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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 6 juin 2024, n° 20/08175

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lamine Immobiliers (SCI)

Défendeur :

Le Camyon (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Espallargas, Me Michel

TJ Aix-en-Provence, du 23 avr. 2020, n° …

23 avril 2020

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 1er avril 2014, la SCI Lamine Immobilier a donné a bail à la société par actions simplifiée Le Camyon, un local commercial situé à Châteauneuf- les-Martigues (13 220), pour une durée de 9 années, à compter du 1er avril 2014.

Les lieux loués consistent en un local de 65 m2 environ, de plain-pied, contenant trois pièces principales, une salle d'eau, un WC, et une terrasse, moyennant un loyer annuel de 7 200 euros hors charges (HC) et hors taxe (HT).

Les clauses utiles pour la résolution du litige sont les suivantes :

- s'agissant de la destination contractuelle des lieux que « Les lieux pourront être utilisés pour toute activité prévue dans son objet social actuel, ou nécessaire à la réalisation de celui-ci, à l'exclusion de tout commerce, pour usage de bureaux et locaux administratifs. Activité de l'entreprise : restauration rapide ambulante ',

- s'agissant de l'accès de la camionnette professionnelle de la preneuse au parking :'l'accès du terrain et parking est limité aux véhicules dont le PTAC est inférieur à 3.5 tonnes » .

Les locaux loués se situaient au sein d'un immeuble pourvu d'un parking privatif nécessaire à l'activité de la preneuse, dès lors que cette dernière exerçait son activité de restauration rapide ambulante, à bord d'un camion, communément appelé « food-truck » qu'elle garait sur le parking privatif. La preneuse devait pouvoir avoir accès à un branchement électrique perpétuel et à point d'eau, tant pour permettre le fonctionnement des appareils électriques du camion que pour en assurer la propreté. La preneuse utilisait aussi le local loué, afin de stocker les matières premières et d'y effectuer sa mise en place chaque jour.

Le stationnement du camion était donc expressément autorisé par le biais de cette clause particulière, qui, toutefois, limitait l'accès aux seuls véhicules ayant un PTAC inférieur à 3,5 tonnes. Jusqu'au mois de mars 2018, pendant une durée de 4 années, la société preneuse a pu garer normalement son camion de marque Mercedes sur le parking privatif et le brancher électriquement, ce qui lui permettait d'exercer son activité.

Un conflit s'est noué entre les parties à compter du 2 mars 2018, date à laquelle la société preneuse a acheté un nouveau camion de marque Citroën.

La bailleresse a en effet considéré que le poids du nouveau camion de la société preneuse contrevenait au bail commercial en ce qu'il était de 3, 5 tonnes au lieu d'être inférieur à 3, 5 tonnes et, pour cette raison, a estimé que cette dernière n'avait plus le droit de le stationner sur le parking.

La bailleresse a fait interdiction à la preneuse de stationner son véhicule sur le parking privatif notamment par courrier recommandé du 23 avril 2018 et va ensuite mettre en place un portique de sécurité d'une hauteur maximum de 1m90, obstruant définitivement l'accès au parking à la société Le Camyon et à son nouveau fourgon.

Suite en particulier à cette interdiction de garer son nouveau camion sur le parking, la société preneuse a estimé qu'elle ne pouvait plus exercer son activité et, par courrier en date du 14 novembre 2018, elle a informé la bailleresse qu'elle prenait acte de la résiliation de son bail commercial aux torts exclusifs de cette dernière à compter du 1er avril 2014.

La société Le Camyon a quitté définitivement le local loué le 26 novembre 2018.

