salle ainsi décrite : deux fenêtres à changer, sol et plafond très vétustes, s'agissant d'un faux plafond.
En dernier lieu, dans les deux rapports privés ci-dessus visés, ce sont trois volumes qui apparaissent et pas seulement deux, dont deux ont leur accès depuis la cage d'escalier commune de l'immeuble (qualifiés de zones B et C dans le rapport de la société Apave) et le troisième a un accès depuis le commerce situé en rez-de-chaussée (qualifié de zone A dans le rapport de la société Apave).
Il peut en être déduit que seul le plafond de la zone B a été concerné par le procès-verbal de réception de travaux du 25 octobre 2016, après constatation de la fragilité de la structure du plancher (bas) du deuxième étage, confirmée par le bureau d'études missionné par le syndicat des copropriétaires, selon rapport du 2 juin 2016.
L'efficacité de ces travaux n'est pas remise en cause par aucun des deux rapports privés rédigés en 2019, même si la société PH D concept note qu'entre les lambourdes, le remplissage à certains endroits est friable.
S'agissant des zones A et C, les avis sont contradictoires, mais il est relevé que l'avis donné par la société Apave est manifestement plus motivé que celui de la société PH D concept, tandis que les photographies des deux rapports permettent de se rendre compte du caractère friable du remplissage des lambourdes et de sa vétusté.
Il est établi que le 10 mai 2017, le syndicat des copropriétaires a interpelé la SCI Gasparine au sujet des travaux réalisés par son locataire, la SARL KBC au premier étage « avec montage de cloisons lourdes en agglo, bloquées sous les plafonds, accrochage d'un faux plafond BA13 sur les poutres et solives déjà défaillantes », en se référant à un constat lors de l'expertise du 9 mai 2017 chez Mme [P], au deuxième étage, laquelle a signalé un affaissement du plancher, ce que l'on comprend à la lecture du mail adressé par le syndic à la SARL KBC le 16 juillet 2018 (pièce n° 15 de la SARL KBC).
Dans le cadre de l'exécution du jugement appelé, le syndicat des copropriétaires a fait réaliser des travaux de confortement du plancher selon devis de la société Carros construction pour « reprise en sous 'uvre plancher », approuvé par l'assemblée générale des copropriétaires du 16 mai 2023 et les travaux ont été réceptionnés le 14 décembre 2023, sous la maîtrise d''uvre de la société EOL Travaux, laquelle a établi un rapport de fin de travaux.
Il est constaté que ce maître d''uvre y fait les observations suivantes :
- en pièce A, qui correspond à la zone C du rapport de la société Apave : les poutres présentent un sous-dimensionnement ainsi qu'un problème d'assise, l'une d'entre-elle présentant une flèche, il existe une fissure verticale, il n'y a pas de remplissage entre les lambourdes ; une poutre a été mise en place conformément aux plans de l'ingénieur béton, dimensionnée en section bois plus large que celle prévue par l'ingénieur béton,
- en pièce B qui correspond à la zone B du rapport de la société Apave : les poutres ne présentent pas de défaut particulier, juste un écartement des poutres non régulier et il existe un délitement du plâtre entre les lambourdes par endroit ; une poutre a été mise en place conformément aux plans de l'ingénieur béton, dimensionnée en section bois plus large que celle prévue par l'ingénieur béton ; les parties non-adhérentes des interstices entre les lambourdes ont été purgées pour être remplacées par du plâtre,
- en pièce C qui correspond à la zone A du rapport de la société Apave : le plancher haut n'a pas de renforcement ; deux poutres ont été mises en place conformément aux plans de l'ingénieur béton, dimensionnées en section bois plus large que celle prévue par l'ingénieur béton ; les parties non-adhérentes des interstices entre les lambourdes ont été purgées pour être remplacées par du plâtre.
