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Décisions

Cass. 3e civ., 16 mai 2024, n° 22-19.830

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Ayming (SAS)

Défendeur :

KanAm Grund Kapitalverwaltungsgesellschaft MbH (GmbH)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Aldigé

Avocat général :

Mme Guilguet-Pauthe

Avocats :

Me Boullez, Me Le Guerer, Bouniol-Brochier

Versailles, 12e ch., du 7 avr. 2022, n° …

7 avril 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 avril 2022), le 29 juin 2006, la société Arcadie, aux droits de laquelle vient la société KanAm Grund Kapitalverwaltungsgesellschaft MbH (la bailleresse), a donné à bail commercial à la société Alma Consulting Group, aux droits de laquelle vient la société Ayming (la locataire), des locaux à usage de bureaux.

2. Le 18 décembre 2013, après plusieurs instances introduites par la locataire en 2010, 2012 et 2013, les parties ont signé un protocole transactionnel portant notamment sur la résiliation du bail, une indemnité transactionnelle et la signature d'un nouveau bail.

3. A cette même date, les parties ont conclu un nouveau bail à effet au 1er avril 2014.

4. Le 9 février 2017, la locataire a assigné la bailleresse, d'une part, aux fins de voir déclarer réputée non écrite la clause d'indexation insérée au bail initial et d'obtenir la restitution des loyers versés entre le 10 février 2012 et le 31 mars 2014, d'autre part, en remboursement des sommes versées au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sur le fondement du second bail.

5. La bailleresse a soulevé une fin de non-recevoir de la demande de la locataire fondée sur le premier bail, tirée de l'autorité de la chose jugée de la transaction.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en restitution des loyers versés en exécution d'une clause d'indexation illicite, alors :

« 1°/ qu'une clause réputée non écrite est insusceptible de toute renonciation comme de toute confirmation ou ratification ; que la clause d'indexation illicite en tant qu'elle crée dans un bail commercial, une distorsion prohibée par l'article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier est réputée non écrite, en sorte que les parties ne peuvent écarter la rétroactivité des restitutions qui s'attachent à cette sanction par la conclusion d'une transaction qui, en purgeant la clause d'indexation de son illicéité pour l'avenir seulement, en maintiendrait les effets passés en permettant au bailleur de conserver les loyers indûment versés au remboursement desquels le preneur a renoncé ; qu'en considérant qu'il est au pouvoir du preneur de renoncer au remboursement des loyers indûment versés en exécution d'une clause d'indexation réputée non écrite, pour avoir été stipulée en violation de l'article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier, la cour d'appel a méconnu la spécificité de la sanction du réputé non écrit qui, opérant ab initio, est incompatible avec toute confirmation même limitée au maintien des effets passés de ladite clause ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier ;

2°/ qu'est réputée non écrite la clause d'indexation conclue en violation de l'article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier qui relève d'un ordre public de direction auquel les parties ne peuvent renoncer ; qu'il s'ensuit que la finalité de la règle violée s'oppose à ce que les parties puissent tenir en échec le jeu de la rétroactivité des restitutions consécutives à la constatation du caractère non écrit d'une clause d'indexation illicite, en permettant au bailleur d'en conserver le produit, par la voie d'une renonciation du preneur à demander la restitution des loyers indûs ; qu'en décidant qu'il est au pouvoir du preneur de renoncer à la restitution des loyers indus qui s'attache à la constatation du caractère non écrit d'une clause d'indexation illicite, quand la finalité de la règle violée interdit au bailleur de conserver ce qu'il a reçu, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble l'article 6 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 2052, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

8. La cour d'appel a constaté que les parties avaient conclu une transaction portant accord global et ayant vocation à régler tous les litiges nés de l'exécution du bail initial et que la validité de cette transaction n'était pas contestée.

9. Elle a déduit, à bon droit, de ces seuls motifs, que l'autorité de la chose jugée attachée à cette transaction, dont la nullité n'était pas demandée, rendait irrecevable la demande formée par la locataire sur le fondement de la clause d'indexation.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en répétition de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, alors « qu'en présence d'un bail commercial, seule une clause expresse peut mettre le paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à la charge du preneur ; qu'en transférant la charge au preneur qui s'en était acquitté spontanément, après avoir constaté que l'article 4.1 afférent à la composition des charges, imposait au preneur de rembourser au bailleur « la totalité des charges afférentes directement ou indirectement aux locaux loués et à l'immeuble pour sa quote-part […] de façon que le loyer soit perçu net de toutes charges, impôts, contributions, taxes et dépenses quelconques », quand aucune clause expresse du bail ne mettait le paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à la charge de la société Ayming, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Il résulte de ce texte que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du locataire d'un bail commercial qu'en vertu d'une clause claire et précise.

13. Pour rejeter la demande en restitution des paiements versés au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, l'arrêt retient que le bail du 18 décembre 2013 ne vise pas, au titre des charges récupérables par la bailleresse, expressément cette taxe, mais qu'il stipule que la locataire remboursera à la bailleresse la totalité des charges afférentes directement ou indirectement aux locaux loués et à l'immeuble pour sa quote-part de façon que le loyer soit perçu net de toutes charges, et en déduit que la locataire s'était engagée à rembourser toutes les charges, dont la taxe litigieuse.

14. En statuant ainsi, en l'absence d'une stipulation claire et précise du bail commercial mettant à la charge de la locataire la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de remboursement de la société Ayming au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société KanAm Grund Kapitalverwaltungsgesellschaft MbH aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société KanAm Grund Kapitalverwaltungsgesellschaft MbH et la condamne à payer à la société Ayming la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le seize mai deux mille vingt-quatre, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.