Par acte d'huissier du 6 février 2019, la société Le Camyon a fait assigner la société Lamine Immobilier sur le fondement de l'article 1719 du code devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en demandant de :

- constater la résiliation du bail le 26 novembre 2018 aux torts exclusifs de la SCI Lamine,

- condamner la SCI Lamine Immobilier à lui payer les sommes de :

7 618,23 euros en réparation de son trouble de jouissance,

2 000 euros en réparation de son préjudice moral,

9 678,36 euros au titre de ses frais de déménagement,

595,38 euros en remboursement de ses frais de transfert de siège,

14 861,20 euros au titre du préjudice financier résultant de la perte intempestive de son bail,

600 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie,

1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Par jugement du 23 avril 2020 , le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence s'est prononcé en ces termes :

- prononce la résolution du bail commercial conclu le 1er avril 2014 entre la société Lamine Immobilier et la société Le Camyon à compter du 26 novembre 2018 ,

- condamne la SCI Lamine Immobilier à payer à la Sas Le Camyon :

2 962,646 euros au titre du trouble de jouissance pour la période du 1er mai au 26 novembre 2018 ,

500 euros au titre de son préjudice moral ,

678,36 euros au titre de ses frais de réinstallation ,

595,38 euros au titre des frais de transfert de siège ,

600 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie ,

- rejette la demande formée au titre des frais financiers ,

- condamne la SCI Lamine Immobilier à payer à la société Le Camyon la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'ai1icle 700 du code de procédure civile ,

- condamne la SCI Lamine Immobilier aux dépens ,

- ordonne l'exécution provisoire de la décision .

Le tribunal n'a pas tenu compte de quelconques conclusions de la société Lamine Immobilier, bailleresse, ayant décidé d'écarter des débats ses conclusions signifiées les 29 octobre et 14 novembre 2019. Le tribunal précisait que ces conclusions avaient été signifiées à la société preneuse postérieurement à l'ordonnance de clôture, sans en demander la révocation, et non déposées par voie électronique.

Pour prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts de la bailleresse sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil, le tribunal retenait un manquement de cette dernière à son obligation de délivrance.

Concernant ce manquement, le tribunal précisait que la destination contractuelle contractuellement prévue était l'activité de restauration rapide ambulante et qu'en interdisant à la preneuse de stationner son nouveau véhicule de 3, 5 tonnes sur le parking à proximité du local loué, la bailleresse n'avait pas permis à la preneuse d'utiliser son véhicule pourtant indispensable pour l'exercice de son activité de restauration rapide. Sur le caractère indispensable du stationnement camion nouvellement acquis à proximité du local loué, le tribunal précisait que ce véhicule permettait au preneur de conserver les denrées périssables dans le camion avec une alimentation de systèmes de réfrigération et congélation, lui permettant d'assurer un transfert fluide des produits depuis le local. Le juge ajoutait que l'accès du véhicule aux locaux loués était une condition essentielle et déterminante pour l'exercice de son activité.

Toujours concernant ce manquement retenu contre la bailleresse, le tribunal précisait que si une clause particulière du bail prévoyait de limiter l'accès au parking aux véhicules dont le PTAC est inférieur à 3,5 tonnes, la commune intention des parties était en réalité de limiter cet accès aux seuls véhicules supérieurs à 3, 5 tonnes au delà du sens littéral de la clause.

Pour retenir cette analyse de la commune intention des parties, le tribunal indiquait que la volonté des parties avait été de se conformer à la règlementation pour les véhicules spécialisés ou affectés au transport de marchandises, laquelle situe la limite de la référence au delà du poids de 3,5 tonnes.

La société Lamine Immobiliers a formé un appel le 25 août 2020.

La déclaration d'appel est ainsi rédigée :'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Ce jugement n'a pas été signifié à ce jour, ni de partie à partie, ni d'avocat à avocat de telle sorte que le délai d'appel reste ouvert. De plus il y a lieu de faire application de l'article 2 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période'.

La procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 7 novembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2020, la société Lamine Immobilier demande à la cour de :

à titre principal,

- prononcer l'infirmation et l'annulation totale du jugement,

- prononcer l'infirmation de la résolution du bail commercial conclu le 1er avril 2014 entre la SCI Lamine Immobiliers et la société Le Camyon a compter du 26 novembre 2018,

- rejeter la condamnation de La SCI Lamine Immobiliers à payer à la SAS Le Camyon les sommes

de :

2962,64 euros au titre d'un trouble de jouissance

500 euros au titre d'un préjudice moral

678, 36 euros au titre de frais de réinstallation

595,38 euros en remboursement des frais de transfert de siège

600 euros au titre de remboursement du dépôt de garantie

1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

à titre de demande reconventionnelle :

- dire que le bail commercial du 1er avril 2014 n'est pas résilié avec la société Le Camyon et qu'il se poursuit selon ses clauses initiales,

- condamner la société Le Camyon à payer la somme de 5776,48 euros (722,06 x 8 mois) à la SCI Lamine Immobiliers représentant les arriérés de loyers échus du 1er avril 2018 au 26 novembre 2018 ( date de résolution judiciaire du bail commercial par le jugement du 23 avril 2020),

- condamner la société Le Camyon à payer à la SCI Lamine Immobiliers les arriérés de loyers dûs pour la période du 27 novembre 2018 à la date du jugement à intervenir en cas de non résiliation du bail commercial conclu le 1er avril 2014 pour une durée de 9 années expirant le 31 mars 2023,

- condamner la société Le Camyon à payer à la SCI Lamine Immobilier la somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 février 2021, la société Le Camyon demande à la cour de :

vu les dispositions des article 1719 et 1184 du code civil , 564 et suivants du code de procédure civile,

- recevoir la société Le Camyon en son appel incident, le dire bien fondé et y faisant droit :

- confirmer la décision querellée en ce qu'elle a :

- prononcé la résiliation du bail conclu le 1 er avril 2014 entre la société Lamine Immobilier et la société Le Camyon à compter du 26 novembre 2018

- condamné la société Lamine Immobilier à payer à la société Le Camyon :

2 962,64 euros au titre du trouble de jouissance pour la période du 1 er mai 2018 au 26 novembre 2018 ,

500 euros au titre de son préjudice moral ,

678,36 euros au titre des frais de réinstallation (frais liés au crédit bancaire),

595,38 euros au titre des frais de transfert de siège

600 euros au titre du dépôt de garantie,

- infirmer la décision querellée en ce qu'elle a :

- rejeté la demande formée au titre des frais financiers,

- limité les frais de réinstallation au seul frais liés à la souscription du crédit,

- et statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la société Lamine Immobilier à payer à la société Le Camyon 14 861.20 euros au titre des frais financiers et 8 489.54 euros au titre des frais de réinstallation en sus des frais déjà accordés liés au crédit souscrit,

concernant les demandes nouvelles de la SCI Lamine Immobiliers :

-à titre principal, dire que les demandes dites reconventionnelles de la société Lamine Immobilier sont irrecevables car nouvelles ,

- à titre subsidiaire, débouter la société Lamine Immobilier des demande tendant à voir condamner la société Le Camyon à lui payer la somme de 5 776.48 euros au titre d'un prétendu arriéré de loyers pour la période allant du 1 er avril 2018 au 26 novembre 2018 et au paiement des loyers jusqu'au 31 mars 2023, date d'échéance du bail.

en tout état de cause, condamner la société Lamine Immobilier à lui payer 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant ceux de première instance

MOTIFS

1-sur la recevabilité de certaines demandes de l'appelante

Selon l'article 564 du code de procédure civile :A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 567 du même code ajoute :Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Aux termes de l'article 64 du code de procédure civile :Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

L'intimée soulève l'irrecevabilité de certaines demandes de l'appelante (les demandes reconventionnelles) au motif qu'elles sont nouvelles à hauteur d'appel, comme n'ayant pas déjà été présentées en première instance.