S'agissant de la mise en cause des travaux réalisés par la SARL KBC et le fait que celle-ci n'a pas procédé au remplacement des fenêtres, il est justifié que par courrier du 27 janvier 2019, la SCI Gasparine a mis en demeure la SARL KBC de remplacer les volets et les fenêtres côté cour, afin que ceux-ci puissent assurer leur fonction de fermeture et de protection, s'agissant de la répercussion au locataire, d'une demande formée par mail du 21 janvier 2019, par le syndic de la copropriété, celui-ci évoquant le fait qu'en cas de pluie l'eau s'infiltre.
Selon l'état des lieux d'entrée signé par la SARL KBC, les cinq fenêtres de l'appartement étaient vétustes et devaient être changées, celles donnant sur la cour correspondant aux deux fenêtres de la zone B du rapport privé de la société Apave, zone dans laquelle le plafond a été conforté en octobre 2016, et où il a été constaté entre les lambourdes, que le remplissage à certains endroits est friable, sans remise en cause de la tenue du plancher, s'agissant selon le rapport privé de la société PH D concept, d'un désordre courant sur ce type de plancher, surtout dans les espaces qui ont un taux d'hygrométrie important lié au fait qu'ils sont ouverts aux intempéries.
Sous réserve de cet avis privé donné sans davantage d'explication, aucune pièce ne met en évidence une quelconque responsabilité des travaux exécutés par la SARL KBC, lesquels ont consisté selon la facture de la société TGE du 13 avril 2016, en des déposes et évacuations, notamment des faux plafonds, plomberie, sanitaire, installations électriques, climatisations, la fourniture et pose de faux plafond BA13 autour des poutres existantes sur ossature métallique, la fourniture et pose du carrelage et la plomberie.
Selon le procès-verbal de constat d'huissier du 27 juin 2017, établi à la requête de la SCI Gasparine, à la suite de la sommation du 12 mai 2017 de cesser immédiatement les travaux en cours à défaut d'avoir obtenu l'accord du bailleur et de la copropriété pour les travaux, répercutant la mise en demeure adressée le 10 mai 2017, par le syndic à la SCI Gasparine, la pièce n° 1 a été coupée en deux par une séparation en carreaux de plâtre, le mur de droite de la même pièce et le plafond ont été recouverts de plaques BA13 et des travaux d'électricité ont commencé, la séparation de la pièce 1 et 2 a fait l'objet de modification, dans la pièce n° 2 le faux plafond a été enlevé et il apparaît sur toute la largeur, la pose de plusieurs IPN en fer au nombre de cinq, les trois fenêtres sur l'arrière n'ont pas de châssis et il a été procédé à l'installation d'une évacuation de climatisation avec percement de la façade arrière, l'ensemble du chantier est à l'abandon du fait de la sommation délivrée.
A cet égard, il est souligné que la SARL KBC a déclaré à l'occasion de l'établissement à sa requête, du procès-verbal de constat d'huissier du 8 janvier 2018, que sur les trois pièces l'une doit servir de salle de restauration, et les autres être transformées en studios pour la location.
Cependant même si certains de ces travaux nécessitaient l'autorisation du syndicat des copropriétaires, y compris une autorisation supplémentaire du bailleur pour les sous-locations envisagées au regard de l'interdiction de sous-louer inscrite dans le bail commercial, aucuns d'eux n'affectent la solidité du plafond.
En considération de l'ensemble de ces éléments, il doit être conclu que les désordres constatés au niveau du plancher haut du premier étage de l'immeuble en copropriété [Adresse 2] ont pour cause la vétusté et le sous-dimensionnement des poutres en bois, nécessitant le renforcement et l'entretien de celles-ci.
Sur la demande de la SARL KBC au titre des travaux
Elle porte sur les travaux de réfection du plancher haut du R+1, dirigée d'une part contre le syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, d'autre part contre la SCI Gasparine sur le fondement contractuel au visa des articles 1719 à 1721 du code civil, et il est soutenu que les travaux réalisés en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire, ne sont pas conformes au devis.