Dans ses conclusions, il est exact que l'appelante formule des demandes reconventionnelles nouvelles qui sont les suivantes :

- dire que le bail commercial du 1er avril 2014 n'est pas résilié avec la société Le Camyon et qu'il se poursuit selon ses clauses initiales,

- condamner la preneuse à payer à la bailleresse la somme de 5 776,48 euros au titre d'un arriéré de loyers pour la période allant du 1 er avril 2018 au 26 novembre 2018,

- condamner la preneuse à payer à la bailleresse le paiement des loyers jusqu'au 31 mars 2023, date d'échéance du bail.

Comme le soutient l'intimée, ces demandes reconventionnelles de l'appelante sont effectivement nécessairement nouvelles, la juridiction de première instance ayant écarté des débats les conclusions de la bailleresse.

Cependant, en application de l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel. En outre, la société Le Camyon ne soutient pas que ces demandes reconventionnelles ne se rattacheraient pas par un lien suffisant aux demandes originaires.

La cour, rejetant la fin de non-recevoir opposée par l'intimée à l'appelante tirée du caractère nouveau des demandes reconventionnelles, déclare recevables les demandes reconventionnelles formulées par la la société Lamine Immobilier.

2-sur la demande de résolution judiciaire du bail à compter du 26 novembre 2018

L'article 1184 du code civil, dans sa version applicable à ce bail conclu le 1er avril 2014,dispose : :La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Aux termes de l'article 1719 du code civil :Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantation

Au soutien de sa demande de résolution judiciaire du bail commercial, la société preneuse invoque la défaillance de la bailleresse concernant le respect de ses obligations de délivrance et de jouissance paisible.

Concernant le défaut de respect par la bailleresse de son obligation de délivrance, la preneuse précise que cette dernière devait lui permettre d'exercer pleinement et paisiblement son activité de « restauration rapide ambulante », telle que mentionnée dans la clause de destination du bail, en lui assurant notamment le stationnement de son camion. La preneuse ajoute que la bailleresse lui a fait interdiction d'accéder au parking avec son nouveau camion, l'empêchant d'exercer son activité commerciale de restauration rapide ambulante.

Concernant le défaut de respect par la bailleresse de son obligation de la faire jouir paisiblement le preneur du bail, la preneuse affirme que celle-ci devait lui assurer et garantir une occupation paisible, tout au long de son bail. A ce titre, selon elle, la bailleresse ne pouvait, de son fait, troubler l'occupation en faisant des actes de nature à lui occasionner un trouble, sauf s'il s'agissait de travaux urgent. La preneuse ajoute que tel n'a pas été le cas, dès lors que la SCI Lamine Immobiliers a entrepris plusieurs manoeuvres afin de troubler abusivement son occupation et d'imposer sa seule loi, pour lui faire quitter les lieux.

Il incombe au bailleur de remettre au preneur un local conforme à sa destination contractuelle et de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long de l'exécution du contrat.

S'agissant de la destination contractuelle des lieux, le bail stipule : 'Les lieux pourront être utilisés pour toute activité prévu dans son objet social actuel, ou nécessaire à la réalisation de celui-ci, à l'exclusion de tout commerce, pour usage de bureaux et locaux administratifs. Activité de l'entreprise : restauration rapide ambulante ',

Ainsi, concernant la destination des lieux contractuellement permise à la preneuse, il s'agissait d'exercer de la restauration rapide ambulante.

La preneuse pouvait utiliser une camionnette et garer celle-ci sur le parking privé de l'immeuble dans lequel elle louait les locaux à la société Lamine Immobilier dés lors que, comme l'a à juste titre relevé le premier juge, cette camionnette était indispensable pour exercer l'activité permise par la destination contractuelle des lieux.

Sur le caractère indispensable du stationnement de la camionnette à proximité des lieux loués, la cour adopte les motifs du premier juge, lequel a retenu que l'accès du vehicule du preneur aux lieux loués était une condition essentielle et déterminante pour l'exercice de son activité , à la fois pour lui permettre de conserver les denrées périssables dans le camion avec alimentation des systèmes de réfrigération et de congélation, et à la fois pour assurer un transfert fluide des produits depuis le local.

Il n'est d'ailleurs pas contesté qu'en pratique, durant au moins 4 années, la preneuse a pu garer son précédent fourgon de restauration sur le parking privatif sans aucune opposition de la part de la bailleresse.

Toutefois, il résulte des pièces et explication des parties qu'à compter de mars 2018, la situation a changé, la bailleresse s'étant opposée, à compter de cette date, à ce que la preneuse gare sa nouvelle camionnette aménagée sur le parking privatif.

Celle-ci reconnaît avoir installé un portique de 1m 90 de hauteur, empêchant de fait la preneuse de garer sa fourgonnette sur le parking privatif à côté des locaux loués.

Ainsi, en interdisant à la société preneuse de garer sa camionnette aménagée sur le parking privatif, la bailleresse a rendu très difficile l'exercice par la preneuse de son activité pourtant contractuellement autorisée de restauration rapide ambulante.

Pour tenter d'échapper à sa responsabilité et pour nier tout manquement à son obligation de délivrance en dépit de cette interdiction d'accès au parking faite à la preneuse, la bailleresse entend se prévaloir d'une clause particulière du bail commercial qui limite l'accès au parking aux véhicules dont le PTAC est inférieure à 3.5 tonnes .

En outre, la bailleresse estime qu'elle était en droit d'opposer cette clause à la preneuse, dés lors que, pour elle, la camionnette nouvellement acquise par cette dernière pesait plus de

3, 5 tonnes.

Il y a lieu donc d'examiner la clause particulière du bail dont la bailleresse entend se prévaloir concernant l'accès du camion au parking privatif , laquelle est rédigée en ces termes :'clause particulière : l'accès du terrain et parking est limité aux véhicules dont le PTAC est inférieur à 3.5 tonnes ».

Pour la société preneuse, le sens de cette clause n'est pas celui donné par une lecture littérale de la clause (à savoir autorisation pour les seuls véhicules dont le PTAC est inférieur à 3, 5 tonnes) mais un sens différent qui serait celui résultant de la seule commune intention des parties (qui était d'autoriser l'accès à parking pour les véhicules au PTAC inférieur et égal à 3.5 tonnes).

En l'espèce, si cette clause, telle qu'elle est rédigée, semble donner raison à la bailleresse concernant le sens à lui donner (interdiction d'accès aux véhicules dont le PTAC est égal ou supérieur à 3, 5 tonnes), il n'en demeure pas moins qu'elle est sujette à interprétation et qu'il y a lieu de rechercher quelle était la commune intention des parties.

L'interprétation de cette clause s'impose en effet, en présence d'une ambiguïté résultant du contexte, des données du litige et de l'attitude des contractants.

Concernant la nécessité de déterminer la commune intention des parties au regard de l'attitude des cocontractants, la cour relève d'abord que la bailleresse a laissé la preneuse accéder au parking avec sa précédente fourgonnette sans aucune opposition de sa part et ce pendant quatre années.

Or, d'après les pièces sérieuses et précises produites aux débats par la preneuse, concernant les caractéristiques techniques des deux camionnettes, la précédente fourgonnette présentait les mêmes caractérisques techniques, en termes de poids, que le nouveau véhicule. Les deux fiches techniques et les deux certificats d'immatriculation produits mentionnent tous que les deux fourgons ont un PTAC identique, à savoir 3500 kilos.

En présence d'une ambiguïté entre l'attitude suivie par les cocontractants pendant 4 années et le sens littéral de la clause, la cour doit tenir compte de ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé et également interpréter la clause en faveur de celui qui a contracté l'obligation (soit le preneur).