Aux termes de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux propriétaires ou au tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.
Les articles 1719 à 1721 créent à la charge du bailleur les obligations de délivrer au preneur la chose louée en bon état de réparations, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail, de garantir le preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail et s'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.
Il n'est pas contestable que le plancher litigieux, constitue une partie commune.
La demande de travaux ne peut donc prospérer que contre le syndicat des copropriétaires, à l'exclusion du bailleur, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.
Il ressort des développements ci-dessus, que si des travaux ont été effectués par le syndicat des copropriétaires, réceptionnés le 25 octobre 2016, dans la zone B du rapport privé de la société Apave, le plancher restait affecté de désordres en lien avec sa vétusté et le sous-dimensionnement des poutres en bois dans les deux autres pièces au premier étage, correspondant aux zones A et C du même rapport privé de la société Apave.
Le syndicat des copropriétaires conteste la nécessité de ces travaux, mais la lecture du rapport de la société EOL Travaux, maitre d''uvre qu'il s'est adjoint pour l'exécution de ces travaux, révèle que celle-ci n'a pas remis en cause la nécessité des travaux de confortement du plafond, puisqu'elle y évoque un sous-dimensionnement et un problème d'assise en pièce A et le fait que le plancher haut n'a pas de renforcement en pièce C.
Quant à la question de la conformité ou pas de ces travaux, elle relève de l'exécution, étant observé que le syndicat des copropriétaires verse aux débats le rapport établi par le maître d''uvre qui a approuvé la réception des travaux, tandis que la SARL KBC se contente d'alléguer la non-conformité de ceux-ci, en produisant un schéma des trois pièces, cette fois numérotées 1 (soit zone A du rapport Apave), 2 (zone B) et 3 (zone C) et des photographies de chacune de ces pièces, qui ne démontrent pas l'insuffisance des travaux réalisés.
Il convient donc de confirmer le jugement appelé en ce qu'il a dit que le syndicat des copropriétaires est responsable du défaut d'entretien du plancher haut du premier étage et l'a condamné à réaliser les travaux de réfection du plancher haut du lot n° 14, sous astreinte.
Sur les demandes indemnitaires de la SARL KBC
Elles portent sur :
- la condamnation in solidum de la SCI Gasparine et du syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice sans le qualifier, étant observé qu'en première instance cette même somme était réclamée en réparation du préjudice moral,
- la réduction du prix du loyer et charges de 59,40 % à compter du 22 février 2016 (date du bail) jusqu'au jour de l'achèvement des travaux de réfection totale du plancher et la condamnation consécutive de la SCI Gasparine à restituer la somme de 293 796,31 euros payée du 22 février 2016 jusqu'au 12 mars 2024.
Il ressort des développements ci-dessus que le 22 février 2016, la SARL KBC a signé avec la SCI Gasparine, un bail commercial, qui précise au titre des conditions particulières, que le bailleur « autorise, lors de l'entrée en jouissance, les travaux d'aménagement du local, sans toutefois toucher au gros mur ou mur porteur, et sous réserve de l'obtention par le preneur de toutes les autorisations administratives ou de copropriété' » et que le même jour le bailleur a approuvé la demande formée par la SARL KBC aux fins d'être autorisée à « affecter une partie du premier étage à usage de bureau, vestiaire' et logement », sous réserve d'obtenir toutes les autorisations légales et de copropriété.
Les travaux portaient sur des déposes et évacuations, notamment des faux plafonds, plomberie, sanitaire, installations électriques, climatisations, la fourniture et pose de faux plafond BA13 autour des poutres existantes sur ossature métallique, la fourniture et pose du carrelage et la plomberie et que le dès le 30 mars 2016, il a été constaté dans l'appartement du premier étage face escalier en montant, sur les trois poutres en bois perpendiculaires, que la poutre du milieu présentait une importante épaufrure avec une fissuration en sa partie centrale, l'ensemble de la poutre présentant une flèche.