Toujours concernant la nécessité de déterminer la commune intention des parties, la clause litigieuse ne correspond pas non plus au contexte extrinsèque dans laquelle elle a été conclue. Cette clause est en effet rendue équivoque par le fait qu'elle renvoie, de façon maladroite, à une limite prévue par le code de la route. Ainsi, le code de la route prévoit une amende si certains véhicules dépassent un poids total autorisé en charge inférieur ou égal à 3,5 tonnes. De plus, ce chiffre de 3, 5 tonnes, auquel la clause se réfère, évoque aussi une limite légale prévue pour le permis B, qui autorise la conduite d'un véhicule (voiture, camionnette, camping-car) dont le PTAC inférieur ou égal à 3,5 tonnes. Ainsi, comme le relève l'intimée, il est d'usage que le législateur au sens large se réfère à un PTAC inférieur ou égal à 3, 5 tonnes pour édicter certaines obligations et interdictions concernant les véhicules et la conduite.

Par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a relevé que, si certes le contrat fait référence à un PTAC inférieur à 3.5 tonnes, il n'en demeure pas moins que la volonté réelle commune des parties était de reprendre l'usage ainsi que la distinction usuelle et réglementaire, faisant référence à des véhicules au PTAC inférieur ou égal à 3.5 tonnes, incluant nécessairement ce poids.

Il y a donc lieu de considérer que la clause signifie que l'accès du terrain et parking est limité aux véhicules dont le PTAC est inférieur ou égal à 3.5 tonnes et non pas seulement inférieur à 3, 5 tonnes.

Ainsi, la société bailleresse, qui ne démontre pas suffisamment que la preneuse contrevenait à la clause particulière du bail d'accès au parking, n'était pas fondée à interdire à cette dernière d'accéder au parking avec son nouveau fourgon.

La société preneuse démontre donc suffisamment les graves manquements de la bailleresse à son obligation de délivrance.

En présence d'un grave manquement de la société bailleresse à son obligation de délivrance, il est justifié de prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres manquements invoqués par l'intimée.

La cour confirme le jugement en ce qu'il prononce la résolution du bail en application de l'article 1 184 du code civil applicable au contrat concerné, à compter du 26 novembre 2018, et ce conformément a la demande.

3-sur les demandes de la société preneuse de dommages-intérêts

Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable jusqu'au 1er octobre 2016 :La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Selon ce texte légal, une partie peut solliciter la résolution avec dommages-intérêts, ce qui est le cas en l'espèce la preneuse.

- sur l'indemnité au titre des troubles de jouissance pour la période du 1 er mai 2018 au 26 novembre 2018

Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le trouble de jouissance subi par la société Le Camyon qui disposait des trois pièces du local restant accessibles en véhicule léger ou à pied, lui permettant d'assurer la logistique de son activité, pour la période de sept mois allant du 1er mai au 26 novembre 2018, pouvait donner lieu à une indemnisation à hauteur de 2 962,64 euros.

- sur l'indemnité au titre du préjudice moral

Le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la personne morale, de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il accorde des dommages-intérêts de 500 euros à la preneuse en lien avec la résolution du bail commercial aux torts de la bailleresse.

- sur l'indemnité au titre des frais de déménagement et des frais de réinstallation

Sur le principe, la société preneuse est bien fondée à réclamer l'indemnisation de ses frais de déménagement et de réinstallation, ces préjudices étant directement causés par la résolution du bail commercial aux torts de la bailleresse.

Concernant le montant des indemnités au titre des frais de déménagement et de réinstallation, la preneuse réclame les sommes de 8 489,54 euros (frais de déménagement et d'aménagement de son nouveau local) ainsi que celle de 678,36 euros (somme accordée par le premier juge s'agissant de frais liés à la souscription du crédit).

Pour justifier de la réalité des dépenses engagées pour faire face aux frais de déménagement et de réinstallation de son fonds de commerce, la société preneuse verse aux débats les preuves suivantes:

- le nouveau bail commercial conclu avec la SCI Myco Immo portant sur un ensemble immobilier situé à Châteauneuf-Les-Martigues moyennant un loyer principal mensuel de

942, 46 euros,

- les quittances de loyer à compter du 26 avril 2018 au titre du nouveau bail commercial,

- le tableau d'amortissement du prêt souscrit auprès de la société LCL à hauteur de 9000 euros et intitulé 'équipement pro taux fixe MT' ,

- la note d'honoraires du 30 novembre 2018 d'une société d'expertise comptable concernant notamment les formalités juridiques de transfert du siège de la société preneuse,

- les factures datant des mois de septembre et octobre 2018 relatives aux frais engagés (facture pour des travaux d'électricité du 22 octobre 2018, factures pour l'achat de matériaux et de mobilier) à hauteur d'un montant total de 8 489, 54 euros.

La société preneuse démontre la réalité des dépenses engagées pour organiser son déménagement et pour se réinstaller suite à la résolution du bail commercial litigieux aux torts de son ancienne bailleresse. Ainsi, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, la cour considère que le preneur démontre suffisamment avoir engagé des sommes allant au delà de la seule somme accordée par ce dernier de 678, 36 euros (frais liés à la souscription du crédit) pour se réinstaller.

Néanmoins, la cour ne saurait accorder la somme totale réclamée par la preneuse

- 8 489, 54 euros) dans la mesure où l'indemnisation accordée ne peut couvrir que les seuls frais de réinstallation dans un nouveau local bénéficiant d'aménagements et d'équipements similaires à celui qu'elle a été contrainte de quitter.

L'indemnisation pouvant être accordée sera limitée à 4 100 euros, somme couvrant intégralement le préjudice subi par la société Le Camyon.

Infirmant le jugement en ce qu 'il a accordé une indemnité limitée à 678, 36 euros au titre des frais de réinstallation et statuant à nouveau, la cour condamne la société Lamine Immobilier à payer à la société Le Camyon la somme de 4 778, 36 euros au titre de ses frais de déménagement et de réinstallation.

- sur le frais liés au transfert de siège social

Le jugement, qui a fait une juste appréciation des dommages-intérêts à allouer à la société preneuse au titre des frais de transfert du siège social, sera confirmé en ce qu'il condamne la bailleresse à indemniser la preneuse à hauteur de 595, 38 euros.

- sur les dommages-intérêts au titre d'un préjudice financier

La société preneuse sollicite des dommages-intérêts à hauteur de 14 861,20 euros en invoquant la différence entre son ancien loyer (réglé en exécution de l'ancien bail commercial résolu) et le nouveau loyer plus cher (réglé dans le cadre du nouveau bail) et ce pendant toute la durée de l'ancien bail qui restait à courir s'il avait été mené jusqu'à son terme.

Toutefois, comme l'a justement relevé le première juge, le surcoût du nouveau loyer n'est pas imputable à l'ancien preneur mais au choix du locataire.

Le jugement est confirmé en ce qu'il rejette cette demande.

4-sur la demande de la preneuse de remboursement du dépôt de garantie

Vu les articles 1134 et 1315 anciens du code civil,

En l'espèce, s'agissant du dépôt de garantie, le bail commercial litigieux du 1er avril 2014, stipule : 'le dépôt de garantie est fixé à 600 euros (...) non productif d'intérêt, sera remboursable en fin de jouissance au preneur, après déduction de toutes les sommes pouvant être dues à titre de loyers, charges, impôts, réparations ou à tout autre titre'.

En l'espèce, la bailleresse, qui est tenue d' une obligation de restitution du montant du dépôt de garantie en fin de jouissance, ne conteste pas, d'une part, qu'elle n'a pas encore restitué le dépôt de garantie à la preneuse et ne justifie pas, d'autre part, de causes lui permettant de retenir ledit dépôt. En effet, l'appelante n'allègue aucunement que la preneuse aurait commis des dégradations nécessitant une réparation en numéraire à son profit.

Le jugement est confirmé en ce qu'il condamne la SCI Lamine Immobilier à payer à la Sas Le Camyon la somme de 600 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie.

4-sur les demandes reconventionnelles de la bailleresse

Vu les articles 1134 et 1315 anciens du code civil,

La cour, qui a fait droit à la demande de prononcé de la résolution judiciaire du bail commercial à compter du 26 novembre 2018, ne peut dire, contrairement à ce que demande de la société bailleresse, que le bail commercial du 1er avril 2014 n'est pas résilié avec la société Le Camyon et qu'il se poursuit selon ses clauses initiales.