Il n'est pas contestable que cet état de fait, découvert à l'occasion de la dépose du faux plafond, caractérise un vice de la chose louée, portant sur la structure du plafond de l'immeuble, et relève des grosses réparations, même si l'état des lieux d'entrée décrit le plafond dans les deux salles à l'étage comme vétuste, cette mention ne pouvant décharger le bailleur de ses obligations notamment de garantie de tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage.
L'obligation de garantie du bailleur existe même s'il ignorait les vices de la chose et par suite, même sans faute de sa part, si bien qu'il est indifférent qu'il ait été diligent pour aviser le syndicat des copropriétaires, responsable des parties communes de l'immeuble.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité contractuelle de la SCI Gasparine.
Sur le préjudice, il s'agit de l'impossibilité d'exploiter la partie du local située à l'étage, qui n'a pas pu être aménagée, du fait du problème de structure du plafond de la pièce zone B du rapport de la société Apave, de mars 2016 à octobre 2016 et de la non résolution des problèmes de structure des plafonds des pièces zone A et C du rapport de la société Apave, jusqu'en décembre 2023. Il s'agit donc d'un préjudice qui doit être qualifié de jouissance, y compris s'agissant de la réduction de loyer réclamée et la restitution consécutive.
Il est établi que le lot n° 14 consiste selon le règlement de copropriété, en une partie de local commercial rattaché au lot n° 13 et que la SCI KBC n'en destinait qu'une partie à l'usage de salle de restaurant, le surplus devant constituer deux studios à mettre en location, sous réserve des clauses du bail commercial.
Le loyer du bail commercial a été conclu pour une durée de neuf ans à compter du 22 février 2016 pour se terminer le 21 février 2025, moyennant un loyer annuel de 50 400 euros TTC révisable tous les ans, pour les deux lots.
Il est justifié que par jugement rendu le 3 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Nice, la société KBC a été placée en redressement judiciaire, que sa poursuite d'activité a été autorisée par jugement du 27 janvier 2021 et que selon jugement du 15 décembre 2021, le tribunal de commerce de Nice a au vu du chiffre d'affaires réalisé pendant la période d'observation, adopté un plan de redressement pendant dix ans pour le remboursement d'un passif vérifié de 240 803,26 euros.
En considération de ces éléments, il doit être conclu que la superficie des lots ne peut être retenue comme critère d'évaluation du préjudice de jouissance subi et en l'état des pièces produites, ce préjudice de jouissance sera indemnisé à hauteur de 1 400 euros par mois pendant huit mois, soit de mars 2016 à octobre 2016, date à laquelle la réalisation des travaux d'embellissement à la charge du preneur de la pièce zone B du rapport de la société Apave auraient pu se poursuivre, puis 1 000 euros par mois pendant quatre-vingt-cinq mois, soit de novembre 2016 à décembre 2023, date à laquelle la réalisation des travaux d'embellissement à la charge du preneur des pièces zones A et C du rapport de la société Apave auraient pu se poursuivre, portant le préjudice de jouissance à la somme de 96 200 euros.
Selon les dispositions de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas, la jurisprudence admettant la solidarité entre les coresponsables d'un même dommage, en qualifiant la condamnation d'in solidum.
En l'espèce, le syndicat des copropriétaires est responsable sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 de ce préjudice de jouissance, de même que la SCI Gasparine au titre de son obligation contractuelle de garantir le preneur des vices de la chose louée, qui en empêchent l'usage, alors qu'elle en a perçu les loyers.
Compte tenu des demandes formées par la SARL KBC, la SCI Gasparine sera condamnée à lui verser la somme de 96 200 euros au titre du préjudice de jouissance, in solidum avec le syndicat des copropriétaires à hauteur de la somme de 40 000 euros.
Le jugement appelé sera donc infirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de la SCI Gasparine
Il s'agit de la demande de remplacement des fenêtres, lesquelles sont décrites comme vétustes et devant être remplacées dans l'état des lieux d'entrée.
Le contrat de bail commercial stipule que « De convention expresse entre les parties, le preneur s'engage à exécuter aux lieu et place du bailleur toutes les réparations d'entretien (réparations locatives visées à l'article 1754 du code civil et réparations de gros entretien visées à l'article 605 du code civil) qui pourraient être nécessaires dans les lieux loués y compris celles nécessitées par la vétusté (dès lors qu'elles ne relèvent pas des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil) et les frais de ravalement même ceux prescrits par l'autorité administrative, à l'exception seulement des grosses réparations telles que définies à l'article 606 du code civil, qui seules restent à la charge du bailleur ».
En outre l'état des lieux d'entrée du 22 février 2016, contient les mentions suivantes : « le preneur déclarant connaître parfaitement les lieux pour les avoir visités et les accepter en l'état où ils se trouvent au moment de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger aucuns travaux de remise en état par le bailleur », et « L'état général du local est très vétuste, non exploité depuis longtemps nécessitant d'importants travaux », deux mentions qui ne peuvent être interprétées que dans le sens de la mise à la charge du preneur des frais de remise en état du logement avant de pouvoir l'exploiter.
L'article 606 du code civil définit les grosses réparations comme celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier, et précise que toutes les autres réparations sont d'entretien.
Les fenêtres ne figurent pas parmi les grosses réparations, si bien que les clauses du bail doivent recevoir application.
Il convient donc de confirmer le jugement appelé en ce qu'il a condamné la SARL KBC à remplacer les fenêtres et à assurer la fermeture à l'extérieur du lot n° 14 de l'immeuble sis à [Localité 4], [Adresse 2], sous astreinte.
Sur les demandes accessoires
SDC : 4000 à KBC
KBC : 3000 à chacun
Gasparine : 3000 au succombant et dispense article 10-1
En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur les dépens et les frais irrépétibles.
Le syndicat des copropriétaires essentiellement perdant, sera condamné aux entiers dépens et aux frais irrépétibles, qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la SARL KBC.
En revanche, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SCI Gasparine, les frais exposés pour les besoins de la procédure et non compris dans les dépens, si bien qu'elle sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Aux termes des derniers alinéas de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1065, le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires. Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige.
La SCI Gasparine demande à être dispensée, en sa qualité de copropriétaire, du paiement de toute condamnation éventuelle du syndicat des copropriétaires au titre des frais de procédure, des indemnités, des dépens et toutes condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit une demande qui excèdent les prescriptions de cet article.
Elle ne sera donc dispensée que des dépens et des frais irrépétibles mis à la charge du syndicat des copropriétaires.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], sis à [Localité 4], représenté par son syndic, est responsable du défaut d'entretien du plancher haut du premier étage,
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], sis à [Localité 4], représenté par son syndic, à réaliser les travaux de réfection du plancher haut du lot n° 14 sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois partant à la date de signification de la décision,
- condamné la SARL KBC à remplacer les fenêtres et à assurer la fermeture à l'extérieur du lot n° 14 de l'immeuble sis à [Localité 4], [Adresse 2] ;
L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la SCI Gasparine à verser à la SARL KBC, la somme de 96 200 euros (quatre-vingt-seize mille deux cents euros) à titre de dommages et intérêts, in solidum avec le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], sis à [Localité 4], représenté par son syndic, à hauteur de la somme de 40 000 euros (quarante mille euros) ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], sis à [Localité 4], représenté par son syndic, aux entiers dépens ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], sis à [Localité 4], représenté par son syndic, à verser à la SARL KBC la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SCI Gasparine de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que la SCI Gasparine sera dispensée de la participation au paiement des dépens et des frais irrépétibles mis à la charge du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], sis à [Localité 4], représenté par son syndic.