La demande de l'appelante de voir dire que le bail commercial n'est pas résilié et qu'il se poursuit selon ses clauses initiales est rejetée.

Le bail commercial initial s'est donc poursuivi uniquement jusqu'à la date du 26 novembre 2018 et la preneuse n'était plus tenue au paiement du loyers et des charges échus à compter de cette date.

Pour cette raison, la cour rejette la demande reconventionnelle de la bailleresse formée contre la preneuse en paiement des loyers supposément dûs depuis le 27 novembre 2018.

S'agissant des loyers dûs antérieurement à la date de résiliation du bail (26 novembre 2018), la bailleresse indique que la preneuse lui est redevable d'une somme de 5 776, 48 euros représentant les loyers échus du 1er avril 2018 au 26 novembre 2018 (soit 722, 06 euros x8).

La preneuse, sur qui repose la charge de la preuve de démontrer ou bien une cause ayant éteint son obligation en paiement ou bien ses paiements, produit aux débats des quittances de loyers pour la période considérée (avril à novembre 2018) ainsi que le décompte annexé au commandement de payer les loyers du 3 janvier 2019.

La lecture des quittances fait apparaître que loyers d'avril, mai, juin, juillet, août 2018 ont bien été réglés et le décompte annexé au commandement de payer les loyers du 3 janvier 2019 enregistre le paiement des loyers et charges pour septembre 2018 par la société preneuse.

En revanche, s'agissant des loyers et charges dûs pour les mois d'octobre et de novembre 2018, aucune quittance de loyer n'atteste que les loyers et charges ont bien été réglés par la preneuse pour ces échéances et de plus, le décompte annexé au commandement de payer n'enregistre aucun paiement pour ces mêmes mois.

Par ailleurs, la société preneuse, qui ne démontre donc pas avoir réglé les loyers et charges dus au titre des échéances d'octobre et de novembre 2018, ne soutient pas qu'elle ne serait pas redevable de ces sommes en vertu d'un quelconque moyen de droit. En particulier, elle n'évoque pas l'exception d'inexécution au titre de manquements de la bailleresse à ses propres obligations.

Il doit être fait partiellement droit à la demande de la bailleresse en paiement des loyers et charges dus pour les seuls mois d'octobre et de novembre 2018. Un solde résiduel de

1444, 12 euros est donc dû par la preneuse à la bailleresse (722, 06 euros x2).

La cour condamne la société Le Camyon à payer à la société Lamine Immobilier la somme de 1444, 12 euros au titre des sommes dues pour les mois d'octobre et novembre 2018.

5-sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Lamine Immobilier, qui succombe à titre principal, sera condamnée à payer une somme de 3 500 euros à la société Le Camyon et sera condamnée aux entiers dépens dont ceux exposés par l'intimée.

La société Lamine Immobilier est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement

- déclare recevables les demandes reconventionnelles de la société Lamine Immobilier,

- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf concernant l'indemnisation au titre des frais de déménagement et réinstallation,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamne la société Lamine Immobilier à payer à la société Le Camyon la somme de

4 778, 36 euros euros au titre des frais de déménagement et réinstallation (montant incluant la somme accordée par le jugement à hauteur de 678, 36 euros),

- rejette les demandes reconventionnelles de la société Lamine Immobilier contre la société

Le Camyon sauf ses demandes en paiement au titre des sommes dues pour octobre et novembre 2018,

- condamne la société Le Camyon à payer à la société Lamine Immobilier la somme de

1444, 12 euros au titre des sommes dues pour les mois d'octobre et novembre 2018,

- condamne la société Lamine Immobilier à payer à la société Le Camyon la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Lamine Immobilier aux entiers dépens exposés par la société Le Camyon.

- dit que la société Lamine Immobilier supportera la charge de ses propres dépens.